Louis XIV 16

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De son côté, la philosophie s'ingéniait à découvrir des secrets de paix. Tentatives louables, si l'on veut, mais qui, d'une part, décou­vrent la profondeur du mal ; et, d'autre part, montrent l'affaiblis­sement de la raison chrétienne en politique, puisqu'elle a perdu de vue même l'étoile de la paix. Du reste, tentatives impuissantes. L'Europe n'a pas désarmé, le glaive ne s'est point converti en soc de charrue ; au contraire, les guerres sont devenues plus fréquen­tes, plus générales, plus distinctives et nos progrès se résolvent surtout en progrès des armes à feu. Il y avait dix fois moins de guerres dans l'Europe soumise à la suprématie sociale de la pa­pauté. Bossuet s'en était aperçu. « On montre plus clair que le jour, dit-il, que s'il fallait comparer les deux sentiments, celui qui soumet le temporel des souverains aux papes et celui qui le soumet au peuple, ce dernier parti où la fureur, le caprice, l'ignorance, l'emportement dominent le plus, serait aussi sans hésiter le plus à craindre. L'expérience a fait voir la vérité de ce sentiment, et notre âge seul a montré parmi ceux qui ont abandonné les souverains aux cruelles bizarreries de la multitude, plus d'exemples et des plus tragiques contre les personnes et la puissance des rois, qu'on n'en trouve durant six ou sept cents ans parmi les peuples, qui, en ce point ont reconnu le pouvoir de Rome.» (2)

 

Une dernière conséquence de la Déclaration, ce sont les excès et les abus dans l'ordre religieux qui se développait depuis le XVIe siècle et surtout pendant le règne de Louis XIV pour aboutir à la révolution française. Voici en quels termes Fénelon les caractérise : « Libertés gallicanes : Le roi, dans la pratique, est plus chef de l'Eglise que le Pape en France. Libertés à l'égard du Pape, ser­vitudes à l'égard du roi. — Autorité du roi sur l'Église dévolue aux

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(1)La Révolution, t. VI, p. 285.

(2)Défense de l'Hist. des variations, n° 35.

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p531 CHAP.  n.   — LA RÉVOCATION DE l'ÉDIT  DE NANTES      

 

juges laïques : les laïques dominent les évêques. — Abus énormes de l'appel comme d'abus et des cas royaux. — Abus de ne pas souffrir les conciles provinciaux. — Abus de ne pas laisser  les évêques concerter tout avec leur chef. — Abus de vouloir que les laïques demandent et examinent les bulles sur la foi. — Abus des assemblées du clergé, qui seraient inutiles, si le clergé ne devait rien fournir à l'État. »   Si  de l'état des églises de France, le regard de Fénelon s'était porté sur la situation de l'ordre social, il n'eût guère aperçu moins d'excès. Suppression des constitutions d'État, corruption de la noblesse, destruction des franchises pro­vinciales, confiscation des libertés communales, augmentation des impôts, centralisation, luxe, mauvaises mœurs ; autant d'abus qui appelaient une vigoureuse réforme ou doivent entraîner une révo­lution, non seulement politique, mais sociale, mais radicale, une tempête où tout menace de périr.

 

La Déclaration de 1682, c'est, pour la France, l'ouverture du puits de l'abîme, les fumées des ténèbres, l'invasion des sauterel­les, le cheval pâle, le déchaînement à bref délai, de toutes les abo­minations de l'apocalypse sur les peuples infidèles à Jésus-Christ et à son vicaire.

 

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