Croisades 19

Darras tome 23 p. 456

 

6. « L'empereur témoigna une joie extrême, à la nouvelle de cette victoire, continue Guillaume de Tyr. Il envoya de riches présents ­aux princes croisés et fit diriger d'immenses convois de vivres dont l'armée put acheter au camp les provisions. Les opérations du siège furent reprises avec une nouvelle vigueur, chaque corps d’ar­mée conservant ses positions régulières : Godefroi de Bouillon à l'est de la ville ; Boémond et Tancrède, le comte de Flandre et Robert Courte-Heuse au nord ; Raymond de Saint-Gilles et l'évêque du Puy au midi ; près d'eux le comte Etienne de Blois et Hugues le Grand2. » L'investissement était donc complet du côté de la terre. Mais à l'ouest le lac Ascanius, qui faisait communiquer la ville assiégée avec la mer, restait libre. Les princes croisés n'avaient pas de vais­seaux. Alexis Comnène pouvait seul leur en fournir. Prévoyant sans doute le prix qu'il y mettrait, Godefroi de Bouillon se réservait de ne les lui demander qu'à la dernière extrémité. Les assiégeants avaient réparé les brèches faites à leurs murailles. « Un nouvel as­saut fut tenté, reprend Guillaume de Tyr ; mais il n'eut point le ré­sultat qu'on attendait, et il coûta la vie à deux nobles et magnifi­ques chevaliers, Baudoin surnommé Caldéron et son homonyme Baudoin comte de Gand : le premier fut écrasé par une pierre lan­cée du haut des remparts, le second fut atteint mortellement d'une flèche. Dans un autre assaut, également infructueux, Guillaume comte de Forez et Galo de l'Isle furent tués par les archers turcs. En ce temps l'héroïque chevalier français Gui de Porcesse succomba, en­levé par une maladie mortelle. Le peuple de Dieu pleura ces glo­rieux martyrs et leur fit de magnifiques funérailles3. » — Les flèches des Turcs, dit Robert le Moine, étaient toutes empoisonnées, en sorte que la moindre bles-

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1. Guillelm. Ty., 1. III, c. îv, col. 278.

2. Ibid. cap. v.

3. Guillelm. Tyr., 1. III, cap. v, col. 279.

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sure en était mortelle1. » Du haut de leurs remparts, les archers visaient à coup sûr dans les rangs des croisés ; chaque coup portait la mort. « L'un d'eux, d'une taille gigan­tesque, reprend Guillaume de Tyr, était devenu par son adresse la terreur de notre armée. Ses flèches ne s'égaraient jamais du but, et faisaient des centaines de victimes. Fier de sa supériorité, il lui ar­rivait souvent de se montrer à découvert sur les créneaux et de pro­voquer nos soldats par ses insultes et ses dérisions. Godefroi de Bouillon le punit de sa témérité. Un jour que l'orgueilleux archer, découvrant sa poitrine et jetant son bouclier, défiait les chrétiens de l'atteindre, le duc pointa une baliste dont le trait vint frapper le géant. Il chancela et son corps inanimé tomba au pied des rem­parts 1. »

 

7. Ces exploits partiels n'avançaient pas le résultat.  Les comtes allemands Hermann et Henri d'Asch, aussi habiles ingénieurs que braves chevaliers, firent construire avec des madriers de chêne une tour énorme dont le sommet était revêtu d'une carapace de fer assez solide pour résister au choc des pierres que les assiégés lançaient du haut des murailles. A force de bras on approcha des remparts cet engin de guerre, qu'on avait appelé le «Renard», parce que sa cou­verture rappelait la forme de cet animal. Vingt chevaliers d'élite y étaient montés avec les deux inventeurs. Mais, soit vice de construc­tion, soit inégalité du terrain, l'énorme machine s'écroula. Les vingt chevaliers furent écrasés sous les débris ; Hermann et Henri d'Asche survécurent seuls comme par miracle2. Les assiégés se riaient de tant d'efforts impuissants. Un témoin oculaire, Gilon de Paris, qui sous le titre de «Gestes de notre voyage à Jérusalem » nous a laissé en vers alexandrins le récit de la première croisade, raconte qu'une procession solennelle fut organisée autour des murs de Nicée. « Les prêtres du Seigneur, dit-il, voulaient par l'aspersion de l'eau sainte et la récitation des prières sacrées purifier celle ville infidèle. Au chant des hymnes et de la litanie, précédés de la croix, ils en firent

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1.Robert. Monach., t. III, cap. î, col. 686.

2. Guillelm. Tyr., toc. cit., cap. ne, col. 282.

3. ld., iLid.j cap. vi.

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le tour, suivis des soldats et des pèlerins qui chantaient des rythmes accommodés au sens des paroles liturgiques:»

 

Cantantes modulos divinis ritibus aptos1.

 

Ce dernier vers renferme une allusion manifeste à des chants pieux que les pèlerins de la croix, chacun dans sa langue, redisaient en traversant les campagnes de l'Asie. M. Edélestand du Méril a publié en ces dernières années, d'après les manuscrits du British Muséum, deux de ces cantiques chrétiens qui méritent en effet d'être remis en lumière2. Voici le refrain du premier : « Le bois de la croix, l'étendard du roi précède ; l'armée le suit. Jamais il ne cède, tou­jours il précède, dans la force du Saint-Esprit. »

Lignum crucis,

Signum ducis,

Sequitur exercitus ;

Quod non cessit,

Sed prsecessit,

In vi Sancti Spiritus3.

 

Le second chant n'est pas moins vif d'allure et de rythme. Le voici tout entier : « Entends-nous, roi Christ ; entends-nous, Seigneur, et dirige nos pas. Pitié, Seigneur ! pitié, Seigneur! Sois notre guide.— Dieu triple et un, protége-nous tous dans ce saint voyage ; sois notre chef, envoie-nous l'ange qui nous conduira vers le séjour de ta gloire. — Trace notre route, défends-nous de l'ennemi, ramène-nous un jour dans la patrie ; étends ta droite, abaisse ta gauche, écarte tous les dangers. — Toi, Créateur plein d'amour, fais-nous vivre dans la lumière de ton royaume, de ta gloire éternelle, au sein du Père qui règne dans les siècles des siècles. Amen4. »

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1    Gilo Parisiens., Gest. vise Bierosol., 1. I ; Pair, lat., t. CLV, col. 944.

2 Édèlesland du Méril, Poésies antérieures au A7/8 siècle, p. 408.
3. Patr, lat., toni. CLV, col. 1290.

4     Audi nos, rex Christe :

Audi nos, Domine.

Et viam nostram dirige !

Deus, miserere, ,

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   8. « Témoins de cette cérémonie sainte et entendant nos chants sacrés, reprend Gilon de Paris, les citoyens de Nicée s'écrièrent qu'on profanait leur territoire par des incantations magiques, des images sacrilèges, des monstruosités païennes. Ils coururent aux armes, firent une sortie, dispersèrent la procession, et sans l'éner­gique défense des nôtres eussent immolé évêques, prêtres et clercs. » Ainsi les assiégés prolongeaient une résistance dont on ne pouvait entrevoir le terme. Leurs solides murailles résistaient au choc des béliers, des balistes et des mangonneaux. Leurs flèches continuaient à semer la mort dans les rangs des croisés, dont ils se flattaient d'épuiser la patience, d'autant que le lac Ascanius fournissait à l'approvisionnement de Nicée un chemin toujours ouvert. Godefroi de Bouillon se détermina enfin à leur fermer cette voie. Une flot­tille fournie par l'empereur Alexis Comnène vint aborder au port de Civitot, l'ancien campement de Pierre l'Ermite. Les barques lé­gères qui la composaient furent mises à terre. Godefroi de Bouillon

 

Deus, miserere,

Et viam nostram dirige. !

 

 0 trine et une,

Cunctos nos protège, In hoc sanclo iiinere.

Dncam nohis prsebe.

Angelwn rttlhibe, Qui nos dettuent unie te.

lier nosttUM rege.

Ah hoste défende. Et nd pulrifim reduce.

Dexterom exiende,

Sinistram sv.bmove, Ab adversis nos de fende.

Tu foemetor ton?.

Jubé ?tos civet e. In regni lui luruîne.

Gloria seternse.

Qu.se manet cum Potre In sseculorutn tempore.

(Pair, la'.., t. CLV, col. 1-02 i

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avait envoyé de son camp tous les chariots disponibles. On les accoupla deux à deux, chaque attelage portant une barque, et ainsi, à grand renfort de bêtes de somme, on parvint à transporter la flottille sur les bords du lac. Au moment où cette opération se terminait avec un plein succès, un pèlerin lombard, dont le nom n'a point été conservé par les chroniqueurs, mais dont l'habileté est constatée par Albéric d'Aix, qui l'appelle « le maître des grands arts et l'inventeur des grandes œuvres », menait à bien l'entreprise si malheureusement avortée des comtes Hermann et Henri d'Asche.

 

9. « Voyant, dit Albéric, les souffrances et la désolation de l'armée, ce Lombard se présenta à Godefroi de Bouillon et au conseil des princes : «Jusqu'ici, dit-il, tous les engins de guerre, toutes les Gonate, machines employées n'ont rien produit de sérieux. La sape même est impuissante contre les fondations des murailles établies d'après un système particulier en usage chez les anciens et qui les met à l'épreuve du fer. Pardonnez-moi donc d'oser vous proposer un moyen nouveau. Si vous avez confiance en moi et si vous daignez me promettre la rémunération de mes travaux, je jure avec l'aide de Dieu de renverser sans aucun assaut, sans péril pour aucun des sol­dats, la grande tour du sud, que l'on croit inébranlable. Elle s'écrou­lera du côté de la ville, et vous ouvrira une énorme brèche pour entrer à Nicée 1. » Cette tour du sud était célèbre en Orient, comme l'est à notre époque la tour penchée de Pise, dont elle avait d'ailleurs la forme inclinée. Anne Comnène, dans son Alexiade, la désigne sous le nom de «Tour Gonate, parce qu'elle ressemble, dit la princesse, à un genou infléchi2. » Située à la pointe du lac Ascanius, dont elle protégeait la rive méridionale, elle touchait dans l'intérieur de Nicée au palais où Kilidji-Arslan avait laissé sa femme et toute sa famille. Dans l'ordre d'investissement adopté par les croisés, cette tour faisait face au camp de Raymond de Saint-Gilles, qui l'avait déjà attaquée plus d'une fois, mais toujours en vain. S'il faut en croire Anne Com­nène, ce fut Raymond de Saint-Gilles qui, dans le conseil des princes,

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1 Albéric. Aquens., l.'Il, cap. x.wv ; Patr. lat., t. CLXVI, col. 431.

2. Ann. Comn., Alexiad., 1. XI; Patr. grœc, t. CXXXI, col. 793.

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se montra le plus ardent à accueillir la proposition de l'ingénieur lombard. Albéric d'Aix ne mentionne point cette particularité; il dit seulement que le projet reçut l'adhésion unanime de tous les membres du conseil. «On convint, dit-il, de donner à l'inventeur quinze livres pesant d'une monnaie nommée cartane, Cartanensis monetae, et de mettre à sa disposition tous les ouvriers et tous les matériaux nécessaires. La nouvelle machine, commencée immé­diatement, affectait une forme conique, qui ne permettait point aux quartiers de rochers lancés par les assiégeants de s'arrêter sur son sommet. Elle était construite en fortes solives, disposées en plan in­cliné, et recouvertes d'une armature de claies d'osier dont le milieu fut rempli de terre. Le revêtement extérieur était comme à l'ordi­naire, formé de peaux fraîches de bœuf, pour prévenir l'effet des projectiles incendiaires1. » Il paraît qu'on discuta longtemps à la cour de Constantinople sur la valeur de cette invention : la prin­cesse Anne Comnène nous dit que « les gens experts dans l'art de la poliorcétique s'accordèrent à ranger la nouvelle machine dans la catégorie de celles qu'on désigne sous le nom de tortues2. »

 

   10. Mais le secret de l'ingénieur lombard consistait moins dans la construction de la machine elle-même, que dans l'usage qu'il se ré­servait d'en faire. « Lorsque l'œuvre fut achevée et que la solidité en eut été soigneusement mise à l'épreuve, reprend Albéric d'Aix, le terrain fut nivelé et tassé sur le retranchement jusqu'au pied de la tour Gonate. Malgré les flèches que les Turcs faisaient pleuvoir, avec une grêle de pierres et de projectiles de tout genre, les soldats croisés approchèrent cette machine et l'adossèrent aux murs. C'était tout ce que l'ingénieur lombard voulait d'eux ; il les renvoya au camp et resta avec ses ouvriers dans cette espèce de cage roulante. Son plan consistait à creuser une mine sous les fondements de la tour. Le travail fut aussitôt commencé sans que les Turcs, qui con­tinuaient à lancer tous leurs traits contre la machine inoffensive, comprissent rien à ce qui se faisait à leurs pieds. A mesure que les pionniers par-

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1 Alberic. Aq., toc. cit.

2.Anu. Comnen., toc. cit.

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venaient à creuser l'ouverture sous les fondations, ils étayaient la brèche à l'aide de pièces de bois disposées de ma­nière à prévenir le danger des éboulements pendant le cours des travaux.Quand l'excavation eut atteint en largeur et en longueur les dimensions calculées, sur un signal de l'ingénieur, durant une par­tie de la nuit l'armée du comte de Toulouse, petits et grands, pèle­rins et soldats, lui apportèrent des sarments, des  branches sèches, des roseaux, de la  paille, des étoupes, toutes les matières inflam­mables qu'on put se procurer. Il les disposa dans les interstices lais­sés par les étançons et les pilotis. Puis il y mit le  feu, ayant soin d'activer la  flamme pour la faire  prendre sur tous les points à la fois. Après toutes ces précautions, quand l'incendie forma un brasier tel qu'aucun accident fortuit ne pouvait plus l'éteindre, il sortit avec  ses ouvriers sains  et  saufs.  Abandonnant leur tortue dé­sormais inutile, tous ensemble ils rentrèrent au camp1 (20 juin 1097.)

 

   11. « Il était environ minuit, reprend le chroniqueur, lorsqu'un fracas épouvantable, qui ressemblait à la fois à un tremblement de terre et aux éclats de la foudre, réveilla la ville et le camp endormis. Tous les soldats  croisés s'élancèrent hors  des tentes. La tour du sud venait de s'écrouler. Ses murailles avaient été tellement cimentées, qu'elles tombèrent d'un seul bloc et se rompirent dans chute en masses énormes, qu'on  eût prises  pour des  quartiers de rocher.   « La  très-noble épouse  du sultan, ajoute Albéric d'Aix, faillit mourir de terreur. Ses officiers la firent précipitamment em­barquer avec ses deux fils sur le lac Ascanius, pour la soustraire aux chrétiens, que rien désormais ne pouvait plus empêcher d'entrer dans Nicée . » Mais la flottille, transportée du port de Civitot dans les eaux du lac, venait, cette  nuit même, de  mettre à la voile. La barque qui transportait la princesse fugitive fut  capturée, et tous les navires arborant le pavillon d'Alexis Comnène parurent au  ma­tin dans la rade de Nicée, montés par des soldats grecs. Le fameux Boutoumitès 3 informé de l'événe-

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1 Alberic. Aq. I. Il, cap. xxvi, col. 432.

2. Id., ibid.

3  Cf. chap. précédent, no 80.

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p463 CHAP.   V.   —  SIÈGE DE  NICÉE.   

 

ment par Tacite au nez coupé4, avait pris le commandement de la petite escadre. Il débarqua sans coup férir, et reçut la soumission de la ville. Lorsque Godefroi de Bouillon, Raymond de Saint-Gilles, tous les princes croisés, l'armée entière, se frayant un chemin à travers les ruines béantes de la tour Gonate, voulurent pénétrer dans la cité conquise  au prix de tant d'efforts, il leur fut signifié que Nicée  était cité  impériale, et que, sauf pour en visiter les  monuments, ainsi qu'il  s'était  pratiqué à Constantinople, on n'y admettrait pas les Latins. Déjà en effet Boutoumitès, d'avance investi par diplôme impérial du titre de gouver­neur, était entré en fonction. Les étendards d'Alexis Comnène flot­taient sur les remparts et sur les édifices ; la population avait reçu l'assurance que les personnes et les propriétés seraient à l'abri de toute injure : seuls  les soldats turcs furent déclarés prisonniers de guerre et embarqués sur la flottille pour être livrés au glorieux em­pereur. La seule satisfaction que Boutoumitès eût stipulée, au pro­fit des véritables vainqueurs, fut la remise des prisonniers chrétiens, qui gémissaient dans les fers depuis le désastre de Civitot. L'indi­gnation fut grande au camp des croisés. Les princes s'embarquèrent pour Pélécane, afin  de reprocher à Alexis  Comnène  son  odieuse conduite. L'empereur leur distribua de grosses sommes pour eux et pour l'armée. Des vivres en abondance furent mis à la disposition du camp. A force de bassesses, Alexis Comnène voulait faire oublier sa perfidie. Mais Tancrède la lui reprocha en  face. Comme l'empe­reur le priait de lui  prêter serment de  fidélité, ainsi que l'avaient fait les autres princes 1 :   « Quand vous me  donneriez,  répondit le héros, autant d'or qu'il en pourrait tenir dans votre palais de Pélé­cane ; quand vous y  ajouteriez toutes les richesses que  vous avez distribuées à  chacun de  nos princes ; jamais vous n'obtiendrez ce que vous demandez de moi !» Un des curopalates, nommé Paléologue 3,

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1.  Cf. chap. précédent, n° 58.

2.On se rappelle que Tancrède avait évité l'audience à laquelle l’empereur l'avait invité à Constantinople, et que son passage en Asie s'était effectué sans qu'Alexis Comnène eût réussi à lui imposer la formalité du serment.(Cf. chap. précédent, n° 64.)

3.Paléologue était l'ancêtre de la famille du même nom, qui donna plus tard

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en entendant cette fière réponse, fit un geste d'indignation et de mépris. Tancrède l'aperçut, et se précipita sur Paléologue : il al­lait châtier son insolence, lorsque l'empereur, s'élançant de son trône, accourut pour les séparer. Boémond de son côté avait saisi le bras de Tancrède et lui reprocha sa vivacité1. Le héros rougit lui-même de son emportement, et, comme pour le réparer par un acte de soumission spontanée, s'adressant à l'empereur : « Vous pouvez, lui dit-il, compter sur la fidélité de Tancrède, aussi long­temps que vous tiendrez vous-même la foi que vous devez au Christ et que vous protégerez les pèlerins de la croix. » On se sépara ainsi. «Mais, ajoute Raimond d'Agiles, pendant que l'empereur rendait grâces à Dieu de la conquête de Nicée, l'armée de la croisade maudissait l'empereur. Qu'on ne l'oublie jamais, et que le nom d'Alexis demeure dans la mémoire des chrétiens comme celui d'un traître2

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