Darras tome 41 p. 290
§ II. — PIE IX RÉTABLIT LA HIÉRARCHIE EN ANGLETERRE. COUP D'ŒIL HISTORIQUE SUR LES TROIS
ROYAUMES D’OUTRE MANCHE.
9. La Grande-Bretagne n'est entrée dans l'histoire que par la conquête Romaine. Successivement envahie, à partir du IVsiècle, par les Anglo-Saxons, les Danois et les Normands, elle s'associa au moyen âge, à la civilisation des peuples chrétiens. Au XVIe siècle, elle fut séparée de l'Église catholique par un monstre d'impureté qui jeta, à ses passions, les biens des vivants, et, aux vents, la cendre des morts. Calviniste sous Edouard VI, catholique sous Marie, enfin anglicane par le fait d'Elisabeth, elle fut la première victime des réactions nationales contre l'absolutisme protestant. Au sortir de la révolution de 1688, cloîtrée dans son ile, elle poursuivit, par son aristocratie, une politique, industrielle et commerciale, d'envahissements et de conquêtes. A l'avénement de Pie IX, outre ses trois royaumes, elle possédait l'Inde. l'Amérique du Nord, l'Australie, sans compter une multitude de possessions insulaires. Mais, dans son extension prodigieuse, frappée au cœur par le néant de ses doctrines et l'insuffisance de ses vertus, elle devait voir rétablir, dans son sein, cette hiérarchie catholique brisée depuis trois siècles, et, par suite, mécon-
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naitre implicitement, cette suprématie religieuse de la royauté dont elle avait fait le palladium de sa fortune. Grand événement dont nous devons rechercher les antécédents et les causes, étudier les circonstances et les résultats, pour y trouver des gages de prospérité, d'avenir et d'espérance. — Nous ne séparerons pas, de l'Angleterre, l'Ecosse et l'Irlande, dont son histoire éclaire l'histoire et dont les vicissitudes dépendent de sa volonté.
En étudiant ces sociétés séparées de l'Église, nous trouvons une contre-preuve de sa divinité. Depuis l'ère de grâce, le salut des hommes et la prospérité des peuples proviennent de leur union à Jésus-Christ et de leur soumission au Saint-Siège, en matière de foi. Si cette soumission se relâche, le mal se produit en proportion ; si la séparation intervient, c'est la mort, quelles que soient d'ailleurs les apparences de vie. Les sociétés séparées de l'Église nous offriront la vérification de ces doctrines ; nous allons l'effectuer déjà dans l'anglicanisme et la civilisation anglaise ; nous trouverons le remède au mal dans le mouvement catholique, le rétablissement de la hiérarchie et le retour â l'unité.
10. On entend, par anglicanisme la religion schismatique et hérétique de l'Angleterre. Cette religion est représentée par l'Église officielle, et par les sectes non conformistes.
L'Église officielle, c'est l'État enseignant le dogme, prescrivant la morale et réglant le culte d'après la Bible ; c'est une sorte de haute police établie par l'autorité et organisée par la loi dans le but spécial de satisfaire aux désirs et aux besoins religieux des masses. Leur symbole est dans les trente-neuf articles (pourquoi pas quarante ?) d'Elisabeth. Leur chef suprême, c'est la princesse régnante divinement établie de Dieu pour enseigner, c'est-à-dire décidant en matière de foi ou par le plus coupable des égarerements ou par la plus odieuse des supercheries. Son clergé est l'humble serviteur du pouvoir civil : celui-ci nomme les membres qui le composent, les paie sur les revenus de la nation, et les oblige par serment à une fidélité perpétuelle. Le droit de se réunir en synode, de discuter et de résoudre les controverses relatives au dogme et à la discipline, lui est interdit ; et semblable aux
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corps qu'anime le magnétisme il ne peut marcher que par la route que lui tracent les ordres du Souverain. A différentes époques, il a essayé de conquérir une certaine indépendance, mais ses tentatives ont échoué contre les divisions de ses membres et l'opposition du Parlement. A défaut d'indépendance on lui a donné du pouvoir civil une part et des richesses à profusion. Les évêques sont législateurs, juges, instituteurs : législateurs, ils siègent à la chambre des lords ; juges, ils décident en matière de mariage et de testament ; instituteurs, ils tirent de l'Université les plus beaux bénéfices. En outre ils touchent des traitements énormes dont la quotité est fournie en Irlande par les catholiques. Tout cela pour ne rien faire ; car au dessous de ces évêques, doyens, prébendiers, chanoines, qui jouissent des revenus sans remplir les emplois, il y a un clergé actif, chargé de famille, qui languit dans un état voisin de la misère. Tous, haut et bas clergé, reçoivent, pour gouverner six millions cinq cent mille âmes, 240 millions, somme qui dépasse les traitements de tous les clergés, réunis du monde chrétien. Il faut remonter jusqu'au paganisme pour trouver un pareil scandale.
Cette église officielle est partagée entre trois partis : le parti de la basse Église, le parti de la haute Église et le parti puseyste. Le parti de la basse Église, appelé aussi parti puritain, s'en tient aux conséquences logiques du principe protestant; il est radical, il ne veut que la Bible laissée à l'interprétation de chacun et il n'accepte l'établissement national que parce qu'il craindrait en le renversant quelqu'autre forme de hiérarchie moins avantageuse encore. Pour les trente-neuf articles on peut jurer de les croire sauf à penser le contraire. Le parti de la haute Église se soucie peu de principes, il s'en tient aux choses existantes et trouve admirable l'asservissement de l'Église à l'État. Le parti puseyste (ainsi nommé du nom d'un de ses fondateurs Pusey, professeur d'hébreu à Oxford), à l'opposé du parti puritain, considère les déductions logiques du principe protestant et même l'établissement national, sinon comme des abus, au moins comme des sources d'abus qui demandent qu'on réforme la réforme. Aussi pen-
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sent-ils qu'il faut rétablir les rites extérieurs du culte et parmi ces rites quelques uns placent le culte des saints et l'observation du jeûne. Le puseysme a fait en ces derniers temps des progrès considérables dans l'Université d'Oxford, et un grand nombre de ses plus illustres membres a déjà embrassé le catholicisme, qui est au fond, la seule réforme sérieuse de la Réforme.
Indépendamment de ces partis qui divisent l'Église officielle il existe une foule de sectes dites non conformistes. Le nombre en est considérable, car il n'est idée si extravagante ni principe si absurde qu'un protestant ne puisse admettre en vertu de son libre examen. Il suffira de savoir que celle des Jumpers ou sauteurs, avec ses gestes obscènes, ses cérémonies répugnantes et ses orgies honteuses, que celle des rentiers ou méthodistes avec ses gestes ridicules ef ses cris sauvages, que celle des mormons avec sa polygamie et ses révélations folles, ont su faire de nombreux prosélytes dans la Grande-Bretagne. Toutes ces sectes bien entendu, s'abhorent mutuellement, se discréditent et se font une guerre à mort, dans la chaire comme dans la presse, parce que leurs intérêts sont opposés et leurs passions fort hostiles. Un seul sentiment les rapproche, la haine contre le catholicisme.
Si nous rappelons maintenant que les ordinations anglicanes sont plus probablement nulles et si nous ajoutons que l'Anglicanisme ne croit pas même à la justification par le baptême (ainsi qu'il a été décidé, dans l'affaire Gorham, par la cour du banc de la reine), on conviendra que cette Église qui a renié le Sacrifice, qui ne croit pas aux Sacrements et dont le Clergé est sans mission, n'est qu'une contrefaçon mollasse de l'Église de Jésus-Christ.
11. On ne peut d'aucune façon défendre l'établissement anglais, ni justifier son symbole. A défaut de preuves directes, on a voulu l'appuyer sur des preuves indirectes, en lui faisant honneur des prétendues merveilles de la civilisation anglaise. C'est un préjugé très-déraisonnable, qu'il faut écarter par une courte discussion.
Le bonheur temporel d'un peuple ne consiste pas seulement dans la possession des biens matériels ; la nature de l'homme veut qu'aux biens matériels s'ajoutent les biens spirituels ; la
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nature de la société veut que ces Liens soient sagement répartis et la morale exige qu'on en fasse un noble usage. On voit, tout de suite, en quoi la religion contribue à produire un tel bonheur. La religion produit le bien spirituel directement dans l'homme et indirectement dans la société par les vertus quelle inspire et les principes qu'elle pose. Quant au bien matériel, elle n'a point pour objet de le produire, et elle n'y contribuerait directement qu'autant que, manquant à son but propre, elle laisserait l'homme oublier le ciel et tourner à la recherche du bien-être, toute la puissance de ses facultés.
En ce qui concerne la nature particulière du bien matériel, il faut observer : I° que ce bien n'est point, pour tous les peuples, une quantité fixe, mais qu'il varie suivant les personnes, augmente ou diminue suivant les climats ; 2° que ce bien, variable en lui-même, varie aussi quant au degré de force des peuples appelés à le produire ; 3° que ce bien, variable en lui-même et dans l'intensité des forces productives, varie encore dans les sources physiques dont il est tiré, en ce sens qu'elles n'offrent pas partout une égale abondance ; 4° que ce bien, variable sous tant de rapports, dépend encore, pour une grande part, des événements historiques qui ont déterminé l'état général des terres et des personnes. D'où il suit que rechercher ce en quoi deux professions religieuses peuvent influer diversement sur ce bien matériel, c'est poser une question à peu près insoluble.
Cela posé, que penser de l'influence de l'anglicanisme sur la prospérité de l'Angleterre ?
L'Angleterre était catholique depuis mille ans lorsqu'elle passa au protestantisme. Avant son apostasie, elle avait reçu de l'Église et du Saint-Siège, une religion, une constitution politique très libérale et une constitution économique en harmonie avec son état politique. Par son apostasie, si elle rejeta la Papauté, elle changea peu sa religion, ne porta qu'indirectement atteinte à sa constitution politique et respecta sa constitution économique, source principale du bien-être. D'où il suit que la prospérité actuelle de l'Angleterre, en tant qu'elle provient de la religion
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découle, pour une grande part du catholicisme. Si le protestantisme y a contribué, c'est au prix des spoliations de Henri VIII, des persécutions d'Elisabeth, des agitations sous les Stuart et de la révolution en 1660, c'est par des moyens immoraux comme le refoulement des Indiens en Amérique, l'exploitation de l'Inde, l'empoisonnement de la Chine et la servitude de l'Irlande. Que si la Grande-Bretagne possède des canaux, des usines, des charbonnages, des manufactures, de grandes propriétés, je ne vois pas moyen d'en faire tort au catholicisme, pour la plus grande gloire des trente-neuf articles.
Dans l'ordre politique, l'Anglicanisme n'a point inventé le système représentatif qui date de Jean-sans-Terre, mais bien poussé le pouvoir à cet absolutisme césarien, qui le rend maître des âmes et des corps. Ensuite il a déchaîné sur l'Angleterre de terribles révolutions ; il a persécuté les catholiques d'une manière atroce; et il ne maintient l'équilibre que par l'iniquité des privilèges concédés à l'aristocratie patricienne de ses lords.
Dans l'ordre civil l'Angleterre a dépassé toutes les bornes. Au premier aspect on admire spontanément cette agriculture qui tire si bon parti du sol, cette industrie qui produit si largement, ce commerce qui enveloppe le monde dans le cercle de ses opérations. Mais quand on vient à se demander quelle est, au milieu de ces splendeurs, la condition de l'ouvrier, quelles sont la distribution et la consommation des richesses, on ne peut se défendre de tristesse. Jamais rien de pareil ne s'est vu depuis la Rédemption. La population ouvrière qui forme à elle seule les deux tiers de la population s'étiole dans une misère qui n'est surpassée que par ses vices. La richesse est concentrée aux mains d'un petit nombre qui dépense fastueusement ses revenus ; le reste de la nation, enfants, jeunes gens, hommes, femmes, tous sont condamnés à un travail d'esclaves qui ne saurait les nourrir. Pour subsister les jeunes filles se livrent au vice, les jeunes garçons au vol. Les honnêtes ouvriers émigrent par trois cent mille chaque année. La taxe des pauvres est de deux-cent cinquante millions. Malgré tout quand la population de l'Angleterre a triplé, dans le
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même espace de temps le nombre des indigents est huit fois plus considérable. Ces malheureuses populations, dans les villes surtout et surtout à Londres présentent un spectacle vraiment horrible : C'est, comme on l’a dit, la traite des blancs.
La conscience publique avec ses délicatesses, la bienfaisance sociale avec ses dévouements, les arts, les sciences et les lettres, ces signes d'une civilisation élevée, n'assurent, à la Grande-Bretagne, aucune prééminence. Les mœurs, qui résultent de cet ensemble de faits, atteignent souvent les dernières limites de la bassesse. « Les basses classes, dit l'Illustration de Londres, sont irréligieuses et brutales, la classe moyenne fourmille d'hommes rusés et sans délicatesse, de falsificateurs, de joueurs improbes et de voleurs! les classes élevées comptent un grand nombre d'adorateurs de Mammon, de trafiquants politiques, d'individus généralement incapables de remplir les fonctions qu'ils se réservent, et malhonnêtes quand ils sont capables ; une profonde corruption déshonore notre patrie ». Les principaux traits à noter ici dans les mœurs anglaises sont l'avortement, l'infanticide, l'abrutissement des nouveaux-nés par des pilules opiacées, la corruption des enfants par les parents, la progression croissante de la criminalité, la prostitution, l'assassinat en plein jour à l'aide de la garotte, l'immoralité dans les salles des prisons, les rigueurs exercées contre les condamnés et la dureté du régime des maisons de travail.
L'Angleterre n'est point arrivée au terme de la décadence morale et politique. Le socialisme toutefois la mine, le fénianisme la menace, et il n'est pas impossible qu'on voie chavirer cet état en équilibre sur une banque. Alors l'anglicanisme, qui se targue faussement de la prospérité de la Grande-Bretagne sera convaincu de mensonge et les historiens n'auront plus à confondre les préjugés répandus par l'anglomanie.
12. A côté des symptômes de dissolution paraissent les signes de renaissance. Depuis cinquante ans, la vieille terre des Bédé, des Boniface et des Colomban se prépare à redevenir une île catholique. La première cause de ce retour fut la présence des
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prêtres exilés par la révolution. Ces malheureux proscrits étaient autant d'apôtres qui payaient de reconnaissance l'accueil charitable dont ils étaient l'objet, et qui démentaient, par l'exemple de leurs vertus, les sots préjugés du protestantisme. De là, un relâchement des lois pénales qui permit aux catholiques d'exercer plus librement leur culte. L'anarchie doctrinale de l'anglicanisme ouvrit aussi les yeux à plusieurs et d'autres que le triste état de leur religion avait jetés dans le doute, trouvèrent dans l'étude des antiquités ecclésiastiques, le chemin qui conduit à Rome. Enfin les associations de prières formées sur le continent, sous l'initiative d'Ignace Spencer, couronnèrent des plus beaux fruits de conversions cette œuvre de la Providence.
Parmi ces moyens de salut, il en est un, qui, en Angleterre, pays classique de la publicité, exerça la plus heureuse influence, ce fut la presse. Un livre et un journal peuvent égarer ou corrompre ; dans un pays de bon sens où le remède est à côté du poison, la force secrète de la vérité doit triompher à la longue, si la vérité a de dignes défenseurs. Les défenseurs ne manquèrent pas. Gother et Ghalodner combattirent les préjugés les plus répandus ; Milner, Baines, Butler, Howard, Combe, défendirent avec zèle la cause catholique ; Cobbett, quoique protestant, ne mit pas moins d'ardeur â flétrir le protestantisme ; Dallas se fit l'apologiste des Jésuites ; John Lingard écrivit une histoire vraiment nationale de l'Angleterre ; Thomas Moore, poète et historien, fit le spirituel voyage d'un gentilhomme irlandais à la recherche de la vérité ; enfin, le docte Wiseman mit dans ses conférences une science, une éloquence et un génie qui portèrent les plus rudes coups au frêle édifice de l'anglicanisme.
Les catholiques, vainqueurs dans la controverse, remportèrent par leurs œuvres, une victoire moins facile encore à contester. Les églises, les chapelles, les couvents, les collèges se bâtirent. Sous la direction de l'Institut de la Grande-Bretagne, une propagande active, qui eut ses journaux et ses meetings, fit les plus rapides progrès. On dut augmenter le nombre des vicariats apostoliques. Les catholiques, après la longue agitation d'O'Connell,
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admis au parlement, en 1829, firent entendre, au nom du droit, des protestations qui les défendirent noblement contre l'injustice des votes. Enfin la rénovation sociale, par la croisade de la tempérance, arracha, même aux protestants, des cris d'admiration.
Les maux d’un peuple viennent de ces vices. En Angleterre, le vice capital est depuis longtemps l'ivrognerie. La boisson favorite est une liqueur provenant d'une distillation d'avoine à laquelle on mêle de l'eau forte et du vitriol. Une telle boisson mène vite à l'abrutissement. A la vue des désordres nés de l'intempérance, la philanthropie anglaise s'émut et forma des sociétés qui restèrent stériles. L'idée fut reprise par un humble capucin de Cork, le P. Mathew ; ce digne religieux conçut le projet de fonder des associations, dont les membres appelés tetatoelers, s'engageraient à ne point boire de liqueurs enivrantes. Le Père parcourut les campagnes, les villes ensuite et parvint, dans la seule Grande-Bretagne, à réunir plus de cinq millions d'adhérents. Ce religieux, bienfaiteur de sa patrie, devait mourir en 1857 ; son œuvre lui survit (1).
13. Cette renaissance catholique devait amener des conversions ; elles ne tardèrent pas à se déclarer. A Oxford, sur l'initiative des docteurs Pusey et Newman, s'était produit un mouvement d'étude patriotique. Ce mouvement s'épancha dans les revues et dans une série de Traités pour le temps ; il excita, dans le public, de singulières sympathies. A force d'étudier l'Eglise du IVe siècle, ces docteurs aboutirent à deux conclusions, savoir : Que l'anglicanisme n'était pas cette Église des premiers siècles, et que l'Église du IVe siècle, telle qu'elle se voit dans les œuvres des Pères, était encore subsistante dans l'Église de Rome. Une telle découverte, causa naturellement à ceux qui le firent, une profonde émotion. Ils surent ne pas s'en tenir là. En 1845, on pouvait compter cent cinquante minisires protestants d'Angleterre, qui avaient quitté la foi d'Elisabeth, pour reprendre la foi d'Alfred le Grand. Parmi eux, il faut citer, avec John Henri Newman, Georges Ward, Frédéric Oakeley, William Faber, John-Dobrée Dalgairns, Moore Capes, Manning, Wilberforce, William Palmer, Sibthorpe, tous
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(1) jules GONOND, Du mouvement catholique en Angleterre, passim.
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écrivains distingués. En échange, l'anglicanisme s'enrichissait d'un prêtre infâme, nommé Achilli et de la crécelle du Père Gavvazzi. C'est l'accomplissement du mot spirituel : « Quand le Pape sarcle son jardin, il ne nous jette, par dessus la haie, que les mauvaises herbes ».
Ces progrès du catholicisme en Angleterre devaient amener de plus importantes améliorations, cause à leur tour de nouveaux progrès. Depuis 1623, les catholiques anglais n'avaient été gouvernés que par des vicaires apostoliques, dont le nombre avait été porté successivement de un à quatre et de quatre à huit. Les Églises n'avaient pour règlement qu'une vieille constitution de Benoit XIV, tombée en désuétude, ou plutôt ne répondant plus à l'heureux état des choses. Les catholiques désirèrent donc voir remplacer cette forme temporaire de gouvernement, par la forme ordinaire consistant en évêques ayant des titres locaux et recevoir un code plus complet, dont les dispositions répondissent aux besoins des Églises. Les catholiques usaient de leurs droits. Du moment qu'on leur avait rendu la liberté de leur culte, on devait leur en laisser l'exercice normal, tel que l'entend la Sainte Église. Les colonies usèrent de ce droit avant la métropole : l'Australie, l'Inde et l'Amérique du Nord reçurent, de Pie IX, des évêchés en règle. Les catholiques d'Angleterre adressèrent alors leurs pétitions au Saint-Siège et Pie IX, en 1850, sur ces instances, rétablit, en Angleterre, la hiérarchie catholique.
14. Le 29 septembre 1850, des lettres apostoliques, annulant toutes les dispositions qui se rattachaient à l'ancienne organisation, créaient, en Angleterre, un siège métropolitain et douze sièges épiscopaux. Le même jour, Nicolas Wiseman, évêque de Melipotamos, était nommé au siège archiépiscopal de Westminster et chargé de l'administration du diocèse Southwark. Le lendemain, le nouvel archevêque était élevé au rang de cardinal-prétre du titre de sainte Pudentienne. Le 7 octobre, le nouveau cardinal reçut, du Saint Père, le pallium, marque de sa dignité métropolitaine et envoya, en Angleterre, avec le bref du Pape, une lettre pastorale adressée à ses diocésains. Vingt jours après, cette
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lettre fut lue dans toutes les Églises et chapelles de l'archidiocèse de Westminster, et Mgr Ullathorne, évêque de Birmingham, fut introduit dans sa cathédrale. C'est ainsi que l'Église catholique et le Saint-Siège prouvaient leur force, au moment ou l'anglicanisme reniant le baptême dans l'affaire Gorham, et les saintes Écritures dans l'affaire Colenso, abdiquait son plus essentiel caractère de religion. La nouvelle que le Souverain Pontife avait assigné, aux catholiques de leurs pays, des évêques, et aux évéques des diocèses particuliers, fut à peine arrivée, qu'il s'éleva, parmi les anglicans, un cri unanime, nous ne savons s'il faut dire un cri de colère plutôt que d'épouvante. Le Morning-Post cria contre le pape qui usurpait les droits et les prérogatives de la couronne anglaise ; le Daily-News protesta contre le démembrement des états de la reine Victoria, partagé entre des suffragants, par un cardinal espagnol ; le Times, le premier journal anglais, qualifiait la décision du pape, d'intervention révolutionnaire dans les droits d'autrui, de dictature que Rome voulait s'arroger sur les Anglais, qui auraient fait le sacrifice de leur liberté au pied d'un autel étranger ; le Globe se tournait vers le ministre, formidable ennemi du despotisme européen ; le Standard ne pouvait concevoir l'audace d'un prince si faible par l'étendue de ses États, qui osait partager, entre ses adhérents, le sol britannique.