Pascal II et Henri IV 14

Darras tome 25 p. 441

 

§ IX. Couronnement de Henri V à Mayence (6 janvier 1106).

 

   52. « Cédant au conseil unanime des princes de l'un et l'autre parti,  dit Ekkéard d'Urauge,  l'empereur, à la conférence d'Ingelheim, avait fait cession à son fils des insignes impériaux et  royaux, savoir : la croix, la lance, le sceptre, le globe et la couronne 2 . » En conséquence de cet acte officiel de désistement et d'investiture, le jeune roi, de retour à Mayence avec les membres de la diète, « fit partir pour la forteresse de Hammerstein où les in-

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1    « Praeterea conquerimus pietati tuae quod filius noster litteris suis mandat ubique regalia omnia sponte nos rcddidisse ; quod noverit sanctitas tua omniuo
verum non esse. » (Henric. IV.
Epist. ad flugon. Cluniac. Pair, lai., t. CLIX,
col. 937).

2    « Ipse partis utriusque consiliis annuens, regalia vel imperialia insignia, crucem scilicet et lanceam, sceptrum, globum atque coronam filii potestati tra-
didit.» (Ekkéard. Uraug., Chronic., Pair, lai., tom. CUV, col. 1000.)

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signes royaux étaient déposés, dit l'annaliste d'Hildesheim, le comte Werner et l'infâme Volcmar, le conseiller et le complice de tous les crimes de l'empereur déchu 1. » Ce Volcmar, ou Folcmar 2, est stigmatisé par l'annaliste en termes tellement énergiques, nequissimum Volcmarnm, qui fuit consiliarius patris et omnium scelerum conscius, qu'ils supposent pour le personnage en question une noto­riété exceptionnellement criminelle. Or, l'histoire ne nous a con­servé, parmi les complices du pseudo-empereur, qu'un seul homme du nom de Volcmar, ou Folcmar, à qui puissent convenir ces épithètes odieuses. C'est le fameux imposteur Folcmar, ce prêtre apostat qui, en 1090, avait organisé une bande de faux croisés à l'aide des­quels, en haine de la sainte et légitime croisade promulguée par Urbain II, il avait exterminé les Juifs allemands et promené dans toute la Saxe et la Bohême le meurtre, le pillage et l'incendie3. La plupart des chefs soudoyés par Henri IV pour faire échouer la croi­sade survécurent à leurs meurtrières expéditions. C'est Ekkéard d'Urauge qui nous l'apprend ; il ajoute que « le crime d'avoir mené à la mort tant de milliers d'innocentes victimes, comme on traîne des moutons à la boucherie, pèsera à jamais sur la conscience de ces infâmes 4.» Resté parmi les survivants, Folcmar aurait été ré­compensé de ses forfaits par la faveur du maître impérial qui les lui avait commandés. Il devint le confident, le complice de tous les crimes du pseudo-empereur; il était chargé de veiller sur le trésor déposé dans la forteresse de Hammerstein. La remise officielle de ce trésor au comte Werner, délégué du jeune roi, ne pouvait avoir lieu sans la présence et la coopération de Volcmar ou Folcmar, car, à nos yeux, c'est bien le même personnage. Mais en serait-il autrement, ce Volcmar, quel qu'il fût, en sa qualité de confident intime, de conseiller et de complice du pseudo-empereur n'aurait

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1. «  Deposito vero pâtre, filius Moguntiam cum regni principibus revertitur, et propter regalia Werinherum comitem Hamersten misit, et nequissiinum Volcmarum qui fuit consiliarius patris et omnium scelerum conscius. {Annal. Hildesheim., Pair, lat-, tom. CXLI, col 593.)

2. On sait que, suivant la prononciation allemande, ces deux formes orthogra­phiques représentent le même nom.

3 Cf. tom. XXIII de cette Histoire, p. 360.

4. Ekkeard. Uraug., Libell. Hierosolimila; Pair, lai., tom. CLIV, col. 970.

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p443 CHAP. II.    —   COURONNEMENT   DE   HENRI   V   A   MAYENCE   (1100).      

 

jamais consenti à se dessaisir des insignes impériaux confiés à sa garde sans un ordre écrit de son maître. Nous avons ainsi une preuve nouvelle, quoique indirecte, de l'existence d'actes et de procès-ver­baux officiels souscrits par Henri IV à la dernière conférence. Le comte Werner, poursuit l'annaliste d'Hildesheim, rapporta les pré­cieux insignes et rentra à Mayence la veille de l'Epiphanie (3 janvier 1106). L'archevêque Rothard avec tout le clergé et le peuple de la ville vint en grande pompe au-devant des vénérables reliques; il les reçut des mains du comte et les remettant lui-même, en présence de tous les princes, au jeune roi : « Songez, lui dit-il, que si vous ne gouvernez pas le royaume selon les règles de la justice, si vous ne vous montrez point le fidèle défenseur des églises de Dieu, il en sera de vous comme il en est aujourd'hui de votre père 1 » Pro­phétiques paroles, qui ne devaient que trop tôt se vérifier ! Pour le moment, la conduite du jeune Henri inspirait au contraire les plus belles espérances. Il reçut avec autant de piété que de modestie les insignes royaux, objet de la vénération publique et du culte na­tional. C'étaient en effet autant de reliques. La croix impériale était enrichie d'un fragment considérable de la vraie croix et se portait processionnellement devant l'empereur 2; la lance était celle du grand martyr de la légion thébéenne, saint Maurice, à laquelle on avait annexé un des clous de la Passion 3; le sceptre et la couronne étaient ceux que le pape saint Léon III avait remis à Charlemagne4; le globe d'or était celui que le vénérable Benoît VIII avait offert à l'empereur saint Henri, comme l'emblème désormais spécialement affecté au titre et au pouvoir impérial5.

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1. Annal. Hildcsheim., loc. cit., col. 594.

2    « Portalur auto romaoum imperatorem sacra erux gravida ligui dominici et lancea Mauritii. » (Benzo, Panegyric. Ilenrici IV, ap. Bolland., tom. VI, sept,
p. 482. Édit. Palmé).

3     Lancea Mauritii reliquis prœmaxima signis,
Plurima Christicolis peperit miracula dignis,
Clavus namque Dei junctus habetur ei.
Subjicit imperio bello gestata potentes,
Motibus ipsius nequeunt obsistere gentes. 
(Cotfrid. Viterb. Chronicon, pars 19; ap. Bolland., tom. cit, p. 401.)

4.  Cf. t. XVIII de cette Histoire, p. 93.

5.  Cf. tom. XX de cette Histoire, p. 448.

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p444   PONTIFICAT   DU   B.   PASCAL   II   (1099-1118).

 

53. Le lendemain, fête de l'Epiphanie (6 janvier 1106), dit Ekkéard d'Urauge, « le roi Henri, cinquième du nom, une première fois associé au trône par son père, élu ensuite pour la seconde fois par l'universalité des princes de Germanie, rétabli dans l'union de l'Église catholique par l'imposition des mains faite sur lui par les légats du saint-siége, reçut, selon les formes usitées, le serment de fidélité des évêques et des seigneurs laïques, et commença son règne. En sa présence, devant tous les princes et les prélats, au milieu d'une immense assemblée du clergé et du peuple d'Alle­magne, on donna lecture des messages émanés du siége de Rome, au sujet des abus invétérés, des désordres affreux dont la Germanie était depuis si longtemps le théâtre et l'on promulga les réformes si impatiemment attendues. Le roi, du consentement unanime des princes, déclara qu'on enverrait à notre mère la sainte Église ro­maine, une ambassade composée des plus illustres personnages des deux ordres du clergé et de la noblesse, afin de faire con­naître au pape la situation vraie de l'Allemagne, de répondre s'il y avait lieu aux objections, de se renseigner avec sagacité sur les ques­tions douteuses, enfin de pourvoir à tout ce qui pouvait intéresser la prospéritédes églises de Germanie. On fit choix pour une telle mis­sion d'hommes éminents, aussi distingués par leur esprit de sagesse que par leurs dignités, la noblesse de la naissance, l'indépendance de la fortune, l'élévation de l'intelligence et du caractère, tels, en un mot, que devant Dieu et devant les hommes, chacun d'eux était digne de la vénération publique. Ce furent les archevêques Bruno de Trêves au nom de la Lotharingie, et Henri de Magdebourg au nom de la Saxe, les deux évêques élus Otto de Bamberg représen­tant la France orientale (Franconie) et Eberhard d'Eichstadt repré­sentant la Bavière. Le légat apostolique Gébéhard de Constance fut choisi pour représenter l'Alémannie, et l'évêque de Coire la Bourgogne. Il y eut encore quelques autres prélats, et un certain nombre de nobles laïques pris parmi les plus distingués de la cour du roi, nonnulli etiam nobiles de latere régis laicœ professionis. Leurs instructions portaient qu'ils eussent à faire tous leurs efforts pour déterminer, s'il était possible, le seigneur apostolique

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p445 CHAP. II.   —   COURONNEMENT   I>E   HENRI   V   A   MAYENCE   (HOC).    

 

à venir en personne visiter la Germanie et présider à la réorganisa­tion de ses églises1 .»

 

54. Telle fut la mesure profondément catholique qui clôtura di­gnement les travaux de la diète de Mayence. L'enthousiasme des fidèles en Allemagne et en Italie ne connut pas de bornes. Le jeune Henri V se vit l'objet des vœux et des espérances de tout un peuple. Voici en quels termes l'annaliste d'Urauge salue son avènement li­bérateur :  « C'est   l'âge d'or que vous ramenez après tant d'années de désastres et de misères, ô roi dont la mémoire vivra dans les siècles éternels ! Si humble et obscur que soit Ekkéard, ne lui refusez pas la liberté d'exprimer la joie indicible qu'il éprouve en voyant la barque de l'Eglise et de l'État, si longtemps ballottée entre les écueils politiques de Scylla et de Charybde, toucher enfin le port sous votre glorieux règne. Après avoir consacré ma vie à résumer nos anciennes annales, il m'est donné, au terme de ma carrière, de rencontrer un héros selon le cœur de Dieu. Je n'ai plus d'autre ambition et ne veux d'autre récompense que  de consa­crer ce qui me reste de vie à raconter vos exploits. C'est vous que la patrie, assise tristement à l'ombre de la mort, demandait au Père des lumières avec tant de supplications et de larmes. Enfin nos soupirs et nos gémissements ont été entendus ; tous les obstacles sont aplanis; vous êtes notre roi, notre chef, le maître du monde. Il n'est pas un seul chrétien orthodoxe, un seul membre de l'Eglise catholique, qui n'acclame votre nom. Le monde romain, d'une mer à l'autre, secoue la poussière de son deuil: ou plutôt l'univers entier, de l'Orient à l'Occident, éclate en hymnes de triomphe et d'allé­gresse. En vous, tous les cœurs dévoués au bien et à la justice saluent le germe providentiellement réservé de la race de David. A votre aspect, les serviteurs de Dieu, les confesseurs de la foi sortent des cachots de la persécution ou des retraites de l'exil. Vous êtes pour eux la lumière surgissant au fond de leurs ténèbres. Ils présagent pour vous un avenir rempli de   bénédictions; ils reconnais­sent en vous le libérateur suscité de Dieu : tout ce qu'ils appren­nent de votre zèle pour la justice, de votre respect pour les choses

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1.  Ekkeard. Uraug., Chronic, Pair. lat.,tom. CUV, col. 998, 1001 et 1002.

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 p446      PONTIFICAT  DU  B.   PASCAL  II   (1099-1118).

 

saintes, ils aiment à le considérer comme le fruit des prières et des mérites de tant d'âmes saintes qui se sont immolées pour le ser­vice du Christ roi. Bienheureuse sera votre vie, elle dépassera en magnificence, en gloire et en durée, celle de vos plus illustres aïeux, pourvu que votre cœur ne cesse jamais d'être le temple auguste de l'Esprit saint. Tel est le vœu que, jour et nuit, dans leurs prières, forment pour vous les serviteurs de Jésus-Christ1. » Rapprochées de l'avis solennel donné au jeune roi par le vénérable métropolitain de Mayence en lui remettant les insignes royaux 2, ces paroles du chroniqueur prennent une nouvelle gravité. Il semble que parmi les joies de la grande résurrection de l'Allemagne au catholicisme, les intelligences les plus élevées, les âmes habituées à puiser leurs inspirations dans la contemplation et la prière, avaient comme une vue surnaturelle d'un avenir sinistre. Cette préoccupation troublait pour elles l'allégresse du présent et leur inspirait ces austères con­seils, que malheureusement Henri V devait trop tôt oublier.

 

   55. Ces douloureux pressentiments n'empêchèrent point l'explosion de la confiance générale et des applaudissements qui accueillirent les premiers actes du jeune roi. Ekkéard d'Urauge le constate en ces termes : « Les entrailles de la miséricorde divine se sont émues sur les souffrances de ses serviteurs. Obscurcie durant tant d'années par les nuages de la persécution, la lu­mière de la vraie foi, la splendeur de la sainte Église catholique, recommence à éclairer notre patrie. L'astre qui nous annonce cette aurore, le Lucifer illuminant notre Orient, c'est le jeune roi. Partout est rejetée, flétrie, condamnée, vouée à l'anathème, l'hérésie de Wibert, la secte henricienne. Le nouveau roi, en prenant pour le bonheur du monde le gouvernement de la république chrétienne, s'est proclamé le défenseur de la chaire romaine de saint Pierre. Tous les scandales du schisme disparurent aussitôt ; la tunique jusque-là déchirée de Jésus-Christ fut rétablie dans son unité divine. Comme dans la pêche miraculeuse dont parle l'Évangile, les bons furent recueillis dans le vaisseau de l'Église, les mauvais furent re-

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1.  Ekkeard. Uraug., Chronic., Pair, lat., tom. CLIV, col. 999. 2.Cf. n° 52 de ce présent chapitre.

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p447 CHAP. II.         COURONNEMENT   DE   HENRI   V  A  MAYENCE   (H06).    

 

jetés hors du filet de Pierre. Les évêques hérétiques ou apostats furent chassés des sièges qu'ils occupaient et remplacés par des pas­teurs catholiques, dont quelques-uns furent sacrés en présence même de la diète, durant les solennités de Noël et de l'Epiphanie. Enfin, la réaction alla si loin qu'en certaines localités on exhuma les cadavres des pseudo-évêques pour les rejeter du sein des églises qu'ils profanaient. Tous ceux qui avaient reçu de la main des schismatiques les ordres sacrés furent déclarés suspens de leur office, jusqu'à ce qu'il eût été définitivement statué sur leur sort en audience générale1. La Providence de Dieu éclatait dans ces événements qui concou­raient de toutes parts à l'exaltation de l'Église romaine. Pour je­ter un salutaire effroi parmi les schismatiques qui restaient encore en Italie et en Allemagne, les ossements du pseudo-pape Wibert (Clément III) furent arrachés au sépulcre où ils repo­saient depuis six ans dans la cathédrale de Ravenne, et jetés à la voirie. Tous les prétendus décrets pontificaux signés par cet apostat furent annulés. Ces mesures suivirent de près la ten­tative de résurrection de l'hérésie et du schisme inaugurée par un des officiers de l'emperenr déchu, le margrave Warner (Werinherus), gouverneur d'Ancône, qui marchiœ quœ in partibus est Aquinœ prœerat. Réunissant tout ce qu'il put trouver de soldats merce­naires en Italie, Warner s'approcha de Rome où il acheta à prix d'or la connivence de quelques habitants. Profitant de l'ab­sence momentanée du pape Pascal II, qui se trouvait alors sur les frontières de la province de Bénévent, il eut l'audace d'introniser sur la chaire de saint Pierre un pseudo-abbé de Farfa, qu'il décora du nom pontifical de Sylvestre et qu'il salua du titre de pape de César ; et ipsum papam Cœsaris sub vocabulo Silvestris appellari voluit. Mais ce fantôme d'antipape fut bientôt, comme il le méritait, honteusement chassé par les catholiques. De tout l'argent qu'il avait dépensé pour sa promotion sacrilège, il ne re-

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1. « Quotouot autem ab ïpsïs erant ordinati, usque ad gêneraient audientiam ab officiis suspendererttur. » Dans ces termes généraux étaient compris les évêques et les prêtres ordonnés ou sacrés par les prélats schismatiques. L'au­dience générale, dont il est ici question, désigne manifestement le prochain concile que devait présider le pape, lors de son arrivée en Germanie.

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p448      PONTIFICAT  DU   B.   PASCAL  II   (1099-1118).

 

tira que la ruine matérielle et la perte de son âme, car il mourut impénitent 1. »

 

§ X. Les huit derniers mois du pseudo-empereur.

 

 

   56. Cependant l'ex-empereur n'avait pas attendu le couronnement de son fils à Mayence. Quelques jours après la scène de l'abdication, il avait quitté Ingelheim pour retourner à Cologne. Cetteretraite précipitée lui fournit le sujet d’un double récit contradictoire, qui termine ses fameuses lettres au roi Philippe I et à saint Hugues de Cluny.   « Je restai quelque temps à Ingelheim, dit Henri IV au roi de France. Mon fils m’avait promis de venir m'y retrouver et je l'attendais : mais ce n'était qu'un nouveau piège tendu à ma bonne foi. Quelques amis dévoués me donnèrent avis que, si je ne m'éloignais en toute hâte, on viendrait me saisir, soit pour me jeter jusqu'à la fin de ma vie dans un cachot, soit pour me trancher la tête. Sur cette alarmante nouvelle, je pris aussitôt la fuite et me rendis furtivement (fugiendo) à Cologne, où je passai quelques jours, puis à Liège où j'ai enfin trouvé des cœurs dé­voués 2. » L'alternative de subir une captivité éternelle, in perpetuam captivitatem raperer, ou d'avoir sur-le-champ la tête tranchée, aut in eodem loco decollarer, était en effet de nature à plonger le pseudo-empereur dans les plus vives alarmes. On con­çoit qu'à la réception d'un pareil message, il ait pris aussitôt la fuite, illico aufugiens, et se soit dérobé à une poursuite si mena­çante en gagnant furtivement la ville de Cologne, dont les habi-

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1    Ekkeard. Uraug., Chronic. Patr. lat., t. CLIV, col. 1002, 1003. — On peut comparer ce récit du chroniqueur allemand avec l'élection de l'antipape Maginulf (§ I de ce présent chapitre), telle que nous l'avons racontée d'après le Liber Pontificalis et la lettre officielle de Pascal II.

2   « In eadem villa (Ingelheim) reliquerunt me. In qua cum aliquo tempore moratus essem, et filius meus ex eodem fraudis suas consilio demandasset, ut eum exspectarem : superveniens quorumdam fidelium meorum legatio prœmonuit, ut siquidem ad momenlum ibi remanerem, aut inde in perpetuam captivitatem raperer, aut in eodem loco decollarer. Quo nuntio satis etiam tune vitee diffisus, illico aufugiens, fugiendo veni Coloniam, et inibi aliquot diebus commoratus, postea Leodium veni, in quibus locis viros fidèles inveni. » (Henric. TV, Epist. ad Philipp. reg., ap. Sigebert., Chronic, Patr. lat.,lom. CLX. col. 234.)

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p449 CHAP. II.   —   DES   HUIT   DERNIERS   MOIS   DU   PSEUDO-EMPEREUR.   

 

tants lui étaient, on l'a vu, restés fidèles, furgiundo veni Coloniam. superveMais il est permis de se rassurer quelque peu sur la gravité du pé­ril couru par lui en cette rencontre, par le récit que le pseudo-em­pereur adresse à saint Hugues. Dans la lettre au vénérable abbé de Cluny, il n'est plus question d'une fuite pleine de difficultés, d'une évasion clandestine où un captif se dérobe à de cruels geôliers. Il s'agit simplement de s'embarquer sur le Rhin, non pas dans un esquif de pêcheur, mais sur un navire offrant toute sécurité, et de faire voile pour Cologne sans éprouver le moindre obstacle. La menace d'être sur-le-champ décapité, s'il faisait l'imprudence de rester plus longtemps à Ingelheim, disparaît de la lettre à saint Hugues. Cette suppression est déjà fort significative. Il y est cepen­dant fait mention d'un avis informant le pseudo-empereur qu'on se proposait de le réduire à une captivité perpétuelle, mais la pro­venance de cet avis n'est plus indiquée, comme dans la lettre au roi de France, avec la solennité presque officielle « d'une commu­nication due au dévouement de quelques amis fidèles, » niens quorumdam fidelium meorum legatio prœmonuit ; ce n'est plus qu'un bruit vague et général dont on ne fait point connaître la source, mandatum est nobis, une rumeur dont la véracité est d'au­tant plus suspecte que le départ du pseudo-empereur s'effectua avec plus de facilité. Voici le texte rédigé à l'usage de saint Hugues : « Après que les princes m'eurent laissé sans honneur à Ingelheim, on me manda que, si je ne voulais subir une captivité éternelle, j'eusse à quitter au plus tôt cette résidence. Cela me fit prendre en horreur un tel séjour ; je m'embarquai sur un navire qui me trans­porta rapidement à Cologne. Ainsi, par la grâce miséricordieuse de la majesté divine, j'échappai non sans peine aux mains de mes cruels ennemis 1. » Si atténuée que soit, dans cette nouvelle rédac­tion, la prétendue menace d'une  éternelle captivité réservée à

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1 « In eodem loco (scilicet Ingelheim) nos sine honore reliquerunt, cura ecce mandatum est nobis quod, nisi œternam captivitatem suhire velleniiis, quanto-cius discederemus. Qnapropter locum ipsum détestantes, navim consceudimus, Coloniam festiuanter venimus, et sic gratuita misericordia divinœ majestatis a crudelihus inimicorum manibus vis liberati sumus. » (Henric. IV, Ephlol. ad, Hng. Cluniac.;Patr. tat., t. CLIX, col. 936.)

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p450       P0XTIF1CAT  DU  B.   PASCAL  II   (1099-1418).

 

Henri IV, elle subsiste néanmoins, et rend absolument inexplica­ble l'absence totale de précautions prises pour s'assurer de la per­sonne qu'on se promettait de jeter dans les ténèbres d'un éternel cachot. Cet épisode, raconté en partie double, termine le roman contradictoire des lettres de Henri IV à Philippe I et à saint Hugues. On a pu se convaincre qu'elles contenaient autre chose qu'un petit nombre de « différences insignifiantes. » Quant à la complète liberté dans laquelle fut laissé le pseudo-empereur après la conférence d'Ingelheim, elle nous est attestée par l'apolo­giste le plus fervent de Henri IV, l'auteur anonyme de la Vita Henrici, dont nous avons déjà cité les paroles : « Après avoir abdiqué la dignité impériale, réduit à l'état d'un simple particulier, il se re­tira dans une ville dont les revenus lui furent attribués par son fils pour subvenir à son entretien1. » Nous allons d'ailleurs avoir à con­stater toute une nouvelle série de mensonges officiels, d'impostures calculées, d'impudentes calomnies qui remplirent les six derniers mois qu'avait encore à vivre le persécuteur du catholicisme, le ty­ran de l'Allemagne, avant de succomber, non sous les efforts d'une main humaine, mais sous les coups de la justice de Dieu lui-même. Comme cette dernière période de l'histoire du plus cruel des ennemis de l'Église depuis Néron n'a jamais été retracée im­partialement, nous avons le devoir de la faire connaître.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon