Les juifs 12


Darras tome 15 p. 17…

3me Concile de Bordeaux

Les rapports entre chrétiens et juifs sont l'objet d'une réglementation plus détaillée que dans le concile précédent ; ce qui nous permet de croire que les fils d'Israël prenaient chaque année une situation de plus en plus importante sur le sol des Gaules. « Les esclaves chrétiens appartenant à un maître juif, disent les pères, ne pourront être contraints par celui-ci à des actes défendus par la religion chrétienne. Ils ne pourront être flagellés ni incarcérés par leur maître, pour des fautes dont la pénitence aura été faite à l'église. Autrement, et s'ils ont de nouveau recours au droit d'asile, on ne les rendra à leur maître qu'après paiement par celui-ci d'un prix débattu à l'amiable 4.» — «Puisque, grâces à Dieu, continuent les pères, nous vivons sous la domination de princes fidèles, nous interdisons aux juifs tout rapport avec les chrétiens depuis le jeudi-saint jusqu'au jour de Pâques 5. » Cette mesure avait pour but de prévenir les dangers de conflit que les souvenirs de la passion du Sauveur, mis à mort par les juifs déicides, pouvaient faire naître durant la semaine sainte. « Un pré­jugé devenu populaire, ajoutent les évêques, a exagéré la loi du repos dominical. On croit qu'il est interdit le dimanche de se promener à cheval, ou dans un char attelé de bœufs, de préparer les aliments, de vaquer aux soins de propreté qu'exige le ménage, ou à ceux qui intéressent la nourriture et la santé. C'est là une obser-

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1.Can. ix, x, xvi. — s Can. xxiv. — s Can. xxv. — 4 Can. xm. — 5 Can. xxx.

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p18 PONTIFICAT  DE   SAINT  JEAN   III   (360-573).

 

vance pharisaïque que les juifs peuvent maintenir, mais qui n'est nullement conforme à l'esprit chrétien. Toutes ces choses sont permises le dimanche. Elles l'ont été dès les temps apostoliques, et nous déclarons qu'elles le sont encore. Le travail des champs, le labourage, la culture de la vigne, la fauchaison, la moisson, le battage du blé, les essartements, la plantation des haies, nous ont seuls paru devoir être interdits. Ceux qui s'y livreraient seront soumis non point à une peine infligée par un tribunal laïque, mais à tel châtiment que le prêtre jugera convenable 1. » —

 

   8. Le quatrième concile d'Orléans fut tenu en 541, la trentième année du règne de Childebert et deuxième du pontificat de Vigilius, par trente-huit évêques appartenant à toutes les provinces

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1 Can. xxvm. — 2 Can. xiv. — 3 Can. xxix. — 4 Can. xxxi; Labbe, Concil., tom. V, col. 294-306.

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p19 CHAP.   I.   —  CONCILES   PROVINCIAUX   EN   OCCIDENT.      

 

de la Gaule, excepté les deux Germaniques et les deux Belgiques. ………. On y renouvela les ordonnances précédentes relatives aux degrés prohibés pour le mariage 1, et aux violences exercées par les juifs contre leurs esclaves chrétiens. Il est défendu aux juifs de circoncire les prosélytes qu'ils pourraient recruter, ou de recevoir un chrétien dans leurs synagogues. Il leur est interdit d'épouser une esclave chrétienne, ou de déterminer l'apostasie d'un esclave chrétien en lui promettant la liberté. Les affranchissements faits à cette condition seront nuls 2. Les esclaves chrétiens qui se réfugieront à l'église ou dans toute autre maison chrétienne, en déclarant qu'ils ne veulent pas rester au service d'un juif, seront rachetés à un prix juste et raisonnable, qui sera offert à leur maître par la communauté des fidèles 3.


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On se rappelle que, dans les dernières années de son règne, Ghilpéric avait ordonné par décret à tous les juifs des Gaules de se faire baptiser. La lettre de saint Grégoire le Grand cassait cette tyrannique ordonnance; elle dut être portée à son adresse par les négociants de race hébraïque qui l'avaient sollicitée, et qui, alors comme aujourd'hui, savaient le moyen de se glisser sains et saufs, eux et leurs marchandises, à travers les armées belligérantes.


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Les troupes de Phocas étaient invariablement battues ; le centurion couronné ne se mettait jamais à leur tête. C'eût été le meilleur moyen de leur rendre courage. A défaut de sa présence, il lui prit fantaisie de faire déclarer par le patriarche de Constantinople que tout soldat mort les armes à la main, en combattant contre les Perses, était infailliblement martyr. Pour l'honneur du patriarche, qui était alors le fameux Cyriaque, rebelle à l'autorité du saint-siége et prétendant au titre d'œcuménique, nous devons dire qu'il refusa de sanctionner le décret. Phocas se retourna contre les juifs, qu'il soupçonnait, non sans raison peut-être, de favoriser en secret les Perses. Un décret parut en janvier 610, ordonnant à tous les Israélites de se faire baptiser sous peine de confiscation ou d'exil. Le préfet du prétoire, Georges, partit pour Jérusalem avec une véritable armée; les fils d'Israël, bien que fort nombreux dans cette ville, n'osèrent pas résister et reçurent le baptême. Mais à Alexandrie ils se révoltèrent, et mirent en pièces le patriarche Théodore Scribo. A Antioche, une sédition du même genre coûta la vie au patriarche Anastase, qui fut brûlé vif.


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La guerre continua donc. Romizanès (Rasmiz) surnommé Serbar (le Sanglier royal), généralissime des Perses, s'empara, l'an 613, de la ville de Damas, et emmena les habitants en  esclavage. L'année suivante, encouragé par les juifs de Jérusalem qui émigraient en masse sous ses tentes afin de se soustraire au baptême forcé d'Héraclius, Serbar se dirigea sur la Palestine, résolu d'anéantir tous les monuments du christianisme, dans ce berceau de la religion chrétienne. Au mois d'avril 614, il franchit près de Paneas les derniers rameaux de l'Anti-Liban, côtoyant jusqu'à Scythopolis le Jourdain et le lac de Tibériade. Sur son passage, les juifs de Séphoris, de Nazareth et de la Galilée, les samaritains de Sébaste et de Naplouse se rallièrent sous ses drapeaux et servirent de guides à son armée. Les arabes des frontières, profitant de l'effroi général, se jetèrent sur la laure de saint Sabas et massacrèrent quarante-quatre moines, qui avaient préféré la mort à l'abandon de leurs cellules 1. Les autres s'étaient enfuis, dès qu'on avait signalé du haut des tours l'apparition des pillards. L'armée persane arriva dans les premiers jours de juin sous  les murs de Jérusalem.  La ville sainte n'était pas défendue : l'unique garnison romaine qui eût pu la secourir était en Cappadoce, à deux cents lieues de là, sous les ordres du préfet du prétoire, Crispus.  Les remparts,  restaurés en dernier lieu par Eudocie, étaient une barrière impuissante : ils furent escaladés par les troupes de Serbar, et les Perses vainqueurs envahirent Jérusalem. « Une scène affreuse suivit leur entrée. La ville entière fut mise à sac : les moines, les religieuses, les habitants poursuivis de toutes parts furent égorgés dans leurs cellules, dans les rues, dans les églises : le massacre dura trois jours. Les trois cents monastères, hospices ou oratoires disséminés dans Jérusalem et sur la montagne des Oliviers, furent livrés aux flammes. Les églises du Mont-Sion, la basilique de Sainte-Marie bâtie par Justinien, celle de l'Ascension élevée par sainte Hélène, furent rasées jusqu'aux fondements. Les tombeaux des deux Eudocie, dans la basilique de

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1 L'Église célèbre la fête de ces martyrs le 16 mai.

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p289 CHAP.   V.   —   RÉVOLUTIONS   EN   ORIENT.      

Saint-Étienne-Hors-les-Murs , furent ouverts et profanés, puis l'immense église s'écroula sur la tombe violée de ses bienfaitrices. L'église du Saint-Sépulcre, objet spécial de la haine des Juifs et des Perses, fut incendiée; la flamme dévora le portique, les colonnades, les cinq nefs de marbre, le parvis de mosaïque, le plafond de cèdre doré, et après quelques heures il ne resta plus que des ruines fumantes de cette basilique si longtemps la gloire de l'Asie et le refuge de tous les malheureux. On pilla le trésor où depuis trois cents ans s'accumulaient les offrandes de la chrétienté. Les présents de Constantin, de sainte Hélène, d'Eudocie, de Maurice, la croix de diamants placée par Théodore II sur la chapelle du Calvaire, la croix de perles, offrande de Théodora ; le calice d'onyx avec lequel, disait-on, le Sauveur avait célébré la Cène, et dont le souvenir, transmis par les pèlerins, devait inspirer au XIIe siècle plusieurs des plus célèbres épopées du cycle d'Arthur1 ; la couronne de pierreries envoyée par le roi éthiopien Élisbaan, lorsqu'à la fin de sa vie il quitta le trône pour le monastère ; les vases d'or de Salomon dont l'antique et massive splendeur avait ébloui Justinien, devinrent la proie des Perses. On brisa les colonnes de l'abside pour enlever les chapiteaux d'argent, on renversa la coupole dont la toiture était de même métal, et l'on détruisit les murailles elles-mêmes pour arracher les ornements de pierres précieuses et d'or qui y étaient incrustés2. » Mais la perte la plus douloureuse fut celle de la vraie croix. Cette insigne relique, renfermée dans un écrin d'argent ciselé offert par sainte Hélène, et pieusement gardée dans l'église de la Résurrection, fut enlevée par les Perses. Ils ne brisèrent d'ailleurs point le sceau de l'impératrice ni celui de saint Macaire, qui en constataient l'authenticité. Comme si le reliquaire eût renfermé le sort de l'empire, ils se hâtèrent de l'emporter tel quel, et le déposèrent au delà de l'Euphrate dans la forteresse de Tauris. Chosroès qui avait ordonné de fondre tout l'or

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1 Cf. La Queste du Saint-Graal, publiée par F. Michel {Bordeaux, 1845, in-12). 2. Nous empruntons cette page à une thèse fort remarquable de M.C.Couret : La Palestine sous les empereurs grecs (326-636). Grenoble, 1869, p. 242-244.

XV. 19

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p290 PONTIFICAT  DE  SAINT BONIFACE  IV   (608-615).

 

et l'argent pris à Jérusalem, respecta ce joyau divin. Le jour ou la relique quitta la ville sainte, le patriarche Zacharie et toute la population restée vivante la suivirent. Vingt mille chrétiens marchaient ainsi à la suite de l'armée victorieuse, enchaînés par l'amour de la croix plus que par les fers qui chargeaient leurs bras ; on eût dit une seconde transmigration de Babylone. Réservant seulement le patriarche Zacharie avec quelques-uns des principaux citoyens, les Perses vendirent les autres aux Juifs qui les massacrèrent impitoyablement.


Darras tome 15 p. 371


p371 CHAP.   VI.   —  SAINT  ISIDORE  DE   SÉVILLE.      

26. L'infatigable activité du grand docteur a lieu de nous étonner. Tant de travaux, qui eussent absorbé deux ou trois vies ordinaires, ne le distrayaient ni de ses devoirs d'évêque ni de ses fonctions de vicaire apostolique. Outre la visite annuelle de son diocèse, à laquelle il ne manquait jamais, « il voulut, dit son biographe, parcourir toutes les provinces de l'Espagne, faisant retentir dans les cités et les plus humbles bourgades la trompette évangélique 1. » Sur son chemin, il rencontrait un grand nombre de juifs, les uns fixés depuis longtemps en Espagne, descendants des anciens israélites dont saint Jacques le Majeur et les disciples de saint Paul avaient trouvé les synagogues déjà florissantes de leur temps; les autres venus à la suite des armées de Suèves, de Vandales et de Goths, trafiquant selon leur coutume et s'enrichissant à chaque invasion.


Darras tome 15 p492

Le lendemain, en effet, Anastase et ses deux compagnons furent extraits de la prison de Bethsabée et conduits sur les bords du Tigre. Là se trouvaient réunis soixante-dix autres captifs chrétiens, qui eurent la tête tranchée sous les yeux d'Anastase. Des Juifs du voisinage tinrent à honneur de faire, en cette circonstance, office de bourreaux. Après chaque exécution, ils demandaient au courageux confesseur s'il ne voulait pas enfin, pour éviter un pareil sort, abjurer le nom de Jésus-Christ. Anastase leur répondait : «J'avais espéré que vous couperiez mon corps en morceaux, et vous voulez que je tremble devant un genre de mort si expéditif ! » Quand son tour fut venu, il dit: « Seigneur, je remets mon esprit entre vos mains, » et il se livra aux exécuteurs, qui l'étranglèrent avec un nœud coulant, puis lui tranchèrent la tête et portèrent ce trophée à Chosroès (22 janvier 638 1).

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Darras 16 p.334, note 1

1 Deux évêques du nom d'Anastase se succédèrent sur le siège d'Antioche; le premier, promu en S61, mourut en 598, après avoir été exilé pour la foi par l'empereur Justin. Sa fête se célèbre le 21 avril. Son successeur périt en 609, massacré par les Juifs durant une sédition. Il est honoré le 21 décembre. C'est de ce second Anastase qu'il est question ici.

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