LES ESPIONS PHARISIENS, «TOLÉRANTS», S’INQUIÈTENT DES INNOMBRABLES MIRACLES DE JÉSUS.
§ VIII. Miracles à Capharnaûm.
44. «Jésus descendit de la montagne, entouré d'une foule immense. En approchant de Capharnaum, un lépreux vint à sa rencontre et se prosterna devant lui pour l'adorer. Seigneur, dit-il, si vous le voulez, vous pouvez me guérir. — Jésus touché de sa priera étendit la main et le toucha, en disant: Je le veux, soyez guéri! — A l'instant même, la lèpre disparut. Allez, reprit Jésus. Ne parlez à personne de ce qui vient de se passer; mais présentez-vous au prêtre, et offrez les dons prescrits par Moïse, pour la purification de la lèpre. Ainsi vous attesterez votre guérison. —Dans sa reconnaissance, le lépreux publia partout la faveur dont il venait d'être l'objet. Le bruit de ce miracle se répandit bientôt; et la multitude qui se pressait autour de Jésus, ne lui permit pas d'entrer dans la ville. Il se retirait au désert, pour prier dans la solitude, mais le peuple venait l'y trouver de toutes parts, afin d'entendre sa parole et d'obtenir la guérison de toutes les maladies 1.» S'il y eut jamais, une infirmité, sur laquelle «la plus douce parole ou le contact le plus sympathique,» ainsi que parle le rationalisme, soient complètement impuissants, c'est à coup sûr la lèpre, cette hideuse maladie encore aujourd'hui trop commune en Orient, où la chair, boursouflée et bleuâtre, se détache par plaques énormes, laissant à vif la plaie saignante, et dévorant sa victime jusqu'aux os 2. Le seul attouchement d'un objet sur lequel s'est posée la main du lépreux; le souffle du vent qui a passé sur lui communique la lèpre. Aussi la foule qui descend de la montagne, entourant le divin Maître, s'écarte à la vue du lépreux de Capharnaûm. L'incrédulité demande une commission scientifique pour constater la réalité des maladies
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1. Matth., VIII, 1-4; Marc, l, 40-45; Luc, v, 12-15. — 2. Voir tom. II de c<U« Bistoire, pag. 631.
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guéries par Jésus. Dans l'histoire du lépreux, cette exigence se trouve amplement satisfaite. Une commission de prêtres, établie en permanence par la loi mosaïque, siégeait à Jérusalem pour constater tous les cas de lèpre qui se produisaient parmi la population juive 1. Après un examen attentif, dont tous les détails consignés au Lévitique, sont de nature à satisfaire les esprits les plus méticuleux, quand la lèpre avait été officiellement reconnue, le malheureux qui en était atteint, recevait la défense d'entrer dans les lieux habités 2. Il devait se retirer dans les campagnes désertes 3; sa maison était rasée et l'on en soumettait les pierres ellesmêmes à l'action d'un bûcher ardent, où l'on jetait tout ce qui avait été à l'usage personnel du lépreux. Afin de prévenir les rencontres fortuites qui pouvaient devenir fatales au voyageur, au passant, à l'étranger, le lépreux ne portait que des vêtements décousus 4, par les ouvertures desquels chacun voyait ses horribles ulcères. Il lui était interdit, pour le même motif, de se couvrir la tête; mais il devait rejeter le pan de son manteau sur ses lèvres 6, de peur que l'air empesté de son haleine ne communiquât la contagion; enfin, il était obligé de prévenir de loin ceux qu’il rencontrait sur son chemin, en criant: Fuyez le lépreux 7! — On se demande s'il serait possible, dans les sociétés modernes, où le luxe de la réglementation est arrivé à ses dernières imites, d'imaginer une organisation plus appropriée à la fois aux nécessités du climat, au respect de la liberté individuelle et à l'intérêt général de la sécurité publique. Mais, si la constatation de la lèpre était environnée de tant de garanties, la guérison elle-même, pour être reconnue, était soumise à des formalités qui excluaient toute possibilité de surprise et de fraude. Quand Jésus dit au lépreux guéri: «Allez, ne parlez à personne sur votre chemin, mais présentez-vous au prêtre;» le Sauveur fait allusion à ces formalités légales, que tout le monde connaissait en Judée. Il en appelle lui-même à la
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1. Levit., XIII, 1,2.— 2. Ad arbilrium ejus separabitur. (Id., ibid., 3.) — 3. Soins habitabit extra castra. (Ibid., 46.) — 4. Habebit vestimenta dissuta. (Ibid., 45.) — 5. Ca/mi nudum. (Ibid.) — 6.Os veste contectum. (Ibid.) — 7. Contaminatum «c iordidum se clamaàit. (Ibid.)
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constatation juridique, réclamée par nos rationalistes modernes. Il veut que le miracle soit officiellement constaté, non pas aux yeux de la foule, qui n'avait pas besoin d'un autre témoignage, mais, selon la pensée de saint Augustin, aux yeux de la postérité, cette grande malade, que la lèpre des passions ou de l’incrédulité dévore toujours et que la parole du Fils de Dieu ne cessera jamais de guérir. Or, voici quelles étaient les formalités prescrites par Moïse, pour que le lépreux, guéri par une cause accidentelle quelconque, ou par les seules ressources de la nature, fût relevé de l'interdit qui le frappait et réintégré dans la société de ses semblables. Il devait se présenter aux prêtres qui avaient ordonné sa séquestration. Les juges de son infirmité passée étaient seuls appelés à prononcer sur la réalité de la guérison. Quiconque connaît le cœur humain et les raffinements d'amour-propre des corps constitués sentira l'importance d'une telle garantie, et sera loin de soupçonner une exagération de bienveillance, dans un pareil tribunal. Après l'examen minutieux auquel on soumettait le requérant, si la lèpre avait réellement disparu, et que l'œil des juges n'en eût rencontré aucune trace, on procédait à la purification légale. L'ancien lépreux offrait au Temple deux passereaux vivants, du bois de cèdre, un morceau d'étoffe teint en écarlate et un rameau d'hysope. La main du lépreux touchait chacune de ces offrandes, et l'on sait les terribles effets de l'attouchement d'une main de lépreux. Le prêtre immolait l'un des passereaux, sous une fontaine d'eau vive, afin d'éloigner pour lui-même toutes les conséquences d'un pareil contact. Le sang de l'oiseau était recueilli dans un vase de terre; on y plongeait le bois de cèdre, l'écarlate et l'hysope, avec lesquels on aspergeait l'autre passereau qu'on remettait immédiatement en liberté. Puis on faisait sept aspersions successives, avec le même sang, sur le prétendu guéri. Telle était la première épreuve. Il est évident que si le virus de la lèpre existait encore à l'état latent, il devait se communiquer au passereau, remis en liberté, et surtout au patient lui-même, soumis à ces aspersions réitérées. On rasait alors l'ex-malade, sans lui laisser, sur le corps, un seul poil; on le mettait dans un bain, et après avoir lavé tous ses vêtements, on le
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laissait
pendant sept jours sous l’influence de cette première épreuve. Si, dans
cet intervalle, le sang, surexcité par l'action du rasoir et attiré dans tous
les pores par l'eau tiède du bain, circulait librement, sans former à la peau
aucune de ces taches livides, qui sont les symptômes ordinaires de la lèpre,
on pouvait croire à la réalité de la guérison. Alors l'ex-lépreux offrait au
Temple deux agneaux, dont l'un était immolé en sacrifice de propitiation et
l'autre brûlé sur lautel des holocaustes. On renouvelait les aspersions; et, si
cette seconde
épreuve n'amenait point de rechute, le lendemain le lépreux était déclaré
pur et rentrait dans le commerce des hommes 1. Tel fut le sort du lépreux de Capharnaum,
et tel est le sens réel de la parole de Jésus : Vade, ostende te
sacérdoti et offer
pro emundatione tua, sicut prœcepit Moyses in testimonium illis. Une
commission scientifique, nommée aujourd'hui par l'Académie de Paris ou de Berlin,
ferait-elle davantage?
45. La renommée
de Jésus allait Croissant. Les Scribes et les Pharisiens de Jérusalem se
préoccupèrent du concours immense qui se formait autour du nouveau docteur, ……………….
46. Le pouvoir de remettre les péchés, si hautement proclamé par le divin Maître, fait aujourd'hui le scandale des rationalistes et des protestants, absolument comme il révoltait à Capharnaum les Scribes et les Docteurs de la loi. L'Église catholique, héritière des enseignements et de la puissance de Jésus, n'a pas cessé et ne cessera jamais de remettre les péchés! Que font-ils pourtant, les docteurs de la raison ou du libre examen, que font-ils de ce texte évangélique si clair et si précis? N'est-il pas évident que Jésus-Christ s'est nettement posé comme le Fils de Dieu, ayant, sur la terre, le pouvoir de remettre les péchés? Certe une telle prérogative n'appartient qu'à la Divinité. Les Pharisiens disent vrai, quand ils en font la remarque. Mais plus leur objection est fondée, plus elle fait ressortir le caractère divin, le titre de Dieu que Jésus-Christ s'attribue, sans hésitation et sans subterfuge. …………..
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1. Matth., IX, 1-8; Marc, ii, 1-12; Luc, v, 17-26.
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47. «Après ce miracle, continue le texte sacré, Jésus sortit de Capharnaûm. En passant, il vit, assis à son comptoir, un publicain dont le nom était Lévi, et le surnom Matthieu. Suivez-moi, lui dit-il. — A l'instant même, le publicain se leva, quitta tout et suivit Jésus. Or, quelques jours après, Lévi lui donna dans sa maison, un grand festin auquel assistaient plusieurs publicains et d'autres convives également détestés des Juifs. Les Pharisiens et les Scribes murmuraient de cette conduite. Ils s'adressèrent aux disciples de Jésus et leur dirent: Pourquoi mangez-vous avec des publicains et des pécheurs? — Jésus prit la parole, et répondant à leurs secrètes pensées: Ce n'est pas, dit-il, l'homme en bonne santé, mais le malade qui a besoin de médecin. Je suis venu appeler à la pénitence non pas les justes, mais les pécheurs. — Les Pharisiens répliquèrent: Pourquoi donc les disciples de Jean observent-ils des jeûnes rigoureux et passent-ils leur temps en prières, pendant que les vôtres prennent part aux festins qu'on leur donne? — Quand les amis de l'époux sont à ses côtés, répondit Jésus, pouvez-vous leur prescrire le deuil et le jeûne? Viendront les jours où l'époux leur sera enlevé, alors ils jeûneront. —
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