Darras tome 13 p. 77
40. Le vendredi suivant, 26 juin 431, Jean d'Antioche fit enfin son entrée solennelle à Ephèse. Il était suivi d'une trentaine d’évêques. Le comte Irénée alla le recevoir, avec une escorte de soldats. Dans la demeure qui lui avait été préparée, il trouva réunis, outre le comte Candidien, les partisans schismatiques de Nestorius. Ce dernier ne parut point. Sans doute il crut de sa dignité de ne pas faire une démarche qui aurait pu créer plus tard, en faveur du patriarcat d'Antioche, un droit de préséance sur celui de Constantinople. Quoi qu'il en soit, tout couvert encore de la poussière du chemin, sans avoir même eu le temps d'ôter son manteau, Jean se trouva présider un synode. Nous en avons les actes et nous les reproduisons comme le monument le plus curieux de l'illusion schismatique, comme la plus saisissante démonstration par contraste de la légitimité du véritable concile. Voici cette pièce. « Le
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1 Cf. n" 15 de ce chapitre.
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très-saint et vénérable évêque Jean, métropolitain d'Antioche, étant entré dans son hôtellerie, le très-magnifique et illustrissime Candidien, comte des sacrés domestiques, lui parla ainsi en présence du saint synode : J'aurais voulu remettre à votre piété les lettres de nos très-augustes empereurs, au milieu d'une assemblée générale de tous les évêques. Mais, il y a cinq jours, les révérendissimes Cyrille d'Alexandrie et Memnon évêque de cette cité, ont tenu une séance avec leurs partisans dans la grande basilique. Je m'y suis transporté et leur ai fait défense, au nom des très-pieux empereurs, d'ouvrir le concile avant votre arrivée. Ils m'ont requis de lire les lettres impériales dont je suis porteur. J'ai refusé d'abord; mais enfin, cédant à leurs instances, et voulant éviter des violences tumultueuses, je donnai lecture de la missive. Après quoi, je leur recommandai de ne rien précipiter et de vous attendre. Mais, sans tenir compte de mes injonctions, ils ont procédé à leur fantaisie. — Le très-saint et vénérable Jean, prenant la parole, dit : Nous aussi, nous demandons à connaître la teneur des lettres impériales. En pareille matière, on ne saurait se régler sur des conjectures. Il nous faut savoir exactement les intentions de nos très-pieux empereurs, dont le zèle pour la fot du Christ ne recule devant aucun sacrifice et aucun danger. Que votre magnificence veuille d'abord compléter son récit. Après quoi, nous entendrons la lecture de l'auguste message. — Le très-magnifique comte Candidien répondit en ces termes : Les partisans de Cyrille et de Memnon, après avoir eux-mêmes entendu cette lecture, applaudirent unanimement aux paroles de nos augustes empereurs. J'eus donc un instant l'espoir qu'ils obéiraient à mes recommandations, et j'éprouvai une grande joie. Mais quand je m'exprimai dans ce sens, aucun d'eux ne me prêta l'oreille. Le très-saint Nestorius envoya des évêques qui tinrent le même langage que moi. On les chassa avec ignominie. Moi-même, après avoir renouvelé mes supplications et mes instances, je n'eus pas un meilleur sort. Enfin une protestation écrite qui leur fut adressée par les très-religieux évêques n'obtint pas même l'honneur d'une lecture. J'ai dressé procès-verbal de tous ces faits et
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l'ai adressé aux augustes empereurs, déclarant qu'on votre absence je ne saurais souffrir qu'il se tînt un concile. — Le très-vénérable archevêque Jean dit alors : Qu'on nous donne lecture des lettres sacrées des empereurs. — Tous les saints évêques se levèrent, et entendirent debout le message impérial, qui fut lu par le très-magnifique comte Candidien. Après quoi, les saints évêques firent entendre des acclamations, des prières et des vœux pour la prospérité de la famille des Augustes. Puis l'archevêque Jean dit : La pieuse majesté qui respire dans ces lettres aurait dû suffire pour disposer tous les esprits à la docilité et à la reconnaissance. A plus forte raison, des évêques ne devaient point s'y montrer rebelles. Cependant vous nous apprenez que de tels ordres ont été méprisés, que la violence a été poussée au point qu'on a outragé les évêques fidèles, et qu'on a même insulté votre magnificence. Pour nous, nous accueillons avec le plus grand respect l'expression des volontés de nos augustes empereurs; nous sommes prêts, avec la grâce de Dieu, à les accomplir. Je supplie donc votre magnificence de nous dire ce qui s'est passé ensuite. — Le très-magnifique comte Candidien reprit : Puisque votre sainteté exige un récit complet des événements, je vais le lui faire. Le lendemain de mon apparition dans le conciliabule, j'appris soudain qu'on venait de déposer le très-saint patriarche Nestorius. La sentence avait été affichée aux portes de la basilique. Je l'arrachai pour l'envoyer aux très-pieux empereurs. Quelques instants après, j'entendis les crieurs publics annoncer à son de trompe la même nouvelle. Je leur fis aussitôt donner l'ordre d'interrompre cette publication, et de ne prêter leur ministère qu'aux agents de l'autorité impériale. En même temps, je renouvelai aux très-saints évêques qui n'avaient point pris part au conciliabule l'invitation d'attendre votre arrivée. — Le très-vénérable archevêque Jean dit : D'après les canons et les règles ecclésiastiques, aussi bien que d'après les lettres impériales, aucun jugement ne pouvait intervenir qu'en présence et du consentement de tous les évêques réunis. Dites-nous donc si les interrogatoires ont eu lieu régulièrement, ou si, au contraire, la condamnation a été prononcée en l'absence de l'accusé? — Le
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très-magnifique comte Gandidien répondit : Les très-pieux évêques qui m'entourent peuvent attester que la sentence a été portée sans confrontation préalable. — Le révérendissime Jean reprit : La conduite que ces rebelles tiennent vis-à-vis de moi n'est que trop conforme à de pareils procédés. Au lieu de venir fraternellement nous recevoir, au moment où après un si long voyage, couverts de poussière et de sueur, nous sommes accablés de fatigue, ils ont placé sur notre chemin et jusqu'aux portes de cette demeure des affidés dont l'attitude et l'insolence nous ont douloureusement surpris. Du reste, le saint synode qui m'entoure dédaigne comme moi de pareilles injures. Ensemble nous prendrons les mesures nécessaires contre ces perturbateurs du repos de l'Église. — Après ce dialogue, le très-magnifique comte Candidien prit congé de l'assemblée. Le révérendissime archevêque d'Antioche dit alors : Votre piété vient d'entendre la lettre des très-religieux empereurs et le récit du magnifique comte Candidien. Tout ce qui s'est fait dans le conciliabule précédent est contraire aux règles de l'Église, à l'intention des princes, à la foi de Nicée. Que vous en semble?— Le saint synode dit : Le révérendissime évêque d'Alexandrie Cyrille, et son favori Memnon d'Éphèse, ont mené toute cette intrigue. Nous les avons vus sous nos yeux accomplir leurs attentats. On nous a fermé les églises, les oratoires et la basilique de l'apôtre Jean. Le jour même de la Pentecôte, il nous fut impossible de célébrer les divins mystères. La ville a été remplie d'une foule de paysans appelés de toutes les campagnes voisines. Ils escortaient les clercs envoyés pour nous convoquer au synode; ils venaient nous insulter jusque dans nos maisons. Cyrille est un hérétique. Les anathématismes qu'il a publiés sont un mélange des impiétés d'Arius, d'Apollinaire et d'Eunomius. Votre sainteté et nous tous, nous avons le devoir de résister énergiquement (extumos) aux entreprises d'un sacrilège, qui se fait chef de bande, et qui outrage toutes les lois divines et humaines. Quant aux pieux évêques qui se sont laissés entraîner et séduire par ses coupables manœuvres, ils doivent être frappés des censures ecclésiastiques. — Le révérendissime Jean dit : Je faisais des vœux ardents au ciel pour n'avoir point à prononcer une pareille sen-
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tence contre nos frères et collègues dans l'épiscopat. Mais, à des maux désespérés il faut appliquer des remèdes énergiques. On retranche un membre pour assurer le salut du corps entier. — Le saint synode dit : La sentence que vient de prononcer votre sainteté est juste et légitime. La nécessité nous contraint de prononcer l'excommunication contre Cyrille d'Alexandrie, Memnon d'Éphèse et tous leurs adhérents. Qu'on en dresse l'acte solennel ; nous le souscrirons tous. — Le révérendissime archevêque dit : Qu'il soit fait selon le vœu et les suffrages unanimes. — On rédigea donc la sentence et l'archevêque en donna lecture en ces termes : Le saint synode par la grâce de Dieu et conformément aux décrets des très-pieux et très-chrétiens empereurs réuni dans cette ville d'Éphèse, proclame la sentence suivante. Nos désirs étaient pacifiques. Mais puisque vous avez agi en perturbateurs de la paix, en ennemis de l'autorité impériale, en hérétiques déclarés, résistant aux ordres du très-magnifique comte Candidien et aux vœux des évêques fidèles, sachez, vous Cyrille d'Alexandrie, et vous Memnon d'Éphèse, que vous êtes déposés de toutes prérogatives, fonctions et dignité épiscopales. Pour vous, les adhérents de Cyrille et de Memnon, qui leur avez prêté votre concours, vous demeurerez excommuniés jusqu'à ce que vous ayiez rétracté vos erreurs, confessé la foi de Nicée et répudié les doctrines hérétiques du patriarche d'Alexandrie 1. » Quarante-trois évêques souscrivirent cet ignoble procès-verbal. Théodoret fut du nombre. Tant il est vrai que la passion égare les plus nobles intelligences ! Sous prétexte qu'on n'avait pas attendu leur arrivée, quarante évêques orientaux, sans attendre eux-mêmes les députés d'Italie, sans prendre la peine de se mettre en rapport avec les deux cents prélats déjà siégeant à Éphèse, lancent contre ceux-ci, dans une chambre d'auberge, une sentence d'excommunication in globo!
41. Pendant que ce prétendu concile se tenait à l'hôtellerie de Jean d'Antioche, un certain nombre d’évêques délégués par Cyrille étaient à la porte, demandant à être introduits pour
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1. Labbe, Concil., tom. III, col. 593-598.
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offrir leurs hommages au patriarche d'Antioche et lui présenter au nom de leurs collègues les compliments de bienvenue. Le comte Irénée vint en personne leur ouvrir, et les introduisit. On leur donna lecture de la sentence qui venait d'être élaborée, et on les congédia en les chargeant de railleries et d'injures. Le lendemain, le magnifique comte des domestiques fit apposer aux portes de toutes les basiliques d'Éphèse et proclamer, par les crieurs publics la déposition de Cyrille et de Memnon. Des courriers furent expédiés à Constantinople, avec des lettres pour l'empereur Théodose le Jeune, les princesses Eudocia et Pulchérie, le sénat, le clergé et le peuple. Toutes les mesures étaient prises afin d'empêcher les communications du véritable concile de parvenir à la cour de Byzance. Quelques jours après, la faction nestorienne eut la satisfaction de voir arriver à Éphèse un message impérial dans lequel Théodose se plaignait vivement des entreprises de saint Cyrille, et déclarait nuls et sans valeur tous les actes de la première session 1. Aucun des évêques courtisans ne songea à relever l'incroyable excès de pouvoir qui subordonnait un jugement doctrinal au bon plaisir d'un empereur. Loin de s'en plaindre, les Orientaux 2 se préoccupaient surtout du moyen d'en tirer le meilleur parti possible. Ils notifièrent au corps sénatorial de la ville d'Éphèse que Memnon, déposé par eux, n'ayant plus aucune juridiction épiscopale, devait être immédiatement remplacé. En conséquence, ils invitaient le clergé et le peuple à se réunir pour procéder à l'élection d'un successeur. Cette prétention faillit occasionner une émeute. Les fidèles, attachés du fond du cœur à leur évêque, ne quittaient plus les églises ; ils s'y tenaient jour et nuit, dans la crainte que les Orientaux ne vinssent subrepticement faire une élection sacrilège. Cette attitude vigilante du peuple déjoua les tentatives schismatiques ; mais la position n'en était pas moins déplorable. En vertu des lettres impériales, le
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1. Labbe, Concil., tom. III, ool. 703-706. Sacra Theodos. ad concil. Ephesi
2. On donna ce nom aux évêques du parti nestorien, parce que Jean, métropolitain d'Antioche, était, comme tel, primat de ce qu'on appelait alors la province d'Orient.
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magnifique comte Candidien se crut le droit d'intervenir à main armée. Les évêques fidèles étaient gardés à vue par des soldats, et plus d'une fois leur vie fut menacée.
42. Dans cette extrémité, tout semblait perdu. Aucun message du légitime concile ne pouvait arriver à l'empereur. Les précautions étaient prises pour que nul ne sortît d'Éphèse sans une permission du comte des domestiques. D'un autre côté, les partisans de Nestorius demeurés à Constantinople faisaient exercer au moyen de la police de cette ville, une surveillance rigoureuse sur les voyageurs qui pénétraient par terre ou par mer dans la capitale. Saint Cyrille parvint à triompher d'un pareil système d'espionnage. Un moine, déguisé en mendiant, roula dans un bâton creux une lettre adressée à saint Dalmatius, l'archimandrite de Constantinople. Il réussit à franchir les portes d'Éphèse, sans que les officiers de Candidien fissent la moindre attention à sa personne. A petites journées, demandant l'aumône sur sa route, le faux mendiant arriva à Byzance, et remit sa lettre à destination. Nous avons dit que Dalmatius, depuis quarante ans, n'était pas sorti une seule fois de son monastère. Un matin, on vit une procession de plus de cinq cents religieux, ayant à leur tête le vénérable archimandrite, se diriger vers le palais impérial, en chantant des psaumes et en portant des cierges allumés. Une foule immense, dont la curiosité s'éveillait à ce spectacle extraordinaire, les suivit. Théodose le Jeune se montra fort étonné de cette démonstration insolite. Il donna l'ordre d'introduire seulement les abbés en sa présence. Le reste des moines se tint aux portes du palais, continuant la psalmodie à laquelle toute la multitude mêlait ses chants. Dalmatius lut à l'empereur la lettre qu'il venait de recevoir. Il faut dire, à la louange de ce prince, que s'il n'avait aucune énergie pour prévenir le mal, s'il se laissait facilement tromper par ses subalternes, du moins il n'hésitait pas à se rendre à l'évidence, quand le crime lui était signalé. La communication qui lui était faite le surprit d'abord au plus haut point ; il avait peine à y croire. Mais enfin il parut reconnaître la vérité, et promit de réparer tant de désordres. Dalmatius et les abbés qui l'accompagnaient se retirèrent assez contents de leur audience.
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Cependant la curiosité du peuple était loin d'être satisfaite. On entraîna le vénérable vieillard dans une église voisine et on le porta sur l'ambon, afin qu'il pût donner publiquement l'explication de cette énigme. Dalmatius lut d'abord la lettre de saint Cyrille. Cette révélation inattendue produisit sur la foule un étonnement et une indignation qui se traduisirent par des clameurs bruyantes. Le silence avait peine à se rétablir. Enfin le saint religieux, dominant par un effort suprême les mille voix de la multitude, parla ainsi : « Vous voulez connaître le résultat de nos démarches, prêtez-moi donc l'oreille, et écoutez patiemment ce qu'il me reste à vous apprendre. Le très-pieux empereur a lu le message que je viens de vous communiquer. Aussitôt que je fus admis en sa présence, je lui dis que les instructions qu'il avait données relativement au saint concile étaient inspirées par un sentiment de droiture et de justice, mais qu'elles avaient été déplorablement exécutées. Je lui remis alors la lettre du saint concile. Il en prit connaissance, et nous eûmes ensuite un long entretien dont je n'essaierai pas de vous reproduire tous les détails. Je passerais avec raison pour un orgueilleux et un téméraire. Qu'il vous suffise de savoir que l'empereur témoigna toute sa joie et qu'il rendit grâces à Dieu d'être informé de la situation véritable. Il approuva la conduite du saint synode, et le fit en termes dignes de sa piété et de sa foi héréditaires. Si les choses sont ainsi, ajouta-t-il, mandez aux députés du concile de venir sur-le-champ me trouver. — Mais, lui dis-je, on ne leur permet pas de quitter Éphèse. — Qui donc oserait les en empêcher? demanda-t-il. — Ils sont gardés à vue, répondis-je. Les partisans de Nestorius ont toute liberté pour eux-mêmes et pour leurs messagers, tandis qu'on arrête les courriers adressés à votre majesté par le saint concile œcuménique. — Puis j'ajoutai : Voyez, auguste prince, s'il vous convient de sacrifier à un seul homme, à un hérétique impie, six mille évêques unanimes dans la foi orthodoxe? — Ce chiffre de six mille, que je mettais en avant, n'a rien d'exagéré, puisque la plupart des pères qui siègent à Éphèse sont des métropolitains, ayant chacun dans l'étendue de sa juridiction un nombre considérable d’évêques. Je voulais de la sorte obtenir la permission formelle
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pour les députés du saint concile de pouvoir se rendre à la cour et de faire connaître la vérité. L'empereur comprit cette intention et me dit : Vous avez parfaitement raison. — Puis il nous congédia en disant : Priez pour moi. — Telle fut notre audience. Je puis vous assurer que l'empereur est maintenant déterminé à protéger le saint synode, et qu'il ne prêtera plus l'oreille à des suggestions perfides. Priez donc pour ce prince, pour les pères d'Éphèse et enfin pour nous-mêmes. — Après que Dalmatius eut ainsi parlé, des acclamations unanimes se firent entendre. Anathème à Nestorius ! disaient toutes les voix. Et en signe de réprobation les moines éteignirent les flambeaux qu'ils portaient à la main 1. »
43. L'archimandrite se hâta d'informer saint Cyrille des favorables dispositions de Théodose le Jeune. Deux évêques, Théopemptus de Cabasa et Daniel de Darnis, délégués par le concile œcuménique, purent quitter Éphèse, grâce au sauf-conduit qui leur fut expédié par les soins du vénérable Dalmatius. En arrivant à Constantinople, ils trouvèrent le clergé séculier et régulier unanimes à approuver la déposition de Nestorius. La résistance vint de la cour, où l'on persistait à se montrer favorable au patriarche hérétique. Cependant les efforts des deux évêques, la sincérité de leur récit, la netteté et la précision des actes mêmes du concile, dont ils avaient apporté le texte authentique, firent impression sur les esprits les plus prévenus. La réaction fut prompte, et l'empereur expédia à Éphèse le comte Jean, pour exprimer en son nom aux pères du concile son adhésion à la sentence portée contre le patriarche. Toute cette négociation n'avait pris que trois jours, lorsque survint à Constantinople le fameux comte Irénée, l'ami et le défenseur de Nestorius. Il était muni de lettres adressées à l'empereur, au clergé et au peuple de Byzance, par la faction des quarante schismatiques orientaux. Il se récria contre les prétendues impostures d'un concile qu'il représentait comme une assemblée illégale, séditieuse, anticanonique. Selon lui, saint Cyrille était né pour le malheur de l'Église et du monde ; il renouvelait les vio-
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1. Dalmat., Apolog.; Pair, grac, tom, LXXXV, col. 1801.
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lences et la tyrannie de Théophile son oncle; il avait outragé la majesté des lois divines et humaines, en sacrifiant à sa vengeance un génie, un saint tel que Nestorius; en ouvrant, malgré les défenses expresses du représentant impérial Candidien, un concile qui n'avait ni légitimité ni valeur en l'absence des évêques les plus illustres de l'Asie, en l'absence surtout des légats du pape. Les récriminations d'Irénée contre Memnon d'Éphèse n'étaient ni moins spécifiées, ni moins acerbes. Malgré toute son éloquence, le député laïque des Orientaux ne réussissait guère à justifier son client sur le fait capital d'hérésie. Empereur, clergé et peuple croyaient à la maternité divine de Marie, et ne voulaient admettre aucun tempérament sur ce point. Irénée s'en aperçut bien vite. Changeant alors de tactique, il se borna à maintenir la légitimité de la sentence de déposition prononcée par Jean d'Antioche contre saint Cyrille et Memnon d'Éphèse, ajoutant qu'il fallait s'en remettre à la décision d'un futur concile, régulièrement tenu, pour statuer sur le sort de Nestorius. Il mit tant de chaleur dans ses instances et une telle activité dans ses démarches qu'il finit par inspirer à l'empereur un sentiment général de défiance contre tout ce qui s'était fait jusque-là, soit d'un côté, soit de l'autre. On parlait déjà de déclarer nuls les actes synodaux d'Éphèse, et d'appeler tous les évêques à Constantinople pour recommencer à nouveau l'examen et la discussion de l'affaire. Ainsi se vérifiait la prophétie de saint Nil. L'absence de l'empereur, la mauvaise foi de son représentant officiel permettaient à l'intrigue et à la calomnie de triompher de la justice et de la vérité.