LES CINQ PIÈGES POUR L’ÉGLISE D’AUJOURD’HUI
_Par S.E le Cardinal Carlo Caffarra (1938 - 2017)
L’alternative à une Église sans doctrine n’est pas une Église pastorale, mais une Église livrée à l’arbitraire et esclave de l’esprit du temps : "praxis sine theoria coecus in via" (la pratique sans théorie est aveugle sur le chemin), disaient les médiévaux. Ce piège est grave, et s’il n’est pas surmonté, il cause de graves dommages à l’Église. Cela pour au moins deux raisons.
La première est que la "Sacra Doctrina" n’est rien d’autre que la divine Révélation du projet divin pour l’humanité. Si la mission de l’Église ne s’enracine pas dans cette Révélation, que peut-elle dire à l’homme ?
La deuxième raison est que lorsque l’Église ne se préserve pas de ce piège, elle risque de respirer le dogme central du relativisme : en ce qui concerne le culte dû à Dieu et le soin dû à l’homme, il devient indifférent de savoir ce que je pense de Dieu et de l’homme. La "quaestio de veritate" (la question de la vérité) devient une question secondaire.
Le deuxième piège est d’oublier que la clé d’interprétation de toute la réalité, et en particulier de l’histoire humaine, ne se trouve pas dans l’histoire elle-même, mais dans la foi. Saint Maxime le Confesseur affirme que le véritable disciple de Jésus interprète tout à travers Jésus-Christ et Jésus-Christ à travers tout.
Prenons un exemple très actuel : la valorisation de l’homosexualité, à laquelle nous assistons en Occident, ne doit pas être interprétée et jugée selon les critères du mainstream de nos sociétés ou du respect moral dû à chaque personne. Ce serait une "metabasis eis allo genos" (un passage à un autre genre), diraient les logiciens. Le critère est la "Sacra Doctrina" sur la sexualité, le mariage et le dimorphisme sexuel. Lire les signes des temps est un acte théologique et fondé sur la foi.
Le troisième piège est le primat de la praxis, c’est-à-dire de l’action. J’entends par là un primat fondamental. Le fondement du salut de l’homme est sa foi, et non ses actions. Ce qui doit préoccuper l’Église n’est pas avant tout la coopération avec le monde dans de grands processus opérationnels pour atteindre des objectifs communs. L’inquiétude constante de l’Église est que le monde croie en Celui que le Père a envoyé pour le sauver.
Le primat de la praxis conduit à ce qu’un grand penseur du siècle dernier appelait la dislocation des Personnes Divines : la deuxième Personne n’est plus le Verbe, mais le Saint-Esprit.
Le quatrième piège, étroitement lié au précédent, est la réduction de la proposition chrétienne à une exhortation morale. C’est le piège du pélagianisme, que saint Augustin qualifiait de poison mortel du christianisme. Cette réduction rend la proposition chrétienne ennuyeuse et répétitive. Seul Dieu, dans Son agir, est toujours imprévisible. En effet, au cœur du christianisme ne se trouve pas l’action de l’homme, mais l’Action de Dieu.
Le cinquième piège est le silence sur le jugement de Dieu. Une prédication de la miséricorde divine, faite de manière à occulter la vérité du jugement de Dieu, risque d’effacer de la conscience de ceux qui écoutent que Dieu juge l’homme.