Luther 20

Darras tome 33 p303

Le dé-

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1 Comte de Villekmokt, Ernest de Mansfeld, t. I, p. 40.

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couragement avait envahi le cœur de Charles-Quint au point que, en 1339, quand Ronacorsi, agent du duc de Bavière, alla lui sou­mettre, à Tolède, les statuts de la Sainte-Alliance, il n'obtint au­dience qu'avec peine : «L'Empereur, écrivait-il à sa cour, est dé­goûté des affaires d'Allemagne. » Cependant les membres de la li­gue de Smalkalde ne perdaient pas le temps et disposaient tout pour une prise d'armes. Les plans de campagne étaient dressés par le Landgrave de Hesse et par le célèbre capitaine Schertlen de Burten-Pach, François Ier s'était engagé à fournir aux ligueurs une somme de 200,000 rixdales, plus un subside mensuel de 40,000 écus. Les choses avaient été poussées si loin, que l'électeur de Saxe offrait d'envoyer, prés du roi de France, son fils en otage. Malgré quelques défections, les protestants avaient mis sur pied, 70,000 hommes d'infanterie, 15,000 cavaliers, pourvus de 120 canons, de huit cents chariots de munitions, de 8,000 bêtes de somme et de 6000 pion­niers. Bientôt, enflé de ses forces, le parti crut n'avoir plus de me­sure à garder; il osa faire arrêter des convois de navires et de cha­riots, sur le simple soupçon qu'ils pouvaient porter à l'Empereur, des munitions de guerre envoyées par le pape Paul III.


   29. L'Empereur n'était pas en mesure de ré-ister à de si grandes forces ; heureusement pour lui, les confédérés ne surent pas se pré­valoir de l'avantage numérique. Au lieu de s'unir et de combattre, ils se partageaient en corps d'armée, relevant de divers chefs, ou­vraient des négociations, publiaient des manifestes. Enfin le pape Paul III ordonna la croisade et Charles, reprenant courage, publia le ban de l'Empire, contre l'électeur de Saxe et le landgrave de Hesse, chef de la Confédération. En vertu de cette sentence, la plus rigoureuse que le droit public de l'Allemagne ait décernée contre les ennemis de la patrie, ils furent déclarés traîtres, rebelles et pros­crits ; leurs biens furent confisqués et leurs sujets absous du ser­ment de fidélité ; enfin, il fut non-seulement permis, mais louable d'envahir leur territoire. Les confédérés répondirent à cet acte de vigueur, par l'envoi au camp impérial, d'un héraut pour déclarer la guerre à Charles-Quint ; mais, dès leurs premières opérations, ils sentirent quelle faute ils avaient commise par la  division des com-

