Pie IX 6 et les Libéraux 2

Darras tome 41 p. 135

 

   18. La conspiration une fois ourdie contre l'Église, Mazzini lui adressa, de Paris, son plan de campagne : le voici tel qu'il fut dressé, avec une astuce vraiment diabolique, par le grand conspirateur: «Dans les états de premier rang, c'est le peuple qui doit pro­voquer le bouleversement social ; en Italie, il doit être l'œuvre des princes. II faut absolument qu'on les mette de la partie et la chose n'est pas bien difficile. Le Pape se jettera par principe dans les bras de la réforme ; le roi de Sardaigne, par l'espoir de la cou­ronne d'Italie ; le grand duc de Toscane, par inclination et par imitation ; le roi de Naples, par nécessité ; quant aux autres petits potentats, ils ont bien autre chose à faire. Profitez des plus petites concessions pour réunir les masses du peuple ne fût-ce que pour témoigner de la reconnaissance. Des fêtes, des chants, des réunions, parviennent parfois à établir des rapports entre les hommes de toute opinion ; ils favorisent la propagande des idées, Ils donnent au peuple le sentiment de sa force et lui inspirent te désir de s'emparer du pouvoir.

 

On peut prendre les grands par la vanité ; abandonnez-leur volon­tiers les premiers rôles tant qu'ils voudront agir de concert avec vous. Du reste il en est peu qui veulent aller jusqu'au bout. La chose principale est que l’abime de la grande révolution leur reste inconnu ; nous ne devons jamais leur laisser voir que le premier pas à faire, et rien au-delà. En Italie, le clergé possède de gran­des richesses et la confiance du peuple. Il faut agir avec lui en conséquence et savoir tirer le plus de parti possible de son influence. Si vous pouviez placer un Savonarole dans chaque capi­tale, nous avancerions à pas de géant. Le clergé n'est pas ennemi des institutions libérales………Ne commencez donc pas par le combattre et ne vous attaquez ni à sa fortune ni à sa croyance. « Parlez beaucoup, souvent et partout de la misère du peuple, et de ses besoins. Le peuple n'y comprendra rien ; mais la partie agissante de la société se pénètre de cette compassion pour le peuple et tôt ou tard elle agira. Des discussions savantes ne sont

=========================================

 

p136          POHTIKICAT DK PIB IX (1846-1878)

 

pas nécessaires et sont désavantageuses. Il existe un certain nom­bre de mots magiques qui expriment tout ce que le peuple doit se rappeler : la liberté, les droits de l'homme, le progrés, l'égalité, la fraternité, etc. Ce sont des mots que le peuple comprend déjà surtout si l'on a soin de les mettre en opposition avec des expres­sions comme celles-ci : despotisme, privilèges, tyrannie, esclavage, etc.

 

« La difficulté ne consiste pas à persuader le peuple mais à le rassembler. Le jour d'une réunion générale des peuples serait le jour d'une ère nouvelle………….Quiconque voudra faire un seul pas en avant doit être des vôtres jusqu'à ce qu'il vous abandonne.

 

« Un prince accorde une loi libérale : louez-le et demandez-lui en une autre, qui suivra la première. Un ministre montre quelque inclination pour le progrès : applaudissez-le et donnez-le comme un modèle de prudence politique. Un grand seigneur affecte de parler dédaigneusement de ses privilèges : mettez-vous tous à sa disposition. S'il veut s'arrêter, vous avez tout le temps de le lais­ser aller ; bientôt, il restera solitaire en face de vous comme un adversaire impuissant, et vous aurez à votre disposition, mille moyens de rendre impopulaires tous ceux qui voudraient s'oppo­ser à vos projets.

 

« L'armée permanente est le plus grand obstacle au progrès du socialisme. Il fout la paralyser par l'éducation morale du peuple. Quand une fois l'opinion publique se sera familiarisée avec la pen­sée que l’armée qui ne doit servir qu'à la défense de la patrie, ne doit jamais se mêler de politique intérieure et qu'elle doit respecter le peuple, alors on pourra marcher sans l'armée, et même marcher
contre elle sans danger……..  

« Le clergé ne prêche que la moitié de la doctrine sociale. Il veut comme nous, la fraternité générale qu'il appelle charité.
Mais la hiérarchie fait du clergé un support d'autorité, c'est-à-dire de despotisme. Il faut prendre ce qu'il a de bon et supprimer le mal

 

   « La puissance cléricale est personnifiée dans les jésuites : la

=========================================

 

p137   4.     COMMENT  CETTE CONSPIRATION  S'ACCOMPLIT     

 

haine qui t'attache à leur nom est déjà pour nous une puissance. Profitez-en.

 

« Fondez des sociétés secrètes. Ce mot la comprend tout. Les sociétés secrètes donnent une force invincible au parti qui peut s'appuyer sur elles. Ne vous inquiétez pas si elles se divisent en plusieurs associations : plus elles se diviseront mieux ce sera, car toutes vont au même but.

 

« Le secret sera parfois violé : tant mieux encore ! Le secret est nécessaire pour donner de la sécurité aux membres ; mais il faut qu'il transpire tant soit peu pour entraîner les hommes incer­tains.

 

« Que l'on donne d'abord un mot d'ordre pour répandre une idée et lui donner du poids dans l'opinion. Puis, lorsqu'un plus grand nombre d'adeptes seront en état de provoquer un mouve­ment, ils trouveront que le vieil édifice social est vermoulu de tou­tes parts et que le plus léger souffle du progrès suffit pour l'abat­tre comme par miracle. Ils s'étonneront eux-mêmes de voir fuir, devant la seule puissance de l'opinion, les rois, les seigneurs, les riches et les prêtres qui formaient comme la charpente du vieil édifice. Courage donc et persévérance ! »

Nous allons voir s'accomplir, à Rome, ce programme de la sédition.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon