Darras tome 10 p. 125
46. Tels étaient les passe-temps féroces de Julen l'Apostat. Les écrivains plus ou moins officiels qui, de nos jours, se sont donné la mission de réhabiliter sa mémoire, savent-ils ces choses? Pour leur honneur, nous souhaitons qu'ils les ignorent ; mais pour leur instruction, nous souhaitons qu'ils les apprennent. Le séjour de Julien à Antioche ne leur rappelle d'autre souvenir que celui d'une plaisanterie devenue fameuse. Nous voulons parler de la facétie impériale intitulée le Misopogon 2. On ne serait pas littérateur, si l'on ne connaissait au moins le titre de ce pamphlet. Mais on tient fort peu à en étudier l'origine et le sens réel. Voici la vérité sur ce point. La cité d'Antioche, devenue le quartier-général des troupes destinées à l'expédition contre les Perses, était en majorité chrétienne. La réaction idolâtrique de Julien et la barbare exécution d'Artemius y soulevèrent une indignation unanime, qui se traduisit, comme toutes les manifestations populaires, par des caricatures et des satires. On ne pouvait s'attaquer à l'empereur, comme puissance, mais on se vengeait sur sa personne. Sa barbe inculte qu'il laissait croître en l'honneur de Jupiter, sa figure de singe, ses grosses épaules, ses yeux égarés, son front bas et couvert d'une chevelure épaisse comme une crinière, se prêtaient merveilleusement à toutes les fantaisies de la satire. Poètes, sculpteurs, dessinateurs, peintres, ne s'y épargnaient pas. Chaque jour la barbe de César, accompagnée des accessoires les plus ridicules, les plus outrageants, s'étalait aux yeux de la foule, avec la légende gigantesque de Victimarius, «le Victimaire. » C'était le titre universellement adopté pour désigner ce boucher impérial, dont les bras nus et les mains sanglantes fouillaient chaque matin les entrailles des bœufs et des moutons, dans le but d'y rechercher le secret du destin, le fatum du paganisme, l'avenir des spirites. Julien avait le choix entre deux moyens pour mettre fin à ces railleries, qui lui étaient extrêmement sensibles. Il pouvait faire décapiter les
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1. Ad. S. Artenv. fBoWàai., loc. citât. —2. Miuouôyiov « Ennemi de labarbe.t
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mauvais plaisants ; c'eût été un remède radical, mais le nombre des coupables en rendait l'emploi fort difficile. L'empereur préféra se mettre à la tête des caricaturistes, espérant désarmer par le rire une multitude qu’il égaierait lui-même. Telle fut la donnée du Misopogon. Julien renchérit sur tout ce qu'on avait inventé de plus extravagant sur sa barbe. Il déclara qu'elle n'était pas seulement inculte. Comme toutes les forêts vierges, disait-il, elle était de plus très-habitée, non par des bêtes fauves qui le dévoreraient, mais par les hôtes domestiques auxquels sa générosité naturelle lui faisait donner le vivre et le couvert. Tout le pamphlet est sur ce ton. La mauvaise humeur se concentre uniquement dans la dernière phrase, où, montrant enfin les dents, le César irrité déclare qu'il ne remettra plus le pied dans cette ville d'Antioche, habitée par des insectes moins aimables que ceux dont sa barbe fourmillait. Tout cela était écrit au moment où, comme le disait saint Artemius, le monde entier, plein d'angoisses et de terreur, voyait se préparer l'expédition contre les Perses. Les légions recrutées dans la Grande-Bretagne, la Germanie, les Gaules, l'Espagne, l'Italie, l'Afrique, la Pannonie, la Grèce, la Syrie, s'acheminaient sur les rives de l'Euphrate, pour aller, dans une bataille décisive, apprendre si le sceptre passerait des eunuques de Constantinople aux satrapes de Ctésiphon. Jamais peut-être le mépris de l'humanité ne fut poussé si loin. A la veille d'une lutte qui allait coûter la vie à près d'un demi million d'hommes, et peut-être la liberté à tout l'univers, Julien se préoccupait uniquement de ces misérables bouffonneries. La guerre de Perse n'était pour lui qu'un inci- dent. Ses ennemis étaient ailleurs. On le savait tellement à Antioche, qu'un jour la ville tout entière retentit d'un bon mot qui eut une fortune sans égale. On disait : « Les seuls ennemis de Julien sont les deux lettres grecques Chi et Kappa. » Pour comprendre cette allusion à l'alphabet hellénique, il faut se rappeler que le X est la première lettre du nom de Xristos « Christ, » et le K la première du nom de Xostantinos; « Constantin. » L'empereur, qui n'avait pas laissé passer sans réponse une plaisanterie d'un goût assez douteux contre sa barbe, n'était pas homme à négliger
