Louis XIV 13

Darras tome 37 p. 502

 

Voici maintenant l'édit du roi sur la déclaration faite par le clergé de France de ses sentiments touchant l'autorité du Saint-Siège.

 

 

« Bien que l'indépendance de notre couronne de toute autre puis­sance que de Dieu soit une vérité certaine et incontestable et établie sur les propres paroles de Jésus-Christ, nous n'avons pas laissé de recevoir, avec plaisir, la déclaration que les députés du clergé de France, assemblés par  notre permission, en notre bonne ville de Paris, nous ont présentée, contenant leurs sentiments touchant la puissance ecclésiastique ; et nous avons d'autant plus volontiers écouté la supplication que lesdits députés nous ont faite de faire publier cette déclaration dans notre royaume, qu'étant faite par une assemblée composée de tant de personnes également recommandables par leurs vertus et par leur doctrine, et qui s'emploie avec tant de zèle à tout ce qui peut être avantageux à l'Église et à notre service, la sagesse et la modération avec laquelle ils ont expliqué les sentiments que l'on doit avoir sur ce sujet, peut beau­coup contribuer à confirmer nos sujets dans le respect qu'ils sont tenus, comme nous, de rendre à l'autorité que Dieu a donnée à l'Église et à ôter, en même temps, aux ministres de la religion pré­tendue réformée le prétexte qu'ils prennent des livres de quelques auteurs, pour rendre odieuse la puissance légitime du chef visible de l'Église. — A ces causes et autres bonnes et grandes considéra­tions à ce moment, après avoir fait examiner ladite Déclaration en notre conseil : Nous, par notre présent édit perpétuel et irrévocable, avons dit, statué et ordonné :

 

« 1° Défendons à tous nos sujets et aux étrangers étant dans notre royaume, séculiers et réguliers, de quelques ordre, congrégation

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et société qu'ils soient, d'enseigner dans leurs maisons, collèges et séminaires, ou d'écrire aucune chose contraire à la doctrine contenue en icelle.

 

« 2° Ordonnons que ceux qui seraient dorénavant choisis pour enseigner la théologie dans tous les collèges de chaque université, souscriront ladite déclaration aux greffes des facultés de théologie, avant de pouvoir faire cette fonction dans les collèges qui se sou­mettront à enseigner la doctrine qui y est expliquée.

 

« 3° Que dans tous les collèges où il y aura plusieurs professeurs, l'un d'eux sera chargé tous les ans d'enseigner la doctrine conte­nue dans ladite Déclaration, et dans les collèges où il n'y aura qu'un seul professeur, il sera obligé de l'enseigner l’une des trois années consécutives.

 

« 4° Enjoignons aux syndics des facultés de théologie de présen­ter tous les ans avant l'ouverture des leçons, aux archevêques ou évêques des villes où elles sont établies, et d'envoyer à nos procu­reurs-généraux les noms des professeurs qui seront chargés d'en­seigner ladite doctrine, et auxdits professeurs de représenter aux-dits prélats et à nosdits procureurs généraux les écrits qu'ils dicteront à leurs écoliers, lorsqu'ils leur ordonneront de le faire.

 

« 5° Voulons qu'aucun bachelier, ne puisse être dorénavant licencié tant en théologie qu'en droit canon, ni être reçu docteur qu'après avoir soutenu ladite doctrine dans l'une de ses thèses, dont il fera apparoir à ceux qui ont droit de conférer ces degrés dans les universités.

 

« 6° Exhortons, et néanmoins enjoignons à tous les archevêques et évêques de notre royaume, d'employer leur autorité pour faire enseigner, dans l'étendue de leurs diocèses, la doctrine contenue dans ladite déclaration faite par lesdits députés du clergé.

 

« 7° Ordonnons aux doyens et syndics des facultés de théologie de tenir la main à l'exécution des présentes, à peine d'en répondre en leur propre et privé nom.

 

« Si donnons en mandement à nos amés et féaux les gens tenant nos cours de parlements, que ces présentes, nos lettres en forme d'édit, ensemble ladite Déclaration du clergé, ils fassent lire, pu-

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blier et enregistrer aux greffes de nosdites cours et des bailliages, sénéchaussées et universités de leurs ressorts, chacun en son droit ; et aient à tenir la main à leur observation, sans souffrir qu'il y soit contrevenu directement ni indirectement ; et à procéder contre les contrevenants en la manière qu'ils le jugeront à propos, suivant l'exigence des cas. Car tel est notre plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à ces dites présentes. »

 

L'édit est signé : Louis ; contresigné : Colbert et Le Tellier, enre­gistré au Parlement avec la Déclaration le 23 mars 1682.

 

35. Ces documents appellent quelques réflexions. L'acte de déclaration et la lettre de l'assemblée des 34 au cent autres évêques de France sont deux énormités. Des évêques n'ont aucune qualité pour déterminer avec autorité les pouvoirs du souverain pontife ; quand ils s'attribuent des pouvoirs tels, sur convocation du pou­voir civil, ils frisent le schisme. L'idée qu'un concile puisse se tenir en pareilles conditions et devenir concile national par acces­sion des absents, est une idée en l'air, sans précédents dans l'Église. L'édit royal, réglant un ordre de doctrines à recevoir et à enseigner, c'est le système russe, le popisme, que nous verrons bientôt codifié par Pierre, dit le Grand. Peut-on imaginer rien de plus étrange que le Parlement, tribunal laïque, apprenant le caté­chisme à la Sorbonne, lui enseignant ce qu'elle doit croire et enre­gistrer ? Nous ajouterons, sur l'édit en particulier, ces trois observations : La première, c'est que l'édit n'est que la mise en pratique de la Déclaration, décidée par Louis XIV, à la demande des évêques. Si donc la déclaration est caduque, soit par rétracta­tion des signataires, soit par manque de vérité, défaut de compé­tence ou révocation d'une autorité supérieure à celle des évêques, l'édit tombe avec la Déclaration.

 

La seconde, c'est que, dans son article 2, Louis XIV paraît supposer qu'on est libre de ne point se soumettre à son édit, et que, dans la conclusion, il laisse la répression à l'arbitraire du juge. Nous devons ajouter que le pouvoir, en France, a eu un si vif sentiment de l'irrégularité de cet acte que jamais, malgré la

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violation chaque jour flagrante de l'édit, il n'a jamais poursuivi les contrevenants et les a privés tout au plus de ses bonnes grâces, qu'il permit, d'ailleurs, assez souvent de racheter par les vertus ou les services.

 

La troisième, c'est que, Louis XIV et les évêques, en érigeant la Déclaration en loi, tombent dans la plus violente contradiction. D'après eux, il faut, pour que les jugements du Pape soient irréformables, que le consentement de l'Église intervienne. Et eux, qui ont mis cette condition à l’irréformabilité des jugements ponti­ficaux, déclarent leur propre jugement irréformable, sans attendre même le consentement des évêques de France. La lettre des dé­putés aux évêques avait eu à peine le temps de parvenir aux évêques voisins de la capitale, que déjà les députés demandaient au prince d'ériger la déclaration en loi d'État. Évidemment, ils se traitaient mieux qu'ils n'avaient traité le Pape et s'arrogeaient l'infaillibilité qu'ils lui refusaient. Que cette précipitation montre bien le coup monté, l'échauffourée théologique ! Mais cela montre aussi que si nous devons au roi et aux évêques le plus profond respect, ce respect ne doit pas aller jusqu'à innocenter leurs fai­blesses, bien moins encore à les suivre.

 

36. A n'envisager la déclaration que d'une manière purement matérielle, je doute qu'il soit possible de trouver, dans toute l'his­toire ecclésiastique, une pièce plus répréhensible. Comme à toutes les œuvres passionnées, ce qui lui manque le plus visiblement, c'est la logique. Les pères de ce singulier concile débutent par un préambule qui décèle leur embarras ; car il fallait bien dire pour­quoi ils étaient assemblés, et la chose n'était pas facile. Ils disent donc qu'ils sont assemblés pour réprimer, dans des sens opposés, des hommes également téméraires. La vérité crue, terrible pour leur mémoire, c'est qu'ils étaient assemblés par les ministres, pour complaire à Louis XIV et mortifier Innocent XI. Mais cela ne pou­vait pas se dire et l'on gaze les choses. Ces bons prélats à grandes perruques ajoutent qu'ils défendent l'antique tradition de l'Église gallicane. Il n'y a point, théologiquement parlant, d'Église galli­cane ; et pour autant qu'il y  en a et qu'elle a des traditions,

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ils les trahissent. « La plupart des évêques qui étaient en place dans le royaume en 1651, 1653, 1656 et 1661, dit d'Avrigny, se sont exprimés d'une manière qui les a fait regarder comme autant de partisans de l'infaillibilité.

 

   Tantôt ils avancent que la foi de Pierre ne défaut jamais ; tantôt que l'Eglise ancienne avait clairement et par la promesse de Jésus-Christ faite à Pierre, et par ce qui s'était déjà passé, que les juge­ments du souverain pontife, publiés pour servir de règle à la foi sur la consultation des évêques, soit que les évêques expliquent ou n'expliquent pas leur sentiment dans la solution, comme il leur plaît d'en user, sont fondés sur une autorité qui est également divine et suprême dans toute l'Église, de façon que tous les chré­tiens sont obligés par leur devoir de leur rendre une soumission d'esprit même. Voilà donc une nuée de témoins qui déposent pour l'infaillibilité du vicaire de Jésus-Christ et sa supériorité aux assemblées œcuméniques (1). Ce que les articles ajoutent au préam­bule avait été, de tout temps, misérable ; maintenant, par la défi­nition de l'infaillibilité pontificale, c'est hérétique. Le Pape, infail­lible ex cathedra est au-dessus du concile et n'a pas besoin, pour faire valoir ses décrets, de s'appuyer sur le témoignage des églises dispersées ; il gouverne l'Église en monarque pur et sou­verain unique ; il gouverne selon les canons anciens, mais, quand besoin est, il en fait d'autres ; par exemple, quand, après la révo­lution, il fallut reconstituer l'Église en France, Pie VII supprima tout l'ancien état et créa, par un acte de sa puissance souveraine, tout l'ordre ecclésiastique à établir dans les Gaules. Un seul article n'a pas été frappé par l'Église, c'est celui qui suppose la séparation de l'Église et de l'État: forteresse où s'embusquent, aujourd'hui, avec tous les impies et les persécuteurs, les défectionnaires qui se disent catholiques libéraux, et qui ne sont que les reptiles de l'orthodoxie.

 

   37. La déclaration, comme acte doctrinal, est donc en contradiction, sur tous les points avec les doctrines catholiques. Il s'ensuit natu­rellement que c'est, à ce point de vue un acte nul et sans valeur.

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(1) Mémoires chronol, an. 1682.

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Par là qu'il n'exprime point la vérité, ou que le peu qu'il en contient est mêlé de tant d'erreurs, il tombe de son propre vide, dans le néant. Il s'agit seulement de savoir si, dépourvu d'autorité sous le rapport des doctrines, il est, comme déclaration des députés du clergé, revêtu de quelque considération. C'est ce que nous allons examiner.

 

On présente la déclaration comme le Credo particulier de l'Église gallicane, Credo formulé par le plus grand écrivain français Bossuet, Credo adopté par une assemblée générale du clergé, Credo promulgué par notre grand roi Louis XIV.

 

Pour dissiper ce mirage, il suffit de faire observer : 1° qu'il n'y a point d'Église gallicane, 2° qu'il n'y a point eu, en 1682, de représentation de l'Église gallicane, 3° que le fond et la forme de la déclaration la rendent caduque et sans effet possible.

 

« Le mot de l'Église, employé au singulier, dit le savant évêque de Montauban, indique toujours, dans la langue théologique, un corps ou une unité morale, dont toutes les parties, dont tous les membres sont reliés entre eux par un chef qui les gouverne et qui préside à la direction de leurs intérêts spirituels. On ne trouvera nulle part que les auteurs exacts, quand du moins ils ont voulu parler exactement, aient jamais employé cette expression pour jus­tifier une collection d'Églises ou de diocèses qui n'auraient pas un chef canonique commun, un primat, un patriarche reconnu par le Saint-Siège. Or la collection des églises ou diocèses de France n'a aucun chef spirituel, et elle n'en a jamais eu. Il y a plus, elle n'en a jamais voulu ni désiré, et aujourd'hui moins encore que dans le temps passé. Le mot de patriarche déjà prononcé pendant le règne de Louis XIII, sous l'inspiration de Richelieu, dit-on, le fut de nou­veau par quelques hommes ardents avant l'ouverture de l'assemblée de 1682 ; mais Bossuet l'étouffa par son célèbre sermon sur l'unité de l'Eglise, et Louis XIV était trop sage pour en laisser entrer la pensée dans son esprit. En 1811, l'empereur fit insinuer cette idée au concile national qu'il avait assemblé de toutes les parties de son vaste empire ; mais elle ne fut pas même soumise à la discussion. Il est très certain, il est visible, dans le passé comme dans le présent,

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non seulement que les églises de France n'ont jamais désiré ni voulu avoir un chef canonique qui en fît un corps, un tout soumis à sa direction et à sa surveillance, mais encore qu'elles y sont profon­dément opposées, au point de surveiller, même aujourd'hui, avec une défiance très peu voilée, tout accroissement de prérogatives et d'influences qui tendrait à en faire sortir quelqu'une hors de ses limites canoniques (1). »

 

Cela est si vrai que, si l'Église gallicane formait un corps spirituel, canoniquement constitué :

 

1° Les diocèses des provinces, successivement conquises par nos rois, n'auraient pu devenir parties intégrantes de ce corps que par un acte supérieur d'autorité toute spirituelle ; cet acte n'existe pas ; et cependant on entend constamment, par cette expression, toutes les églises de France ;

 

2° L'Église gallicane pourrait s'assembler d'une manière canoni­que. Or, cela est impossible, de l'aveu de tout le monde, puisqu'il n'y a personne qui ait l'autorité nécessaire pour convoquer la réunion et la présider. Aussi ne s'est-elle jamais assemblée en cette qualité, motu proprio. Toutes les fois qu'elle a été réunie, c'a été mandato regio, sous la présidence honorifique de l'évêque du lieu. Et, par ce motif, il n'y a jamais eu, il ne peut y avoir, à la rigueur théologique, de décisions doctrinales, voir de déclaration, qu'on puisse appeler, avec exactitude : Déclaration de l'Église gallicane ;

 

3° L'Église gallicane, dans l'hypothèse de sa constitution régu­lière, aurait non seulement une tête, un chef spirituel, mais des membres soumis au gouvernement de ce chef, membres auxquels elle pourrait dans une mesure quelconque, imposer ses décisions et intimer ses ordres. Or, cela n'existe pas, et par conséquent, l'Église gallicane n'existe pas elle-même; car une Église ne peut pas subsister sans avoir la possibilité et le droit d'exercer quelque autorité rela­tive à son caractère, à sa raison d'être, à son objet et à sa fin.

 

L'assemblée de 1682 porte tous les vices qui accusent le néant de l'Église gallicane. D'abord, il n'y a pas de convocation par le Pape, par conséquent il n'y a pas de concile: les députés eux-mêmes,

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(1) Doney. Nouv. obs. sur les doct. gall., p. 65.

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quoique toujours portés à grossir leur mandat, n'ont pas la préten­tion de se réunir conciliairement. Le seul appel émane de Louis XIV, mais sans qu'il le fasse comme évêque du dehors, à la demande du Saint-Siège. La convocation est l'acte du roi comme roi ; ceux qui y répondent n'y viennent pas comme ecclésiastiques, mais comme conseillers du roi.

 

Ensuite, les membres de l'assemblée sont élus par le clergé, sur un règlement de scrutin dressé par le roi. On ne sait pas trop comment se firent ces élections, mais on ne sait que trop que ce mode de délégation, est contraire à la constitution de l'Église. Dans l'Église, l'autorité ne vient pas d'en bas, mais d'en haut ; ce ne sont pas les élections qui la donnent, c'est Dieu qui la confère. Les ecclésiastiques assemblés étaient donc, à la lettre, des députés, des mandataires. Par conséquent, ils ne représentaient pas canoniquement l'Église gallicane, qui se compose nécessairement de tous les évêques ; les évêques qui prenaient part à la réunion, ne repré­sentaient même pas leur église propre, puisqu'ils étaient assemblés, non pas au nom de Jésus-Christ et comme évêques, mais au nom du roi et comme délégués. Quant aux autres ecclésiastiques, ils n'étaient, comme députés, pas grand'chose, et, comme prêtres, rien, je veux dire sans voix au chapitre.

 

En troisième lieu, les députés tranchent en matière d'opinions. En effet, les points sur lesquels ils décident, étaient jusque-là dans l'Église à l'état de controverse. On pouvait parler pour et contre, avec des arguments plus ou moins forts, des témoignages plus ou moins péremptoires. L'une ou l'autre des opinions était plus con­forme au sentiment de l'Église et à la tradition, mais la tradition ne suffisait pas pour décider et l'Eglise s'abstenait. En vertu de quel droit, par quel titre, les députés prononcent-ils et demandent-ils que leur jugement soit érigé en loi. Evidemment, sans titre et sans droit. Ce qui était opinion, en 1681, l'était en 1683, et la décla­ration, malgré ses quatre points, n'y pouvait rien changer.

 

En quatrième lieu, les députés du clergé n'avaient pas mission et caractère pour déterminer et fixer les limites dans lesquelles est restreinte la puissance pontificale, ou dans lesquelles elle doit être

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exercée, même en France, pour imposer le devoir moral de l'obéis­sance. D'abord les députés n'avaient été envoyés que pour l'affaire de la régale, et quand ils s'ingéniaient à forger des déclarations, ils étaient sans mandat, même de leurs commettants et posaient un acte d'usurpation. Mais il y a une raison plus décisive : c'est que la puissance du Saint-Siège, divinement établie pour le bien de toute l'Église, est par là même, la propriété inviolable, le bien commun de l'Église tout entière. D'où il suit, par une conséquence néces­saire, qu'elle est sous la protection, sous la sauvegarde de toutes les églises et que toute assignation, toute détermination de limites quelconques qui y serait faite par une seule d'entre elles, serait une entreprise contre le droit de l'Église universelle. La puissance pontificale n'a point été instituée par Jésus-Christ précisément et uniquement pour commander ; elle l'a été, surtout et avant tout, pour conserver dans l'Église l'ordre, l'union et l'unité. La limiter dans un lieu, c'est la diminuer partout, et l'affaiblir d'autant. C'est donc le devoir et le droit de toutes les Églises de repousser tout acte de limitation qui serait fait sans leur participation par une église ou par des églises particulières. Ainsi, l'Église gallicane n'a­vait pas le droit plus que toute autre Église nationale, de détermi­ner l'étendue dans laquelle peut s'exercer la puissance suprême du Saint-Siège ; et l'assemblée de 1682 n'avait pas elle-même celui de parler en cette occasion au nom de l'Église gallicane.

 

Même quand les députés auraient eu mission pour décider, ils ne l'auraient pas fait en termes qui puissent rassurer la conscience du clergé lorsqu'il s'agirait de résister à une décision pontificale. On parle bien de canons que tout le monde révère, mais on ne dit pas quels sont ces canons. De sorte qu'aussitôt qu'on verra le Saint-Siège produire un acte de sa puissance suprême d'enseignement et de gouvernement dans l'Église universelle, la première pensée qui devra se présenter à l'esprit, ce sera de recourir au recueil des canons ; d'examiner si l'acte pontifical y est contraire en tout ou en partie ; et de voir, de juger ensuite si les canons, auxquels on le trouverait contraire, sont ou ne sont pas du nombre de ceux que tout le monde doit révérer. Qui aura droit, dans l'Église gallicane,

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de prendre l'initiative et de dire : « Voilà un canon révéré de tout Je monde, qui est néanmoins violé par le Pape ; on n'est pas obligé de lui obéir ? « — Est-ce que tout cela a le sens commun ?

 

Enfin, les députés, si affirmatifs dans leurs propositions, si pré­cis dans l'énoncé de leurs idées, bien qu'ils aient laissé large place aux équivoques, les députés se contentent d'émettre une Déclara­tion. Ce ne sont pas des canons, ce ne sont pas des décisions qu'ils élaborent, c'est une émission de leurs sentiments personnels : Rien de moins, rien de plus. Les députés disent: «Nous pensons, il nous semble. » C'est tout.

 

En résumé la Déclaration est caduque, parce que c'est une sim­ple déclaration, faite par des députés sans mission légitime, en des formes inadmissibles et sur des objets qui ne sont pas de leur com­pétence. « Vu les choses et les circonstances, a dit Innocent XI, il n'était même pas nécessaire de prononcer la nullité de la Déclara­tion. »

 

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon