Arius (St Athanase) 6

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21. Les rapports qui arrivaient chaque jour à Constantin sur les opérations du concile de Tyr, étaient tous rédigés par les ariens, qui n'avaient rien omis pour perdre saint Athanase dans l'esprit de l'empereur. Le saint patriarche s'était fait transporter, par le vaisseau de l'Etat sur lequel on l'avait embarqué, à Constantinople même, où il espérait dissiper, par sa présence et ses explications, les fausses idées que le prince avait reçues à son sujet. Au moment où l'empereur entrait à cheval dans la ville, saint Athanase se présenta tout à coup devant lui, au milieu de l'escorte impériale, et lui demanda une audience. Constantin, surpris de cette rencontre inopinée, refusait de l'écouter, parce qu'il le regardait comme légitimement condamné par un concile. Athanase lui dit alors : « Le Seigneur jugera entre vous et moi, puisque vous prenez le parti de ceux qui me calomnient! » — Ces paroles, prononcées avec l'accent de l'innocence; et l'air de sainteté qui brillait

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dans la personne du patriarche, frappèrent Constantin. Le comte Flavius Denys l'avait informé, en dehors des messages officiels des évêques ariens, que le concile de Tyr avait plusieurs fois été le théâtre de scènes de tumulte et de désordres scandaleux. La conscience du faible empereur hésitait parmi ce conflit d'hommes et de choses. Il promit à Athanase de lui rendre justice, et écrivit aux évêques rassemblés à Tyr de venir immédiatement à Constantinople lui rendre compte de leur conduite. Les deux Eusèbe, Théognis, Patrophile, Ursace et Valens, obéirent seuls à cet ordre. Ils comptaient sur leur ascendant, leurs ruses et leurs intrigues, pour tromper encore la religion de Constantin. Arrivés en sa présence, ils ne parlèrent plus, ni d'ordination clandestine, ni de vierge outragée, ni d'évêque tué, ni de calice brisé par Athanase, mais ils inventèrent une nouvelle calomnie. L'année précédente, le saint patriarche avait pendant l'hiver acheté de ses deniers du blé qu'il avait fait distribuer aux pauvres d'Alexandrie. L'Egypte était, comme on sait, le grenier de l'empire; et, depuis la fondation de la nouvelle capitale, son froment était, chaque année, expédié sur les rives du Bosphore. Eusèbe de Nicomédie accusa Athanase d'empêcher les convois de vivres d'aborder à Constantinople. L'empereur venait précisément de faire mettre à mort Sopater, un de ses favoris, sur le simple soupçon de ce crime. Constantin exila saint Athanase à Trêves. Maximin, évêque de cette ville, accueillit avec toutes sortes d'honneurs l'illustre proscrit. Constantin le Jeune, qui y commandait les légions au nom de son père, le traita comme un martyr de la foi, et cet injuste exil ne servit qu'à rehausser la gloire de celui qui le subissait, en faisant éclater davantage son mérite et ses vertus.

 

   22. La mort de Sopater, à laquelle nous venons de faire allusion, est un des épisodes les moins connus du règne de Constantin. En raison même de son obscurité, il a servi de texte aux déclamations du rationalisme contre la mémoire du premier empereur chrétien. Un récit d'Eunape est le seul document historique qui mentionne le fait. Mais outre que le caractère d'Eunape inspire une confiance assez médiocre, sa narration elle-même paraît empreinte

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d'une exagération manifeste, voici ses paroles: «Sopater était l'un des plus brillants disciples de l'école éclectique d'Alexandrie. Aussi éloquent orateur que profond philosophe, il ressentit amèrement la faute que Constantin avait faite, en abjurant le paganisme. Indigné cependant du rôle obscur où la politique impériale le réduisait à Alexandrie, il vint à Constantinople, déterminé à éclairer l'esprit de l'empereur et à le ramener par ses exhortations et ses conseils dans la voie de la véritable sagesse. Or, son génie était si fécond en ressources qu'il parvint à s'insinuer dans la faveur du prince. Constantin lui en prodiguait les témoignages les moins équivoques ; il le faisait asseoir à sa droite dans les fêtes et les cérémonies publiques. Jaloux du crédit de Sopater et furieux de voir introduire dans toutes les branches de l'administration les sages réformes dont le philosophe avait conçu le dessein, les courtisans se réunirent pour le perdre. Le difficile était de concerter une accusation vraisemblable contre un homme dont la conduite était un modèle de désintéressement, de sagesse et de patriotisme. Le hasard les servit d'une façon inespérée. Un convoi de vivres, dirigé par mer d'Alexandrie à Constantinople, se trouva arrêté par un calme plat qui l'empêchait de poursuivre sa route. Ces sortes de convois, destinés à assouvir la populace de Constantinople, affamaient en réalité l'Asie tout entière et le littoral de la Syrie et de la Phénicie. Ce détail importait peu à l'empereur, qui se préoccupait uniquement de recueillir les applaudissements populaires dans sa nouvelle capitale. Le retard éprouvé par les navires occasionna dans la cité une véritable famine. Cependant Constantin ne voulut point pour cela interrompre les divertissements publics; il se montrait chaque jour, selon sa coutume, au théâtre. Mais la multitude affamée changea ses acclamations ordinaires en cris de mort. Les courtisans saisirent cette occasion favorable à leur vengeance. Ils dirent au prince que Sopater, cet indigne magicien qu'il faisait siéger sur les marches du trône, avait enchainé les vents par ses prestiges, et que seul il avait causé tout ce désastre. La crédulité de Constantin le livrait en proie à tous les intrigants. Il accepta cette grossière calomnie, et

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p313 CHAP.   IV.   —   EXÎ1. DE   SAINT ATHANASE.

 

sur-le-chaiup fit décapiter Sopater. Le principal auteur de ce crime fut le préfet du prétoire, Ablavius, qui ne pardonnait au philosophe, ni son ascendant sur l’esprit de l'empereur, ni sa supériorité réelle 1. » — Quoi qu'en dise Eunape, Constantin le Grand n'était pas homme à donner tête baissée dans un piège aussi maladroitement tendu. Il savait fort bien que les ressources de la magie, n'étaient pour lien dans le retard des trirèmes égyptiennes. C'est ce qui faisait dire très-judicieusement à Lebeau : « Tout le récit d'Eunape sent l'ivresse d'un sophiste qui, dans l'obscurité de son école, compose un roman sur des intrigues de cour. Si l'on veut rendre justice à Constantin, on devinera aisément que le fanatique exalté, Sopater, qui avait affiché un zèle outré pour l'idolâtrie, se sera laissé emporter à quelque trait d'insolence, peut-être même à quelque complot criminel2. » Il n'est pas en effet besoin de recourir à des opérations magiques peur supposer que le philosophe d'Alexandrie, usant de l'influence qu'il avait conservée dans cette ville, ait pu retarder, par des moyens très-naturels, l'arrivée des grains sans lesquels Conslantinople ne pouvait vivre. Une manœuvre de ce genre n'eût pas été sans précédents dans l'histoire ; mais elle n'en était pas moins coupable, et, dans ses résultats, elle était plus cruelle encore qu'un homicide. Il n'y a donc rien d'étonnant dans le châtiment exemplaire qui fut infligé en cette circonstance. Bien que les pièces du procès nous fassent défaut, le caractère connu de Constantin ne se prête pas aux accusations gratuites auxquelles cet épisode a donné lieu.

 

   23. Quoi qu'il en soit, entre le sophiste alexandrin et Saint Athanase la différence était grande. L'empereur fut-il réellement assez dominé par la faction arienne pour méconnaître à ce point l'innocence du grand patriarche? On l'a dit, nous ne le croyons pas. On a déjà pu remarquer cette particularité significative que le jeûne César Constantin, gouverneur des Gaules, fit à l'illustre proscrit l’acueil le plus  honorable et le plus sympathique, il en fut de

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1. K-.i'iapi. In /F'iiie, png. 37.

2.  Lclieati, Mut. il- Km- E,nyi>e. ioiii. !, pag. 251.

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p314     PONTIFICAT  DE   SAINT  SYLVESTRE   I   (314-335).

 

Même de saint Maximin, évêque de Trêves. Il est, dès lors, très-vraisemblable que les ordres relatifs à saint Athanase, émanés de la chancellerie de Constantinople, n'avaient point un caractère fort rigoureux. Lors même qu'on supposerait, entre Constantin le Grand et le César son fils, des divergences de vue, ou des nuances d'opinion, dont l'histoire d'ailleurs ne parle pas, il faudrait ne pas connaître le mécanisme de l'administration impériale pour admettre qu'un criminel de lèse-majesté, auquel on aurait daigné faire grâce de la vie à Constantimople, eût pu être choyé à Trêves comme un héros. Une telle anomalie ne pourrait se produire d'un de nos départements à l'autre, dans notre système de centralisation moderne. A fortiori, était-elle plus impossible sous le régime d'unité absolue, imposé au monde par le césarisme romain. D'ailleurs, en dehors de ces déductions plus ou moins légitimes, nous possédons un document authentique, dont on n'a pas tenu assez compte. Sans justifier entièrement la conduite de l'empereur vis à vis de saint Alhanase, il l'explique cependant, et la présente sous un jour tout nouveau. «L'illustre patriarche d'Alexandrie resta deux ans et quatre mois dans son exil, à Trêves, dit Théodoret. A la mort du grand Constantin, son fils aîné Constantin le Jeune, devenu empereur d'Occident, rendit la liberté au saint évêque. Il le renvoya à son siège d'Alexandrie, et, en même temps, il adressait au clergé et au peuple de cette ville la lettre suivante : Nul d'entre vous n'ignore le véritable motif qui a nécessité l'éloignement momentané d'Athanase, votre vénérable évêque. Il fut envoyé prés de moi dans les Gaules, pour le soustraire aux violences de ses cruels ennemis. Ils avaient suspendu le glaive sur sa tête sacrée, et leur fureur paraissait tellement incurable qu'on dut recourir à ce moyen pour épargner au monde le spectacle du plus affreux des crimes. C'est ainsi qu'il fut arraché à leurs complots sanguinaires, et envoyé dans cette ville, où j'avais reçu l'ordre de le traiter avsc tous les honneurs dont il est digne. Aussi rien ne lui manqua dans son exil. D'ailleurs, sa grande âme est tellement au-dessus des vicissitudes de ce monde, qu'elle compterait pour rien les privations et les plus durs traitements de la fortune. Mon

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père, de bienheureuse mémoire, Constantin Auguste, n'avait pas de plus ardent désir que celui de pouvoir rendre à votre affection ce noble évêque. Prévenu par la mort, il n'eut pas le temps de réaliser ce projet. C'est à moi maintenant d'exécuter sa volonté impériale. Athanase vous est donc rendu. Il vous dira lui-même, quand vous aurez le bonheur de le revoir, les témoignages de vénération dont je l'ai comblé. Non pas, certes, qu'il y ait en cela le moindre mérite de ma part. On ne saurait approcher de ce grand homme, sans être saisi pour lui de respect et d'amour. Frères bien-aimés, que la divine Providence vous ait en sa garde 1. » Cette lettre de Constantin le Jeune est, à notre avis, la meilleure preuve que la faction arienne s'illusionnait elle-même, lorsqu'elle croyait exercer une influence absolue sur l'esprit de Constantin le Grand.


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   5. Après la dédicace de l'église de Jérusalem, les évêques qui y avaient présidé se rendirent à Constantinople, ou les Eusébiens voulaient réunir un nouveau concile contre l'évêque Marcel d'Ancyre, qu'ils accusaient de sabellianisme, parce qu'il soutenait la foi de Nicée. Marcel enseignait, avec l'Église catholique, que la distinction des personnes dans la sainte Trinité n'entraîne nullement la division de substance. « Le Verbe procède du Père, disait-il, et il est écrit de l'Esprit-Saint, tantôt qu'il procède du Père, tantôt qu'il procède du Verbe ; par conséquent il procède à la fois de l'un et de l'autre. Or, on ne saurait concevoir qu'il procédât de l'un et de l'autre, si le Père et le Fils étaient séparés par nature.

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1. Bartolinj, Actes du martyre de sainte Agnès, pag. 247 ; Vespasiani, Desacri pallii origine, Roma, 1856. — 2. Le consulat de Philippe et Salia se rapporte à l'an 313. — 3. Blanchini, In Lib. Ponti/. Note, ad S. .Marc.

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Puis donc qu'il procède du Père et du Fils, le Père et le Fils sont tous deux un seul et même Dieu. » Les deux Eusèbe condamnèrent purement et simplement cette doctrine et son auteur ; ce qui prouve ou leur insigne mauvaise foi, ou leur ignorance absolue de la théologie catholique. Ils excommunièrent Marcel d'Ancyre, et le déposèrent de son s'iège. Ils s'occupèrent ensuite du rétablissement d'Arius, qui, depuis l'exil de saint Athanase à Trêves, avait vainement essayé de rentrer à Alexandrie. Le peuple de cette ville, fidèle à son saint patriarche et à la foi catholique, s'était soulevé à l'approche de l'hérésiarque, et l'avait chassé de ses murs. Cette tentative ayant ainsi échoué à Alexandrie, les Eusébiens entreprirent de la faire réussir à Constantinople même, dans la cité impériale, à la face de l'univers. Leurs premières démarches s'adressèrent au patriarche de Constantinople, saint Alexandre; ils le priaient d'avoir compassion d'un prêtre, si longtemps, disaient-ils, et si injustement persécuté. Le saint vieillard, alors âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, n'avait ni moins de fermeté, ni moins d'attachement à la foi qu'en avait montré, durant sa vie, saint Alexandre, patriarche d'Alexandrie, son homonyme. « La douceur dont j'userais envers Arius, répondait-il, serait une véritable cruauté à l'égard des catholiques. Les lois de l'Église ne me permettent pas de contrevenir, par une fausse compassion, à ce que j'ai moi-même ordonné avec tout le saint concile de Nicée. » L'empereur alors fixa, de sa propre autorité, un jour de dimanche où Arius devait être solennellement reçu dans la principale église de Constantinople et admis à la communion, en présence de tout le peuple. Il signifia à saint Alexandre de cesser son opposition, sous peine d'exil. Le patriarche n'eut plus alors de recours qu'aux armes spirituelles. Par le conseil de saint Jacques, évêque de Nisibe, qui se trouvait à Constantinople, il ordonna aux fidèles un jeûne de sept jours, pour implorer le secours du ciel, dans ce danger pressant de l'Église. La veille du terme fatal, le saint vieillard, fondant en larmes, se prosterna devant l'autel, le visage contre terre, et pria ainsi, dans l'effusion de son âme : «Seigneur, s'il faut qu'Arius soit reçu demain dans l'assemblée des fidèles, retirez votre serviteur de

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p333 CHAP. v. — Jionr dk Constantin le grand.           333

 

ce monde. Mais si vous avez encore pitié de notre Église, ne permettez pas que votre héritage soit profané. Frappez Arius du poids de votre colère, et que l'hérésie ne s'enorgueillisse pas plus longtemps de sa victoire ! » Cependant Arius parcourait la ville, entouré de la foule de ses partisans, qui lui formaient un cortège triomphal. Arrivé sur la grande place, en vue de la basilique où priait saint Alexandre, il fut saisi d'un tremblement nerveux, et demanda à se retirer dans un lieu secret. Comme il tardait beaucoup à reparaître, on y entra, et on le trouva étendu mort, baigné dans son sang, et ses entrailles répandues. L'horreur d'un tel spectacle fit trembler ses sectateurs mêmes. Le théâtre de cette fin tragique cessa d'être fréquenté; on n'osait en approcher, et on le montrait au doigt comme un monument de la vengeance divine.

 

6. Ces événements occupèrent tout le temps du court pontificat de saint Marc, qui mourut le 7 octobre 336, l'année même de son  exaltation. Il fut enterré sur la voie Ardeatina, dans le cimetière de Sainte-Balbine, et, de là, transporté dans l'église juxta Pallacinis, aujourd'hui Saint-Marc, dont il avait fait la dédicace. Lors du concile de Rome contre les Donatistes, saint Marc, encore simple prêtre, avait été désigné comme l'un des membres de la commission chargée de faire l'enquête sur les griefs articulés contre Cécilien et Félix d'Aptonge. On croit que ce fut lui qui ordonna de réciter à la messe, après l'Évangile, le symbole de Nicée, cette charte authentique et fondamentale de la foi.

 

PONTIFICAT DE SAINT JULES I (337-352).

 

§ I. Mort de Constantin le Grand.

 

7. « Jules, romain d'origine, dit le Liber Pontificalis, avait pour père Rusticus. Il siégea quinze ans, deux mois, sept jours, sous le règne de l'hérétique Constance, fils de Constantin le Grand, depuis  le III des ides de février (6 février), du consulat de Félicien et Titianus (337), jusqu'à la veille des ides d'avril (12 avril), du con-

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p334 POKTIFICAT  DE  SAINT JULES  I   (337-352).

 

sulat de Constance V et Constantius Gallus (352). Le saint pontife eut à souffrir les plus cruelles tribulations; il subit un exil de dix mois et ne put revenir sur le siège du bienheureux Pierre, apôtre, qu'après la mort du tyran (Magnence). Il érigea, dans la ville de Rome, deux basiliques, l'une près du forum, l'autre sur la voie Flaminia. Il ouvrit trois catacombes: la première sur la voie Flaminia, la seconde sur la voie Aurélia, la troisième sur la voie Portuensis. Par une constitution, il défendit aux clercs de plaider à d'autres tribunaux qu'à ceux de l'Église. Il statua que les notaires ecclésiastiques tiendraient un registre exact de tous les faits concernant l'histoire du temps, de toutes les causes examinées et jugées par l'Église avec le texte de la sentence, de tous les actes, donations, échanges, testaments et affranchissements. Il ordonna que chaque année ces registres fussent remis à l'archiviste du siège apostolique. En trois ordinations célébrées à Rome, au mois de décembre, Jules imposa les mains à dix-huit prêtres, quatre diacres et neuf évêques destinés à diverses églises. Il fut enseveli sur la voie Aurélia dans la catacombe de Calepodius, au troisième milliaire de Rome, la veille des ides d'avril (12 avril 352). Après lui le siège pontifical demeura vacant vingt-cinq jours. »

 

8. L'avènement de saint Jules I coïncidait avec des faits politiques de la plus haute gravité. Le roi de Perse, Sapor II, celui-là même auquel Constantin avait adressé une lettre si pressante en faveur des chrétiens, rompit tout à coup l'alliance qu'il avait contractée avec l'empire. Une seconde ambassade vint apporter cette nouvelle à Constantinople, et mit dans l'accomplissement de sa mission une arrogance à laquelle les Romains n'étaient plus habitués. Sapor se décorait fastueusement des titres de roi des rois et de frère du soleil. Il redemandait les provinces du Tigre, conquises trente ans auparavant par Galerius1. « Je surpasse en valeur, en puissance, en gloire, tous mes prédécesseurs, disait-il avec orgueil. Les traités qu'il leur a plu de signer jadis ne m'engagent pas. Je pourrais élever des réclamations beaucoup plus considérables.

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1. L'expédition de Galerius avait eu lieu en 297.

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p335 CHAP.   V.   — MORT DE  CONSTANTIN  LE GRAND.                 

 

Mais la modération convient à ma grandeur. Je n'oublie pas cependant que mes ancêtres ont possédé toutes les provinces comprises entre l'Euphrate et le fleuve du Strymon en Macédoine. Aujourd'hui je veux bien me borner à revendiquer les pays usurpés dernièrement par les Romains en Mésopotamie. » Un tel langage équivalait à une déclaration de guerre. Constantin ne s'y méprit pas. Il donna immédiatement des ordres pour que l'armée se réunit en Orient. Les préparatifs furent immenses. L'empereur visita en personne les principales cités de la Syrie et de la Palestine, pour rassurer les populations par sa présence, reconnaître les points stratégiques qu'il importait de munir et se rendre compte de l'état des esprits. Ces préoccupations ne le détournaient pas des pensées religieuses et des pratiques de piété qui faisaient le fond de sa vie. « Il manda les évêques qu'il aimait le plus, dit Eusèbe, leur fit part de ses projets et leur demanda de l'accompagner dans son expédition. II voulait avoir partout, près de sa personne, des ministres de Jésus-Christ, qui pussent célébrer les divins mystères 1. Les évêques lui promirent de l'accompagner et de ne pas le quitter un seul instant. Il ne nous est pas permis, dirent-ils, de vous soutenir par les armes ; mais nous combattrons à vos côtés par nos prières et par l'oblation du saint sacrifice. — L'empereur parut touché de leur dévouement, il leur en témoigna sa reconnaissance et indiqua à chacun d'eux l'itinéraire qu'il aurait à suivre pour venir se joindre à l'expédition, lorsqu'elle se mettrait en marche. Cependant il fit construire, en forme de tente, une église portative, décorée avec tout le luxe que pouvait permettre sa destination spéciale. C'était là le lieu de repos, de prière et de sainte retraite, qu'il se ménageait pour les campements. Il espérait s'y réunir avec les évêques. Toutefois, l'expédition n'eut pas lieu. Effrayé des armements formidables dont la renommée portait jusqu'à lui la nouvelle, l'arrogant Sapor envoya d'autres ambassadeurs chargés de propositions de paix. L'empereur, vrai fils de

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1. On conviendra que cette précaution eût été fort inutile, si Constantin n'avait pas encore à cette époque eu reçu la baptême, puisque, simple catéchumène, il lui aurait été interdit d'assister aux divins mystères.

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p336       PONTIFICAT   DE   SAINT  JULES   I   (337-352,.

 

paix, les accueillit avec bonté et conclut un nouveau traité d'alliance avec leur maître. Or, on était à la veille de la fête de Pâques, la dernière que Constantin dût célébrer sur la terre. Il passa la nuit avec tous les fidèles à chanter les louanges du Seigneur1. »

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon