La foi chrétienne hier et aujourd’hui 18

FOI CHRÉTIENNE

hier et aujourd'hui

p. 41

 

   A la vue des traces humaines du texte de la profession de foi, on pourrait demander s'il est bien à propos de le prendre comme fil conducteur pour une introduction aux vérités fondamentales de la foi chrétienne, objet de ce livre.

 

 N'est‑ce pas s'engager sur un terrain très équivoque ? La question doit se poser. Mais un examen approfondi fera voir que, en dépit de ses avatars historiques, cette profession reste pour l'essentiel le fidèle écho de la foi de l'Église primitive et représente fidèlement le noyau de la Bonne Nouvelle.

 

Les différences, relevées plus haut, entre l'Orient et l'Occident ne sont que des différences d'une accentuation théologique et non de profession de foi.

 

En tout état de cause, dans cet essai d'interprétation, nous centrerons sans cesse l'ensemble sur le Nouveau Teslament et l'expliquerons dans son optique.

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p42 « JE CROIS ‑ AMEN »

 

III. CONFESSION DE FOI ET DOGME

 

   Il nous reste encore à considérer un autre aspect. Dans ce texte, lié par son origine au sacrement du baptême, nous trouvons l'amorce du sens de la « doctrine », de la «confession de foi » dans le christianisme, du sens aussi de ce qu'on appellera plus tard «dogme ».

 

Le Credo, comme nous l'avons vu, consistait en une triple réponse à une triple question, dans le cadre de la célébration du baptême «Crois‑tu en Dieu, en Jésus‑Christ, au Saint‑Esprit? »

 

Ajoutons maintenant qu'il représente l'affirmation positive, opposée à la triple renonciation antérieure: « Je renonce à Satan, à sa pompe, à ses oeuvres 18 » Cela revient à dire que la foi est essentiellement un acte de conversion, un retournement.

 

Le croyant se détourne de l'idolâtrie du visible et du technique, pour se tourner plein de confiance vers l'invisible. Ce mot « Je crois» pourrait être rendu par «Je m'abandonne à..., je donne mon adhésion à...19 ».

 

De par son caractère de profession de foi, de par son origine, la foi n'est pas une récitation de leçons, ni une acceptation de théories relatives à des choses dont on ignore tout mais que l'on professe avec d'autant plus d'assurance; elle est l'expression d'une mutation existentielle de l'homme.

 

Dans le langage de Heidegger, l'on pourrait dire qu'elle constitue un “tournant” --- total, qui structure dès lors constamment l'existence de l'homme.

 

Par la triple renonciation et la triple affirmation, par la triple immersion, symbolisation de la mort et de la résurrection à une vie nouvelle, est manifestée clairement la signification de la foi: conversion, tournant de l'existence, retournement de l'être.

 

   Dans le processus de conversion qui caractérise la foi, le «Je » et le « Nous », le «Je» et le « Tu» s'entrelacent de manière à exprimer toute une image de l'homme.

 

D'une part, cette conversion concerne au plus haut point la personne, dont le caractère singulier et irremplaçable est traduit clairement par le triple « Je crois » et le triple « Je renonce »: c'est mon existence qui doit changer et se transformer. Mais à côté de cet élément éminemment

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p43 LE VISAGE ECCLÉSIAL DE LA FOI

 

personnel, se trouve également un autre element: l'option du « Moi » se présente sous la forme d'une réponse à une question; elle s'exprime dans l'alternance des formules «Crois‑tu ? »

 

« Je crois ». Cette forme primitive du symbole, en questions et réponses, me paraît être une bien meilleure expression de la structure de la foi que la forme collective ultérieure, se réduisant à « Je ».

 

Quand on essaye, en tâtonnant, de découvrir l'essence de la foi chrétienne, il me semble que, par‑delà les textes doctrinaux postérieurs, on devrait voir dans cette forme primitive dialoguée de la foi, son expression la plus pertinente, issue de sa nature même.

 

Cette forme est aussi bien plus adéquate que la forme du pluriel “Nous » créée en Afrique chrétienne et dans les conciles orientaux 10.

 

Ce nouveau type de confession de foi n'a plus de rapport avec le processus sacramentel de conversion, de retournement de l'être, il n'est plus enraciné dans le lieu d'origine de la foi.

 

Né de la lutte des évêques réunis en concile pour la défense de la vraie doctrine, il constitue le premier pas vers la forme future du dogme.

 

Il est heureux malgré tout que l'on n'ait pas eu le souci déjà de formuler des dogmes dans ces conciles.

 

La lutte pour la vraie doctrine était une lutte pour l'intégrité de la confession de foi ecclésiale, lutte par le fait même pour assurer la vraie nature de cette conversion, de ce retournement de l'être que signifie l'existence chrétienne.

 

   Un exemple typique nous en est fourni par la fameuse querelle au sujet de la question «Qui est, qui était le Christ?», querelle qui a secoué l'Église aux IVe et Ve siècles.

 

Dans ce débat, il ne s'agissait pas de spéculations métaphysiques; celles‑ci n'auraient pas pu remuer aussi profondément ces deux siècles, intéresser jusqu'aux plus simples.

 

Le problème était plutôt celui‑ci: que m'arrivera‑t‑il personnellement si je deviens chrétien, si je me mets sous l'obédience de ce Christ et si par là j'affirme qu'il est le prototype de l'homme, la mesure de l'humain?

 

Quel retournement de l'être s'opérera ainsi? Quelle attitude à l'égard de la réalité humaine ma démarche impliquera‑t‑elle, à quelle profondeur se situera‑t‑elle et quel jugement sur l'ensemble comportera‑t‑elle ?

 

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon