Darras tome 17 p. 139
§ I. Notice du Liber Pontificalis.
1. La vacance du siège, à la mort de Grégoire III, ne fut que de quatre jours ; l’élection unanime du clergé et du peuple appela saint Zacharie à prendre le gouvernement de l’Église, au milieu des difficultés et des complications les plus redoutables. « Zacharie, grec d’origine 1, dit le Liber Pontificalis, eut pour père Polychrone ; il siégea dix ans, trois mois, quatorze jours. La douceur, la suavité, une bonté inaltérable étaient ses vertus distinctives ; elles lui valurent l’amour du clergé et du peuple romain. Suivant le précepte de l’apôtre, il était lent à punir et prompt à pardonner, ne
----------------------
1 Natione groecus. On désignait encore à cette époque la province de Calabre sous le nom de Grande-Grèce ; c'est en ce sens qu'il faut expliquer la parole du Liber Pontificalis relative à l'origine de saint Zacharie. La tradition constante de l'église romaine fait naître ce pape à San-Severina, en Calabre. Cf. Annuario pontificio, et Ciacon., Vit. Pontifie, romanor.
===============================
p140 PONTIFICAT DE SAINT ZACUARIE (741-7Ü2).
rendant jamais le mal pour le mal, inaccessible à un sentiment de vengeance, toujours plein de tendresse et de miséricorde. Promu au pontificat, il se fit tout à tous : ceux qui avaient auparavant été ses persécuteurs ne reçurent de lui que des bienfaits; il les combla d’honneurs et de largesses. — A son avènement, il trouva l’Italie et surtout le duché de Rome 1 en conflagration, par suite de la révolte de Trasimond duc de Spolète contre Luitprand roi des Lombards. Trasimond s’était réfugié à Rome sous le pontificat de Grégoire III de bienheureuse mémoire et, de concert avec le patrice Étienne, s’était mis à la tête des milices du duché romain. Luitprand réclama sans pouvoir l’obtenir l’extradition du duc rebelle ; il se vengea en s’emparant des quatre cités d’Ameria, Orta, Polimarzo et Blera, appartenant au duché romain, puis, l’hiver approchant, il était retourné à son palais de Pavie. Trasimond et le patrice Étienne profitèrent de son éloignement pour reprendre l’offensive ; ils partagèrent l’armée romaine en deux corps, dont ils prirent chacun le commandement, et entrèrent en campagne. Ils ne trouvèrent nulle part de résistance ; les contrées de Marsi, Forconio, Valva et Penna - rentrèrent sous l’obéissance de Trasimond ; la cité de Riéti fit de même, et enfin, au mois de décembre 710, le duc reprenait possession de Spolète sa capitale. La lutte était donc sérieuse entre les Lombards et les Romains ; ceux-ci avaient pour alliés les ducs de Spolète et de Bénévent. Cependant Trasimond ne tint pas les promesses qu’il avait faites au pape, au patrice et au peuple romain, concernant la restitution des quatre cités perdues au commencement de la guerre. D’un autre côté, Luitprand se préparait à entrer en armes dans le duché
---------------
1 Le duché de Rome, dont les titulaires étaient nommés par l’empereur byzantin, se composait alors de la ville de Rome, ainsi que des forteresses, bourgs et villages de la Toscane et du Latium, tels que Porto, Centumcellæ (Civita-Vecchia), Blera, Maturana, Sutri, Népi, Castrum Gallesii, Orta, Polimarzo, Ameria, Tudertum, Pérouse, Narni, Otricoli, Segni, Auagni, Ferentino, Alatri, Frosinone et Tibur. (Bencini, Not. ad Lib. Pontifical. ; Patr. lat.) tom. CXXVIII, col. 1067.)
2. Marsicani, Forconini, Balvenses, Pennenses (Lib. Pontifical., Notit. xcm; Patr. lat., tom. CXXV111, col. 1050). Nous suivons pour l’identification de ces villes ou contrées l’interprétation de Muratori, Annal, ltal., ad ann. 740.
==============================
p141 CHAP. II. — NOTICE DU LIBER PONTIFICALIS.
de Rome, lorsque, le pontife de bienheureuse mémoire Grégoire III étant mort, le très-saint Zacharie lui fut donné pour successeur. »
« Le Dieu tout-puissant inspira au nouveau pape un dévouement tel, qu’il n’eût pas hésité à donner sa vie pour le salut de son peuple. Il expédia sur-le-champ une ambassade au roi des Lombards, avec des lettres si touchantes que Luitprand promit de restituer les quatre cités qu’il détenait encore. De son côté, le très-saint pape réussit, par ses exhortations, à détacher la milice romaine de l’alliance avec Trasimond. Cette mesure mit fin à la guerre. Le duc de Spolète n’était plus assez fort pour résister à l’armée lombarde; il vint se jeter aux genoux de Luiprand, implorant sa clémence. Trasimond eut le sort qu’il avait lui-même fait subir à son propre père. Le roi lui pardonna, à la condition de se faire couper les cheveux et d’entrer dans la cléricature ; le duché de Spolète fut donné à Ansprand, neveu du roi 1 (742). Il ne fallait plus, pour compléter l’œuvre de pacification générale, que restituer au duché romain les quatre forteresses depuis si longtemps réclamées. Luitprand, malgré ses promesses, différait toujours. Le très-saint pontife Zacharie, décidé comme le bon pasteur à se sacrifier pour son troupeau, et plaçant en Dieu seul son espérance, sortit processionnellement de Rome, escorté de ses prêtres et de ses clercs. Il s’avança ainsi, avec une noble audace, jusqu’aux frontières du duché de Spolète, se dirigeant vers la cité des Interamnenses (Terni), où se trouvait alors le roi. A cette nouvelle, Luitprand fit partir Grimoald, son ambassadeur, pour accompagner honorablement le pontife jusqu’à Narni. Dans cette dernière ville, Zacharie trouva les ducs, les satrapes 2, et les principaux chefs de l’armée lombarde, réunis par ordre de Luitprand pour le recevoir : ils le conduisirent jusqu’au huitième milliaire de Narni, où le roi en personne se présenta à sa rencontre.
--------------------
1 Nous empruntons à l'historien Paul Diacre, ces deux dernières phrases qui complètent le récit et ne se trouvent pas dans la notice du Liber Ponlificalis. Le duc de Bénévent, Godescalc , allié de Trasimond, fut tué par ses sujets révoltés, et Luitprand rendit le duché à Gisuif II, fils de Grimoald.
2. Nous conservons cette curieuse désignation de satrapas, telle que l'emploie le Liber Pontificalis. Ci. note 1, pag. 471 du toni. XVI etpag. 170 du tom. IX de cette Histoire.
===============================
p142 PONTIFICAT DE SAINT ZACHARIE (~\l-ïo2).
Enfin, le jour de la sixième férie (vendredi), le très-saint pontife fit son entrée solennelle dans la cité des Interamnenses (Terni) et fut conduit en grande pompe à la basilique de Saint-Valentin, évêque et martyr1, aux portes de laquelle le roi l’attendait, entouré de ses optimales. Après la prière solennelle, le roi reconduisit le pontife à un demi-mille de la cité, et chacun rentra sous ses tentes de campement. Le lendemain samedi, dans une longue conférence avec le roi, Zacharie le conjura de mettre un terme à des discordes qui avaient déjà coûté tant de sang, et d’inaugurer une politique de paix. Touché de ses pieux discours et plein d’admiration pour la fermeté et la sagesse du pontife, Luitprand consentit à restituer les villes et territoires dont il s’était emparé durant la guerre contre Trasimond. Plus tard, il ratifia solennellement cet acte dans l’oratoire du Sauveur, à la basilique vaticane. Luitprand ajouta dans l’acte de donation les territoires de Narni, Osimo, Ancône, Nomana et la vallée dite « la grande, » près de Sutri, dont il céda la propriété au bienheureux Pierre prince des apôtres. Il rendit tous les prisonniers de guerre appartenant au duché romain, et étendit cette faveur aux captifs originaires de Ravenne, entre autres aux consuls Léon, Sergius et Agnellus, qu’il remit entre les mains du pape. Durant son séjour à Terni, le pontife, sur la requête de Luitprand, sacra, dans la basilique de Saint-Valentin, un nouvel évêque en remplacement de Constantin qui venait de mourir. Le roi et tous les grands assistèrent à cette cérémonie. Zacharie y prononça un discours si émouvant que l’illustre assemblée ne put retenir ses larmes. Ce même dimanche, après la messe du sacre, le très-bienheureux pontife invita Luitprand à un festin qui commença par la
================================
p143 CHAP. II. — NOTICE DU LIBER TONTIFICALIS.
bénédiction apostolique. Le soir, le roi témoigna toute sa satisfaction, disant que jamais il n’avait passé une journée plus heureuse. Le lendemain, deuxième férie (lundi), le pontife et le roi prirent congé l’un de l’autre ; Aldeprand duc de Clusium, neveu du roi, le gastald (comte) Tacipert, Raming gastald de Toscane, et Grimoald furent chargés par Luitprand d’escorter l’homme de Dieu, et de faire entre ses mains la remise des cités, objet de son voyage. On passa donc par Ameria, Orta, Polimarzo, sur les frontières de la république romaine, et ces trois forteresses furent rendues au pape. On se dirigea ensuite, par le territoire de Sutri, sur les frontières lombardes de Toscane, près de Viterbe, où est située la ville de Eléra, dont le gastald Raming et Grimoald firent également la remise officielle. Ce fut ainsi que Zacharie, après une excursion bénie de Dieu, rentra à Rome avec la palme de la victoire. Tout le peuple se porta à sa rencontre, et avec des actions de grâces conduisit processionnellement le pape, au chant de la litanie, depuis l’église Sainte-Marie- ad-Martyres (Panthéon) jusqu’à Saint-Pierre.»
3. L’année suivante, indiction XIe (743), le roi Luitprand, qui n’avait pas encore conclu de traité de paix avec l’exarque de Ravenne, se mit en campagne pour assiéger cette ville. A cette nouvelle, l’exarque Eutychius, l’archevêque Jean de Ravenne, ainsi que toutes les populations de la Pentapole et de l’Emilie envoyèrent une ambassade au saint pontife, le suppliant d’intervenir pour les sauver. L’homme, de Dieu adressa à Luitprand, avec de riches offrandes, une légation composée de l’évêque et vice-dominus (vidame) Bénédict et du primicier des notaires Ambroise. Mais toutes leurs instances échouèrent devant l’obstination du roi : ils revinrent sans avoir pu le détourner de son entreprise. Le très-saint pape se détermina donc, sans autre appui que sa foi, à entreprendre un second voyage. A l’exemple du bon pasteur, il quittait son troupeau pour voler au secours de la brebis en péril. Le duc Étienne fut chargé, en l’absence du pontife, de veiller à la sécurité de Rome. En partant, Zacharie se recommanda lui-même, ainsi que les prêtres et les clercs qui devaient l’accompagner, au bienheureux Pierre prince des apôtres. Or, par la volonté du Tout-Puissant, il
============================
p144 PONTIFICAT DD SAINT ZACHARIE (7il-752).
advint que, durant le voyage, les nuées couvrirent le ciel chaque jour, ne se dissipant qu’au moment où l’on dressait les tentes pour la nuit. Les chaleurs de la saison d’été n’apportèrent ainsi aucun dommage. A cinquante milles de Ravenne, l’exarque vint au-devant du pontife : la rencontre eut lieu dans la basilique du bienheureux Christophe 1, en la cité nommée ad Aquilam. En entrant à Ravenne, une multitude immense acclama le très-saint pape. La foule rendait grâces au Seigneur et se prosternait les larmes aux yeux sur le passage du pontife : « Le voilà, le bon pasteur! disaient tontes les voix; il a quitté sa ville de Rome pour venir sauver Ravenne. » Or, ce même jour et à la môme heure, les habitants de Pavie, capitale du roi des Lombards, virent dans les airs des armées célestes, aux cuirasses et aux boucliers étince-
-----------
1. La fête de saint Christophe se célèbre le 23 juillet; le martyrologe romain la mentionne en ces termes : In Lycia sancti Christophori mart gris, qui sub Decio virgis ferreis attritus et a fUimmœ œstuantis inccndio Christi virtute servatus, ad ultimum sagittarum ictibus confossus, martyrium capitis obtrunca- tione complevit. Nous croyons devoir faire suivre cette notice des observations que Baronius y ajoute dans son édition du martyrologe : Christophori acta depravata ac inter se diversa admodum reperiuntur, quæ omnia censura indigeant. Quod pertinet ad giganteam staturam qua pingi consuevit, quid dicam non habeo, referont hic tantum ex byrtmo Dreviarii Toletani, hos versus quibus ejus imago describitur, imo potius adumbratur :
Elegans que statura, mente elegantior,
Visu fulgens, corde vibrans, et capillis rutilons,
Ore Christum corde Christum Christophorus insonat.
De minimo grandis, ut ex milite Dux fieret fidelium populorum.
Porro en cuncta qvœ de suncto Christophoro feruntur, de palma, flumine, s'atura procera, ea inquam, omnia Hieronymus Vida episcopus Albœ allegorico sensu interpretata, egregio cecinit epigrammate. Les Bollandistes, au tom. VI de juillet, pag. 125-149, confirment le jugement porté par le savant cardinal sur les actes de saint Christophe. : Difficile est ex fabulosa fihristo- phori legenda aliquid certœ veritatis eluere. Il est probable que ces actes, comme ceux de saint Georges et de sainte Catherine, furent à dessein corrompus par les hérétiques du IVe siècle, co nimirum, ait synodus Gelasii, consilio, ut Dei martyres officerent ignominia, et qui illas historias audirent ad ■ncredulitatem deducerent : quas omnes eadem sancta synodus vetuit publicari, tgnique tradi mandavit. (Baron., Not. ad Martyrol. in fest. S. Georg., 23 april.)
================================
p145 CHAP. II. — NOTICE DU LIBER TONTIFICALIS.
lants comme des flammes. De Ravenne, le pontife dirigea sur Pavie le prêtre Étienne et le primicier des notaires Ambroise, afin de prévenir le roi Luitprand de son arrivée. Mais à Imola 1, première ville des frontières lombardes, ils furent arrêtés par les magistrats, qui ne leur permirent point de continuer leur route. Les deux légats trouvèrent moyen, durant la nuit suivante, de faire partir un courrier chargé d'une lettre pour le pape. Au point du jour, le message fut remis au très-saint pontife. C’était un samedi. Sans perdre un instant, sans calculer le péril auquel il pouvait s’exposer, Zacharie quitta Ravenne et accourut pour délivrer ses légats. Il les fit mettre sur-le-champ en liberté, et leur ordonna de continuer leur voyage afin de prévenir Luitprand de sa prochaine arrivée, car il les suivit de près. Mais le roi lombard refusa de les admettre à son audience. Cependant, le 28 juin (743), veille de la fête des bienheureux Pierre et Paul princes des apôtres, le pontife arriva sur la rive droite du Pô, où l’attendaient les optimales de la cour lombarde. Franchissant le fleuve, en face de Pavie. il arriva pour l’heure de none à la basilique du Ciel-d’Or2, où il célébra la messe de la vigile. Puis il fit son entrée dans la capitale. »
4. Le lendemain, fête du prince des apôtres, sur l’invitation de Luitprand, il célébra la messe solennelle à la même basilique du Ciel-d’Or ; après le repas, où le roi assista, ils revinrent ensemble à Pavie. Le lendemain, Luitprand envoya ses optimales inviter le saint homme à se rendre au palais; il le reçut avec la plus grande magnificence. Ce jour-là, ils eurent un premier entretien, où le pape supplia Luitprand de renoncer à ses projets sur la Pentapole, de restituer les villes dont il s’était déjà emparé, la forteresse de Césena entre autres, suggérant comme moyen terme que,
-----------------------
1. C’est la première fois que cette cité, dont le nom antique était Forum Cornelii, se trouve désignée sous son vocable actuel. Paul Diacre (Degest.Lango- bardor., lib. II, cap. xvin; Pair, lat., tom. XCV, col. 493) nous apprend que le château fort de Forum Cornelii s’appelait Imolas, abréviation probablement de in molas, d’où le nom moderne Imola.
2. Nous avous parlé précédemment de la fondation du monastère de Saint- Pierre-au-Ciel-d’or par Luitprand, et de la translation des reliques de saint Augustin dans l’église de cette abbaye. Cf, tom. XVI de cette Histoire, pag. 572.
================================
p146 PONTIFICAT DE SAINT ZACHARIE (741-732).
s’il répugnait trop au roi de les remettre directement à l’exarque, la restitution fût faite par l'intermédiaire du pontife. Aucune de ces propositions ne paraissait avoir chance d’être agréée, tant le roi se montra d’abord inflexible; mais enfin il se laissa toucher, et consentit à rétablir les frontières de Ravenne dans leur ancien état. Jusqu’au retour des ambassadeurs qu’on devait envoyer à Constantinople pour y faire ratifier le traité, il fut convenu que le roi retiendrait un tiers du territoire de Césena et ne le remettrait qu’après la signature impériale. Dès le lendemain, le pontife quitta Pavie, et Luitprand l’accompagna au départ jusqu’à la rive gauche du Pô. Là, prenant congé de l’homme de Dieu, il le fit escorter par ses ducs et primates, chargés de remettre entre ses mains la portion de territoire restituée à l’exarchat. Cette restitution eut lieu en effet. La cité de Ravenne et la Pentapole furent ainsi, par la miséricorde divine, arrachées à l’oppression qui les menaçait. Jusque-là Luitprand avait intercepté toutes les communications, et le peuple souffrait cruellement du manque de vivres. L’abondance revint avec la paix; tous purent, selon l’expression des saints livres, « se rassasier de froment, d’huile et de vin. » Zacharie et ceux qui l’avaient accompagné dans cet heureux voyage rentrèrent à Rome au chant des hymnes d’action de grâces. Le pontife voulut célébrer de nouveau, au milieu de ses fidèles, dans la basilique vaticane, la fête des bienheureux Pierre et Paul princes des apôtres. Il conjurait avec ferveur la clémence divine de préserver à l’avenir le peuple de Rome et celui de Ravenne contre les violences et la perfidie lombardes. Sa prière fut exaucée. On apprit bientôt que Luitprand venait de mourir. Il avait laissé le trône à son neveu Hildebrand, qui portait déjà depuis quelques années, conjointement avec son oncle, le titre de roi. Mais Hildebrand s’était fait détester par sa mauvaise conduite; les Lombards le détrônèrent et élurent pour les gouverner le duc de Prioul, Itatchis, prince sage et pacifique (744), dont l’avénement causa une joie universelle non-seulement à Rome et à Ravenne, mais dans toutes les provinces d’Italie. Le très-bienheureux pontife lui envoya une ambassade solennelle, et Ratchis, pour témoigner son respect filial au prince des apôtres, conclut
===============================
p147
avec les Romains un traité de paix qui devait durer vingt ans. L’Italie put ainsi se reposer après taut d’agitations. »
5. « Zacharie fit exécuter dans le patriarcat de Latran, en avant de la basilique du pape Théodore de bienheureuse mémoire, un triclinium en marbre avec des mosaïques et des peintures; il décora l’oratoire et le portique du bienheureux Sylvestre et y plaça les images et les statues du saint. Il fit élever le portique et la tour qui protègent l’entrée des archives du Latran, y plaça des portes de bronze ornées de la figure du Sauveur, et fit poser des grilles de fer ouvragé à toutes les ouvertures. A l’étage supérieur de la tour, il disposa un triclinium, éclairé par des fenêtres également grillées, et y plaça une table géographique représentant toutes les contrées de l’univers '. Chacune d’elles y était désignée par un distique latin. Tout le palais patriarcal, qu’il trouva dans un état complet de délabrement, fut restauré par ses soins. A la basilique vaticane, il donna les tentures de soie qui recouvrent les entre- colonnements. Il fit disposer les armoires de la bibliothèque, et enrichit ce dépôt de tous les codices qu’il avait en sa possession. Les livres liturgiques dont on se sert dans le courant de l’année furent disposés dans un meilleur ordre. Il constitua une somme de vingt livres d’or, dont le revenu doit être employé chaque année à l’achat de l’huile nécessaire pour les lampes qui brûlent constamment devant la confession de saint Pierre; le pontife frappa d’anathème quiconque détournerait cette offrande de sa pieuse destination. 11 fit exécuter pour le maître-autel un parement de soie et d’or, enrichi de pierres précieuses, dont la broderie représente la nativité de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Enfin, il offrit, de ses propres deniers, une couronne lampadaire d’argent massif, avec dauphins ciselés, du poids total de cent vingt livres. »
-------
N.B. La note et perdue.