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l'occasion d'afficher ouvertement la haine qu'il portait à Jésus-Christ Fils de Dieu, et à Constantin le Grand son adorateur couronné. La plume ou le stylet qui venait d'écrire les dernières lignes du Misopogon, traça donc un nouveau pamphlet intitulé cette fois: Les Césars. La solennité du titre fut choisie à dessein pour mieux contraster avec la bouffonnerie de l'œuvre elle-même. Cette satire, indigne d'un homme d'état, serait bonne tout au plus pour amuser les heures perdues d'un débauché. Le thème développé par l'Apostat est le récit d'une fête des Saturnales donnée par Romulus à tous les dieux et à tous les empereurs. Deux tables sont dressées pour le festin. Le vieux Silène, chargé de recevoir les convives impériaux à mesure qu'ils arrivent et de les présenter à l'aréopage divin, égaie ses fonctions d'introducteur des ambassadeurs par une série de quolibets du genre le plus effronté. A la fin du repas, l'ambroisie et le nectar ont monté toutes les têtes. Dieux, déesses et Césars représentent au vif les scènes dégradantes que l'auteur avait étudiées chez les popinarii. Cependant Mercure réussit à se tenir assez bien sur ses jambes et à prononcer à peu près distinctement un arrêt du grand Jupiter, lequel offrait une couronne d'or à celui des empereurs que le suffrage universel aurait déclaré le plus digne. Cette communication est acclamée avec enthousiasme. Une lutte d'éloquence s'engage entre tous les porteurs de couronne, depuis Alexandre le Grand jusqu'à Constantin. Chacun fait valoir ses titres de gloire, ses exploits, ses vertus. Le héros macédonien fut écarté comme trop ambitieux. On ne permit pas à Constantin de franchir le vestibule ; il dut parler dans l'entrebâillement de la porte, et fut éconduit comme un voleur et un débauché. La couronne d'or fut décernée à Marc-Aurèle. La prédilection de ce dernier pour les boeufs blancs le recommandait, on le conçoit, à Julien son émule. La décision ne pouvait plaire aux concurrents évincés. Jupiter leur ménageait une fiche de consola- tion. Il admit les Césars à prendre rang dans le palais de l'Olympe, et permit à chacun de choisir le dieu, ou la déesse, dont le service lui agréait davantage. Les guerriers sollicitèrent la faveur d'être attachés comme aides de camp à la suite de Mars et de Bellone;
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les législateurs choisirent Minos; les rois sages et vertueux se rangèrent sous l'égide de Pallas; quand ce fut le tour de Constantin, l’embarras de cet empereur fut grand. Il parcourut tout le cercle des dieux et des déesses, effrayé des vertus et des splendeurs qu'il y voyait briller. Enfin, aux étages inférieurs de cette cour héroïque, il aperçut la Mollesse et courut se jeter dans ses bras. L'infâme divinité l'accueillit avec transport, le revêtit d'une robe de femme, et sortant avec lui de l’assemblée des dieux, l'emmena dans le palais de la débauche où Constantin eut la joie de trouver déjà installés tous ses enfants. L'un d'eux, une urne d'or à la main, criait à tue tête; « Qui que vous soyez, corrupteurs, assassins, fratricides, voleurs, sacrilèges, scélérats de tout genre, venez à nous le front haut ! Avec cette eau merveilleuse je vais effacer tous vos crimes, comme on enlève une tache sur un habit. Plus de souillures, plus d'infamie! En cas de récidive, vous reviendrez à moi, en vous frappant la poitrine, en vous cognant le front sur le pavé, et je vous rendrai aussi nets que la première fois ! » Telle fut la réponse de Julien à la plaisanterie des habitants d'Antioche sur la guerre engagée par lui contre le Chi et le Kappa. En parodiant ainsi la foi des chrétiens sur les sacrements de baptême et de pénitence, l'apostat impérial ne se doutait pas du service indirect qu'il rendait à la dogmatique. Son témoignage sur la confession est en effet de nature à impressionner tous les protestants de bonne foi.
47. Un autre incident, raconté par Théodoret, nous fournit des renseignements non moins précieux sur la constitution Intérieure des communautés de vierges chrétiennes, à cette époque. «La ville d'Antioche, dit cet historien, comptait alors, parmi les modèles de vertu et de charité que la foi du Christ avait produits dans son sein, une noble veuve du nom de Publia. Issue d'une famille illustre, elle avait perdu son époux à la fleur de l'Age. Un fils, Jean, lui était resté de cette union brisée prématurément par la mort. Mais le fils fut digne de sa mère. Il se consacra au service
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1. Cf. no 24 de ce chapitre
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de Dieu, devint prêtre, et durant une longue carrière de dévouement et de saintes œuvres, fut comme le prince du clergé d'Antioche, bien que sa modestie lui eût fait refuser à diverses reprises de monter sur le siège épiscopal, où les suffrages unanimes l'avaient appelé. Publia réunit dans sa demeure une communauté de vierges qui s'engageaient, par un vœu perpétuel, à vivre dans la chasteté et l'obéissance. Sous la direction de la noble veuve, les saintes filles vaquaient à la prière et chantaient assidûment les louanges du Seigneur. Un jour, l'empereur apostat vint à passer devant cette pieuse maison. Il entendit les voix des saintes filles qui psalmodiaient, en alternant le chœur. Il prêta l'oreille à leurs chants et saisit ces paroles de David : Simulacra gentium argentum et aurum, opéra manuum hominum. « Les idoles des nations sont d'argent et d'or ; elles sont l'œuvre périssable d'une main mortelle. » Puis l'autre chœur reprenait : Similes illis fiant qui faciunt ea, et omnes qui confidunt in eis. « Qu'ils deviennent semblables à elles, les fabricateurs d'idoles et tous ceux qui les adorent! » Julien irrité fit donner l'ordre aux vierges de se taire et de ne plus renouveler à l'avenir leurs chants séditieux. Publia sans tenir compte de l'injonction fit chauter par toutes les voix le psaume LXVII: Exsurgat Deus et dissipentur inimici ejus. « Que Dieu se lève et que ses ennemis soient dispersés ! » La fureur de l'Apostat fut au comble. Il envoya saisir la maîtresse du chœur (tou chorou didascalon). La vénérable matrone comparut devant lui. Sans respect pour ses cheveux blancs et pour la sainteté qui respirait sur son visage, il la fit souffleter par les soldats de son escorte. L'héroïque chrétienne subit cette outrage en bénissant le Seigneur, et rentra dans sa retraite, où elle continua les chants pieux qui jadis calmaient les fureurs de Saül, tandis qu'ils surexcitaient alors celles d'un empereur apostat 1.»
48. On était au commencement de l'année 363. Les travaux préliminaires de la fameuse reconstruction du temple de Jérusalem touchaient à leur fin. Le concours des ouvriers étrangers sous la direction d'Alypius; les crédits ouverts largement ---------------------------
1. Theodoret., Ilist. eceles., lib, III. cap. xiv.
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par Julien, avaient imprimé à l'entreprise nationale des Juifs une incroyable activité. Les fondements du nouvel édifice étaient prêts; le terrain déblayé; les matériaux nécessaires réunis à pied d'oeuvre. Un jour fut fixé pour poser solennement la première pierre du nouvel édifice. Au matin, une foule immense envahit le mont Sion pour assister à la grande cérémonie. En ce moment, un tremblement de terre se fit sentir. La convulsion intestine fut telle que des éclats de rochers s'élançant des entrailles du sol, comme poussés par une éruption volcanique, tuaient les ouvriers les plus rapprochés et portaient au loin la mort dans les rangs des spectateurs. Les édifices publics voisins du temple s'écroulèrent avec un fracas immense, engloutissant sous leurs débris une multitude de curieux qui s'y étaient entassés. Les cris des mourants, des blessés, retentirent au milieu d'un sauve qui peut général. Parmi cette foule éperdue qui fuyait de toutes parts, les uns avaient perdu un bras, d'autres un œil, d'autres une jambe. Le tremblement de terre dura toute cette journée, avec des intermittences terribles. Le lendemain, les secousses ne se firent plus sen- tir ; on reprit courage, et l'on s'occupa de fouiller les décombres pour dégager les victimes qui auraient pu survivre à la catastrophe. Après cette première opération que rien ne vint troubler, l'espérance et le courage se ranimèrent au fond des cœurs. On crut pouvoir reprendre l'œuvre si brusquement interrompue. L'armée des travailleurs occupa donc de nouveau ce chantier de désolation, jour y réparer le désastre. Mais à peine les ouvriers furent-ils installés qu'une éruption de feux souterrains, combinée avec un orage incroyable, éclata tout à coup. Cette fois les victimes furent en bien plus grand nombre. La flamme électrique avait une telle énergie qu'elle consumait en un clin d'œil et réduisait en cendres le fer des marteaux, des haches, des pics et des scies 1. Un cyclone,
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1.Ce frit, attesté par tous les historiens, semblait radicalement impossible à la science voltairienne, qui rejetait tout ce récit comme une fable. De nos jours, les diverses applications de l'électricité nous ont rendu familiers des phénomènes analogues. Des barres de fer, soumises à l'action d'un courant électrique, rougissent instantanément, se calcinent, et en quelques minutes sont réduites en cendres.
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tourbillonnant au-dessus de la montagne, dispersa comme des pailles légères tous les matériaux réunis pour la construction. La tourmente dura toute la journée. La nuit venue, elle prit un caractère plus véritablement prodigieux. Une grande croix se dessina dans le ciel en traits de feu, et des milliers d'autres petites croix du même genre, circulant dans les airs, venaient s'incruster sur les vêtements des Juifs, en y traçant distinctement des croix noires constellées au moyen de trous d'une finesse et d'une régularité qui eussent défié l'aiguille la plus subtile. Dans cette nuit affreuse, dont les épouvantements rappellent ceux des Égyptiens sous la verge de Moïse, on entendait des voix éperdues proclamer la divinité de Jésus-Christ et demander le baptême. Toutefois un grand nombre de Juifs s'obstinèrent dans leur incrédulité. Ils attribuèrent ces phénomènes étranges au tremblement de terre qui dévasta non-seulement la cité de Jérusalem, mais Nicopolis, Naplouse, Eleuthéropolis, Gaza, enfin toute la zone du littoral asiatique 1.
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1. Nous avons, dans ce récit, analysé fidèlement tous les témoignages des historiens ecclésiastiques. Le lecteur pourrait avoir quelque intérêt à trouver réunis les textes relatifs à cette éposode. Voici les principaux: 'Euei Se èpvraiv YJpSavTO, xai tôv yoùv èV.sopsïv, w^r.iiÉpi&v [ièm to\jto ëôpwv [jiupiaSs; noW.aî, vjxTiap es à yjz^Z aOTOuxTw; àîcà xf^ çâpa-yy^» [xeie-ïiÔeto. KaTÉ).u<7av oï xai avTa xrg oî-/.oôt>(uaç xà ).EÎJ/ava, véaôpiTa Ttâvtœ xatîuxsuioîiv sXrasavTSï. 'Eueiô/) ôè xai ■yû^ou xai titœvo'J iroXXtnî ii£Ôi[j.v(ov ouvr,6poiaav [j.uptàôa;, ÈÇaKÎvi]; à'vE(ioi jSiaioi TcvE'JsaviE;, xai iTpoSi/.ot xai xaTaifiSe; xai XaiXcnte; uaoaç àOpow; ÈaxéSaaav. "En 3s (A£{ir,vQTùjv éxEtvwv, xai tï) [Aaxpo9u[Mœ u.i\ ffa>:3poviÇou.Ê'va>v vç 8esV. ttpàVrwv asv <reic[j.05 ÈyÉvsTO tiÉYiaxoç, xai toù; itavT£).û; àjrj7;T0u.; iwv ôec'mv ixavô; xa?an)j||jai. 'EnEiori ôè oOx Ëcïiaav, nûp èx tiîï opu<7<70[iSvwv 6eue).Îuv àvEÔpajtàv t;).eî<jto\j; tûv ■ipuTTûvTcov xa-àKp7îG"E, toù^ ôè à/.îoyç Èf7XÉoa<7£. Kai vûxxwp ôè nap.?rôX>.aïv èv Ttvt ir£>aCo0c7^ xa&EuôôvTcov exoà, xaT7)vÉ/j)y] [X£V à6poa>; c-ùv ttu opoçâi to oixooo'jiyiaa Taù; ôè xaÔEÙSovïaç cwÉynwEV a7tavxa;. I«-iTa ôè r/jv aùiriv vÙMa, xai o.u Kaitv t5) ôffTEpaia, <ï>ç6vi Èv tw oùpavw toû cwreipiou crTaupoù to c^u-a çwToeiôèç, xai aùxà ÎÉ TX TWV 'lo'JGÏIWV È09'f,|AaTa CTTOUpÛV ÈTCSTÙlîptOTO, oùx ëxi [ISVTOt fwcoEtSûv, à).X' IbGpeXatvr,; xatEaxEua(j(i.Évwv ypoiâî. Tâura ôt àvctôeot 6sasâne\ioi, xai rà{ IJeiiXâïo'jg pLactiYaîûppwQ^aavxs;, àitèôpairav te xai rà ôtxEÏa xaTÉ/.aSov, ©èov 6(Jlo).oyo0vte; tôv ûiro Ttîiv npoyôvajv tw £jXo> îrpoffViXwôÉVTa. TauTa ^xovas (JL£V 'IouXiavoç, irapà ?tâvT<i)V yàp tjôsto, tû> ôè <I>apaù napait).Y)5Ho; tïjv xapôtav êsxXiîpuvev. (Theodoret, H(>/, eccles., lib. 111, cap. xv; ?a(r. grœc, torn. EXXXII, col. 1112-1113.) — Et ecce nocte qnce ud incipiendum opus jam sola restabat i terrœ motu. Ingeni ohoiitur, et non saium fundamentorum saxa longe laieque jactantur, verum «tiam iotius loci pêne œdificia complanantur. Porlicus quoque publicœ, in qui' iiu ludaorum midiUudo quœ operi videbatur insistere commandât, ad sÔlum
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49. Quant à Julien, tout en prescrivant de suspendre les travaux jusqu'à nouvel ordre, il se préoccupa surtout de prévenir l'effet moral qu'une pareille catastrophe devait naturellement produire. Il nous reste un fragment très-curieux d'une lettre qu'il écrivit à
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deductœ, omnes Jwlœos qui reparti sunt oppressere. Luce vero orla, cum se mala crederent e/fugisse, ad requirendos eos qui oppressi fveranl reliqua multitudo concurrit. Mes erat qvœdam in inferioribus templi demersa, habens aditum inier duas porticus qwr fuerant complanatœ, in qua ferramenta, aliaque cperi necessaria servabimiur, e qua subito globus quidam ignis emicuit, et per médium plaieœ percurrens, adustis et exanimatis qui aderant Judœis, ultro citraque fere- batur. Hoc iterum sœpiusque et frequentissvne per totam itlam diem répètent, pertinacis populi temeritatem flammis ultricibus coercebat. Cum intérim pavore ingenti et trepidatione otnnes qui aderant deterriti, solum verum Veum Jesum Christum confiteri cogebantur inviti. Et ne hœc casu fieri crederenhtr, insequentt nocte in vsstimentis omnium signaculum crucis ita evidens apparuit, ut etiutn qui diluere pro sui infylelitaie voluisset, nullo génère valeret abolere. Sic deterriti Judœi atque Geniile%, locum simul et inaniter capta reliquere. (Rufiu., Hist. eccles., lib. I, cap. xxxviii-xxxix ; Patr. lat., tom. XXI, col. 506.) — S'jvôpajiévTwv oîv twv 'Iûuôaîwv xai (j.ETa 7TO).).7i; "rii; Xa?®' T0^ £pYou ÈvaplajjiÉvajv, xai ty]v t<7w Gejjie- J.iwv râsov Èijopurr&vTwv àp^upatç â|i|iat; xai cxdsat;, xai toû; 6ep.s).iou; (as').ào". y.a7<xêâ>.}x-36at, (jtfo&poTaTT) ■/.ot-uatytç è-£).QoDffa, tô xevcùQèv àvTS/wvvv * à<77pa7:wv es xai ppovTùv xàG' o).rjV Èxstvïjv Tr,v vjy.Ta cnjvEvài; xaTa*£[ji7:o^£va)V, i3£t<7u.o; èyyi^O'jcr^ J.ontôv tr,; r,|J.£pa; syevîTO, (Site 7ro).).o'j; xai ÛTiai'9po'j; [j^vôvTa; èva'MIjai • xai ^ôp ix tû'/ ôpu<Toou.£vwv 0£[i£)îwv ÈijivEY_<iîv, mtvTaç toûc eOpeGév-a; êxEÎTe xaTs'r/£Ïïv ■ xaT<x7rEr7e:v ge xai tto/ï'.* cuvsêr] Tac ~£pi Nixottomv, xai NEaTroJ.tv, 'E}.E'j9£p07TG}.tv Te xal Tâ^av, xaî ÊTEpa; z/elo'j; * GTÔa ôe tt^; 'Atï.t'a* Tjvouv 'lEpoyaaï.r^, f, xapà tt,v OMvaYuiyfiv Twv 'Jouôatwv w>).),0'j; tûv Ètpr,(iÉvwv xaTSVEyjjEîaa àveD.Ev • r.xtçi te ÈxpayÈ* àSïjXcoç, tc).£Îcttûu; 'Io'jSxiwv xaTSV.a'JGEV * èye'veto es xat uv.o'ûç xaTà to'j; tgttg-j; ix£(vou; xat OEf7|j.oi cruvEyet;, no>.).a; çOofà; Èv 7io).).aT; ÈpyaTâjisvoi no).wtv. (j4cf. S. Artem. liolland., yic/. Sancf., 20 octohr., pag. SS3). — S. Auibrûise, [Epùtol. il, «if Tkeodos. ; Patr. lat., tom. XVI, col. 1105), S. Jean Chrysos- touie (Sermo v, adverxus Judœos; l'atr. grœc, tom. XLV111, col. 899), S. Grégoire de Nazianze {Oratio v, Contra Ju/ian. Il; Pafr. grec., tom. XXXV, col. 868.), racontent de même ce fait, dont ils étaient contemporains. Socrate (His/. ecchs., lin. 111, cap. xx ; Patr. grœc, tom. I.XV11, col. 428), bozomène [hist. eccles., lilj. V, cap. xxn ; Patr. grœc, eod. tom., col. ISSt), s'étendent avec plus de détails encore. Nous ne reproduisons pas tous ces textes, parce qu'ils sont fidèlement résumés par Nicéphore Calliste, lequel, venu le dernier dans la série chronologique, a mis eu lumière et coordonné tous les témoignages précédents. Voici le passage de Nicéphore : 'E~ïi 8» xai Ta /.EtiJ/ava tis iv fiâOet ôtxi5op.ta; àvE'axa^av, xai Toooa^o; £^£>:a6r,pav, ôrw; p-T) )t'0oc et:1 )tOw (j.eïvïj, xaTà vr,v npôppr,ctv, Tr( ÈTTioûor, s).0ûvTa)V ô»c ctv tôv ^pwTov OEtfiJtov uTroOrj- cwoi, oeiu|jov lâst liÉfav ÈTttvEvÉ'ïOai - t<7) Ss 7CO>.).ôi TÎj; Y''? x)ôvw tï È'J/â-tiiv v.orr T.i'joi'i àva&o'J'/jvat to^p; J.iOou; ■ O'.r/. oXyo'j; SE xai tûv 'JciuSaiaw ÔLaoOapf,vat, ot ts xatà 6àav Jtapîjia-» toû ÉpfO'J, ïa't ot Ta Ti;; ôixoSonrj; JnsTpowEUKv. À! J.':v -jr^? to-
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p133 CHAP. I. — PERSÉCUTION DE JULIEN L'APOSTAT.
ce sujet. « Les sacrilèges qui osent blasphémer nos dieux et insulter les temples, dit-il, ont à leur usage d'incroyables sophismes. Ainsi, au nom de je ne sais quelle puissance supérieure qu'ils nomment la Providence, ils ont la prétention de nous objecter que
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p134 PONTIFICAT DS SAINT LIBERICS (339-366)
le désastre du temple d'Apollon à Antioche, et en général le renversement de nos autels, ont été depuis longtemps annoncés par leurs voyants. Je sais, en effet, que les prophètes Juifs ont écrit quelques mots en ce sens. Mais la supériorité de nos dieux n'en éclate pas moins à tous les regards. Comment en effet les chrétiens expliqueront-ils la ruine du temple de Jérusalem, détruit trois fois 1 sans qu'on ait jamais pu le rétablir? Ce n'est pas que je veuille insulter à la mauvaise fortune des Hébreux, mais enfin si leur Jéhovah était aussi puissant que Jupiter, évidemment il n'eût pas permis cette série de catastrophes. Moi-même j'avais entrepris de rétablir le temple de Jérusalem en l'honneur de la divinité qu'on y invoque. Il m'est donc bien permis de citer cet exemple frappant de l'instabilité des choses humaines. Il y a là une preuve de l'ineptie des prophètes, qui promettaient à leur nation des destinées immortelles, abusant ainsi par leurs déclamations les bonnes femmes de la Judée. Non pas certes que le Dieu juif ne soit un grand Dieu ! Mais il est certant qu'il n'a trouvé au sein de la nation hébraïque ni serviteurs intelligents, ni interprètes capables. On en concevra facilement la raison, en réfléchissant à l'ignorance des prophètes hébreux, dont l'esprit ne fut jamais cultivé par l'étude des lettres et des sciences humaines. Étrangers à toute culture intellectuelle, ils n'ont jamais essayé de percer les ténèbres dans lesquelles se plaisait leur aveuglement. Pareils à des hommes qui n'auraient contemplé la lumière du soleil qu'à travers des nuages ou d'épaisses vapeurs, la claire vue leur fait défaut, ils confondent les splendeurs de l'éther avec les reflets impurs d'un feu matériel et grossier. Tout est pour leur ignorance un sujet de terreurs exagérées. Ils n'ont à la bouche que des cris d'alarmes frénétiques. «Tremblez, habitants de la terre! disent-ils. Mortels, séchez de frayeur! Le feu, la foudre, le glaive, la mort !» Telle est leur emphase habituelle. Ils ne trouvent jamais d'images
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1. Julien compte ces trois destructions du temple de Jérusalem avec une précision mathématique. La première avait eu lieu sous Nabuchodonosor, l'an 1001 avant l'ère chrétienne (Cr. tom. III de cette Histoire, pag. 289); la Seconde par Titus l'an 70 après l'ère chrétienne (Cf. tom. VI de cette Ilist., p. 810); eufin la troisième était celle même qui venait de s'accomplir sous Julien.
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p135 CHAP. I. — PERSÉCflTION DE JULIEN L APOSTAT.
assez terribles pour décrire les phénomènes naturels les plus simples, comme s'il était extraordinaire que le feu brûle, ou que le fer coupe. Il y aurait à ce sujet une foule d'observations très-importantes à noter. Je les réserve pour un autre temps, et j'espère démontrer un jour en détail que ces prétendus maîtres de la sagesse, ces prophètes qui se vantent de nous donner les idées les plus saines de la divinité, sont très-réellement inférieurs au plus mince de nos poètes1. » Sous cette phraséologie insultante, dont l'air de parenté avec celle de notre rationalisme moderne n'échappera à personne, Julien déguise le mieux possible son échec dans l'œuvre de la reconstruction du temple de Jérusalem ; mais il convient pourtant du fait lui-même; il en confirme la réalité; il en attribue assez clairement l'insuccès au feu et à la foudre. Nous avons donc ici le confitentem reum. Son témoignage est singulièrement corroboré par celui d'Ammien Marcellin, le biographe et le panégyriste païen du César apostat.