Darras tome 37 p. 511
38. Quand la Déclaration parut, elle produisit, dans le monde, les effets qu'elle devait produire. En somme, c'était un attentat, perpétré par des évêques contre le Saint-Siège Apostolique, un acte qui inclinait simultanément au schisme et à l'hérésie. Aussitôt que la déclaration fut connue, elle souleva le monde catholique. Les protestants l'avaient comprise aussi bien que les orthodoxes : « ils regardèrent, dit Voltaire, les quatre propositions comme le faible effort d'une église, née libre, qui ne rompait que quatre chaînons de ses fers. » (1) Ce n'était pas assez pour le déiste de Ferney ; mais les protestants durent éprouver quelque satisfaction. Dans les quatre articles, ils virent, ce qui s'y trouve, en effet, un schisme évident. En Angleterre, la traduction de l'arrêt du parlement, rendu sur la déclaration, et celle du plaidoyer de l'avocat-général Talon, qui l'avait précédé, firent croire que la France était sur le point de se séparer du Saint-Siège. Cette opinion prit assez de consistance pour que Louis XIV se crut obligé de la faire contredire officiellement par son ambassadeur, qui fit supprimer cette traduction. Voltaire explique avec plus d'exactitude l'esprit qui animait en France
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(1) Siècle de Louis XIV, Ch. XXXV.
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tous les auteurs et partisans de la fameuse déclaration. «On crut, dit-il, que le temps était venu d'établir en France une église catholique, apostolique, qui ne serait point romaine. » C'était, en effet, ce que voulaient certaines gens. « Il me paraît, ajoute le cardinal Litta, que les auteurs de la déclaration ont semé dans le cœur des princes un germe funeste de défiance contre les papes, qui ne pouvait qu'être fatal à l'Église. L'exemple de Louis XIV et de ces prélats a donné à toutes les cours, un motif très spécieux pour se mettre en garde contre les prétendues entreprises de Rome. De plus, il a accrédité auprès des hérétiques, toutes les calomnies et les injures vomies contre le chef de l'Eglise, puisqu'il les a affermis dans les préjugés qu'ils avaient, en voyant que les catholiques mêmes et les évêques faisaient semblant de craindre les entreprises des papes sur le temporel des princes. Et enfin cette doctrine répandue parmi les fidèles a diminué infiniment l'obéissance, la vénération, la confiance pour le chef de l'Église, que les évêques auraient dû affermir de plus en plus. (1) »
39. Si les ennemis de l'Église, firent à la Déclaration, cet accueil déshonorant, on devine les sentiments qu'éprouvèrent les fidèles enfants de la Sainte-Église Romaine. Dans l'Église les choses se font avec nombre, poids et mesures.
Les questions litigieuses en particulier, s'instruisent avec une singulière prudence. Les universités, canoniquement constituées, se prononcent avec la gravité de la science ; les églises particulières donnent leurs suffrages ; enfin le Saint-Siège, qui possède éminemment le don de temporiser, écoute toutes les voix et décide en dernier ressort. Quoique les affaires se terminent par des voies de grâces, il n'est pas possible de mettre mieux à profit les ressources de la nature.
Un premier anathème contre la Déclaration, c'est qu'elle a contre ses propositions, l'autorité des plus grands docteurs. Je ne parle pas ici des Pères et des conciles dont les principes et les décisions n'abondent pas dans son sens ; je ne parle même pas des saints Thomas, des Suarez, des Bellarmin, des De Lugo où l’on ne trouve
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(1) Lettres sur les quatres articles, Lettre III, p. 5.
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rien qui favorise le gallicanisme ; je parle des auteurs éminents qui ont écrit après la Déclaration. A peine a-t-elle paru qu'on voit s'élever contre elle un concert de réprobation : Roccaberti, d'Aguirre, Gonzalez, Sfondrate, Schelestrate, Soardi, Charlas, Orsi, Bianchi, Gerdil, Zaccaria, Gavalcanti, Sandini, Marchetti, Mazzarelli, Litta, directement ou indirectement, l'écrasent sous leurs réfutations. Au contraire, dès qu'il paraît un prêtre de mauvais renom ou un persécuteur, il empaume immédiatement la Déclaration: il suffit de rappeler Van Espen, Scipion Ricci, Nuitz, Pombal, d'Aranda et autres. Ces préférences des ennemis de l'Église et ces répugnances de ses amis parlent d'elles-mêmes : la haine et l'amour sont infaillibles avant même que n'intervienne le consentement de l'Église gallicane.
Un autre anathème se tire du refus des universités d'enseigner la Déclaration. Même en France, même sous les rois absolus, on n'a pu obtenir son acceptation pure et simple ; un de nos derniers théologiens, Tournély, confesse ingénument que les doctrines contraires sont plus probables, mais qu'il faut enseigner les autres par ordre. L'université de Douai, obligée d'enseigner la Déclaration, écrit à Louis XIV que ses sujets des Flandres éprouvent une grande aversion pour cette détestable doctrine. Les docteurs « ne craignent pas d'affirmer que cette doctrine est absolument inouïe dans ces contrées. On y a toujours regardé, comme des erreurs, ces opinions hardies qui renversent la primauté absolue et l'infaillibilité du souverain pontife, ils ont toujours eu, pour la doctrine opposée, une vénération si profonde, qu'ils auraient cru se placer au rang des schismatiques, s'ils avaient formé le moindre doute sur la suprême autorité dont jouit, dans l'Église, le vicaire de Jésus-Christ. Nous avons apporté la plus grande application pour résoudre toutes les difficultés que peuvent avoir entassées une multitude d'hommes de toutes conditions ; nous avons étudié à fond les plus savants auteurs de l'Europe qui ont transmis à la postérité, dans de volumineux ouvrages, les trésors de leurs connaissances ; nous nous sommes livrés à cette étude pour tranquilliser nos consciences et celles des autres ; mais nous n'avons rien trouvé qui fût favorable à la Décla-
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ration. — De plus, nous n'avons négligé ni soins ni recherches scientifiques pour nous assurer s'il y avait moyen de soutenir ladite Déclaration. Nous avons, pour cela, consulté les hommes les plus habiles, parmi les théologiens réguliers et séculiers; et nous n'avons pas encore pu trouver une seule raison solide, qui pût permettre, à la conscience, de regarder comme légitimes et licites, les propositions du clergé de France. »
A Paris, le Parlement ordonna à la Sorbonne d'accepter les quatre articles et de les inscrire sur ses registres. La Sorbonne s'y refusa ; mais le Parlement, qui voulait être obéi, fit apporter les registres au palais et fit l'inscription d'office. Cette inscription forcée montre la résolution du Parlement, elle montre aussi l'énergique refus de la Sorbonne. — De leur côté, les prêtres de Saint-Sulpice s'écriaient: « Qu'on ne pouvait pas consentir à l'enregistrement de l'arrêt, sans un véritable péché mortel. »
Un troisième anathème se tire du défaut d'assentiment d'aucune Église étrangère. Au contraire, en 1688, un concile national de Hongrie, en porte cette censure : « Les propositions du clergé de France, qui, pour des oreilles chrétiennes sont absurdes et tout à fait détestables, ayant été disséminées, en Hongrie, par des ministres de Satan, dans le but de donner un aliment et un appui à la perfidie de l'erreur et, de faire pénétrer, dans les âmes imprudentes, le poison du schisme, nous n'avons pas cru devoir nous mettre en peine de réfuter pour le moment, comme l'ont entrepris d'illustres théologiens, ces propositions, qui sont assez flétries et réfutées par la perpétuelle tradition des saints Pères, par les décrets des conciles œcuméniques, et les témoignages formels de la parole de Dieu même, malgré les efforts que font les auteurs de ces propositions pour interpréter à leur sens certains passages des livres saints qu'ils torturent pour en faire sortir leurs opinions. Nous avons suivi les traces de nos prédécesseurs, qui, en pareille circonstance, ont été unanimes dans la proposition de proscrire les doctrines funestes et dangereuses en matière de foi.
« C'est pourquoi, le saint nom de Dieu invoqué, et après avoir préalablement examiné la question dans la meilleure forme que la
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difficulté des temps et des lieux pouvait permettre ; après avoir mûrement délibéré avec nos vénérables frères, les évêques, les abbés, les prévôts, les chapitres, et grand nombre de professeurs en théologie et d'hommes habiles dans la science des saints canons :
« Nous flétrissons et proscrivons les quatre propositions susdites ; nous les interdissons à tous les fidèles chrétiens de ce royaume ; nous défendons de les lire, de les retenir, et plus strictement encore d'oser les enseigner, jusqu'à ce qu'intervienne, à l'égard de ces mêmes propositions, l'oracle infaillible du Siège apostolique, auquel seul appartient, par le privilège immuable qu'il a reçu de Dieu, le droit de prononcer en dernier ressort sur les questions de foi. »
40. Enfin le Saint-Siège a élevé, contre les quatre articles, les plus nombreuses et les plus solennelles protestations. C'est le grand anathème. Nous avons parlé déjà du bref du 11 avril 1682, où Innocent XI improuve, casse, annule, non seulement ce qui s'est fait relativement à la régale, mais ce qui a suivi cette disposition et tout ce qui pourrait être attenté désormais. Le Pape pouvait aisément avoir été instruit, par le nonce, de la teneur des quatre articles, préparés à l'avance pour être publiés dans le mois suivant. En conséquence, le souverain pontife déclare ces actes nuls, de nul effet et d'une nullité manifeste.
En 1690, Alexandre VIII écrivait, à Louis XIV, qu'arrivé au terme de sa carrière, il avait à remplir l'impérieux devoir de déclarer la nullité et l'invalidité absolue de tout ce qui avait été prononcé dans son royaume. En conséquence, par la bulle Inter multiplices, le Pontife mourant s'élevait contre les attentats du gallicanisme, et, après avoir rappelé l'annulation portée par Innocent XI, il disait : « A notre tour et de notre propre mouvement, nous déclarons, par les présentes, que tout ce qui a été fait dans cette fameuse assemblée du clergé de France, d'après l'impulsion, et par suite d'une volonté séculière, tant dans l'affaire de l'extension de la Régale que dans celle de la Déclaration sur la puissance et la juridiction ecclésiastique, au préjudice de l'État et ordre clérical, comme au détriment du Saint-Siège ; que tout ce qui s'en est
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suivi, ainsi que tout ce qui pourrait être attenté par la suite ; nous déclarons que ces choses ont été, sont et seront à perpétuité nulles de plein droit , invalides , sans effet, injustes , condamnées, réprouvées , illusoires, entièrement destituées de force et de valeur. Voulons aussi et ordonnons que tous les regardent maintenant et toujours comme nulles et sans effet ; que personne ne soit tenu de les observer, ni qu'en vertu de ces actes, il ait été ou soit acquis, et encore moins qu'en aucun temps il puisse être acquis ou appartenir à qui que ce soit, un droit ou une action quelconque, un titre coloré, ou une chose de prescription, alors même que cette prescription prétendue pourrait alléguer la plus longue possession. Nous statuons même et nous ordonnons qu'on doit tenir à jamais ces actes comme non existants et comme non avenus, comme s'ils n'eussent jamais été mis au jour.
« Et néanmoins, par surabondance de précaution, de notre propre mouvement, après une sérieuse délibération, et de la plénitude de la puissance pontificale, nous condamnons de nouveau, nous réprouvons et dépouillons de leur force et de leur effet, les articles susdits et les autres choses préjudiciables. Nous protestons contre tout cela et en proclamons la nullité, interdisant toute exception quelconque contre cette bulle, surtout le prétexte de subreption ou d'obreption ; de nullité ou d'invalidité ; décrétant, au contraire, que les présentes sont et seront à jamais valides, qu'elles ont et conservent pleinement et entièrement leur effet ; qu'elles doivent être partout jugées et définies de la même manière par les juges ordinaires et délégués, quels qu'ils soient. Nous ôtons à chacun d'eux toute faculté et autorité de juger et d'interpréter autrement : déclarant que ce qui pourra être attenté contre notre présente décision, avec ou sans connaissance par quelque personne, ou en vertu de quelque autorité que ce soit, est sans effet et illusoire ; qu'aucuns décrets des conciles, soit qu'ils aient été allégués déjà, soit qu'on les allègue dans la suite, quelle que puisse être la personne qui le fasse, n'auront aucune valeur contre la teneur des présentes, non plus que les autres prétentions, coutumes, droits, constitutions, privilèges, lettres, induits des empereurs, princes, personnages
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habiles, sous quelque dénomination qu'on les présente, car nous prétendons ôter à tous et à chacun de ces titres, et nous leur ôtons publiquement tout effet par la présente bulle. Nous voulons, de plus, qu'aux copies des présentes, mêmes imprimées, souscrites de la main d'un notaire public, et munies du sceau de quelque personnage constitué en dignité ecclésiastique, il soit ajouté la même foi qu'à l'original même, s'il était exhibé et présenté. »
Certes il est difficile d'imaginer condamnation plus formelle, plus grave et qui prête moins aux échappatoires de l'amour-propre et aux faux-fuyants du parti pris.
On doit considérer comme une troisième condamnation du Saint-Siège et le refus de bulles d'institution aux évêques nommés qui avaient pris part aux quatre articles, et la rétractation exigée pour leur préconisation par Innocent XI, et la réclamation immédiate de ce pontife contre tout ce qui pouvait déroger à l'arrangement conclu entre la France et le Saint-Siège.
En 1706, Clément XI se plaignait, sur le ton d'un homme justement indigné, de ce que, suivant le quatrième article, on avait assujetti à un nouveau jugement, sa bulle Vineam Domini Sabaoth. En 1713, l'abbé de Saint-Aignan et le neveu de l'évêque de Chartres recevaient, de la part du roi et sur les instances du chancelier Pontchartrain, ordre de soutenir une thèse publique sur les quatre articles. Nouvelles réclamations du Pape qui se plaint de ce manque de bonne foi et s'élève fortement contre le gallicanisme.
La Déclaration est encore condamnée formellement : 1° par Benoît XIV, dans un bref du 30 juillet 1748, à l'inquisiteur d'Espagne ; 2° par Clément XIII, dans son allocution du 3 septembre 1762 ; 3° par Clément XIV, dans sa protestation remise au roi de France, contre les ordonnances qui étendaient à la Corse des édits relatifs à la Déclaration ; 4° par Pie VI dans la bulle Auctorem fldei; 5° par Pie VII, dans la protestation du cardinal Caprara, contre l'obligation imposée aux directeurs de séminaires de souscrire et d'enseigner la Déclaration ; 6° par Grégoire XVI dans un rescrit de la sacrée Pénitencerie du 12 septembre 1831 ; 7° enfin, par Pie
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IX dans une allocution du 7 septembre 1847 et dans un bref du 22 août 1851.
Pour donner une juste idée de ces condamnations, nous citons les paroles contre les actes du synode schismatique de Pistoie : « C'est pourquoi, dit Pie VI, notre vénérable prédécesseur Innocent XI par sa lettre du 11 avril 1682, et plus formellement encore Alexandre VIII, par sa constitution Inter multiplices du 4 août 1690, ayant, suivant le devoir de leur charge apostolique improuvé, cassé et annulé les actes de l'assemblée du clergé de France, la sollicitude pastorale exige de nous, d'une manière beaucoup plus impérieuse encore que nous réprouvions et condamnions, ainsi que, par notre présente constitution, nous réprouvons, condamnons et voulons que l'on tienne pour réprouvée l'approbation, coupable à tant de titres, que vient de faire de ces mêmes actes, le synode de Pistoie. Nous condamnons et réprouvons cette adoption comme téméraire, scandaleuse et spécialement injurieuse à ce Siège apostolique, après les décrets de nos prédécesseurs. »
On sait que l’ Institution au droit ecclésiastique et le Discours de Fleury, sur les libertés de l'Eglise gallicane ; que le traité de Pierre de Marca, De concordantia Sacerdotii et Imperii seu de libertatibus Ecclesiae gallicanae et de la première édition et de l'édition d'Etienne Baluze ; que le Jus ecclesiasticum universum de Van Espen, ont été condamnés par le Saint-Siège et mis à l'Index ! Et ne sait-on pas aussi que de nos jours, l'Eglise a condamné la théologie de Bailly, le Manuel du droit canonique de Lequeux et plusieurs autres traités théologiques ? Or, pourquoi ces ouvrages ont-ils été condamnés? Est-ce comme renfermant des propositions hérétiques ou formellement schismatiques? Non ; mais bien parce qu'ils contiennent, d'une manière plus ou moins expresse, les opinions de la Déclaration de 1682 ; parce qu'on y défend comme orthodoxes les maximes et les libertés de l'Église gallicane.
Il n'y a pas un point que l'Église ait plus clairement réprouvé que le gallicanisme.
41. Quand la Déclaration, rédigée par Bossuet et signée par les députés du clergé, eut été publiée par Louis XIV, Innocent XI
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et Alexandre VIII ne se contentèrent pas de l'improuver, mais, pendant plus de dix ans, les papes refusèrent les bulles d'institution à tous ceux qui, étant nommés à des évêchés, s'étaient trouvés dans l'assemblée et avaient signé la Déclaration. Enfin, sous Innocent XII, en 1693, ce différend fut accommodé, moyennant deux lettres écrites au Pape : l'une dans le mois d'août, par les évêques nommés ; l'autre, au mois suivant, par Louis XIV. Fleury nous apprend que la lettre des évêques avait été soumise à Bossuet qui en avait approuvé la rédaction et l'abbé Emery ajoute que Bossuet lui-même en avait tracé le plan. Voici la traduction de cette lettre :
« Très Saint-Père, prosternés aux pieds de Votre Béatitude, nous professons et déclarons que, du fond de notre cœur, nous sommes affectés douloureusement et au-dessus de tout ce qu'on peut dire, de tout ce qui s'est fait dans l'assemblée du clergé, et qui a souverainement déplu à Votre Sainteté et à ses prédécesseurs ; qu'ainsi, tout ce qui, dans cette même assemblée, a pu être censé décrété sur la puissance ecclésiastique et sur l'autorité pontificale, nous le tenons et déclarons qu'on doit le tenir pour non décrété. Nous tenons également pour non décrété, ce qui a pu être censé délibéré au préjudice des droits des Églises (dans l'affaire de la Régale) : car notre intention n'a pas été de rien décider, ni de porter préjudice aux dites Églises. »
Il ne faut pas perdre de vue que la cour fut instruite de l'envoi de cette lettre, ainsi que les principaux prélats de France qui se trouvaient à Paris.
Louis XIV, de son côté, écrivit de sa main au même Pontife, le 14 septembre 1693, la lettre suivante :
« Très Saint-Père, j'ai beaucoup espéré de l'exaltation de Votre Sainteté au pontificat, pour les avantages de l'Église et de l'avancement de notre sainte religion. J'en éprouve présentement les effets avec bien de la joie, dans tout ce que Sa Béatitude fait de grand et d'avantageux pour le bien de l'une et de l'autre. Cela redouble en moi mon respect filial envers Votre Béatitude. Comme je cherche de lui faire connaître, par les plus fortes preuves que j'en puis donner, je suis bien aise aussi de faire savoir à Votre Sain-
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teté que j'ai donné les ordres nécessaires pour que les choses contenues dans mon édit du 22 mars 1682, touchant la Déclaration faite par le clergé de France, à quoi les conjonctures passées m'avaient obligé, ne soient pas observées ; et que, désirant que non seulement Votre Sainteté soit informée de mes sentiments, mais encore que tout le monde connaisse, par une marque particulière, la vénération que j'ai pour ses grandes qualités, je ne doute pas que Votre Béatitude n'y réponde par toutes les démonstrations, envers moi, de son affection paternelle. Je prie Dieu cependant qu'il conserve Votre Sainteté plusieurs années au régime et au gouvernement de son Église. Ecrit à Versailles, le 14 septembre 1693. »
Je ne m'arrête point au style de cette lettre: elle a dû être écrite avec précipitation, et très probablement avec une certaine gêne ; car il en coûte surtout à un roi, de revenir sur une mesure de la nature de l'édit précité. Du reste, on ne peut se tromper sur le désir qu'avait Louis XIV de contenter Innocent XI, et de lui donner pleine et entière satisfaction pour le passé. Nous lui ferions injure, ainsi qu'aux évêques nommés, si nous doutions de la sincérité de leurs lettres. Écoutons ce que dit là-dessus le chancelier d'Aguesseau, au treizième volume de ses œuvres : « La lettre de Louis XIV fut le sceau de l'accommodement entre la cour de Rome et le clergé de France, et, conformément à l'engagement qu'elle contenait, Sa Majesté ne fît plus observer l'édit du mois de mars 1682, qui obligeait tous ceux qui voulaient parvenir aux grades, de soutenir la Déclaration du clergé. »