================================
p148 PONTIFICAT DE SAINT ZACUAIÜE (7 41-752).
C. « Lors de sa promotion, le très-bienheureùx pontife avait adressé, selon l’usage, et pour accomplir le devoir de sa charge apostolique, des lettres synodiques au clergé de Byzance et au très- sérénissime empereur Constantin, pour les rappeler à l’orthodoxie. Les apocrisiaires, en arrivant à Constantinople, trouvèrent le palais impérial au pouvoir d’un usurpateur, nommé Artabaze. Celui-ci, pendant que Constantin Copronyme était allé combattre les Agaréniens (Sarrasins), avait répandu l’or à profusion parmi le peuple de la capitale, et s’était fait proclamer empereur. A cette nouvelle, Constantin accourut d’Orient avec son armée, assiégea la cité, l’emporta de vive force et ressaisit le pouvoir. Artabaze et ses fils eurent les yeux crevés ; les principaux fauteurs de la révolte furent envoyés en exil. Les légats du siège apostolique, arrivés durant cette conflagration, reçurent ordre de se présenter à l’audience impériale. Constantin les traita favorablement, et les renvoya en Italie avec une lettre où il faisait donation à l’église romaine et au très-bienheureux pape des deux domaines de Nvmpha et de Normia, qui avaient jusque-là relevé du fisc impérial (744). »
7. « Vers cette époque, Carloman, fils de Charles Martel, prince des Francs, renonçant à la gloire et à la puissance de la terre, vint avec quelques-uns de ses fidèles se prosterner au tombeau du bienheureux Pierre prince des apôtres. Il fit vœu de se consacrer à la milice ecclésiastique, et fut admis par le très-saint pape Zacharie dans l’ordre de la cléricature. Entre autres offrandes à la basilique vaticane, Carloman fit ériger devant la confession la grande arcade d’aigent du poids de soixante-dix livres. Quelque temps après, le prince se rendit au monastère du bienheureux Benoit, au Monl-Cassin, sur les frontières des Aquinates, prononça ses vœux et se fixa dans cette retraite avec l’intention d’y terminer ses jours (747). — En ce temps, des trafiquants vénitiens, qui parcouraient les nundinœ (marchés) de l’Italie, vinrent à Rome sous le prétexte apparent d’y vendre diverses marchandises. Mais leur commerce réel consistait à embaucher des multitudes de jeunes gens et de jeunes filles, qu’ils allaient ensuite vendre comme esclaves à la race païenne et musulmane des côtes d’Afrique. Le
=================================
p149 CHAP. II. — NOTICE DU LIBER PONTIFICALS.
très-saint père interdit pour jamais ce trafic infâme. Comme les Vénitiens se plaignaient qu’il leur fit perdre ainsi des sommes énormes, car ils avaient des vaisseaux remplis de ces malheureuses victimes de leur cupidité, Zacharie leur paya le prix qu’ils demandèrent, et délivra tous les captifs. »