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Nous pouvons nous en tenir au fait que les dieux n'étaient jamais d'aucune manière aussi facilement interchangeables. Ils étaient même souvent à l'origine de violences réciproques: le phénomène par lequel les divinités d'une religion se voyaient muées en démons dans une autre est bien connu.
Du reste, la Bible elle‑même oppose de façon tout à fait réaliste la réalité égyptienne aux rêves d'Égypte d'un Israel qui renâcle: l'Égypte
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réelle n'était pas un pays de belle liberté et de paix, mais une « maison d'esclaves », un pays d'oppression et de guerres.
Mais nous devons à présent faire un pas de plus. Les religions polythéistes ne sont pas une réalité statique. --------- Christian Gnilka, dans son important ouvrage Chrêsis, a dépeint minutieusement l'irruption de la question de la vérité dans le monde des dieux anciens et sa rencontre avec le christianisme.
Un exemple caractéristique en est la figure du Pontifex maximus C. Aurelius Cotta, décrite par Cicéron, qui dans sa fonction d'augure et de chef du Collegium Pontificum, représentait la religion païenne de l'époque.
Dans l'exercice de sa fonction, Cotta intervenait en faveur du maintien scrupuleux des rites de la religion officielle et expliquait qu'il défendrait les « idées » (opiniones) sur les dieux héritées des ancêtres sans jamais s'en laisser détourner 13.
En privé pourtant, dans le cercle de ses amis, le même Cotta se révélait être
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un sceptique de l'Académie, qui posait la question de la vérité. Il ne voulait pas être convaincu à partir de simples hypothèses, mais son souci de la vérité lui faisait craindre que les dieux n'existent pas.
« Le critère de la vérité, introduit dans l'antique monde des dieux, agit comme une phrase explosive”, constate Gnilka14. Assmann lui‑même a exposé de quelle manière cette schizophrénie a fondé une fiction soutenue par l'État: pour les non‑initiés, les dieux subsistent parce qu'ils sont le nécessaire soutien de l'État, tandis que les initiés entrevoient leur néant15.
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Le caractère inévitable de la question de la vérité et les alternatives de l'histoire des religions
Revenons en arrière. L'idée d'une sereine interchangeabilité des dieux ne correspond pas à la réalité. Bien au contraire, il y a entre eux une très profonde incapacité à se réconcilier, qui tient aux antinomies mêmes de l'Être.
Pour la cohérence de notre propos, la deuxième constatation est encore plus importante: on ne peut éviter la question de la vérité. Elle est nécessaire à l'homme et rejoint justement les fins dernières de son existence: y a‑t‑il un Dieu?
La vérité existe‑telle? Le bien existe‑t‑il? La différenciation mosaïque est également la différenciation socratique, pourrions-nous dire. À cet endroit, le fondement interne et la
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nécessité de la rencontre historique entre la Bible et l'hellénisme sont visibles.
Cette rencontre repose sur la question de la vérité et du bien en tant que tels. Elle s'est effectuée longtemps avant la synthèse entre foi biblique et pensée grecque tentée par les pères de l'Église.
Elle est déjà présente dans l'Ancien Testament, surtout dans les textes sapientiaux et dans cette mémorable étape que constitue la traduction en grec de la bible vétérotestamentaire, rencontre interculturelle d'une immense portée.
Naturellement, dans le monde antique, la réponse à la question socratique reste ouverte, son issue se présentant différemment chez Platon et chez Aristote. Dans cette mesure, il subsiste dans le monde hellénistique une attente à laquelle le message chrétien semblait apporter la réponse espérée.
Cette attente évidente, présente dans la pensée grecque par l'ouverture du regard, est la cause première du succès de la mission chrétienne18.
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