La foi chrétienne hier et aujourd’hui 61

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IV. JÉSUS LE CHRIST

 

   Ces considérations auront sans doute précisé dans quel sens et jusqu'à quel point l'on peut suivre le mouvement bultmannien. Il y a comme une concentration sur le Dass de l'existence de Jésus, le fait Jésus est coulé dans le moule de la foi au Christ; la parole la plus authentique de Jésus, c'est lui‑même.

 

 Mais n'avons‑nous pas ainsi passé trop rapidement sur la question posée par Harnack? Qu'en est‑il maintenant du message du « Dieu‑Père » opposé à la christologie, du message de l'amour de tous les hommes qui dépasse et surmonte les limites de la foi ? Est‑il absorbé dans un dogmatisme christologique?

 

Dans cette tentative pour définir la foi des premiers chrétiens et de l'Église de tous les temps, le point important, mis en lumière par la théologie libérale, ne se trouve‑t‑il pas à nouveau masqué par une foi qui fait oublier l'amour ?

 

Nous savons que l'on peut effectivement en arriver là et qu'en fait l'on y a abouti plus d'une fois dans l'histoire. Mais il faut nier catégoriquement que cela corresponde au sens même de l'énoncé christologique que nous avons dégagé.

 

   En effet, celui qui reconnaît le Christ en Jésus, uniquement en lui, et qui reconnaît Jésus pour le Christ, celui qui perçoit l'identité totale de la personne et de l'oeuvre, en y voyant le point décisif, celui‑là a dépassé la problématique d'une foi exclusive, d'une foi opposée à l'amour; il a réuni les deux et rendu impensable leur séparation.

 

Le trait d'union entre Jésus et Christ, l'union indissoluble entre la personne et l'oeuvre, l'identité d'un homme avec l'acte du don de soi, représentent également le trait d'union entre l'amour et la foi.

 

Car le « Moi » de Jésus, sa personne mise ainsi vraiment au centre, a ceci d'original que ce « Moi » n'a pas une subsistance autonome et séparée, il est tout entier « être‑à‑partir-du « Toi » du Père », et «être‑pour le « Vous » des hommes », Il est identité du logos (vérité) et de l'amour; en lui, l'amour devient logos, vérité de l'être de l'homme.

 

La foi exigée par une christologie ainsi comprise consiste alors essentiellement à entrer dans l'ouverture universelle d'un amour sans réserve.

 

En effet, croire en un Christ ainsi compris, signifie simplement: faire de l'amour le =================================

 

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contenu de la foi, de sorte que nous pouvons dire que l'amour, c'est la foi.

 

   Cela correspond au tableau que Jésus a tracé dans sa grande parabole du Jugement dernier (Mt 25, 31‑66): la confession du Christ, exigée par le Seigneur qui juge, consiste à trouver le Christ dans les derniers des hommes, dans ceux qui ont besoin de mon aide.

 

Confesser le Christ signifie donc reconnaître dans l'homme qui a besoin de moi le Christ, tel qu'il se présente à moi ici, aujourd'hui, considérer l'appel d'amour comme une exigence de la foi.

 

Si apparemment la confession christologique est réinterprétée ici en Mt 25 ‑ dans le sens d'un engagement sans réserve au service des hommes et au dévouement mutuel ‑, il ne s'agit nullement, suivant notre explication, d'une rupture avec la dogmatique que nous rencontrons ailleurs; cette réinterprétation est, en fait, la conséquence découlant du trait d'union entre Jésus et Christ, et donc du coeur même de la christologie.

 

Car ce trait d'union ‑ répétons‑le encore ‑ est en même temps le trait d'union entre foi et amour. C'est pourquoi une foi qui n'est pas amour n'est pas une foi chrétienne véritable, elle n'en a que l'apparence.

 

C'est là une donnée dont il faut prendre bonne note, aussi bien contre une fausse interprétation “doctrinaliste” de la foi catholique, que contre la sécularisation de l'amour, qui résulte, chez Luther, de l'exclusivité de la justification par la foi 11.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon