Luther 19

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12. Pendant que Charles-Quint guerroyait contre les Barbaresques, François 1er surveillait et réprimait les trames de l'hérésie. François avait déjoué le petit complot qui voulait faire admettre en France le lieutenant de Luther, Mélanchthon. François avait été fort insensible aux cajoleries de Calvin dans sa préface de l’Institu­tion chrétienne ; François avait fait punir du dernier supplice un prédicateur qui avait scandalisé les villes de Sancerre et de Bourges; François, d'ailleurs fort ami des lettrés, avait permis au parle­ment de Bordeaux, des poursuites contre Jules Scaliger. Le ro­yaume de France possédait, cantonnés depuis deux siècles dans les défilés sauvages des Alpes, les restes des Vaudois. C'étaient des sectaires grossiers et absurdes, ennemis du pape, des évê­ques et de toute puissance, prévenus encore contre les cérémo­nies de l'Église, le culte des saints, des reliques et des images, les indulgences et le purgatoire ; ils professaient cependant, du moins alors, la même foi que les catholiques sur les sacrements, la trans-substantiation même et le saint sacrifice des autels. Depuis que les nouveautés se répandaient en France, ils avaient été sympathiques à leur éclat, et malgré l'éloignement où ils étaient de la foi Zvinglienne, ils tendaient la main aux Suisses, rebelles à l'Église. La petite ville de Cabrières dans le Comtat Venaissin et Mérindol, gros

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bourg de la Provence étaient le double centre d'où partit cette exaltation. Dès l'an 1540, les Vaudois s'étaient permis d'insulter publi­quement les catholiques ; on connaissait leurs liaisons avec les pro­testants d'Allemagne ; on découvrit chez eux des projets de guerre. Pour prévenir le péril, le jurisconsulte Chananée, premier prési­dent du Parlement de Provence, fit porter un arrêt par lequel Mérindol était voué au feu, au glaive et à la confiscation. Le légat du pape devait frapper en même temps Cabrières. Mais cette double résolution fut suspendue par les remontrances de Guillaume Langey, et par l'intervention suppliante de Sadolet, évêque de Carpentras. Cinq ans après, le baron d'Oppède, successeur de Chananée, dénonça au souverain de nouvelles trames ourdies par les Vaudois. C'était au moment où l'Allemagne se remplissait de tumultes et de cris. Le roi craignit la contagion et autorisa l'exécution de l'arrêt porté en 1540. Oppède et Guérin marchèrent aussitôt sur Mérindol avec 30.000 hommes, commandés par le baron de la Garde : vingt-deux villages furent brûlés et tout ce que l'on y trouva d'habitants fut impitoyablement égorgé, sans distinction d'âge ni de sexe. Plus de 3000 périrent de la sorte, une foule d'autres moururent de mi­sères dans les bois, quelques malheureux furent pris vivants et jetés sur les galères. Les auteurs de ces atrocités furent poursuivis par la justice sous le règne suivant ; Guérin seul fut condamné, non comme assassin, mais comme faussaire, en 1545. On dépassa dans cette circonstance les ordres et les instructions de la cour ; mais la fermeté que montra François Ier vers la fin de son règne sauva pour toujours le catholicisme en France: bienfait inappréciable, que ne doivent pas faire oublier les torts de toute espèce de ce mo­narque.

 

