Darras tome 16 p. 494
§ V. Le Rhythmus Cuniberti.
32. A mesure qu'il s'éloignait de l'unité catholique, l'empire bysantin se noyait dans le sang. Les révolutions y devenaient en quelque sorte l'état normal. Personne ne s'en effrayait plus. Après chaque secousse, les survivants, ceux dont la tête n'était pas tombée sous le glaive du vainqueur, ceux dont les biens n'avaient pas été confisqués, reprenaient leur train de vie ordinaire avec le luxe et l'insouciance habituels, sans songer à la moindre réforme, adorant le César d'aujourd'hui comme ils avaient adoré celui de la
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1 Cf. cliap. v de ce volume, pas;. 345.
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veille, comme ils adoreraient celui du lendemain. A l'est les Musulmans, à l'ouest les Bulgares resserraient dans un cercle de fer cette race dégénérée, qui ne connaissait d'autre ennemi que le pape, d'autre principe que la licence. Il en est ainsi même au XIXe siècle ; nous n'avons donc pas le droit d'être fort sévères pour les grecs du bas-empire, dont nous copions servilement l'imbécillité et la démence. Partout où les empereurs byzantins conservaient un reste d'influence, les mœurs sociales accusaient un véritable retour à la barbarie. Ravenne, capitale de l'exarchat, le seul point de la péninsule italique resté sous la domination grecque, offrait alors une de ces scènes affreuses qui font la honte et l'horreur de l'humanité. « C'était la coutume, dit Lebeau, que chaque dimanche et fête, la jeunesse par forme de divertissement allât se battre à coups de fronde hors de la ville. Dans les deux quartiers rivaux, l'un nommé Trigur, l'autre la Poterne, les jeunes gens, piqués d'une émulation féroce, s'acharnèrent tellement qu'il y eut un assez grand nombre de tués parmi ceux du quartier de la Poterne. Le dimanche suivant, le même parti fut encore plus maltraité. Les vaincus ne respiraient que la vengeance, mais ils n'osaient plus la poursuivre à force ouverte. Par un raffinement de cruauté, ils feignirent de se réconcilier avec les vainqueurs et les invitèrent à un festin fraternel. Ce fut pour ceux de Trigur un repas funèbre ; leurs hôtes les massacrèrent sans bruit et les enterrèrent dans l'intérieur des maisons, sans que le reste de la ville en eût connaissance. Les mères, les sœurs, les épouses, ne voyant revenir aucun des leurs, parcouraient la cité ; bientôt ce furent des clameurs lamentables. Chacun pleurait quelqu'un de ses parents ou de ses amis. Le mystère le plus impénétrable planait toujours sur la ville épouvantée. Dans cette désolation générale, l'évêque saint Damien ordonna un jeûne de trois jours, qui fut suivi d'une procession solennelle où tous les habitants assistèrent en habits de pénitents, les yeux baignés de larmes. Enfin, après la cérémonie expiatoire, on découvrit les cadavres des victimes. Le peuple exaspéré mit le feu au quartier de la Poterne, et fit périr dans les flammes non-seule-
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ment les meurtriers mais toutes leurs familles, sans distinction d'innocents ou de coupables. Le théâtre du crime resta désert; un siècle après il portait encore le nom de « quartier des assassins1 » (G96).
33. On comprend que les populations italiennes, pour se soustraire aux magistrats impériaux souvent plus cruels que les barbares eux-mêmes, aient profité du voisinage des îles de la Vénétie, où une république indépendante se constituait, offrant aux citoyens la sécurité de la famille et la liberté individuelle. Ce fut en effet en ce temps que Venise, sous le gouvernement de son premier doge, Anafestus, prit rang parmi les puissances et obtint d'être officiellement reconnue par la cour byzantine. Les mêmes causes contribuèrent à la prospérité du royaume lombard. Pertharit était mort en 686, laissant un héritier digne de lui en la personne de son fils Cunibert, déjà associé depuis huit ans à la royauté paternelle. Un document de la plus haute importance, publié pour la première fois en 1793 par le savant archiviste de la bibliothèque ambrosienne de Milan, Balthazar Oltrocchi2, et jusqu'à ce jour presque entièrement inconnu en France, nous fournit sur le règne de Cunibert des renseignements que l'historien des Lombards, Paul Diacre, avait laissés dans l'ombre. C'est une inscription primitivement gravée sur le marbre, du vivant même et par ordre de Cunibert, contenant en prose latine, mais avec une sorte de division par versets, les événements les plus considérables de ce règne. La prétention du rédacteur était d'écrire en vers. Il le dit fort naïvement dans un latin qui se ressent très-fort de la décadence du VIIe siècle : Medrice scripsper prosa ut oratiuncula. Oltrocchi a donc donné à cette « séquence métrique rédigée en forme de versets, » comme une « prose » ou « un psaume, » le titre de Rhythmus Cuniberti, sous lequel les nouveaux Bollandistes la désignent eux-mêmes, en la signalant à l'attention du monde savant3. Le fond ici est bien
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1 Lebeau, Hist. du Bas-Empire, lib. LXII, n° 17.
2. Balth. Oltrocchi, Ecclesiœ Mediolanensis historia Ligusiica in Romanam, Gothicam, Ligusticam tribus libris distributa. Msdiolani, 1795, in-4°, tom. Il, pag. 536-625.
3. Bolland, Act, toai. VIII, octobre, pag. 904-907. Cf. tom. XV de cette Histoire, pag. 424, note 1.
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supérieur à la forme. Voici la traduction du Rhythmus Cuniberti.
34. « Arihert, issu de la race royale des Lombards illustre en Europe, fut un prince pieux et catholique. Il détruisit l'hérésie arienne parmi son peuple, et fit prospérer la foi orthodoxe. — Son fils Pertharit 1, monté sur le trône, suivit l'exemple paternel, travailla à la conversion des Juifs et punit de mort ceux d'entre eux qui refusaient de se faire baptiser. — Tuteur et recteur, ami de l'Église, il fonda un monastère pour les servantes du Christ, et en confia le gouvernement à sa propre sœur. — Après lui, le troisième de sa dynastie, de notre temps, le roi Cunibert son fils fut élevé sur le trône, prince vaillant et très-pieux, dévoué à la foi chrétienne, fondateur et bienfaiteur d'églises. — Choisi par Dieu pour gouverner sa nation, il comprima la révolte des Lombards, les dompta en bataille rangée, et rétablit dans son antique splendeur la ville de Mutina (Modène), à demi-ruinée par l'usurpateur Alachis. — Il éteignit le schisme invétéré des contrées de l'Aquilon (Aquilée), qui semblait vérifier la parole du prophète Isaïe : Sedebo in monte testamenti, in lateribus aquilonis 2. — Les habitants d'Aquilée rejetaient l'autorité du Ve concile général, bien que ce synode eût professé exactement les mêmes doctrines que le IVe qui l'avait précédé. Cunibert ramena ce peuple à l'unité de croyance et à la communion de notre baptême. — Ainsi dans toute l'Hespérie il n'y eut plus qu'une même foi, à la suite d'une assemblée convoquée par Cunibert dans sa ville capitale de Pavie3, arrosée par le fleuve
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1 Le nom est écrit dans l'original Bertharith, le b pour le p, selon le génie de transformation des langues barbares, qui de Wambelona (ville de Wamba) ont fait d'abord Bambelona et plus tard Pampelona (Pampelune).
2. Is., xiv, 13. Voici le texte du Rhythmus avec son étrange orthographe : Exorta scisma jam prisco de tempore ub aquilone parie, unde pandere malum in terra universum propheta vatieinandum hdias cecenit ubi superbus thronum elegit.
3 Oltrocchi, à propos du nom de Pavie, fait la remarque suivante : ld docet quod hactenus omnes ignoraverant, nimirum Papiœ nomen inditum urbi Ticinensi ante sœculi VII exitum. Nous ajouterons que jusqu'ici on avait cru que le concile qui mit fin au schisme de l'Istrie s'était tenu à Aquilée. Le texte du Rhythmus ne permet plus aucun doute et fixe le lieu de cette assemblée à Pavie.
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Ticinum (le Tessin) qui lui donna son nom antique.1 — Réunis dans la salle du palais, les orthodoxes démontrèrent aux opposants la vérité catholique par les écrits des saints pères, et mirent à nu l'hérésie des patriarches byzantins Paul et Pyrrhus, celle de Théodore Ibas et de Théodoret. — Les schismatiques, enfin convaincus, prièrent le roi de recevoir le serment solennel par lequel ils s'engageraient à reconnaître, ainsi que les catholiques, le Ve concile général. — Tous ensemble, pleins d'allégresse, ils se rendirent à la basilique, prêtèrent le serment qui rétablissait la concorde, et désormais unis dans les liens d'une même foi et d'une même charité, ils participèrent au sacrement d'Eucharistie. — Au milieu de cette grande joie, personne soit parmi les orthodoxes, soit parmi les anciens schismatiques, ne put retenir ses larmes. Il y eut une telle effusion de pleurs qu'elle n'aurait pas été plus grande quand même le Christ en personne fût apparu à tous. — Le pieux roi Cunibert choisit dans chaque parti des légats pour les envoyer près du saint-siége, où réside, sous la présidence du Christ, la puissance de lier et de délier, l'autorité céleste des clefs accordée jadis à un pêcheur mortel, l'apôtre Pierre1. —Là siégeait le pieux Sergius, qui réunit aussitôt ses évêques et accueillit avec joie les légats catholiques, Thomas ministre du Christ et le savant légiste Théodald avec les autres députés d'Aquilée. — Quand le pape eut pris place sur son trône, au milieu de toute l'assistance, les légats lui offrirent une cédule (scedula), rédigée par l'excellent évêque de Pavie, Damien, où tous les faits étaient fidèlement relatés. — Le pape Sergius déclara qu'après un tel service rendu à l'Église, les péchés étaient remis au roi Cunibert, en vertu de la parole de l'apôtre: Qui converti fecerit peccatorem ab errore viœ suœ salvabit animam ejus a morte 2. — Très-justement, et selon qu'ils le méri-
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1 Voici le texte original : Utreque parti rex pius etegere Cunincpert juvit legatos deregere sedem ad sanctam, ubi Christo presole data potestas nectere et solvere Petro piscanti cœli arce clavio.
2 Jacob., Epist. cath., v, 20. Le texte du Rhythmus est le plus ancien témoignage explicite que nous connaissions relativement aux indulgences délivrées par les papes. A ce titre, il est précieux à recueillir et à vulgariser.
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p499 CHAP. VII. — LE BUTTUMUS CUNIBEBTI.
taient, le pasteur apostolique fit brûler les codices de la secte, écrits par les auteurs précédemment cités, afin qu'à l'avenir ils ne pervertissent plus les âmes entraînées dans le schisme 1. — Pardonne moi, je te prie, très-pieux roi, si je n'ai pu, dans mon langage et mon style, rédiger aussi convenablement qu'il l'aurait fallu cette inscription destinée à rappeler tes grandes œuvres. Je lui ai donné la forme métrique d'une prose ou d'un psaume. — Gloire à jamais au roi des rois, chantons tous, et prions le Christ afin que sa droite protège longtemps Cunibert ici-bas, et lui donne ensuite la vie éternelle. »
33. Tel est ce monument, l'un des plus curieux échantillons de langue latine telle que les Lombards la parlaient encore au VIIe siècle, avec les modifications déjà bien accentuées qui devaient insensiblement la transformer en italien moderne. Mais ce point de vue, tout intéressant qu'il puisse être comme étude linguistique, demeure étranger à notre sujet. Sous le rapport exclusif de l'histoire, le Rhythmus Cuniberti nous révèle l'existence d'un concile tenu à Pavie en 691, sous l'influence du roi Cunibert, pour l'extinction du schisme d'Aquilée. Ce concile jusqu'ici avait été complètement ignoré. Le fait de la réunion des schismatiques illyriens à l'église romaine, sous le pontificat de Sergius, nous était pourtant connu par le passage déjà cité 2 de la notice du Liber Pontificalis : Hujus temporibus Aquilegensis ecclesiœ archiepiscopus, et synodus quœ sub eo congregata est, qui sanctum quintum universale coneilium utpote errantes suscipere diffidebant, ejusdem beatissimi papœ monitis atque doctrinis insiructi, conversi sunt', iidemque venerabile coneilium cum satisfaclione susceperunt3. Cette brève mention faisait croire que la
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Le voici dans son latin plein de naïveté et de solécismes, mais aussi d'orthodoxie et de piété : Sergius papa régi est pollkitus sua a Deo ademla facinora ; illud propheiah, ubi inquid, recolit, qui peccatore ab errore convertit, sua a morte liberavit anima. .
1 Mérita juste pastor apostolicus, digni quod erant, secte prave codices quos antefati conscripserunt auclores, jussit comburi, ultra ne polluerint pravorum mentes qui erant de scismate.
2. Cf. n° 6 de ce chapitre. — 3. Liber Pontifical.; Patr. lai., lom. CXXVIH, col. 898, n° 164, lig. 75.
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réunion des schismatiques de l'Istrie avait eu lieu dans un concile tenu à Aquilée. Tous les historiens, trompés par l'ambiguité des termes du Liber Pontificalis, l'ont redit les uns après les autres. Le témoignage de Paul Diacre, qui semble n'avoir eu sur ce point d'autres renseignements que ceux du Liber Pontificalis lui-même, autorisait pleinement l'erreur. Voici les paroles de cet historien : Hoc tetnpore synodus Aquileiœ facta, ob imperitiam fidei, quintum université concilium suscipere diffidit, donec salularibus beati papœ Sergii monitis instructa, et ipso, cum cœteris Çhristiecclesiis consentit1. Aujourd'hui le concile de Pavie et le rôle joué par Cunibert dans l'extinction définitive du schisme des « Trois Chapitres, » lequel durait en Occident et pour ainsi dire aux portes de Rome depuis l'an 553, date de la clôture du Ve concile général 2, sont désormais des faits incontestablement acquis à l'histoire.
36. Le Rhythmus Cuniberti nous donne de plus la clef d'une autre énigme historique à laquelle le nom du pape Honorius restait jusqu'ici attaché, comme s'il eût été dans la destinée posthume de ce grand pontife de n'être entouré que de points d'interrogation. Cette fois il ne s'agissait pas d'un blâme infligé à sa mémoire, mais au contraire d'une épitaphe laudative, d'une inscription funèbre rédigée, croyait-on, en son honneur. Gruter, au tome II de son grand ouvrage intitulé Corpus inscriptionum, publié à Heidelberg en 1701, avait inséré une épitaphe du VIIe siècle ainsi conçue : « Qui tarira la source de mes pleurs et donnera à mon âme la force de se consoler, en louant le digne objet de tant de larmes? Les sanglots étouffent ma voix, et pourtant moi, ton disciple, je veux parler de toi, et attester ce que tu fus en ce monde. Ta naissance était illustre, tu devins ministre du Christ : Thomas était ton nom, l'honneur fut ta devise. Depuis le berceau, la virginité fut la compagne de ta vie ; la vérité siégea avec toi jusqu'à ta dernière heure ; ta bouche immaculée ne s'ouvrait que pour de chastes paroles. Ton cœur pieusement charitable savait, dans la modération et la patience, distri-
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1 Paul. Diacon., De gest. Langobard., lit). VI, cap. xiv ; Pair, lat., tom. XCV, col. 632. 2. Cf. tom. XIV de cette Histoire, pag. 562.
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buer les enseignements de la foi. Nous t'avons vu toujours sobre ; nous vantions ta modestie ; les vraies afflictions trouvaient en toi un vrai consolateur. Aquilée, dans l'obstination d'une antique erreur, refusait d'ouvrir les yeux au rayon céleste de la foi divinement révélée. A travers les sentiers escarpés, les montagnes couvertes de neige, infatigable pèlerin de la vérité, tu portas la lumière à ces aveugles, et par ta prudence admirable tu ramenas les schismatiques à l'unité de la foi 1. » Ainsi traduite, la pièce qu'on vient de lire ne semble pas le moins du monde se rapporter à Honorius, et de fait elle est complètement étrangère à ce pape. Mais avant la découverte du Rhythmus Cuniberti, la traduction n'en était pas aussi facile à faire. Le passage embarrassant était celui-ci :
Te munda actio, Thomas, monstrabat honestum.
Que représentait ce nom inconnu de Thomas, jeté au milieu d'une inscription que l'on persistait à rapporter à Honorius? nul ne le savait. La confusion relative à Honorius s'appuyait de l'épitaphe très-authentique où il était dit de ce pape :
Histria nam dudum sœvo sub scismate fessa Ad slatuta patrum teque monente redit 2.
Quis mihi tribuat ut fletus cessent immensi,
Et luctus anima; det locum vera dieenti? Licet in lacrymis singultus verba erumpant,
De te certissime tuus discipulus toquor.
le generositas minister Christi parentum, le munda actio Thomas monstrabat honesium
Tecum virginitas ab incunabxilis vixit, Tecumgue ve> itas ad vitce melam permansit.
Tu casto labio pudica verba promebas,
Tu paiiens jam parcendo pie docebas. Te semper sobrium, te recinebamus modeslum;
Tu tribulantum vera consolasti verax.
Errore veteri diu Aquilegia cœca Di/fusam cœlitus rectam dum renueret fidem,
Aspera viarum, ninguidosque montium calles Calcans indefessus, glutinasti prudens scissos.
(Gruter, Inscript., tom. II, part, i, pag. H69.)
2. Cf. tom. XV de cette Histoire, pag. 539.
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p502 PONTIFICAT DE SAINT SERGIUS I (687-701).
La plupart des traducteurs avaient pris le parti de déclarer franchement la difficulté. Ainsi, MM. Weil et Loth avouent que ce passage « leur a paru intraduisible littéralement. » — « Il y est fait allusion, ajoutent-ils, à la noble naissance d'Honorius. Le Thomas dont il s'agit, qui composa cette inscription funéraire, était son disciple, et fut employé par le pape à la conversion des schismatiques d'Aquilée 1. » Ces conjectures tombent devant la révélation du Rhythmus Cuniberti, lequel fixe définitivement toutes les incertitudes et rétablit l'identité du prêtre Thomas, délégué près du pape Sergius par le concile tenu à Pavie en 691. Ce zélé « ministre du Christ, » titre que lui donnent et le Rhythmus et l'Inscription si longtemps controversée, ménagea par ses courageux efforts la solution du schisme de I’Istrie, et son nom reprend aujourd'hui une place d'honneur dans l'histoire de l'Église.
37. Le pieux roi Cunibert prolongea sa vie jusqu'en 703. Le pape Sergius I l'avait précédé au tombeau. Il mourut le 8 septembre 701. Une erreur, analogue à celle qui s'était produite pour Honorius, eut lieu à son sujet. La plupart des historiens, et Baronius lui-même 2 attribuaient à Sergius I une inscription relevée sur un marbre de la basilique Vaticane, inscription qui se rapporte réellement à Sergius III mort en 911. Sur la foi de ce monument interprété à faux, on put croire que les dernières années du pontificat de Sergius I avaient été troublées par un nouveau schisme, et que ce pape avait même été exilé de Rome 3. Il n'en fut rien. Le pontificat de Sergius I agité au début par la compétition de deux antipapes, violemment persécuté ensuite par les sacrilèges tentatives de Justinien Rhinotmète, se termina dans la paix la plus profonde. Le dernier acte du pontife fut la consécration épiscopale qu'il voulut donner de sa main au glorieux thaumaturge saint Hubert, évêque de Liège.
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1 Weil et Loth, La cause d'Honorius, Documents originaux, in-4°, Paris, Palmé, 1870, pag. 9. — « Baron., Annal., ad ann. 701, n" 11.
2. Nous avons nous-même répété cette version erronée dans le manuel de l'Histoire générale de l'Église, tom. II, pag. 278.