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mandements ; les malentendus des chefs permirent à l'Empereur de recevoir d'Italie des renforts successifs, qui portèrent bientôt son armée à 36,000 hommes de vieilles troupes, formidables par leur valeur et  leur discipline. Mais les opérations  des deux armées ne répondirent pas à la haine violente dont les esprits étaient ani­més de part et d'autre. L'Empereur avait pris la sage résolution d'éviter le combat avec des ennemis qui avaient sur lui l'avantage
du nombre, prévoyant d'ailleurs qu'un corps composé de membres si mal assortis ne tarderait pas à se dissoudre. C'est pourquoi il se renferma dans un camp retranché et s'y tint immobile, malgré les provocations des confédérés qui vinrent plusieurs fois lui offrir  la bataille. Un puissant renfort qui leur arriva des Pays-Bas leur per­mit de s'emparer de plusieurs villes ; cependant  il  persista à ne point engager le combat. Malheureusement  ces  mesures, dictées plutôt par la politique que par le désir de sauver la religion, ne fu­rent pas toutes marquées au coin de la sagesse. L'Empereur croyait avoir remporté un grand avantage, en attirant dans ses intéréts, aux dépens de l'Église, le duc Maurice de Saxe, prince protestant aussi ambitieux que cupide, qui n'hésita pas, au détriment de ses core­ligionnaires, à vendre ses services. Les évêchés de Magdebourg et d'Halberstadt furent la récompense de cette trahison, qui se retour­nera plus tard contre l'Empire. Charles, sans défiance, joignit à ces dons effectifs, la promesse du bonnet électoral qu'il avait juré d'en­lever au rebelle Jean-Frédéric et par une illusion bien étrange dans un prince si expérimenté, il s'imagina s'être lié Maurice à jamais, en se l'attachant par les liens de la reconnaissance. De   fait,   Mau­rice entra soudain dans l'électorat et le soumit tout entier,  à l'ex­ception de Wittemberg, Gotha et Eisnach, places fortes qui refusè­rent d'ouvrir leurs portes. Ces rapides conquêtes firent naître dans les deux camps des sentiments tout  opposés.  L'électeur voulant marcher au secours de ces états, l'armée confédérée se trouva me­nacée de dissolution ; le conseil des princes  protestants fit faire, près de l'Empereur, des ouvertures de paix.  La vaillance du duc, d'Albe, l'énergie de l'Empereur ne laissèrent pas longtemps dou­teuse l'issue de la guerre.  Après  deux  campagnes malheureu-
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ses, les protestants furent complètement défaits en 1547, à Muhl­berg, sur les bords de l'Elbe. L'électeur de Saxe, blessé et fait pri­sonnier, n'échappa qu'avec peine au châtiment capital ; la plus grande partie de ses biens fut transportée, avec la dignité électo­rale, à Maurice de Saxe. Tous les princes et toutes les villes qui avaient pris part à la ligue de Smalkalde, furent obligés de faire leur soumission. Le landgrave de Hesse, contraint de passer sous les Fourches Caudines de son vainqueur, qu'il s'était flatté de prendre et de bannir, fit publiquement amende honorable de sa ré­volte, et dut se livrer, lui et ses biens, à la discrétion de Charles-Quint, sous la seule réserve de n'être pas condamné à une détention perpétuelle.


    30. La victoire de Muhlberg avait écrasé le  luthéranisme ; mais le luthéranisme avait alors vingt ans d'existence ; c'était s'y  pren­dre trop tard pour l'anéantir. Maître de la situation, à la tête d'une armée victorieuse, l'Empereur pouvait dicter des lois à l'Allemagne et mettre enfin à exécution son projet de réconcilier, par des con­cessions mutuelles, les deux Eglises. Tandis que tout semblait con­courir au succès des plans de l'Empereur, il ne  fallut guère, pour les faire échouer, que l'Empereur lui même. La France, sentant bien quelles pourraient être, contre ses intérêts,  les  conséquences de cette victoire, devint plus favorable aux ligueurs; elle  envahit les trois évêchés, et, avec cette force d'emprunt,  elle rendit quel­que force à l'opposition luthérienne, tout en ne semblant  combat­tre que pour les libertés germaniques. Charles-Quint, en effet, pour­suivait la grande pensée de l'unité allemande;  il voulait  être le Charlemagne de la Germanie  moderne ; comme  si la victoire de Muhlberg n'eut tourné qu'à son profit, il modifiait la  Constitution de la Chambre impériale et agissait comme si l'Allemagne eût été dès lors un empire à une tête. Mais la grosse faute du vainqueur de Muhlberg, ce fut de vouloir presser sur le Concile de Trente, mo­mentanément réuni à Bologne et de s'essayer,  par un acte reli­gieux, à un rôle de pacificateur. Charles avait convoqué à Augs-bourg une diète pour terminer définitivement les  controverses  de religion qui, depuis longtemps, troublaient l'Empire. Il  avait en-

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touré cette assemblée de ses troupes, de manière à la tenir sous sa dépendance. C'eut été sa volonté que le Concile revint de Bologne à Trente ; il ne put l'obtenir. L'Empereur fit connaître à la diète l'inutilité de ses démarches et, en même temps, lui annonça qu'il avait employé quelques théologiens distingués par leurs talents et leurs lumières, à préparer un système de doctrine auquel les peu­ples seraient tenus de se conformer, en attendant la décision du concile. C'était là un projet injurieux à l'Eglise, renouvelé des Grecs, indigne d'un Empereur chrétien et qui ne devait pas mieux réussir que l’Hénotique de Zenon ou le Type de Constant. Ce sys­tème avait été composé par Pflug, Heldinger et Agricola, les deux premiers étaient dignitaires de l'Eglise romaine, estimés pour leur caractère pacifique ; le dernier était un théologien protestant. Les articles qui avaient été présentés, en 1541, à la diète de Ratisbonne, en vue de concilier les partis, servirent de modèle au nouveau sys­tème ; toutefois les protestants y étaient moins ménagés. On leur cédait seulement sur deux points : il était permis aux ecclésiasti­ques qui s'étaient mariés et qui ne voulaient pas se séparer de leur femme, d'exercer toutes les fonctions du saint ministère : et les provinces qui avaient été accoutumées à la communion sous les deux espèces, pouvaient garder ce mode d'administration de l'Eu­charistie : concessions transitoires toutefois, pour le bien de la paix, seulement par égard pour la faiblesse et les préjugés des peu­ples. Ce système de doctrine fut présenté comme disposition d'In­térim, jusqu'à la décision de Trente ; l'Empereur déclara sa réso­lution de le faire observer. L'archevêque de Mayence, président de l'Assemblée, adhéra incontinent et, par son suffrage, enleva la diète. Par cette ratification, l'Intérim devenait loi de l'Empire; l'Empereur le fit publier en allemand et en latin. Cet écrit eut le tort ordinaire de tous les plans de conciliation : les deux partis le repoussèrent également. Le Pape, éclairé par son expérience, pré­dit qu'un système que tout le monde attaquait, que personne ne défendait, ne serait pas de longue durée et que son intervention était inutile pour en accélérer la chute. L'Empereur, amoureux de son plan, voulut le faire rigoureusement exécuter; mais il ne trouva pas par-

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tout la même condescendance que chez l'électeur de Brandebourg et Maurice de Saxe. La fermeté de l'ancien électeur de Saxe ne se dé­mentit pas à cette occasion : l'Empereur lui promettait la liberté, s'il voulait accéder à l’ Intérim, le prisonnier répondit qu'il n'aban­donnerait pas à la fin de ses jours, une cause pour laquelle il avait toujours souffert; le landgrave, au contraire, écrivit à l'Empereur pour lui proposer sa soumission ; mais l'Empereur, qui connaissait le crédit du personnage, méprisa son offre et le fit même resserrer plus rigoureusement. Les villes impériales montrèrent aussi beau­coup de résistance ; il fallut soumettre par la force, Strasbourg, Constance, Brème, Magdebourg et plusieurs autres places, moins considérables. Après quoi, Charles Quint crut pouvoir goûter en paix les fruits de sa politique, de ses efforts et de ses victoires.


   31. La trahison devait, en un instant, tout détruire. Au moment ou l'Empereur s'endormait dans une fatale sécurité, ce Maurice de Saxe qu'il avait gorgé de biens et d'honneurs, méditait par un coup d'éclat de relever le protestantisme. Terrible leçon pour ceux qui comptent sur la fidélité des misérables, triste exemple de la fai­blesse ou les préoccupations de parti jettent la conscience, et preuve certaine que, pour la soutenir, le protestantisme est sans vertu, si tant est qu'il ne soit pas le complice de ces capitulations ! On aver­tissait l'Empereur de la conduite équivoque de Maurice ; certains symptômes inquiétants eussent dû lui dessiller les yeux ; caractère chevaleresque, Charles-Quint avait l'aveuglement de la loyauté, il ne pouvait croire à une si lâche trahison. Pour mieux le tromper, Maurice lui adressait de fréquents rapports où il multipliait les pro­testations de reconnaissance et de dévouement. Il annonçait même son arrivée prochaine à Inspruck, feignait de se mettre en route, dépéchait même ses confidents à l'avance. D'autre part, après la capitulation de Magdebourg, au lieu de licencier la garnison, il l'incorporait dans l'armée électorale et augmentait ainsi considéra­blement sa force. Un peu plus tard, le 15 janvier 1552, se signait un traité par lequel Maurice cédait, au roi de France, les évêchés impériaux de Cambrai, Metz, Toul, Verdun, la Flandre, l'Artois, la Franche-Comté, moyennant la promesse de quelques troupes et de

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quelques subsides. Aucune perversité ne manqua à cette vile trahi­son, et, s'il y a un nom à jamais infâme,  c'est le nom  de  Maurice de Saxe. Quand tout fut prêt, Maurice entra en campagne à la tête d'une armée nombreuse, qu'il augmenta bientôt de toutes les trou­pes levées par le landgrave Guillaume de Hesse, le margrave Albert de Brandebourg et le comte palatin Othon-Henri. Suivant la  cou­tume qui ne s'est pas perdue depuis, un pompeux  manifeste de grandes phrases sur la liberté, sur la patrie, sur le servage intolé­rable et brutal auquel l'Empereur avait réduit l'Allemagne, accom­pagnèrent sa marche sur Augsbourg. Outre ce bagage de notes so­nores à l'usage de toutes les ambitions, Maurice colorait encore sa rébellion du désir de rendre à la liberté son beau-père, le landgrave de Hesse, prétexte menteur, car l'empereur avait depuis longtemps accordé la délivrance de Philippe, et sa mise en liberté  ne dépen­dra plus que de sa présence à Inspruck.  De  plus,  Maurice faisait marcher contre l'Empire, à l'Orient, des Turcs qui s'avancèrent jus­qu'à Vienne, à l'Occident, les Français qui  se  faisaient précéder d'un manifeste où Henri II, par une exagération peu digne d'un roi, avait fait graver un bonnet entre deux poignards avec le mot Li­bertas ; et où il s'intitulait « le soutien des opprimés, le vengeur de la liberté allemande. » L'armée française s'empara des évêchés de Metz, Toul et Verdun, qui, dès lors, restèrent réunis à la France et alla se joindre à Ulm aux troupes de l'électeur de Saxe.


   32. La confiance de Gharles-Quint avait été trop grande pour que la désillusion ne fut pas pleine de tristesse. A la première nouvelle de la trahison et de la jonction de Maurice aux Français, il fut frappé de stupeur. Le puissant souverain, sur les états duquel le soleil ne se couchait pas, le maître des riches mines du Mexique et du Pérou, se trouvait sans ressources et livré sans défense à ses en­nemis. La plus grande partie de ces troupes était entre les mains de Maurice, le reste dispersé en Italie et en Hongrie. En toute hâte, il écrivit à son frère, le roi Ferdinand, pour le prier d'envoyer du secours ou du moins de s'interposer. Ferdinand, dont toutes les troupes étaient occupées à la guerre contre les Turcs, ne put offrir que ses bons offices à la suite d'une entrevue qui  eut lieu  à Linz

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entre le roi des Romains, l'électeur de Saxe et le duc Albert de Ba­vière; un traité préliminaire destiné à servir de base aux négocia­tions d'un congrès, fut conclu le 1er mai 1552. Ce traité stipulait un armistice d'un mois qui devait commencer dix jours après. La con­vention signée, les princes se séparèrent: Ferdinand retourna près de son frère et Maurice à son camp. Mais l'occasion de surprendre Charles-Quint et de le faire prisonnier, à la faveur de la trêve, était trop belle pour que le traître put résister à la tentation. Sous ce prétexte que ses alliés ne faisaient partir que du 28 mai, l'armistice convenu, Maurice porta par un rapide mouvement son armée vers les Alpes, s'ouvrit de force les passages et se dirigea à marche for­cée sur Inspruck. L'empereur ne reçut que le 19 mai la nouvelle du danger imminent. Ce dut être une amère souffrance pour le noble cœur du prince, jusque-là si gâté par la fortune, que d'être obligé de fuir devant la révolte. Dès le 6 avril, pour se dérober aux ava­ries de la situation, il était monté à cheval dans la direction d'Augsbourg et avait dû revenir incognito pour ne pas tomber aux mains des coureurs saxons. Cette fois, le vieil empereur, malade de la goutte et miné par le chagrin, se mit précipitamment en route au milieu de la nuit, son frère l'accompagnait. A Sterzing, il fut re­joint par l'ex-électeur de Saxe, qui, libre désormais, refusa d'aban­donner l'empereur dans l'adversité. Les fugitifs ne se crurent en sûreté qu'à Villach en Carinthie. Le 22 mai, lorsque Maurice parut devant Inspruck, son but était manqué, sa perfidie inutile. Dans sa colore, il se rabattit sur les bagages de l'Empereur, qu'il abandonna aux soldats avec ceux des Espagnols et du cardinal d'Augsbourg. Ensuite, il revint à Passau, où l'on vit bientôt arriver le roi Ferdi­nand, le duc Albert de Bavière, quelques évêques, des députés de princes et l'ambassadeur de France. Après de longues et vives dis­cussions, pendant lesquelles la guerre parut sur le point de se ral­lumer, les contractants tombèrent d'accord et le 2 août 1552, fut signé le traité de Passau qui confirma l'œuvre de la rébellion. — Par ce traité, l'Empereur mit en liberté le landgrave de Hesse et promit de réunir dans les six mois une diète pour chercher les moyens de prévenir les querelles de religion. En attendant, les pro-

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testants gardaient le libre exercice de leur culte et aucun des li­gueurs de Smalkalde ne pourrait être recherché pour faits accom­plis pendant la guerre. Tel fut ce fameux traité de Passau, qui éta­blit l'hérésie sur une base solide en Allemagne et fit évanouir toutes les espérances que Charles avait conçues de rendre l'autorité impé­riale absolue et héréditaire dans sa famille. On s'occupa fort peu dans les négociations du roi de France ; Henri fut traité comme doit l'être tout prince qui prête son nom et ses subsides aux au­teurs d'une guerre civile ; il n'affecta pas moins un grand zèle pour le maintien de l'ancienne constitution et des libertés de l'Empire allemand. En attendant l'ouverture de la diète, Maurice mena son armée en Hongrie et en remit le commandement au généralissime impérial. Il ne jouit pas longtemps d'ailleurs du fruit de ses victoi­res. Son allié, le margrave de Brandebourg-Culmbach, avait refusé de souscrire au traité de Passau, et plein de colère contre Maurice, s'était séparé avec ses troupes de l'armée des princes, pour assou­vir sur le sud de l'Allemagne, sa cupidité trompée et ses haines sauvages. C'était un méchant homme, aussi pervers que cruel, qui, plusieurs fois, avait écrit et signé de son sang des pactes avec le dia­ble et se flattait d'en avoir reçu dans ses infâmes entreprises des secours visibles. Après avoir mis à feu et à sang les évêchés de Trêves, de Bamberg, de Wurzbourg, après avoir trahi successive­ment l'Empereur et le roi de France, ce digne précurseur de Mansfeld et les Christian de Brunswick vint menacer, en 1533, les états de son ancien ami. L'électeur marcha à sa rencontre et le battit complètement à Lieverskausen; mais frappé d'une balle au milieu de la victoire, Maurice expira le 11 juillet 1553, à l'âge de trente-deux ans : lorsque Charles-Quint apprit la nouvelle de sa mort, il s'écria en pleurant : « 0 mon fils Absalon. »


   33. Le traité de Passau avait vivement mécontenté le roi de France; les hostilités continuèrent entre ce prince et l'Empereur. Charles, absorbé par ces expéditions, n'avait pu s'occuper de la Diète, qu'il avait promis de convoquer; deux ans s'étaient écoulés et pour ne pas retarder davantage, il délégua ses pouvoirs à son frère Ferdi­nand. Ce prince convoqua les Etats de l'Empire à Augsbourg pour

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le 13 novembre 1354, mais l'assemblée ne s'ouvrit que le 3 février 1353. La diète se prolongea une année presque entière et se termina seulement le 21 juin ; le recè ??? et la paix de religion furent promul­gués le 26 du même mois, en forme du décret d'Empire. Voici les principales clauses, la signification et la portée des articles :


1° Les Luthériens seuls, ou mieux les protestants de la confession d'Augsbourg obtinrent la liberté religieuse pleine et entière, avec la jouissance parfaite de leurs biens et de leurs droits.


2° Ces mêmes Luthériens furent personnellement affranchis de toute juridiction ecclésiastique sur leurs domaines, jusqu'à nouvel ordre ;


3° Ceux d'entre eux, qui avaient confisqué des biens ecclésiasti­ques, purent les garder, à moins que les premiers possesseurs de ces biens, n'eussent relevé immédiatement de l'Empereur. Ainsi les sécularisations étaient légitimées ;


4° Cette faveur ne concernait que les biens sécularisés ou confis­qués avant le traité de Passau en 1352 :


5° A l'avenir, les sécularisations étaient interdites. Libre à un di­gnitaire ecclésiatique de se faire protestant ; mais, pour que l'inté­rêt eût aussi peu de part que possible dans cette détermination, il perdait, par cela même, sa dignité et ses domaines, qui conti­nuaient d'appartenir à l'Eglise catholique. Cet article était appelé la réserve ecclésiastique ou le réservât. Les protestants, on le conçoit, ne souscrivirent qu'à grand'peine à ce réservât ; ils prétendirent qu'on ne traitait pas leur Église sur le pied de l'égalité, et beaucoup ajoutèrent qu'ils ne tiendraient aucun compte d'une défense qui leur paraissait partiale et injuste; elle passa pourtant.


6° Ils ne virent pas avec moins de déplaisir l'article suivant, d'après lequel les sujets d'un seigneur pouvaient bien, à la vérité, em­brasser la réforme luthérienne, mais le seigneur avait le droit de leur interdire, dans ses domaines, l'exercice de leur nouvelle reli­gion ; il devait seulement leur laisser la faculté d'émigrer, bien que cela dût amoindrir l'importance de son fief.


7° Des avantages politiques vinrent garantir cette liberté reli­gieuse qu'obtenaient les protestants. Ainsi, dans la Chambre impé-

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riale, il fut convenu que les juges titulaires et les juges assesseurs seraient présentés par les deux partis. Les Etats catholiques étaient encore en plus grand nombre que les Etats protestants ; la majorité, dans cette chambre, resta donc aux catholiques.


8° Les protestants eurent le droit d'inspecter la Chambre impé­riale. Christophe de Wurtemberg, protestant estimé des deux partis, fut délégué pour cet office.


9° Jusqu'alors, dans la Chambre impériale, la formule du ser­ment exigé des juges, était : Par Dieu el les saints. Comme les pro­testants n'adoptaient pas toutes les idées de l'Église romaine sur la canonisation et sur les prérogatives qu'elle conférait à tous ceux qu'elle admettait dans le paradis chrétien, on convint d'une au­tre formule, ainsi conçue: Par Dieu et les saints Evangiles.

10° Enfin il fut dit que les Zwingliens ou disciples de Zwingle, réformateur de la Suisse, les Calvinistes ou partisans de Calvin, ré­formateur français et généralement tout ce qui était considéré comme secte par les deux partis qui en ce moment faisaient la paix, seraient exclus de la liberté religieuse et des avantages politi­ques qui y étaient attachés. 1

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