Croisades 6

==========================================

 

p290 PONTIFICAT  DU  B.   URBAIN   II   (2e  PÉRIODE   1094-1096).

 

restituer jamais au pèlerin de Jérusa­lem l'opulent duché de Normandie. Plus tard en 1099, le comte de Poitiers à son départ pour la croisade fut de même contraint de re­courir aux trésors que Guillaume le Roux départissait d'une main si avare. Lui aussi dut hypothéquer le Poitou. «Or, dit le chroni­queur de Malmesbury, l'an du Seigneur 1100, le 1er août, comme on demandait au roi d'Angleterre en quelle cité il comptait se ren­dre, pour célébrer les fêtes accoutumées au jour anniversaire de sa naissance, dont l'époque était prochaine : « J'irai à Poitiers, répon­dit-il, pour prendre possession de mon gage.» Tel était, ajoute l'annaliste, le caractère de Guillaume le Roux. « Avec le temps, di­sait-il à ses familiers, je compte bien m'emparer de tous les royau­mes de l'Europe 1. » Son ambitieuse audace devait être cruellement déçue, ainsi que nous aurons à le raconter plus tard.


§ VI. Prédication   de la croisade  par Urbain II

dans les provin­ces de France.


33. Tous les efforts d'Urbain II pour donner à la sainte entreprise un chef militaire échouèrent donc l'un après l'autre. Ce ne fut point son initiative qui fit défaut  en cette circonstance, mais les événe­ments trahirent sa volonté et les desseins de sa prudence. De  Clermont où il avait, le 28 novembre  1095, prononcé la clôture du grand concile, Urbain II data un privilège plaçant l'abbaye de  Molesmes fondée par saint Robert sous la juridiction  des  souverains pontifes ; puis il reprit ses pérégrinations apostoliques pour la pré­dication de la croisade. Chacun de ses pas sur le sol de la  France, sa patrie, a laissé une empreinte dans l'histoire  ecclésiastique de nos provinces.

=========================================

 

p295 CEAP.   III.   — PRÉDICATION  DE  LA  CROISADE  PAR URBAIN  II.       

 

du saint-siége. Ces consécrations auxquelles le pontife se prêtait avec autant de  bonne  grâce  qu'on mettait d'empressement à les lui demander attiraient  un  concours immense sur son passage. « Partout, dit la chronique de Maillezais, Urbain II faisait préparer des milliers de croix que les hommes ve­naient recevoir de sa main , après  l'avoir  entendu   prêcher la grande expédition qui devait délivrer Jérusalem et sauver la  chré­tienté menacée par les Turcs elles infidèles 1. »

==========================================

 

p297 CHAP.  III.  — PRÉDICATION  DE  LA  CROISADE  PAR   URBAIN II.       

 

    37. Le 10 février précédent, Urbain II avait, à Angers, fait la dédicace solennelle de l'église de Saint-Nicolas, nouvellement édifiée par les religieux de l'ordre de Cluny dans l'un des faubourgs de la ville. «  L'affluence fut telle à cette auguste cérémonie, dit un hagio­graphie, qu'on aurait pu croire à la réunion du monde entier. » Un ermite prit la parole et par ordre du pontife prêcha la croisade à cette foule immense. Il souleva des transports d'enthousiasme. Comme au jour de la Pentecôte, le souffle de l'Esprit Saint passades lèvres de l'orateur au cœur de tous les assistants. Urbain II ve­nait de rencontrer un nouveau Pierre l'Ermite. « Désormais, lui dit-il, vous allez semer le verbe de Dieu ; vous serez mon second dans la prédication du saint voyage. » L'humble religieux se prosterna en signe d'obéissance. C'était Robert d'Arbrissel, le futur fondateur de la congrégation de Fontevrauld, où Laltière Bertrade convertie plus tard par l'homme de Dieu devait terminer ses jours sous le voile des religieuses, dans l'exercice des œuvres de la pénitence et de la mortification.

=========================================

 

Darras tome 23 p. 300

 

p300       PONTIFICAT  DU  B.   URBAIN II   (2e   PÉRIODE   (1094-1096).

 

……….. En prêchant le chemin de la Jéru­salem

-------------------------

1 Borland. Act. B, Robert, de Arbrissello, 25 JFebr.

2.  L'acte tut encore souscrit par Hugues de Lyon, Amat de Bordeaux, Ives de Chartres, Hoël du Mans, Gauthier d'Albano, Geoffroi d'Angers, Bruno de Segni, les cardinaux Teuzo, Albert et Rangerius. Milon de Saint-Aubin et Emorrand de Soissons y figurent avec le titre de clerici papae. (B. Urban. II Vil. toc. cit.)

========================================

 

p301 CHAP.  III.   — PRÉDICATION  DE  LA  CROISADE PAR URBAIN  II.      

 

terrestre Robert d'Arbrissel, comme Pierre l'Ermite, ouvrait aux âmes les horizons de la Jérusalem du ciel ; ou plutôt celle-ci était vraiment le but auquel devait conduire la première. « On vit alors, disent les actes, un spectacle qui rappelait celui des prédications évangéliques du Sauveur en Judée. Des multitudes d'hommes et de femmes de tout rang, de toute condition s'attachaient au mission­naire, le suivaient dans ses pérégrinations, recueillaient avidement chacune des paroles qui tombaient de ses lèvres, des bénédictions que répandait partout l'homme de Dieu 2. » Ces âmes que le con­quérant apostolique recueillait ainsi sur les chemins devinrent plus tard les prémices de l'ordre de Fontevrauld.

 

   39. L'hostilité du roi de France ne permettait point au pape de visiter lui-même, ainsi qu'il en avait le désir, les contrées que Robert d'Arbrissel évangélisait en son nom. Urbain II voulut cependant renouveler en faveur des provinces centrales de la Gaule l'imposante manifestation dont la capitale de l'Auvergne avait été le théâtre. Il indiqua dans ce but la tenue d'un grand concile qui devait s'ouvrir sous sa présidence à Tours, dans la troisième semaine de carême (16-22 mars 1096). Il continua dans l'intervalle ses pérégrinations apostoliques avec un zèle infatigable.

 

Darras tome 23 p. 303

 

p303 CHAP.   III.  — PRÉDICATION  DE LA  CROISADE PAR  URBAIN  II.      

tiers.


­…………..

 

   41. De Vendôme, le pape se rendit directement à Marmoutiers [Majus-Monasterium), la célèbre abbaye de Saint-Martin, à une demi-lieue de Tours. Le dimanche 9 mars, après la messe pontifi­cale, Urbain II, du haut d'une riche  estrade élevée sur la  terrasse  du monastère et dominant le cours de la Loire, prêcha la croisade en présence d'une multitude qui rappelait celle  de Clermont.  Des milliers de  croix   furent distribuées  aux   barons,  chevaliers et hommes d'armes qui se trouvaient dans l'auditoire.

 

========================================

 

p311 CHAP.   III.  —  PRÉDICATION DE  LA  CROISADE PAR  URBAIN II.      


………..

 

   47. « La veille de la fête des apôtres Pierre et Paul (28 juin), disent les cartulaires, le glorieux pape Urbain II, à la prière de l'évê-que Godefroi, fit son entrée à Maguelonne et y resta cinq jours. » L'antique cité venait d'être relevée de ses ruines: une nouvelle ca­thédrale y avait été construite et l'île entière s'était couverte d'habi­tations. Nous avons dit précédemment que la ville de Maguelonne, bâtie sur une île, au fond d'un golfe voisin de l'embouchure du Rhône et ouvert à toutes les incursions des Sarrasins, avait dû

--------------

1. S. Vrban. Il Vita, cap. 265.

2.Baluze. bliscel/an Hist. du Languedoc, II.

3.  Jean XXII y érigea plus tard un siège épiscopal suffragant de Nartiouce.

4. Urban. Il Vita, cap. 367.

=======================================

 

p312 PONTIFICAT DU B.  URBAIN  II   (2e  PÉRIODE   109p4-1096).

 

être, en 780, abandonnée par ses habitants. Ils s'étaient transportés au castrum de Substantio, place forte située sur une éminence à une demi-lieue de Montpellier. Les choses demeurèrent en cet état près de trois siècles, jusqu'à ce que vers l'an 1060 l'évêque Arnauld I en­treprît la restauration de sa ville épiscopale. De solides défenses la mirent à l'abri de nouvelles insultes du côté de la mer. L'œuvre s'achevait et Maguelonne avait repris son ancienne prospérité,quand Urbain II y fit son entrée en 1096. L'affluence accourue pour le re­cevoir fut immense. «Le jour de la fête des apôtres, reprend le chroniqueur, après la célébration de la messe solennelle, le pontife entouré des archevêques de Pise et de Tarragone, des évoques d'Albano, de Segni, de Nîmes, de Maguelonne, du comte de Substantio, de Guillaume seigneur de Montpellier et de tous les chevaliers de la province, prêcha la croisade.

==================================

 

p316        PONTIFICAT DU B.   URBAIN II  (2° PÉRIODE  1094-1096).

 

……

 

   49. Relativement à la prochaine croisade, la réconciliation de Philippe I avec le saint-siege, bien qu elle ne dût point être définitive, eut les plus heureux résultats. En permettant aux princes, seigneurs et chevaliers de la France centrale, de suivre le mouvement qui entraînait l'Europe entière au saint voyage, elle allait fournir à l'ar­mée de Godeffoi de Bouillon les plus vaillants auxiliaires. Urbain II attachait donc la plus haute importance à cet événement, dont l'ambassade de saint Ives à Montpellier et le sacre du nouvel évêque de Paris furent le prélude. Jusque-là tout ce qui tenait à la cour de France par les

----------------------

1On se rappelle que cette  interdiction   avait été formulée au concile de Clermont.

2. Iv. Carnot. Epist. L. col. 62.

========================================

 

p317  CHAP.   III.  —  PRÉDICATION  DE LA   CROISADE  PAR URBAIN II.       

 

liens d'une vassalité immédiate, de l'ambition ou de la faveur, était resté à l'écart de la croisade. Dans la soudaine con­version de Philippe I, la question politique ne fut pas sans influence. Quels que fussent les mœurs désordonnées et les faciles plaisirs de la cour, des chevaliers français ne pouvaient entendre autour d'eux le cri de la guerre sainte, l'appel de la chrétienté menacée par l'inva­sion musulmane, sans porter la main à leur épée. Toutes les intri­gues de Bertrade furent impuissantes contre ce sentiment d'honneur chrétien. Le pape ne voulut pas un seul instant de retard dans la conclusion d'une paix si désirée. En terminant le concile de Tours, il en avait indiqué un autre qui devait se réunir à Arles le 29 juin suivant. Mais à cette époque Arles ne faisait point encore partie du royaume de France. Or Philippe I se proposant de venir à cette as­semblée pour y être solennellement absous des censures et reçu à la communion ecclésiastique, le pape choisit un autre lieu de réunion et ouvrit le synode à Nîmes dans les premiers jours de juillet 1096. Le roi de France y parut en personne, circonstance que tous les écri­vains gallicans ont laissée dans l'ombre, et que la plupart des au­tres semblent avoir complètement ignorée. Le chroniqueur Bernold avait cependant constaté le fait en ces termes : « Philippe roi des Gaules, depuis si longtemps excommunié pour crime d'adultère, ne voulut point laisser le pape sortir du territoire français sans avoir fait sa soumission. Il se présenta donc assez humblement devant le seigneur apostolique, jura de renoncer à l'objet de son aveugle pas­sion, et se déclara le fils dévoué du seigneur pape. Il fut ainsi réin­tégré dans la communion de l'église Romaine1»

=========================================

 

p321 CHAP.  III.  — PRÉDICATION  DE LA  CROISADE PAR  URBAIN II.      

 

…………..

 

52. Le concile de Nîmes terminait glorieusement la série des pérégrinations apostoliques entreprises en France par Urbain II pour la prédication de la croisade. L'acte réparateur signé, par le comte Hongrie, de Toulouse au moment où il se disposait « au saint voyage, » allait être

--------------------

1 Hugues de Besançon était, nous l'avons dit, frère de Guy de Bourgogne archevêque de Vienne, le futur pape Calixte II. Celui-ci, bien qu'il ne figure pas sur la liste des signataires, assistait cependant au concile de Nîmes. « J'y étais avec mon frère l'archevêque de Besançon, disait-il plus tard dans une allocution prononcée au concile qu'il présida à Toulouse en 1119. J'entendis la requête adressée par les clercs de Saint-Saturnin (Saint-Sernin) au seigneur  pape   Urbain   II, à   l'effet   d'être   dispensés   de remettre à la chancellerie épiscopale le quart des offrandes faites chaque année dans leur basilique. L'évêque de Toulouse, Isarn, maintint énergiquernent son droit, protestant que si ce revenu lui faisait défaut il n'aurait plus de quoi vivre. Mon frère et moi nous soutînmes sa cause de tout notre pouvoir, en sorte que l'affaire demeura en suspens. Mais après la clôture du concile, le seigneur pape, cédant aux instances du comte Raymond qui soutenait la cause des clercs de Saint-Sernin, prit l'évêque à part et le détermina à accepter une transaction. Isarn devait conserver, sa vie durant, le revenu en litige, et à sa mort le droit épiscopal sur les oblations de la collégiale serait aboli. » (Labbe, loc. cit. col. 609.)

2. Ibid., col. 610.

=========================================

 

p322      PONTIFICAT  DU B.   URBAIN II (2e  PÉRIODE  1094-1096).

 

imité par tous les seigneurs de l'Europe catholique. Sur le point de partir pour la Jérusalem terrestre, qui devait être pour un si grand nombre de croisés le vestibule de la Jérusalem du ciel, ils voulaient effacer derrière eux toutes les traces d'oppression et de tyrannie. Ce fut comme un jubilé universel, où tous les opprimés rentrèrent dans leurs droits, toutes les injustices furent spontané­ment réparées. La soumission du roi PhilippeI et sa réconciliation momentanée avec le saint-siége prenaient, dans les circonstances, le caractère d'un événement de premier ordre. Quelques semaines après le retour de ce prince à Paris, son frère Hugues de Vermandois dit le Grand, traduction du titre de Magnus que lui donnent les chroniqueurs dans un sens différent de la signification ordinaire1, 2.mais que le prince justifia réellement par sa bravoure  chevaleres­que, prit la croix dans une assemblée présidée par le   roi  en per­sonne. Etienne comte de Blois, Robert II comte de la Flandre fran­çaise, une foule d'autres princes et seigneurs imitèrent son exem­ple. Dès le mois de février précédent, une conférence de  ce genre avait eu lieu par l'initiative de Hugues de Vermandois Le pape en fut informé, en même temps qu'il apprenait l'adhésion à la croi­sade de  Godefroi de Bouillon avec tous les seigneurs ses alliés et vassaux de la Flandre et de là Lorraine alle-

-------------------------

1.Tous les chroniqueurs latins sans exception donnent au comte Hugues, frère du roi Philippe I, le titre de Magnus ; et l'usage s'est généralement établi chez les historiens modernes d'attribuer à ce prince le surnom de Grand, qui en est la traduction littérale. Mais M. Paulin Paris (Chanson d'Antioche, t. II, 341) a péremptoirement démontré que le vrai  surnom du prince français, tel que le lui  donnaient les contemporains, était celui de Maines. Hugues était le frère puîné  de Philippe I. Or, dans  le langage qu'on parlait au moyen âge, le puîné se nommait Mainsnés ou Maines (né après) ; comme le fils aîné se nommait Ainnés (né avant). Les  chroniqueurs latins auront cru devoir traduire le nom de Haines ou Mainsnes, employé dans la langue usuelle, par celui de Magnus ; et le  souvenir de  Hugues-le-Grand, père de Hugues-Capet, n'aura fait  qu'ajouter à  la  confusion. Il  est certain que le comte Hugues de Vermandois, dans la traduction française de Guillaume de Tyr attribuée à Bernard le Trésorier, est  désigné  indifféremment tantôt sous le nom de Huon le Meinne, tantôt sous celui de Hues-li-meins-nez. Évidemment donc M. Paulin Paris a retrouvé la signification véritable du titre porté par le frère du roi de France. (Cf. Peyré. Hist. de la première croisade, t. I, p. 160, not. 1.)

2.Guib. Novig. Gest. Dei per Francos, 1. II ; Pair, lat., t. CLVI, col. 712.

=========================================

 

p323 CHAP.  III.  — PRÉDICATION  DE LA  CROISADE PAR  URBAIN II.      

 

mande. C'était précisé­ment l'époque où survenaient coup sur coup les tristes nouvelles de la mort inopinée du  saint roi Ladislas, désigné comme chef mi­litaire de la croisade, et de l'avènement de Colomann au trône de Hongrie 2. Urbain II était alors à Avignon, d'où il se disposait à rentrer en Italie par la voie actuelle de Nice et Gênes. L'abbé de Saint-Gilles, Odilon, de la congrégation de Cluny, avait été précé­demment chargé par saint Hugues d'une mission près de Ladislas et de la visite des maisons bénédictines en Hongrie. Il  connaissait parfaitement le nouveau roi Colomann, ses fâcheux antécédents, ses instincts farouches, ses liaisons avec le pseudo-empereur Henri IV et avec la faction schismatique de l'antipape Wibert. Sous un prince de ce caractère, la Hongrie qui dans le projet primitif devait  four­nir à la future croisade une base solide d'opération,   et comme un poste avancé sur l'extrême frontière des états européens, allait devenir une terre ennemie, presque aussi dangereuse à franchir  que les contrées occupées par les Turcs et les Sarrasins.

===================================

 

Darras tome 23 p. 325

 

p325 CHAP.   III.   — PRÉDICATION  DE LA  CROISADE  PAR URBAIN II.      

 

…………..

 

54. Colomann était incapable de comprendre l'élévation d'un tel  langage. Placé aux avant-postes de la civilisation européenne, son royaume eût été le premier écrasé par l'invasion musulmane contre laquelle Urbain II préparait la croisade triomphante ; et cependant le nouveau roi de Hongrie devait armer toutes ses forces pour com­battre les croisés qui allaient le sauver malgré lui. Nous avons à peine le courage d'en faire un crime à ce tyran. Sa férocité naturelle trouve une sorte d'excuse dans son alliance avec le

------------------------

1. II Cor. XI, 28. B Rom. I, H.

2. Rom. I,14.

3.B. Urban. II. Epist. cctii ; Patr. lat., t. CLI, col. 480. Inutile de faire observer qu'aucun historien moderne n'a mentionné cette lettre d'Urbain II. On voulait laisser croire qu'aveuglé par je ne sais quelles fanatiques visées, le pape une fois lancé dans la prédication d'une croisade qui n'avait aucun motif sérieux, aucun intérêt social, ne s'était pas même préoccupé, au point de vue pratique, d'organiser l'expédition et d'assurer, au moins daus les con­trées de l'Europe, un libre passage aux futurs pèlerins de Jérusalem.

========================================

 

p326       PONTIFICAT DO B.  URBAIN  II  (2e  PÉRIODE  i094-1096).

 

Néron de l'Alle­magne et avec l'antipape Clément III. Mais que dire de nos lettrés modernes, de nos historiens officiels, qui en sont encore à se de­mander par quelle inexplicable folie la chrétienté du XIe siècle se trouva tout entière atteinte de la contagion des croisades? L'ingra­titude et la pédantesque ignorance de notre génération classique nous inspirent une certaine indulgence rétrospective à l'égard de Colomann. Ce prince allait se donner le cruel plaisir de massacrer des pèlerins qui « portaient sur l'épaule dextre » le signe de la croix, arboré jadis à la tête des légions romaines par Constantin le Grand. Il allait arrêter au passage et traquer comme des bêtes fauves les sauveurs de l'Europe. Peut-être ces exploits lui vaudront-ils quelque jour une statue, de la part des ennemis de l'Église et de la société. En tous cas, Urbain II ne fut nullement responsable des torrents du sang chrétien versé par Colomann dans les plaines de la Hongrie. Il ne reçut aucune réponse du tyran; il ne put que pleurer sur des désastres qu'il était impuissant à prévenir. Traversant les cités d'Apt et de Forcalquier 2, il rentra en Italie. « Le succès de sa prédication dans les Gaules, la soumission du roi Philippe I, dont la nouvelle, dit Bernold, s'était promptement répandue dans les provinces lom­bardes, lui valurent un accueil triomphal. Les princes et les évêques se portèrent à sa rencontre et lui firent escorte. Avec eux il célébra à Mortara, près de Pavie, la fête de l'exaltation de la sainte Croix3 » (14 septembre 1096). « Ses paroles furent reçues comme l'eussent été celles du bienheureux Pierre lui-même, s'écrie Domnizo. Ur­bain II a donné le mot d'ordre du salut; père de la chrétienté, il a dit qu'il fallait repousser le joug du peuple infidèle et délivrer le sépulcre du Sauveur. Tous se levèrent à sa voix. Pour l'amour du Christ, le père quitta ses tendres enfants, l'époux s'arracha au bras de l'épouse. Dieu le veut ! Sur la terre de France, patrie Urbain II, le peuple entier s'est mis en marche pour la conquête de Jérusa­lem 4. »

---------------

1.      Cf. B. Vrban. II Vita, cap. cclixv, col. 217.

2 B. Urban. II. Epist. cevm. Data VIII id. Augusti apud Forum Cholcherii ; Patr. lat.. t. CLI, col. 482.

3.  Bernold. Chronic. Patr. lat., t. CXLV1II, col. H27.

2Domniz. VU. Mathild., lib. II, cap. x ; Pat. lat., t. CXLVIII, col. 1016.

===========================================

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon