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Nous avons anticipé. La foi chrétienne n'est pas
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contre la raison. Elle protège la raison.--------- Certainement, la foi remet le monde entre les mains de l'homme et a dans cette mesure contribué à l'avènement des temps modernes.
Mais elle relie toujours le problème de la domination du monde à celui de la création divine et du sens de cette création. Elle permet de s'adonner à la recherche et aux questions techniques parce qu'elle interprète la rationalité du monde et l'ordre du monde en fonction de l'homme; mais elle est profondément opposée à la concentration de la pensée sur le pratique et l'utile.
Elle provoque l'homme à chercher, au‑delà de ses intérêts immédiats, le fond de l'ensemble. Elle protège la raison qui regarde et perçoit contre l'emprise de la raison purement instrumentale.
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la foi en la création divine, il n'est pas question d'une simple théorie ni d'un passé très lointain dans lequel le monde est né. Il s'agit du présent, de la manière juste de se situer par rapport à la réalité.
Pour la foi chrétienne en la création il est déterminant que le Créateur et le Sauveur, le dieu de l'origine et le dieu de la fin, soient un seul et même Dieu.
----------Au début de l'histoire de l'Eglise, Marcion, qui venait d'Asie Mineure, ----------- objecta que le Nouveau Testament disait expressément que les juifs ne connaissaient pas le père de Jésus-Christ, qu'ils ne connaissaient pas son Dieu. Donc le Dieu de l'Ancien Testament ne pouvait pas être celui de Jésus‑Christ.
Jésus aurait apporté un Dieu vraiment nouveau, inconnu jusqu'alors, qui n'aurait rien à voir avec le Dieu jaloux, irrité, vengeur de l'Ancienne Alliance. Son Dieu à lui n'est qu'amour, pardon, joie ; son Dieu ne menace plus, il est en toutes choses espérance et pardon.
Il est uniquement le « bon Dieu ». Jésus serait venu pour libérer l'homme de la loi de l'ancien Dieu et de l'ancien Dieu lui-même, et pour le remettre entre les mains du Dieu de
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grâce qui est apparu en Jésus lui‑même.
Cette calomnie contre l'ancien Dieu, telle que Marcion l'entrevoit ici, est en même temps une calomnie contre sa création « ratée », une révolte contre la création et pour un monde nouveau (15).
------- on peut réellement parler, à plus d'un titre, d'un retour de Marcion. ------------------ c'est de ce refus du créateur et de la création, qui relie Marcion à ce grand courant qu'on appelle la gnose, qu'ont surgi aussi bien le mépris ascétique du corps que le libertinage cynique, lequel n'est en fait qu'une haine du corps, de l'homme et du monde. ---------
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-------- De même que, dans la fausse ascèse hostile à la création, le corps n'est plus qu'un paquet de linge sale qui ne mérite que le mépris, voire les mauvais traitements, de même le libertinage délibéré repose sur le fait que le corps vivant (Leib) est réduit à un simple corps anatomique (Korperj, à un simple objet:
l'exclure du domaine moral et de la responsabilité de l'esprit revient à l'exclure de ce qu'il y a d'humain en l'homme et de la dignité de l'esprit. Il n'est qu'un simple objet, une chose, et du même coup la vie de l'homme elle‑même perd toute valeur, devient vulgaire. Finalement n'avons‑nous pas tout de même rejoint Marcion, en partant de l'autre bout ? ------
--------- Là où l'homme méprise son corps dans l'ascèse ou le libertinage ‑ il se méprise lui-même. ----
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--------- la gnose devient, pour la première fois dans l'histoire de l'esprit, une idéologie de la révolution totale (16). Il ---- s'agit -------d'une chose bien ------ fondamentale: la rage face à la réalité elle‑même, que l'homme, dans les déviations de sa propre existence, a appris à haïr. --------- Dans leur idéologie de la révolution, Marx et Marcion sont extrêmement proches l'un de l'autre.
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