Néron

Darras tome 6 p. 179

 

   22. On ne connaît pas l'itinéraire suivi par saint Pierre et saint Paul à leur retour l'un de Jérusalem, l'autre d'Espagne. L'historien Eusèbe nous fait retrouver les deux apôtres à Rome, après qu'une persécution générale eut été soulevée par Néron contre le christia-nisme. Le batelier de Génézareth vint alors reprendre son poste d'honneur au centre du vaisseau en péril. L'Apôtre des nations voulait aussi mourir fraternellement à côté de saint Pierre, dans la capitale des nations. Les griffes du tigre avaient poussé à l'impérial élève de Sénèque. Néron avait de sang-froid commandé la mort d'Agrippine, sa mère, il avait eu l'infâme courage de flétrir son cadavre. Tour à tour époux et meurtrier de Poppée, d'Octavie, de Statilia et de vingt autres, il semblait atteint d'une véritable fureur homicide; noyant Rufinus Crispinus, son beau-fils; forçant Sénèque à s'ouvrir les veines ; empoisonnant Burrhus ; rêvant l’égorgement en masse de tous les sénateurs et se plaignant de n'en pouvoir finir d'un seul coup avec tous les riches patriciens dont il convoitait les dépouilles. Sans cesse entouré d'astrologues, de mages et de devins, il demandait aux arts occultes et à des influences surnaturelles le secret de grandir encore dans la corruption et la tyrannie. Il se trouvait à l'étroit dans le domaine du crime. Le 20 juillet de l'an 64, un effroyable incendie éclatait à Rome. La flamme s'élançait de toutes les maisons à la fois ; des

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1. Florez,  Espàna Sagrada, tom. III, cap.  iv, § 3 ; Baron., Annal, eccles., ann. 69, numéro 46 ; Alphons. de Requêna, Historia de adventu Pauli inHispan.

2. Mart. Rom., 23 septembris.

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p180      PONTIFICAT DE  SAINT  PIEBRE  (33-66).

 

hommes armés de torches la portaient d'une rue à l'autre. Le feu dura six jours et sept nuits; sur les quatorze régions ou quartiers dont se composait la ville, quatre seulement restèrent debout. On apprit bientôt que Néron avait eu la fantaisie de se donner le spectacle de l'embrasement d'Ilion. Il venait de composer un poëme sur ce sujet, et pendant que la population éplorée se tordait de désespoir, le César, en quête d'inspiration, contemplait cette lamentable scène et chantait, sur sa lyre d'or, l'incendie de Troie. Il fallait donner le change à l'opinion ; à tout prix, nul ne devait soupçonner l'horrible vérité. « Les superstitions les plus rares et les plus oubliées, dit M. de Champagny, furent remises en vigueur pour expier les souillures de Rome, et pour que le Ciel daignât pardonner le crime de Néron. Le livre poudreux des sibylles consulté par les prêtres, les lectisternes et les veilles sacrées, la procession des matrones allant chercher religieusement de l'eau de mer pour en asperger la statue de Junon, tout cela ne suffit pas 1. » La rumeur infamante persistait toujours;  on accusait Néron. Néron livra d'autres victimes à la fureur populaire.

 

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 Pline le Jeune nous apprend avec quelle frénésie Néron s'adonna à la pratique des arts occultes. « Il ambitionnait par-dessus tout, dit-il, de pouvoir commander aux dieux, il espérait y parvenir par la magie, aussi la considérait-il comme le plus noble des arts, et il la cultiva avec acharnement. Trésors, puissance, génie même, rien ne lui coûta pour satisfaire cette passion ; s'il ne lui sacrifia pas davantage, c'est que le monde ne lui offrit pas d'autres ressources. Tiridate, lors de son voyage à Rome, était accompagné par des mages; Néron fut initié par eux aux secrets de leur art, cela valut un trône à Tiridate 4. » La poursuite de l'impossible fut un trait du caractère de ce tyran. Dion Chrysostome le remarque en ces termes : « Nul n'osait con-

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1. Anast. Sinait., quœst. xx; Patrol. grœc, tom. LXXXIX, col. 523.

2.Suetcn., Ner., cap. xn.

3.  ......Magus omnia novit.

Grœculus esuriens in cœlum,jusseris, ibit.

Adsummam, non JMaurus erat, neque Sarmata, non Thrax,

Qui sumpsit pennas, sed mediis natus Athenis.

(Juven., SaL, m, vers. 77.)

 

4. Plin., Hist. natur., lib. XXX, cap. il.

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p201 CHAP.  V.  — MORT DE  SIMON  LE  MAGE.                         

 

tredire une seule de ses paroles. Ce que j'ordonne, disait-il, cesse d'être impossible. Il s'avisa un jour de commander à un homme de s'envoler dans les airs, le malheureux promit qu'il le ferait. En conséquence il fut longtemps nourri au palais, pendant qu'il se préparait à son ascension 1. » 

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