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19. Paul III ne montra pas moins de sollicitude pour la défense de la foi en France. A la mort de François Ier, Henri II, son  fils  et son successeur, se   montra invariablement attaché à la foi catholique ! Un de ses premiers édits fut contre le blasphème, dont il at­tribua la punition aux prévôts des maréchaux de France, avec  le droit de juger sans appel. Défense fut  faite à toute  personne non lettrée de disputer sur la religion; défense plus sévère encore d'imprimer et de vendre les livres qui venaient d'Allemigne et d'autres lieux  suspects, à moins qu'ils n'eussent été approuvés par la Fa­culté de Théologie de Paris. Le célèbre Robert Etienne avait donné, sous le dernier  règne, des éditions latines de la Bible ; il y avait
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laissé une traduction Zwinglienne de Léon Judœ, avec les notes de Vatable, qu'il accentuait dans le sens protestant. Cette édition fut supprimée ; on supprima de même, les autres éditions des livres saints faits par Etienne: mesure sage, car les bonnes choses qu'elles contenaient auraient fait passer les mauvaises : on craignait alors jusqu'aux apparences de l'impiété, et l'on soupçonnait raisonnable­ment des intentions blâmables à un homme évidemment coupable sur plusieurs autres chefs. Robert Etienne justifia bientôt ces ri­gueurs et ces soupçons ; il prit la route de Genève et afficha son apostasie. — Un autre misérable, qui prit le même chemin, fut Jacques Spifame, évêque de Nevers. Ce prélat, qui ne manquait pas de talent, avait été choisi parmi les évêques du royaume pour assister au concile de Bologne. En son privé, il avait admis une jeune personne qu'il voyait familièrement; de la familiarité, il passa au crime ; du crime, au mariage secret ; et du mariage, à l'hérésie. Cet amas d'infamies fut découvert ; on lança contre Spi­fame, un décret de prise de corps, Spifame passa la frontière. On le reçut à Genève, lui et sa femme, avec de grands honneurs ; on en fit même un sénateur de la république. On découvrit bientôt que Spifame avait entretenu une autre femme du vivant de son mari : qu'il avait antidaté son mariage, pour légitimer un enfant de for­nication. Pour tous ces crimes, il fut brûlé à Genève, repentant, dit-on, trop heureux si, dans son repentir, il fit entrer son aposta­sie. — Dans les premières années du règne d'Henri II, plusieurs hé­rétiques français furent frappés de la même peine du feu. Le roi voulut que leur supplice fût précédé d'une procession générale, comme d'un désaveu, fait par le corps de la nation, de l'obstination impie de quelques-uns de ses membres. On porta le Saint-Sacre­ment comme en triomphe, avec les reliques les plus insignes, de l'église de Saint-Paul à celle de Notre-Dame : toutes les commu­nautés ecclésiastiques et régulières, toutes les compagnies de jus­tice, le roi même, la reine, les princes du sang et les grands offi­ciers de la couronne suivaient respectueusement avec un peuple innombrable. Après l'office, tous les corps allèrent au palais archié­piscopal remercier le monarque, et lui témoigner la sincérité des

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sentiments religieux qu'il supposait à son peuple. Un Dieu et un roi, une foi et une loi, dit entre autres le prévôt des marchands ; c'est là, Sire, la devise de notre bonne ville de Paris, et le sentiment qu'on n'en arrachera qu'avec les cœurs. Les hérétiques furent exécu­tés sur le soir en divers quartiers de la ville, et le roi en vit brûler quelques-uns en retournant à son palais. — Tout Paris, qui n'avait alors que de l'aversion pour l'erreur et l'impiété, applaudit aux or­donnances que le prince renouvela contre l'hérésie. Henri com­manda expressément de punir de mort, sans nulle exception, les hérétiques obstinés ou relaps, avec tous ceux qui auraient dogma­tisé, profané les choses saintes ou fait des assemblées. Pour s'as­surer, à cet effet, des cours de justice, il ordonna de plus qu'on ne recevrait aucun magistrat dans les tribunaux, ni aucun maître dans les écoles, sans qu'il eut produit des témoignages certains de catho­licité. Les évêques s'étant plaints de ce qu'on laissait les causes d'hérésies aux magistrats séculiers, d'où il arrivait que les infor­mations avaient lieu sans vigilance, le roi décida qu'à l'avenir les juges laïques formeraient seulement la procédure et que le tribunal ecclésiastique rendrait le jugement. Mais la digue qu'on voulait op­poser à l'erreur, parut bientôt ne pas contenir assez le torrent. Comme la peine de mort n'est pas du ressort de l'Eglise, il s'ensui­vait que les sectaires en étaient quittes, pour quelques peines ca­noniques, insuffisantes pour réprimer leur malice et mal propor­tionnés, soit à l'énormité de leurs sacrilèges, soit à la gravité des désordres qu'ils excitaient dans l'Etat. Le roi se vit donc obligé de remettre, aux ministres de la justice royale, le jugement du crime d'hérésie. Par la suite, le prince prit un nouveau tempérament, qui fut d'attribuer au clergé la connaissance du crime d'hérésie, en laissant au tribunal séculier le droit de juger et de punir l'attentat public. Ces sages mesures ne contribuèrent pas médiocrement à en­rayer le mouvement de perversion hérétique et à ajourner les hor­reurs de la guerre civile.

 

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£ § II. PREMIÈRE GUERRES DU PROTESTANTISME EN ALLEMAGNE.

 

24. La proclamation du libre examen en matière de religion, la revendication, pour chaque individu, d'un droit souverain de se façonner lui-même des articles de foi et une règle de mœurs, impli­quait le rejet positif de toute autorité religieuse et la négation im­plicite de toute autorité. Si tout homme est son propre pape, il doit être aussi son empereur ; et comme la société civile et la société

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religieuse reposent sur une hiérarchie, il est clair que cette hiérarchie doit disparaître ; ou si l'on ne peut, du premier bond, faire ta­ble rase, il faut admettre au moins que l'insurrection est de plein droit. Ce principe subversif qui fait le fond du protestantisme, après avoir agité la société religieuse, devait donc bientôt susciter des ré­volutions dans la sphère politique. Le pouvoir restait sans autorité, la liberté sans garantie ; tout n'était plus qu'un conflit croissant en­tre les forces aveugles du despotisme et de la licence, conflit qui doit aboutir, à travers les chaos des éléments, à l'épuisement et à l'ex­tinction de toute vie sociale. Ce caractère révolutionnaire s'était déjà manifesté dans toutes les hérésies des derniers temps. Les troubles excités par Wiclef, par Jean Huss, par Jérôme de Prague, n'étaient que les prémices des guerres du XVIe siècle. Aussitôt que les disciples de Luther se sentent assez forts, ils mettent l'épée à la main contre les pouvoirs établis. Il ne faudrait pas s'imaginer, en effet, que les théories protestantes convinssent à une forme quel­conque de gouvernement, et, en particulier, qu'elles fussent spé­cialement conformes au régime républicain, comme il est également faux que le catholicisme ne puisse vivre qu'à l'ombre de la monar­chie. Le catholicisme accepte tous les modes d'autorité légitime ; la seule chose qu'il demande partout c'est la reconnaissance de son droit et l'exercice libre de son ministère ; en retour, ce qu'il con­serve, c'est l'ordre, l'harmonie et la paix. Le protestantisme, au contraire, est, de sa nature, l'ennemi-né de toute constitution, et, lorsqu'il est le maître, il tyrannise. Dans toutes les régions où il va s'introduire, il bouleversera l'état social dans les sens les plus op­posés. En même temps qu'il attaquera la royauté en France au nom de l'aristocratie, et qu'il abattra le pouvoir en Angleterre au nom de la démocratie ; en Allemagne, il se fait l'humble serviteur des petits souverains qui le protègent, et dans le nord, il fonde l'auto­cratie : despotisme ou anarchie, guerres civiles et grandes com­motions sociales : voilà ses fruits. Tous ces bouleversements ne s'o­pèrent pas sans convulsions ; en attendant la conflagration générale de l'Europe, nous allons assister à ses préludes sur la vieille terre de la Germanie.

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25. Pour comprendre ces premières guerres, il est indispensable d'esquisser la situation de l'Allemagne et de jeter un  coup-d'œil rétrospectif sur son histoire. Des terres germaniques étaient sorties ces bandes nombreuses d'envahisseurs, qui avaient détruit l'empire romain et fondé sur les ruines une foule d'états  nouveaux. Après l'invasion restaient sur ces terres, un ramassis d'hommes qui for­mèrent peu à peu une mosaïque de peuplades sur lesquelles  Charlemagne étendit le manteau de la civilisation chrétienne. Au moyen âge, les empereurs d'Allemagne s'efforcèrent de reconstituer, en leur faveur, tout l'ancien empire romain d'Occident, et, pour réussir dans cette grande entreprise au dehors, ils s'appliquèrent à fonder, au dedans, un empire monarchique et anti-féodal.  Deux obstacles s'opposèrent à l'accomplissement de leur dessein : la  di­vision de l'Allemagne en nation particulières, et l'énergique opposi­tion des Pontifes romains. En 1556,  l'Allemagne,  triomphant  des empereurs, tendait, par la Bulle d'or, à se constituer en république fédérative et oligarchique. Albert II, par l'institution des cercles, voulut faire échec à la république ;  la politique  temporisante de Frédéric III ne put éveiller les susceptibilités des électeurs ; Maximilien Ier, favorisé par les circonstances extérieures, put substituer, à l'indépendance politique, militaire et judiciaire des Etats particu­liers, une constitution fédérale. Sous Charles-Quint, en 1519, les électeurs prirent leur revanche, et, par une capitulation firent ju­rer au jeune empereur, la reconnaissance de leurs droits, le  règle­ment des impôts et la tenue des diètes. Cette capitulation créait à l'empire une situation  difficile : en présence de la révolte reli­gieuse, il était mal armé; en présence de l'invasion turque, il était mal défendu. Cependant, il faut dire à son honneur que, dans cette situation embarassante, il ne négligea pas la  défense.  A Worms, il se prononça contre le luthéranisme ; lorsque les  princes protes­tants, pour empêcher la mise à exécution de la  sentence,  for­mèrent la ligue de Torgau, l'empereur organisa la contre-ligne dé­fensive de Ratisbonne. A l'exemple de l'empereur Sigismond, il tra­vailla à la réunion du concile œcuménique de Trente, moins pour formuler la doctrine catholique que pour réformer les abus. En at-

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tendant, il s'efforçait de rétablir lui-même la discipline ecclésiasti­que et lançait, contre les luthériens et autres sectaires, un ordre re­ligieux nouveau, fondé sous son règne, par un de ses sujets espa­gnols. Mieux inspiré, Charles-Quint eût dû concentrer sur ce point ses principales forces et non les éparpiller sur d'autres desseins. Mal­heureusement, il commandait à l'Espagne, qui, après la chute de Grenade, éprouvait un besoin immense d'expansion, et chez la­quelle régnait, avec la soif des conquêtes, l'ancien esprit des croi­sades : fier de l'appui de cette belliqueuse nation, de son infanterie vaillante et éprouvée, il se laissa aller à une confiance présomptu­euse ; il crut qu'il pourrait mener de front deux autres grandes en­treprises : le rétablissement de l'empire romain dans son ancienne étendue, et la fondation, sur la ruine des libertés municipales et des privilèges féodaux, d'une monarchie absolue en Allemagne.


26. A l'honneur d'être l'homme de la chrétienté, Charles-Quint voulait joindre la gloire passagère du conquérant. Cette pensée d'ambition provoqua fatalement, contre Charles-Quint, l'alliance des rois de France avec le sultan des Turcs et bientôt la guerre. L'empereur, gêné dans ses mouvements, par cette guerre, ne put attaquer le luthéranisme dès sa naissance : il laissa Luther sortir impunément de la Wartbourg ; il ajourna à Nuremberg l'exécution de l'édit de Worms ; il porta, à Spire, de vaines défenses et le colloque d'Augsbourg n'aboutit qu'à la rédaction utile d'un sym­bole luthérien. Les princes électeurs nourrissaient d'autres pensées. Quand l'élément démocratique eut été vaincu dans la guerre des anabaptistes et des paysans, les princes confisquèrent à leur profit, la révolte de Luther ; la soi-disant réforme devint, en leurs mains, un levier puissant de résistance contre le chef de l'Empire, et d'a­grandissement personnel aux dépens de l'Eglise. L'histoire d'Alle­magne n'est plus qu'un long récit de luttes, d'intrigues, de guerres sanglantes, inspirées par cet esprit d'anarchie, qui envahissait peu à peu le domaine politique et s'infiltrait dans toutes les classes de la so­ciété. Dès l'année 1524, le grand maître de l'Ordre Teutonique con­fisquait, à son profit, le domaine de l'Ordre. Un an plus tard, Luther poussait à la même défection l'archevêque de Mayence. La tentative

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échoua ; mais, d'un autre côté, un grand nombre de princes s'em­pressèrent de faire main basse sur les biens ecclésiastiques et de traiter le culte comme une branche d'administration. Les guerres de France et de Turquie obligèrent l'Empereur à fermer les yeux sur ces atteintes à la paix et à la constitution de l'Empire. Charles-Quint était d'ailleurs épris d'une pensée de conciliation ; il pour­suivit cette chimère à travers mille dégoûts, sans même obtenir des princes luthériens, pour prix de ses concessions, leur concours contre l'ennemi commun, le Turc, qui, deux fois, sous son règne, assiégea Vienne et envahit l'Empire. L'édit de Worms, était plus que jamais lettre morte. Princes et bourgeois, entraînés dans le tourbillon révolutionnaire, bravaient à l'envi les ordres du pouvoir central. De leur côté, les princes s'empressaient d'appliquer la ré­forme aux monastères en les confisquant ; ils se montraient dociles adeptes d'une religion dont les titres complaisants se prêtaient à toutes les interprétations, justifiaient les plus infâmes débauches, sanctifiaient même la bigamie et fournissaient des armes à tous les instincts de despotisme. Chaque diète, au lieu de rapprocher les esprits, ne rendait que plus sensible l'impuissance du pouvoir cen­tral et faisait éclater l'universelle démoralisation de l'Allemagne. Les deux partis se mesuraient du regard ; plus d'une fois la guerre civile fut sur le point d'éclater. Cependant, de tous côtés, s'élevaient de nombreux réformateurs, et les luthériens, après avoir fait scission dans la chrétienté, voyaient dans leur schisme, se fractionner un nombre infini de sectes, hostiles les unes aux autres et reliées en­tre elles par un seul point, la haine de l'Église et du Saint Siège. Ce double rapport de discorde et d'unité se manifesta sans réserve à Spire et avec plus d'éclat encore à Augsbourg. Après des discus­sions sans résultat, cette dernière diète s'était fermée par le vœu d'un concile.


27. Ce vœu fut bien accueilli de Clément VII et le 1er décembre 1530, une bulle fut adressée en ce sens à tous les princes catholi­ques ; les guerres qui troublaient l'Europe ne permirent pas de prê­ter l'oreille à la voix du Père commun et Clément VII mourut à la peine. D'autre part, Charles-Quint absorbé par ses guerres, ne put

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faire tête à la  révolution  religieuse.   Les  catholiques allemands, abandonnés à eux-mêmes, menacés par les empiétements progres­sifs des princes protestants, avaient fondé, en 1524,  à Ratisbonne, sous la direction du duc de Bavière,  une ligue défensive, dans le but d'empêcher, dans leurs états, l'introduction des nouveautés re­ligieuses et de procéder eux-mêmes, dans le sens catholique,  à la réforme des abus. Des commissions avaient été instituées pour procé­der à cette réforme ; elles s'acquittèrent avec zèle de leur tâche. Les princes protestants, associés d'abord à Torgau, profitèrent des embarras de l'Empereur pour augmenter leurs forces et hâter  l'es­sor de doctrines qui leur promettaient de si riches dépouilles. Le 22 décembre 1330, réunis dans une petite ville de Franconie ;  ils ressèrèrent leurs liens et fondèrent, sous la direction de l'électeur de Saxe et du landgrave de Hesse, la ligue défensive et  offensive de Smalkalde. Peu de jours après, ils faisaient signifier à l'Empereur leur refus de payer les contributions votées par la diète, pour la guerre contre les Turcs et de reconnaître l'élection de Ferdinand d'Autriche comme roi des Romains. En même temps, ils envoyaient des agents en Hongrie, en France, en Angleterre,  pour s'assurer l'appui des ennemis de l'Empire, solliciter des subsides de Fran­çois Ier et encourager les Turcs à de nouveaux efforts. Tel fut le dé­but politique du parti du libre examen, de ce même parti qui,  dès lors, comme aujourd'hui, prétendait au monopole des lumières et du patriotisme. «Traîtres à leur  Dieu, dit très  bien le comte de Villermont, les princes électeurs d'Allemagne ne pouvaient tarder à trahir leur souverain et leur patrie ; la haine aveugle qu'ils nour­rissaient contre l'Église, stimulée par la cupidité, ne devait pas re­culer devant les plus monstrueuses alliances. Il importe d'observer, avec attention, ces premiers pas de la ligue de Smalkalde, qu'encou­ragea Luther dans de violents libelles,  parce qu'ils  nous donnent la mesure de la valeur des phrases sonores sur l'indépendance,  le patriotisme, le désintéressement et la liberté des consciences, dont firent parade plus tard les ennemis du catholicisme. Nous retrou­verons, en effet, les successeurs des Jean de Saxe  et des Philippe de Hesse à la solde de tous les ennemis de l'Empire, plus achar-

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nés même que ceux-ci à déchirer le sein   de   leur patrie1

 

28. Le premier acte d'hostilité vint des protestants ; il consista dans le rétablissement, par les armes, du duc Ulrich de Wurtem­berg, prince indigne, qui, détrôné pour ses crimes et mis au ban de l'Empire, s'était fait, en 1525, l'allié des paysans et n'avait cessé depuis lors d'ourdir des intrigues à l'étranger. En 1334, Philippe de Hesse, profitant de l'absence de l'Empereur, envahit le Wurtemberg au mépris des Constitutions impériales et remit, sans difficulté, Ul­rich en possession de ses Etats, qui furent immédiatement soumis par force à la réforme. Vers la même époque, le landgrave, violant de nou­veau les droits et la justice, attaqua le duc de Brunswick, trop ca­tholique à son gré, et le dépouilla de ses États, malgré les défenses formelles et les protestations réitérées de Charles-Quint. L'anarchie commençait en Allemagne. Ces essais d'arbitraire et de violence, concordant avec les immenses préparatifs de guerre des ligueurs et avec les intrigues de leurs agents à l'étranger, ouvrirent les yeux aux catholiques sur le danger qui les menaçait et leur firent sentir la nécessité de s'armer à leur tour pour la défense. La ligue de Ratisbonne avait cessé d'exister : les catholiques allemands s'étaient trop fiés à la justice de leur cause et à la sainteté du droit: au mois de janvier 1535, fut constituée, pour neuf ans, une nouvelle ligue catholique. Cette ligue, dont faisaient parti l'Empereur, le roi Fer­dinand, le duc de Bavière, quantité d'évêques et de prélats, irrita fort les protestants : les sectaires trouvaient bon d'attaquer, mais ils trouvaient mal qu'on se défendit : leur aigre déplaisir n'empêcha pas la ligue de s'accroître, en 1539, par l'accession de divers prin­ces du nord de l'Allemagne. Cependant l'Empereur continuait ses négociations avec les confédérés ; il se berçait toujours de l'espoir d'une entente pacifique ; mais l'inutilité de ses efforts chassait peu à peu de son esprit, toute espérance de conciliation. Chaque année, au contraire, voyait se multiplier les usurpations des princes sur les biens du clergé ; elle multipliait ainsi les obstacles au rappro­chement et suscitait souvent de nouveaux conflits d'intérêts.

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