La Didachè 1

La Didachè
Ichtus 1 (1957)
Traduction et notes d'A.-G. Hamman

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Il n'est guère de découverte qui suscita plus d'intérêt que celle qui permit au métropolite Bryennios de retrouver, en 1873 dans une bibliothèque de Constantinople, le précieux petit livre intitulé Didachè, ou Doctrine des douze apôtres.

 

 Ce livre anonyme fut tellement apprécié des premiers chrétiens qu'il fut parfois tenu pour inspiré. Son auteur n'est pas connu. Il a dû voir le jour entre 100 et 150, vraisemblablement dans la région syrienne.

 

C'est une sorte de catéchisme à l'usage des fidèles, composé de textes divers, préexistants à l'état dispersé, concernant la morale chrétienne, la hiérarchie ecclésiastique, les fêtes liturgiques, l'administration du baptême et de l'eucharistie.

 

Nous y trouvons l'image de la vie chrétienne au IIe siècle et la collection de législation ecclésiastique la plus ancienne qui servit de base à toutes les autres.


Le document émane d'une communauté de Juifs convertis au christianisme, au tournant du premier siècle; ils sont encore imprégnés de culture sémitique. La chose est visible dans l'exposé des deux voies, déjà rencontré dans la lettre de Barnabé (l'un et l'autre texte étant tributaires d'une source commune), qui provient de l'apocalyptique juive.

 

 Le précepte de s'abstenir des viandes offertes aux idoles est caractéristique du même milieu.
Les prescriptions liturgiques sont d'inspiration juive : le baptême dans l'eau courante, le jeûne du mercredi et vendredi, qui remplace le jeûne juif du lundi et jeudi, la récitation, trois fois par jour, du
Notre Père, à la place et à l'heure de la prière juive, les prières eucharistiques avec les expressions archaïques comme Vigne de David pour le Christ, les acclamations araméennes comme Hosannah, amen, marana tha, l'atmosphère eschatologique, où les fidèles attendent le retour ------ imminent du Seigneur, tout évoque le milieu judéo-chrétien.

 

 La hiérarchie dont il est question est composée d'évêques et de diacres. Nulle part on ne parle de prêtres. L'importance accordée aux prophètes atteste l'état archaïque des choses. Les charismes continuent à subsister.

 

Les prophètes qui vont de communauté en communauté ont le droit de célébrer l'eucharistie : « Laissez les prophètes rendre grâces autant qu'ils voudront. » Ils ont droit à la dîme de tous les profits et jouissent d'une haute estime.


La charité, l'hospitalité et le secours mutuel sont grandement recommandés. Mais le devoir de subvenir aux besoins d'autrui a des limites : il ne doit pas favoriser l'oisiveté des paresseux que le livre appelle « les trafiquants du Christ». L'unité, la sainteté, l'universalité doivent caractériser l'Eglise. Le symbole de cette unité est « le pain rompu ».

 

1.   Il y a deux chemins ----- : l'un de la vie, l'autre de la mort ; mais il est entre les deux chemins une grande différence. Or le chemin de la vie est le suivant : «D'abord, tu aimeras Dieu qui t'a créé ; en second lieu, tu aimeras ton prochain comme toi-même ; et ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait, toi non plus ne le fais pas à autrui. »


Et voici l'enseignement signifié par ces paroles : « Bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour vos ennemis, jeûnez pour ceux qui vous persécutent. Quel mérite, en effet, d'aimer ceux qui vous aiment ! Les païens n'en font-ils pas autant ? Quant à vous, aimez ceux qui vous haissent », et vous n'aurez pas d'ennemis.

 

« Abstiens-toi des désirs charnels » et corporels. « Si quelqu'un te donne un soufflet sur la joue droite, présente-lui l'autre aussi, et tu seras parfait; si quelqu'un te requiert de faire un mille, fais-en deux avec lui ; si quelqu'un t'enlève ton manteau, donne-lui encore ta tunique ; si quelqu'un t'a pris ton bien, ne le réclame pas», car tu n'en as pas le pouvoir.

 

« Donne à quiconque t'implore, sans rien redemander », car le Père veut qu'il soit fait part à tous de ses propres largesses. -------- Heureux celui qui donne, selon le commandement ! Car il est irréprochable.

 

Malheur à celui qui reçoit! Certes si le besoin l'oblige à prendre, il est innocent ; mais, s'il n'est pas dans le besoin, il rendra compte du motif et du but pour lesquels il a pris ; il sera mis en prison, examiné sur sa conduite et « il ne sortira pas de là qu'il n'ait rendu le dernier quart d'as ».

 

Mais il a été dit également à ce sujet : «Laisse ton aumône se mouiller de sueur dans tes mains, jusqu'à ce qne tu saches à qui tu donnes.»

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon