Darras tome 32 p. 608
§. II. SANGLANTES DIVISIONS DANS L'HÉRÉSIE.
8. Le commencement de l'année suivante ne fut pas moins funeste à l'Eglise, qui vit alors établir, d'une manière légale ou civile, une secte à la vérité moins emportée, si l'on en juge par les premières apparences, mais au fond plus impie, beaucoup plus artificieuse, aussi entreprenante et presque aussi féconde que le luthéranisme. L'établissement de cette secte des sacramentaires, la production plus monstrueuse encore de celle des anabaptistes, le luthéranisme placé sur les trônes de Suède et de Danemarck, d'où il bannit la foi catholique, les hérésies du Nord se montrant à face découverte en France : voilà les scandales qui, dans le cours d'une seule année, firent l'effroi du monde chrétien. Dès le 29 janvier de cette année 1523, Zwingle, un helvétien depuis peu rival de l'hérésiarque saxon, ayant acquis par ses insinuations artificieuses tout le crédit nécessaire à ses vues, fit assembler le sénat de Zurich, pour délibérer sur les querelles de religion qui agitaient toutes les nations germaniques, et pour juger souverainement en faveur de la doctrine qu'on trouverait la plus conforme à la parole de Dieu. A cette nouvelle, l'évêque de Constance, se persuadant à peine ce qu'on lui disait d'une ville appartenant à son diocèse, envoya Jean Faber, son vicaire général, pour empêcher de passer outre, et représenter que c'était une chose inouïe qu'une assemblée de laïques s'arrogeât l'autorité des conciles pour prononcer en matière de foi. La séduction avait prévalu parmi le grand nombre : ils répondirent qu'ayant plus d'intérêt que personne à leur salut, ils avaient aussi plus de droit à la recherche de la vérité. Sur quoi la délibération se poursuivit ; il fut statué, en présence même du grand vicaire, que la doctrine de Zwingle serait reçue dans tout le canton de Zurich, avec défense à tout prédicateur et à tout pasteur, d'en enseigner une autre, ainsi que d'accuser d'hérésie Zwingle et ses sectateurs1. Cette doctrine était comprise en soixante-sept propositions
-----------------------
1 Sleid. Comment, sub fine.
=========================================
p609 CHAP. X. — SANGLANTES DIVISIONS DANS t'iIÉUÉSIE.
dont voici la substance : L'Évangile est la seule règle de notre foi, toutes les traditions doivent être rejetées ; Jésus Christ est le seul chef de l'Eglise, qui n'est elle-même que la communion des saints ou l'assemblée des élus ; la puissance du pape et des évêques n'est pas fondée sur l'Ecriture, et ne provient que de leur orgueil ; il n'y a point d'autres évêques ni d'autres prêtres que ceux qui annoncent la parole de Dieu ; Dieu seul pouvant remettre les péchés, la confession n'est qu'une simple consultation ; les œuvres satisfactoires ne sont que de tradition humaine ; le purgatoire n'existe pas ou du moins n'est pas prouvé par la Bible ; il ne faut point d'autre intercesseur que Jésus-Christ ; on peut manger en tout temps toutes sortes de viandes ; le mariage est permis aux prêtres et aux religieux comme à tous les autres hommes ; l'habit monastique n'est que le voile de l'hypocrisie ; il n'y a qu'un seul sacrifice, qui est celui de la Croix, et la messe n'en est qu'une simple commémoration.
9. Jusqu'ici la doctrine de Zwingle se conciliait aisément avec celle de Luther ; trois ans après, las de s'entendre appeler luthérien et jaloux de figurer en chef, il combattit tout à la fois, et la présence réelle que retenait Luther, et la manière insensée dont la rejetait Carlostad on soutenant que Jésus-Christ par ces paroles: « Ceci est mon corps, » se désignait simplement lui-même à ses disciples. Zwingle prétendait au contraire, d'abord avec AEcolampade, puis avec Bucer et Capiton, prédicants de Strasbourg, que dans ces paroles le mot est tient lieu du mot signifie, en sorte que le sens de la phrase est celui-ci : « Ceci figure » ou «signifie mon corps, ceci est le signe » ou «la figure de mon corps. » Suivant cette explication, il n'y avait plus ni miracle, ni mystère, rien que d'intelligible et de très-ordinaire dans l'Eucharistie. La fraction du pain représentait le corps immolé, et la consommation du vin, le sang répandu. Tout ce qu'il y avait de spirituel, c'était la foi qui sous ces signes visibles agissait intérieurement dans les âmes 1. Comme Luther avait ses démons familiers pour guides, Zwingle
----------------------
1. Zwikgi. Subsid. de Euchar. pag 246.
=========================================
p610 pontificat d'adrien vi (1522-1523).
prétendit avoir pour maîtres des
spectres et des fantômes. L'un d'eux, noir ou blanc, car il dit lui-même qu'il
ignore la couleur », lui fournit la preuve du sens figuré. Un jour qu'il se trouvait fort embarrassé
pour soutenir cette invention, le spectre de couleur ambiguë lui apparut tout
à coup et lui dit : « Ignorant, que ne donnes-tu en exemple ce qui est dans
l'Exode : L’Agneau est la Pâque? » Quoiqu'il en soit de la vision, la preuve
qu'y vit Zwingle était en effet manifestement une imagination de visionnaire.
Ces paroles : « L'agneau est la pâque, » signifient si peu que l'agneau soit la
figure de la pâque ou du passage, que l'Écriture, suppléant plus bas le mot
sous-entendu dans ce genre d'hébraïsme très-familier aux écrivains sacrés, dit
tout au long que « l'agneau est la victime du passage. » Au reste les sectaires ne furent pas plus satisfaits que les
catholiques de ces figures et de ces explications, qui firent naître la
mésintelligence et allumèrent la discorde dans la nouvelle réforme. Du sein de
ce monstre fécond sortaient chaque jour des productions plus monstrueuses.
10. Deux des principaux disciples de Luther, Thomas Muncer et Nicolas Storck, abandonnèrent leur maître en vertu des mêmes principes et sous les mêmes prétextes qui l'avaient détaché lui-même du corps de l'Eglise. Ils ne trouvaient pas sa doctrine assez parfaite, et, comme il n'admettait pour guide que l'Écriture sainte interprétée à sa fantaisie, ils prétendaient ne devoir se conduire que par les lumières qu'ils recevaient du Père céleste dans l'oraison. Sur cette maxime de conduite, on présume aisément à quels excès dut se porter le fanatisme. A la faveur d'un extérieur dévot et mortifié, d'une longue barbe, d'une taciturnité chagrine, d'une casaque d'étoffe grossière et d'une malpropreté dégoûtante, ils inspiraient un souverain mépris pour toutes les lois, tant politiques qu'ecclésiastiques, une aversion décidée pour les magistrats, pour la noblesse, pour toutes les puissances et pour tout genre de supériorité. Ils voulaient que tous les biens fussent communs, tous les hommes libres et indépendants ; ils promettaient un empire où ils
---------------------
1 Zwisgl. ibid. Hosp. part, x, pag. 25, 26.
========================================
p611 CHAP. X. — SANGLANTES DIVISIONS DANS L'HÉRÉSIE.
régneraient seuls dans une félicité parfaite, après avoir exterminé tous les impies, c'est-à-dire tous ceux qui n'auraient point embrassé leur piété meurtrière. Pour les sacrements et tout le culte extérieur de la religion, ils les foulaient aux pieds, condamnaient surtout l'ancien baptême et rebaptisaient tous ceux qui entraient dans leur société : d'où leur vint le nom d'anabaptistes ou rebaptisants 1. Cette secte commença dans Wittemberg même et Luther ne manqua point de s'élever contre elle avec toute la hauteur d'un orgueilleux bravé et la violence d'un sectaire persécuteur : seul moyen de défense qui lui restât en effet. D'abord il eut recours aux bons principes, qu'il ne put jamais oublier entièrement et auxquels la force de la vérité le ramena souvent malgré lui. Il avait posé pour maxime qu'on ne devait point en venir au fond de la doctrine avec les docteurs de nouveautés, ni les recevoir à prouver la vérité de leurs inventions par les Écritures ; qu'il ne fallait que leur demander de qui ils avaient reçu la charge d'enseigner. S'ils répondent, poursuivait-il, que c'est de Dieu, qu'ils le prouvent par des miracles manifestes, puisque c'est par là que Dieu se déclare quand il veut changer quelque chose dans la forme de la mission. Insensé, qui se condamnait lui-même par ses propres principes !
11. Cependant il persécutait à toute outrance les imitateurs audacieux de son usurpation, tandis qu'il criait à la persécution contre les défenseurs d'une possession dont il prétendait établir la justice à son profit. Peu content de faire bannir Storck et Muncer, il excita les princes à réprimer par les armes tous les partisans de ces perturbateurs, à n'user de miséricorde envers aucun d'eux, à ne pas même pardonner à ceux que la multitude aurait entraînés dans quelque émeute passagère 2. De là vint, au moins en partie, la guerre des anabaptistes, qui, sous le nom de guerre des paysans, coûta tant de sang à l'Allemagne. Muncer, chassé de Saxe avec Storck, dont il n'est plus question après cela, parcourut l'Allemagne, alla jusqu'en Suisse, distribua dans tous les cantons ses disciples les plus entreprenants, et répandit partout l'esprit de fana-
------------------
1 Hist. Anabaptist. i. — Sleid. iv, v ; — Chybtr. Sax. xi.
2 Sleiii. v, pag. 09, 76.
==========================================
p612 PONTIFICAT D'ADRIEN VI (1322-1523).
tisme et de révolte. Il
exhortait les siens à chasser les
moines, à s'emparer des monastères et des abbayes, à ne plus souffrir les injustices
des magistrats ni les oppressions des souverains, c'est-à-dire l'exercice
d'aucune puissance. En vertu du principe de la communauté des biens et de
l'égalité des conditions sans nulle dépendance, il se faisait écouter des
peuples comme un oracle. A Mulhausen en Thuringe. où il établit principalement
sa résidence, il fit déposer par le peuple les magistrats qui ne lui étaient
pas favorables, et se rendit presque seul maître du gouvernement. Là, il se disait inspiré, dans tout ce
qu'il prêchait, par l'archange saint Michel. Et que prêchait-il,
qu'écrivait-il de toutes parts? Qu'il était destiné à fonder avec le glaive de
Gédéon un nouvel empire à Jésus-Christ; que Dieu ne voulait plus que son
peuple gémît sous la tyrannie des princes et des magistrats; que le temps
était venu où le Dieu très-grand et très-saint lui commandait d'exterminer tous
ces monstres, pour établir en leur place le règne de la probité et de la vertu.
L'année suivante, on vit les fruits
de cet enseignement et des
autres semences de rébellion, qu'il avait répandues par ses disciples et par
ses écrits dans tous les Etats germaniques. Les paysans de Souabe furent les
premiers qui se soulevèrent, en faveur de ce qu'ils appelaient, après Luther,
la liberté chrétienne. Leur exemple fut suivi par leurs voisins, et gagna
si rapidement de contrée en contrée
et de peuple à peuple, qu'il
infecta la même année le canton de Zurich au fond de la
Suisse, où peu s'en fallut que cette secte violente ne s'établit sur les ruines
de la Réforme qu'on y avait si
solennellement adoptée.
12. Après bien des désastres, ils y furent enfin réprimés, au moins pour un temps ; mais dans tous les cercles de l'empire le mal s'accrut tellement que ces fanatiques formèrent en peu de temps une armée de quarante mille hommes. Les uns se proposaient d'établir le nouveau royaume de Jésus-Christ dont les flattait Muncer ; les autres, échappés aux prisons et à l'échafaud, ne tendaient qu'à continuer impunément la vie criminelle qui les leur avait mérités ; tous voulaient être déchargés d'impôts, de redevances, des lois mêmes, et de toute soumission. Pfeiffer, moine apostat de l'Ordre
=========================================
p613 CHAP. X. — SANGLANTES DIVISIONS DANS l'uÉUÉSIE.
de Prémontré, leur disait que Dieu lui avait spécialement révélé de détruire la noblesse. Il servait de lieutenant à Muncer, qui paraissait à leur tête, sous le titre de «serviteur du Maître suprême contre les impies. » Il les assurait qu'aucun d'eux ne serait blessé ; que, sans l'être lui-même, il recevrait dans ses manches toutes les balles de la mousquetterie. Ils partagèrent leur armée en trois corps, et partout ils tinrent audacieusement la campagne, s'emparèrent de villes considérables, telles que Wurtzbourg et Vimperg en Franconie, où ils firent main basse sur tous les nobles, sans épargner le comte Louis de Helfestein qu'ils firent barbarement passer par les piques. Ils s'avancèrent à Constance en Suisse, franchirent le Rhin, traversèrent l'Alsace, en laissant partout des vestiges affreux de leur brigandage. Ils allaient renouveler les mêmes horreurs dans les provinces limitrophes de France, quand le duc de Lorraine et le comte de Guise son frère, qui commandait en Champagne, vinrent à leur rencontre avec six mille hommes. Quoiqu'ils fussent plus de trente mille, il en périt les deux tiers, soit taillés en pièces, soit brûlés dans les maisons où la peur et l'indiscipline les avaient dispersés1. En Allemagne, ils ne furent pas plus ménagés par différents princes de l'empire, lis furent enfin dissipés à la bataille de Frankuse en Thuringe, après laquelle Muncer leur chef et l'apostat Pfeiffer, faits prisonniers avec les principaux fauteurs de la rébellion, expièrent sur l'échafaud les crimes et les désordres dont ils étaient les auteurs. La secte néanmoins ne fut pas éteinte avec la révolte, mais bannie seulement des provinces du Haut-Rhin, d'où elle reflua particulièrement dans la Westphalie, la Hollande et les contrées voisines.
13. Aux extrémités du Nord, l'hérésie monta sur les trônes de Suède et de Danemarck, dans le cours de cette même année 1523, déjà si fatale à la cause catholique. Christian II s'étant rendu aussi odieux aux Danois ses sujets qu'aux Suédois ses ennemis, par le massacre effroyable du sénat de Stockholm, ajouté à une longue suite de tyrannies presque aussi exécrables, le peuple et les Grands
----------------
1 Arnol. Mkshovius. llist. Annbaptist. ann. 1524.
=========================================
p614 pontificat d'adrien vi (1522-1523).
se soulevèrent enfin contre ce prince, l'un des plus méchants qui aient porté la couronne, et la déférèrent à son oncle Frédéric Ier, duc de Holstein. Comme Frédéric faisait profession de luthéranisme, il laissa d'abord à ses sujets la liberté de changer de religion et aux prédicants luthériens, dont fourmillait l'Allemagne, celle de propager leur doctrine. Il donna même à ce sujet un édit en forme, sous prétexte de ne point gêner les consciences et de prévenir les troubles. Quand il eut acquis le surnom de pacifique et qu'il jugea son autorité suffisamment établie, il obligea tous ses sujets à embrasser la nouvelle réforme1. Un faux pacificateur fit apostasier le Danemarck, et la Suède fut pervertie par un héros, par le grand Gustave Wasa, premier du nom, le libérateur de sa patrie, l'honneur de sa race, dans laquelle il rendit le trône héréditaire, et l'un de ces hommes rares, même parmi les héros, en qui le talent de conquérir et d'assurer sa conquête, le génie de la politique et celui de la guerre se trouvent réunis au même degré2. Mais Gustave, entraîné dès l'enfance dans le tumulte des camps et les troubles d'Etat, n'avait en matière de religion que ces connaissances vagues et superficielles qui n'ont jamais garanti la foi contre les passions ou les intérêts.
14. Gustave Wasa se tenait caché dans la province de Sudermanie, lorsqu'il apprit la mort de son père et des sénateurs massacrés à Stockholm, l'emprisonnement de sa mère et de ses sœurs. La douleur, l'indignation, l'amour de sa malheureuse patrie l'arrachent à sa retraite. Il pénètre dans les montagnes sauvages de la Dalécarlie, en soulève les habitants féroces, recueille tous les paysans proscrits ou impatients du joug danois ; il est bientôt à la tête de quinze mille hommes, tous résolus à venger leur patrie ou bien à s'ensevelir sous ses ruines. Les succès de la première campagne lui font décerner le titre d'administrateur, dans la seconde, il délivre presque tout le royaume, et la troisième année de la guerre, il est proclamé roi, 1523. Ce fut à la faveur de ces troubles intérieurs que les deux frères Laurent et Olaüs Pétri, suédois
--------------------
1 Chrtrtr. Sai. x.
2 J. Magk. Flohim. dï Raymond, et alii, ann. 1523.
=========================================
p615 CHAP. X. — SANGLANTES DIVISIONS DANS i/lIÉRÉSIE.
de naissance, qui avaient reçu les leçons de Luther à l'université de Wittemberg, se firent dans leur patrie les premiers apôtres du luthéranisme. Ils n'eurent pas de peine à faire de nombreux prosélytes; ils montraient le clergé abusant de ses immunités et de ses privilèges, vivant dans l'abondance au milieu de l'épuisement public. Le roi Gustave avait élevé à la dignité de chancelier Lardz-Anderson, homme de naissance obscure, mais plein de grandes vues comme son maître. Aigri contre le clergé pour avoir été exclu de l'archevêché de Stregnez dont il était archidiacre, Anderson avait embrassé des premiers les nouveautés de Luther. Cet habile conseiller justifia sans peine aux yeux du roi les projets que celui-ci méditait contre l'Eglise catholique. Toutefois, Gustave jugea que le changement de religion devait commencer par le peuple, afin que le prince ne parût changer ensuite que par condescendance. Ainsi, en réglant ses pas sur les progrès que faisaient les docteurs de la nouveauté, il obtint enfin l'approbation de l'apostasie de sa nation par les états généraux. Dès lors la ruine de la religion catholique en Suède fut promptement consommée. La Réforme reçut une sorte de confirmation ecclésiastique d'une diète nationale assemblée à Orebro, capitale de la Néricie1.
15. Chez les nations solidement chrétiennes, on usa contre l'hérésie d'une fermeté et d'une vigilance égales à la grandeur du péril. Sigismond Ier, roi de Pologne, défendit sous peine de mort, par édit solennel, et de lire et de garder les ouvrages de Luther; les évêques du royaume confirmèrent en concile cet édit et les bulles des papes contre les nouvelles erreurs2. Dans les Pays-Bas, deux anciens confrères de Luther furent brûlés, après avoir été dégradés selon les lois du temps3. En France, Jean le Clerc, cardeur de laine, fut arrêté, fouetté par la main du bourreau, banni du royaume, puis alla se faire brûler à Metz4. Le premier parlement du royaume, ouvrant tout à coup une information minutieuse contre
-----------------------
1.Locc. vi, pag. 276. — Baz. hisl. eccl sued. ad ann. 1529. 2. Bzov. ann. 1522. 3. Sleid. iv. pag. 100. 4. Theod. Bez. in Icon.
==========================================
p616 PONTIFICAT D'ADRIEN VI (1522-1523).
les novateurs, que la protection de François Ier semblait couvrir sous prétexte de restauration des lettres 1, les Guillaume Farel, les Jacques le Fèvre, les Arnaud et Gérard Roussel, les Capiton et les Martin Bucer s'enfuirent en Allemagne, abandonnant l'évêque de Meaux, Guillaume Briçonnet, qui n'avait à se reprocher qu'une confiance indiscrète, à l'humiliation d'un interrogatoire ; les livres de Luther, de Zwingle et de Melanchton furent sévèrement condamnés et proscrits; un gentilhomme d'Artois, Louis Berquin, fut contraint d'abjurer l'hérésie devant le conseil du roi; mais ce fut pour se faire brûler dans la suite comme relaps2. François 1er était alors fort occupé de ses grands projets sur l'Italie, où il ne se proposait rien moins que de reconquérir le royaume de Naples aussi bien que le Milanais, sans faire attention aux ennemis sans nombre que la crainte et la jalousie allaient ajouter à ceux qu'il avait déjà. En effet, la plupart des États d'Italie, sans en excepter les Vénitiens, anciens alliés de la France, formèrent contre lui une ligue avec l'empereur. Dans cette ligue entra le pape Adrien, tout enclin qu'il était à tenir les princes chrétiens unis contre les ennemis de la religion3 : tâche bien ardue en de telles circonstances pour le génie de ce pontife, plus homme de bien qu'habile homme, et peu propre au maniement des affaires et des esprits. Adrien, bien différent de ses deux prédécesseurs Jules II et Léon X, au lieu de faire servir les princes à ses desseins, servait lui-même sans le savoir à leurs vues ambitieuses et souvent injustes. Au moins parut-il oublier les devoirs de père commun à l'égard des Français, contre lesquels il montra beaucoup d'aversion et fit enfin la guerre ouvertement4. Il n'en vit pas l'issue à jamais déplorable pour la France. Moins de deux mois après s'y être engagé, il mourut le 24 septembre 1523, après un règne qui ne fut guère que d'une année, révéré partout pour ses vertus et très-haï des Romains, qui
----------------
1 Florin, de Raïjidkd. vu.
2. Preuv. des Lilerl. de l'Eglis. gallic. 35.
3.Gdicc. xxiii.
4 Dan. Hisl. Franc, anno 1523.
========================================
p617 CHAP. X. — SANGLANTES DIVISIONS DANS L'HÉRÉSIE.
appelaient dureté, épargne sordide et bassesse de sentiment, sa régularité, sa frugalité et sa modestie1.
---------------------
1. Gcicc. xv. — Gnophr. Ciacon. — Paul. Jov. etalii. — Ce pontife fut enterré avec cette épitaphe : » Ci-gît Adrien VI, qui n'estima rien de plus malheureux pour lui que de commander. » Il n'avait que soixante-quatre ans et demi. Il ne fit qu'un seul cardinal durant tout son pontificat, et encore ne voulut-il en cela déférer à la coutume que lorsqu'il se vit au lit de mort.
FIN DU TRENTE-DEUXIEME VOLUME