VIème Concile oecuménique 4

Darras tome 16 p. 306

 

25. L'unique incident à remarquer dans cette session d'ouverture est l'affirmation de Macaire, abritant sous le patronage d'Honorius l'erreur monothélite. Baronius croyait qu'en cet endroit les actes du concile étaient ou interpolés ou mutilés. «Si réellement, disait-il, Honorius avait été ainsi accusé de monothélisme, les légats du pape auraient par le devoir de leur charge été obligés de faire en­tendre une protestation. Or, les actes ne parlent pas de leur protes­tation, donc les actes ont été tronqués ; à moins peut-être que le nom d'Honorius jeté hors de son rang hiérarchique, après tous les patriarches monothélites de Constantinople, n'ait été ajouté après coup par un faussaire, et dans ce cas les actes auraient été interpolés. » Malgré l'autorité de l'illustre cardinal, son argumen­tation ne nous semble pas décisive. Il est certain que, depuis la mort d'Honorius, les monothélites invoquaient le nom de ce pape à l'appui de leur doctrine erronée. Macaire, en le nommant, ne

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1 Labbe, Concil. VI, Ad. I, tom. VI, col. 606-613.

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faisait donc que redire ce qui circulait dans tout l'Orient. Le silence des légats ne fut nullement ici un acte de faiblesse ou de connivence. On demandait à Macaire d'énumérer les autorités sur lesquelles il fondait sa croyance; Macaire cite en premier lieu les précédents conciles généraux. Certes, les légats auraient eu à élever tout d'abord la voix, puisque les précédents conciles gé­néraux, pas plus qu'Honorius, n'avaient professé le monothélisme. Cependant les légats ne font aucune réclamation, et la raison en est fort simple. C'est que chacune des prétendues autorités mono-thélites, invoquées par Macaire, devait être plus tard examinée en détail, sur production de pièces. Les diverses réclamations des légats pourraient alors se produire en temps utile. Jusque-là, à moins de paraître entraver la liberté de la parole si expressément réservée par le pape, ou de prendre une attitude de polémique intolérante, ce que, d'après le Liber Pontificalis, l'empereur leur avait recom­mandé d'éviter soigneusement, ils n'étaient point en situation d'in­tervenir. Leur parole n'eût été d'ailleurs qu'une interruption sans portée, puisqu'on ne discutait point encore, mais qu'on énumérait seulement les pièces sur lesquelles la discussion devait ultérieu­rement s'établir.

 

26. Le 10 novembre, la seconde actio ou session eut lieu dans le même ordre et exactement avec le même nombre de personnes. Le magnifique Paul, secrétaire impérial, ouvrit la séance en ces termes : «La sainte et œcuménique assemblée se rappelle que les actes du IIIe concile général d'Ephèse ont été lus intégralement, et qu'il fut convenu de passer aujourd'hui à ceux du IVe concile géné­ral de Chalcédoine. Cette mention faite pour mémoire, il vous ap­partient de statuer. » —L'empereur Constantin ordonna de procé­der à cette lecture. Quand le lecteur et notaire byzantin Antiochus fut arrivé à l'endroit des actes où se trouve contenue la lettre dogmatique de Léon le Grand, il lut ce texte du saint pape : « Chaque nature en union avec l'autre opère l'action qui lui est propre. Le Verbe opère ce qui est du Verbe, la chair ce qui est de la chair ; le Verbe éclate dans les miracles, la chair souffre dans la passion. » Les légats apostoliques se levèrent alors et s'adressant

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à Constantin : « Très-bienveillant seigneur, dirent-ils, cette parole du très-saint pape Léon, dont le concile de Chalcédoine a inscrit la lettre tout entière comme le fondement de la foi orthodoxe, firmamentum orthodoxae fîdei, indique manifestement deux opéra­tions naturelles distinctes en Jésus-Christ. Nous demandons ce que le vénérable Macaire et les évêques ses partisans ont à répondre ? « — Ainsi interpellé, le patriarche d'Antioche n'hésita pas un ins­tant. «Seigneur, dit-il à Constantin, je n'admets pas deux opéra­tions, et je soutiens que Léon de bienheureuse mémoire n'avait nullement l'intention de les distinguer dans le texte qu'on vient de lire. — Croyez-vous, demanda Constantin, qu'il ait parlé là d'une seule opération? — Je ne veux point de nombres, répondit Macaire ; j'entends avec saint Denys une opération théandrique. — Et dans quel sens prenez-vous cette opération théandrique? ajouta l'empe­reur. — Je n'ai pas à porter de jugement sur ce point, » répondit Macaire, et il se tut. La lecture des actes de Chalcédoine s'acheva sans nouvel incident, et termina la séance. — Trois jours après, le 13 novembre, se tint la troisième actio. Le magnifique Paul, secrétaire impérial, ouvrit encore la séance en rappelant l'ordre du jour adopté précédemment, puis l'empereur donna ordre au notaire Antiochus de lire les actes du ve concile général, IIe de Constantinople. Prenant donc en main le codex, Antiochus lut à la première page : « Discours de l'archevêque de Constantinople Mennas de sainte mémoire au très-bienheureux pape romain Vigilius, sur le dogme d'une seule volonté en Jésus-Christ.» Les légats interrom­pirent le lecteur, et dirent : «Très-pieux prince, cet exemplaire des actes du Ve concile œcuménique est falsifié. On ne saurait pour­suivre la lecture du prétendu discours de Mennas à Vigilius, car ce discours est apocryphe. Votre majesté peut facilement se con­vaincre de l'imposture par le rapprochement des dates. Le Ve con­cile œcuménique se tint la vingt-septième année de l'empereur Justinien (353), or Mennas était mort dès la vingt-et-unième année (547). Il est donc impossible que Mennas ait pu prendre la parole dans un concile tenu six ans après sa mort. A l'époque du Ve concile général, c'était Eutychius qui occupait le siège de

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Constantinople. » — Cette articulation si précise paraît avoir produit une vive impression sur l'assemblée. « L'empereur, les très-glorieux juges et un certain nombre d'évêques, disent les actes, prirent le volume et l'examinèrent avec soin. Ils reconnurent qu'on avait ajouté au commencement du manuscrit trois quater-niones (cahiers de quatre feuilles), mais sans leur donner de numéro d'ordre, en sorte que le quatrième quaternio portait le numéro 1, le cinquième le numéro 2, le sixième le numéro 3, et ainsi de suite. De plus, l'écriture était toute différente dans l'œuvre ajoutée. L'em­pereur, convaincu de l'imposture, défendit de lire le prétendu discours. Il fit commencer immédiatement la lecture des actes, qui ne soulevèrent aucune remarque jusqu'à ce que le diacre et notarius Pierre, qui faisait office de lecteur, fut arrivé à la VIIe session et à deux prétendues lettres du pape Vigilius de sainte mémoire, adressées l'une à Justinien, l'autre à l'impératrice Théodora. Cha­cune d'elles contenait ce passage: «Nous anathématisons Théodore jadis évêque de Mopsueste, parce qu'il ne confesse pas en Jésus-Christ une seule hypostase, une seule personne, une seule opéra­tion. » — A ce mot, les légats du siège apostolique se levèrent : « A Dieu ne plaise, s'écrièrent-ils, que jamais Vigilius ait tenu un pareil langage! Prince, ce texte a été falsifié, de même que le com­mencement du livre. La démonstration est aisée. S'il est vrai que Vigilius a employé le terme d'une seule opération, on devra retrouver ce mot dans la définition adoptée par les pères, et qui termina le concile. » — On lut alors la définition qui termine les actes, mais il ne s'y trouva nulle part le terme de una operatio. Les légats du pape s'adressèrent une seconde fois à Constantin : « Nous prions votre sérénité, dirent-ils, de permettre que l'exemplaire interpolé et falsifié soit soumis à un examen sérieux, afin de mettre dans tout son jour l'imposture. — Il sera fait ainsi que vous le deman­dez, répondit l'empereur. » On acheva ensuite la lecture intégrale des actes; après quoi l'empereur reprit la parole : «La lecture des précédents conciles est épuisée, dit-il. Que le saint synode et les très-glorieux juges disent si les textes leur semblent confirmer l'opinion du vénérable Macaire d'Antioche et de ses partisans, les-

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quels professent une seule volonté et une seule opération en Jésus-Christ. — L'assemblée et les juges répondirent négativement. — Reste maintenant, reprit l'empereur, à entendre les témoignages des saints pères autorisés par l'Église, dont le vénérable Macaire nous a parlé. S'il les a sous la main, qu'il les produise. » Macaire demanda quelque délai pour faire les recherches préparatoires. Constantin le lui accorda. Le patriarche Georges de Constantinople se leva alors et au nom de tous ses suffragants : «Très-pieux prince, dit-il, nous prions votre sérénité de faire lire les lettres qui vous ont été adressées par le très-saint pape du siège apostolique Agathon et par le synode romain, afin que nous en ayons connaissance et que nous puissions profiter de la doctrine qu'elles renferment 1. — Ce sera, dit l'empereur, pour la prochaine séance. » — En effet le surlendemain 13 novembre, dans l'action IVe, les lettres furent lues intégralement et remplirent toute la session, sans que la lec­ture fût un seul instant interrompue 2.

 

27. On aura remarqué l'attitude des légats, lorsque se pro­duisit, au courant de la lecture, un texte monothélite faussement attribué au pape Vigilius. Les représentants du saint-siége, fidèles à leurs instructions, arrêtèrent soudain la calomnie : « À Dieu ne plaise, dirent-ils, que Vigilius ait tenu un tel langage : Bffl noirtcr^ ô *0eôî! oùx eîra Biy0.ioî [u'av àvéfYemv3. » La spontanéité de l'exclamation, sa forme précipitée, son énergie de prime-saut dispensent de tout commentaire. Elles démontrent la vigilance des légats, leur scrupu­leuse attention sur les points qui pouvaient atteindre la doctrine positivement enseignée par saint Agathon de l'infaillibilité du siège apostolique. Il faut relever aussi l'opportunité parfaite de la pro­testation. Elle se présentait à sa place naturelle, pendant la lecture d'un document dont il s'agissait d'apprécier l'authenticité. Rien donc à la fois de plus correct comme procédé, rien de plus signifi­catif comme plan de conduite. Légats, concile, empereur, tous jusqu'ici, la présidence impériale une fois admise, suivent une ligne irréprochable. A peine on pourrait signaler une irrégularité. Les

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1. Labbe, tom. VI, col. 619 -625. — 2 Idem, col. 626-709. — 3. Idem, col. 624, E.

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treize glorieux consulaires et patrices, formant l'escorte impériale, se taisent durant la première session. Leur rôle est celui d'assis­tants muets. Dès la seconde session, l'un d'eux, le magnifique Paul, secrétaire impérial, se détache en relief sur le reste du groupe. C'est lui qui fait fonction de promoteur : il ouvre la séance en rappelant à l'assemblée l'ordre du jour convenu précédemment. C'était peu de chose, si l'on veut, peut-être une simple question d'étiquette. Mais à la fin de la troisième session, les patrices ne sont plus muets, ils prennent soudain une importance très-considé­rable. Ils se transforment en juges et obtiennent voix délibérative. C'est l'empereur qui d'un seul mot les investit de ce privilège : « Que le saint synode et les très-glorieux juges prononcent. » Et le concile et les juges donnent alors leur sentiment : sancta synodus et gloriosissimi judices dixerunt 1. Evidemment l'assemblée en acceptant le fait lui donnait, au moins pour la circonstance, une sorte de légalité provisoire. Cependant est-il un seul canoniste orthodoxe qui reconnaisse à des laïques voix délibérative dans les conciles généraux? A part cette mesure, qui d'ailleurs, il faut le dire, pouvait se justifier par des précédents empruntés aux assemblées oecuméniques tenues chez les Grecs, la marche générale paraît ré­gulière. Les conciles généraux sont interrogés les premiers, comme le grand dépôt de la foi. Le tomus dogmaticus de saint Agathon, fixant la foi catholique des deux volontés et deux opérations, est lue ensuite, avec la lettre du synode romain, témoignage de la croyance conforme de l'église d'Occident. C'est le patriarche Georges de Constantinople, au nom de ses suffragants, qui prend l'initiative et demande cette lecture. Sa requête est formulée en termes aussi respectueux que possible pour le siège apostolique. Georges et ses suffragants commençaient donc à se séparer de la faction monothélite, dont Macaire s'obstinait à rester le chef. Le personnel du concile était d'ailleurs resté absolument le même qu'au début, et le protocole de chaque séance jusqu'à la IXe repro­duit invariablement les mêmes noms.

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1 Labbe, tom. VI, col. 626, C.

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28. La cinquième actio s'ouvrit le 7 décembre par quelques mots du magnifique Paul, secrétaire impérial, rappelant à l'assemblée que Macaire d'Antioche avait promis de fournir les témoignages des pères qu'il croyait favorables au monothélisme. Le patriarche, interpellé par l'empereur, répondit qu'il avait réuni deux volumes de textes sur ce sujet. La lecture en fut faite sans observations aucunes; elle absorba toute la séance 1. Le concile demeura inter­rompu deux mois, sans que les actes nous en fassent connaître le motif. Peut-être les évêques orientaux, presque tous titulaires de sièges assez rapprochés de la cité impériale, voulurent-ils aller passer les fêtes de Noël et de l'Epiphanie dans leurs diocèses. Ce fut donc seulement le 12 février 681 que s'ouvrit l'action VIe, avec le même nombre de pères, mêmes formalités, et toujours sous la présidence personnelle de l'empereur. Macaire présenta un troi­sième recueil de textes, dont le notaire patriarcal Antiochus donna lecture. « Avez-vous encore quelques autres documents à produire?» demanda l'empereur au patriarche d'Antioche. — Macaire debout avec son disciple l'archimandrite Etienne, répondit : «Seigneur, les témoignages que nous avons produits sont empruntés aux pères les plus illustres par leur sainteté et leur science ; ils nous suffisent. Nous n'en présenterons pas d'autres. » — Constantin fit alors apposer sur chacun des trois volumes de Macaire un triple scellé, celui des juges ou patrices, celui des légats du saint-siège et celui du patriarcat de Constantinople. Le but de cette précau­tion, ne varietur, était de fournir, pour la discussion ultérieure, des pièces que Macaire et ses adhérents ne pourraient pas accuser leurs adversaires d'avoir falsifiées. Les légats du pape s'adressant alors à Constantin : « Très-pieux seigneur, lui dirent-ils, le véné­rable Macaire, son disciple Etienne, Pierre évêque de Nicomédie et Salomon de Clanée, dans tous les textes qu'ils viennent de pré­senter au saint concile, n'ont rien prouvé en faveur de l'opinion d'une seule volonté, d'une seule opération en Jésus-Christ. Ils ont tronqué les passages, et appliqué à l'incarnation du Verbe ce qui

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1. Labbe, tom. VI, col. 710-714.

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est dit de l'unité de volonté et d'opération dans la Trinité. Nous prions donc votre majesté de faire apporter des archives du pa­triarcat les codices authentiques des pères; ils seront confrontés avec les citations qu'on vient de lire, et la manœuvre frauduleuse apparaîtra dans toute son évidence. De plus, comme nous avons nous-mêmes entre les mains un codex 1 où sont réunis d'une part un grand nombre de témoignages des saints pères enseignant ou­vertement la doctrine des deux opérations et volontés, d'autre part les textes des hérétiques favorables au sentiment de Macaire, nous demandons que votre piété en ordonne la lecture. — Cela sera fait dans la prochaine session, » répondit l'empereur, et la séance fut levée2. Dès le lendemain 13 février 681, à l'ouverture de l'action VIIe le secrétaire impérial, Paul, rappela cet ordre du jour. Constantin le ratifia de nouveau, et les légats produisirent leur codex, qui portait pour titre : Testimonial sanctorum ac probabilium patrum demonstrantia duas voluntates et duas operationes in Domino Deo et Salvatore nostro Jesu-Christo. L'un des religieux qui faisaient partie de la députation latine, Etienne, abbé du monastère romain d'Arsicia, en donna lecture. L'empereur demanda ensuite aux légats s'ils avaient encore d'autres textes à fournir. « Il nous serait facile

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1 Prœ manibus igiiur habentes codicem continenlem, etc. Mevà yCioaç, ci syovxsç xuSîxiov reptsyov, x. t. 7. Me* Héfélé traduit ainsi : « Nous avons, nous aussi, fait une collection d'abord des passages des pères qui parlent de deux volon­tés, puis des passages des hérétiques, qui de même que Macaire, professent la doctrine d'une seule volonté et d'une seule opération. » (Hist. des conciles, tom. IV, pag. 143, trad. Delarc.) Cette traduction n'est pas correcte. Le grec et le latin sont formels. Les légats ne disent nullement qu'ils ont fait une collection de textes, mais qu'ils en ont une entre les mains. Nous n'aurions pas pris la peine de relever, parmi bien d'autres, cette inexactitude, si elle n'avait une véritable importance historique. On se rappelle que le pape saint Agatbon avait remis lui-même à ses légats une collection de textes orthodoxes et de textes monothélites faite sous ses yeux à Rome, et qu'il leur avait par deux fois commandé d'en faire exclusivement usage, ex iis duntaxat. S'ils en eussent composé une autre, ainsi que la version de Mgr Héfélé pourrait le faire croire, les légats auraient positivement enfreint leur mandat. Mais ils furent innocents de ce chef; le codex dont ils proposaient la lecture était précisé­ment celui qu'ils tenaient du pape et qu'ils avaient apporté de Rome.

2Labbe, tom. VI, col. 714-719.

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d'en produire un bien plus grand nombre, répondirent-ils, mais ceux-là suffisent pour la démonstration de la vérité. Maintenant nous prions votre clémence de demander aux archevêques Georges et Macaire d'Antioche, ainsi qu'à tous les évêques leurs suffragants,s'ils admettent ou non, dans toute leur teneur, les lettres du très-saint Agathon pape du siège apostolique, et celles du concile ro­main tenu sous sa présidence. » — Georges et Macaire ainsi interpellés prièrent l'empereur de leur faire délivrer une copie de ces deux documents, afin de confronter les citations des pères avec les codices du patriarcat, promettant de donner une réponse défini­tive à la prochaine session. Constantin octroya leur requête, et fit apposer sur le codex présenté par les légats un triple scellé,
comme on avait fait précédemment pour les trois volumina de Macaire1.

   29. La dernière parole des légats mérite qu'on s'y arrête un instant. La lecture de tous les documents pour et contre est terminée. L'exposition dogmatique est complète. Les pères avaient pu se former une opinion définitive. Si l'on songe que chacune des sessions avait été employée à la lecture intégrale de textes aussi étendus que les actes des trois derniers conciles généraux, des lettres de saint Agathon et du concile romain, des trois volumes du recueil de Macaire, du codex des légats, on est effrayé de la pa­tience de ces cinquante évêques qui ne reculent pas devant une audition si laborieuse. Mais le dénoûment approchait. Les légats demandent qu'on interroge les deux patriarches de Constantinople et d'Antioche, ainsi que les évêques leurs suffragants, lesquels for­maient toute la partie orientale du concile, pour savoir si défini­tivement ils admettent dans toute leur teneur les lettres dogma­tiques d'Agathon et du synode romain, et w.yo"*'- 7t*Tu ^ Suvâum tûv àvaYvwiOîiîMv Sûo avxyopûv xoû âYiwraxqv 7târca AyâOwvo;, -/.ai rîjçOjt' àuxôv <ruv6Sou. L'original grec, est ici bien plus énergique que la version latine des actes. Le latin se contente de dire, si convenit eis ténor lectarum duarum suggestionum. C'est donc à toute la tenpur, nàxq tîj 5uvau.ii, des lettres

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1 Labbe, tom. VI, col. 720-725.

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apostoliques que les légats demandent une adhésion formelle. On conçoit que la question, posée dans ces termes précis, dut fort em­barrasser au moins Macaire. Déjà le patriarche Georges de Constantinople avait laissé entrevoir son intention de se soumettre. Il ne voulut cependant pas avoir l'air d'agir trop précipitamment. Peut-être lui restait-il, chez les évêques ses suffragants, des résis­tances à vaincre, des scrupules à éclairer, des cœurs opiniâtres à fléchir. Car enfin toute cette réunion d'orientaux avait jusque-là professé le monothélisme. Georges s'unit donc à Macaire pour demander un sursis et avoir le loisir d'étudier le tomus dogmaticus d'Agathon. Un assez long intervalle, trois semaines s'écoulèrent en effet, sans nouvelle session. Le Liber Pontificalis nous apprend que dans ce laps de temps, le dimanche 17 février, Georges, en présence des légats, dans l'oratoire du palais, fit profession d'or­thodoxie, recevant les lettres de saint Agathon et anathématisant l'erreur monothélite. Les actes ne parlent pas de ce fait. Mais comme il eut un caractère essentiellement privé, on ne saurait en tirer aucun argument contre l'authenticité des actes. Il n'en reste pas moins certain que la question posée par les légats déterminait au sein du concile une crise suprême. La réponse que chacun était appelé à donner devait être ou le dénoûment final en cas d'ac­quiescement, ou la prolongation des débats en cas de résistance. Le travail intérieur qui se fit alors parmi les membres de l'assem­blée échappe à nos investigations ; mais s'il n'a pas laissé de trace dans les procès-verbaux, il se traduisit peu après par un résultat éclatant.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon