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III. FOI, VÉRITÉ ET CULTURE ‑ RÉFLEXIONS RELATIVES À L'ENCYCLIQUE « FIDES ET RATIO »
De quoi s'agit‑il dans l'encyclique Fides et ratio?
---------- pape Jean‑Paul II entend la philosophie dans un sens bien plus large et bien plus conforme à son origine. Sa question est de savoir si l'homme est capable de connaître les vérités fondamentales sur lui-même, sur son origine, sur sa destinée, ou bien s'il vit dans un demi‑jour peu éclairant et doit s'en tenir à la seule question de ce qui lui est utile.
Dans le monde des religions, le christianisme a cette spécificité de vouloir
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nous dire la vérité sur Dieu, le monde et l'homme, et de prétendre être la religio vera, la religion de la vérité. «Je suis le chemin, la vérité et la vie »: cette parole du Christ, dans l'Évangile de Jean, formule la revendication fondamentale de la foi chrétienne.
Sur cette revendication se fonde l'élan missionnaire de la foi: si la foi chrétienne est vérité, elle concerne tous les hommes; si elle n'est qu'une variante des expériences religieuses de l'homme, elle doit se cantonner à la culture de chacun et laisser les autres à leur propre culture.
Cela signifie donc que le questionnement sur la vérité est la question essentielle de la foi chrétienne, et que dans ce sens il a inévitablement affaire avec la philosophie.
Si je devais caractériser brièvement l'intention déterminante de l'encyclique, je dirais qu'elle voudrait réhabiliter la question sur la vérité dans un monde marqué par le relativisme: elle voudrait aussi, dans la situation où se trouve la science d'aujourd'hui,‑ qui est en quête de vérités mais néanmoins disqualifie comme non scientifique le questionnement sur la vérité ‑restituer à ce dernier toute sa valeur comme devoir rationnel et scientifique. Faute de quoi, la foi s'essouffle. --------
Les mots, le Verbe et la vérité
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------ L'exégète allemand Marius Reiser a récemment attiré l'attention sur une phrase d'Umberto Eco dans son roman à succès Le Nom de la Rose: « La seule vérité consiste à étudier, à se libérer de la passion maladive pour la vérité »45. -------
Déjà en 1901, F. Mauthner avait asséné: « Ce que l'on appelle la pensée n'est que langage frivole »47. --------- L'influent exégète protestant U. Luz constate ------- que la critique historique moderne de la question de la vérité a abdiqué en face de la question de la vérité. ---
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------ Jean‑Paul II fait, dans l'encyclique, la remarque suivante: « L'interprétation de cette parole (la parole de Dieu) ne peut pas nous renvoyer seulement d'une interprétation à une autre, sans jamais nous permettre de parvenir à une affirmation simplement vraie»53.
L'homme n'est pas prisonnier du jeu de miroirs des interprétations, il peut et doit chercher l'accès à la réalité qui se cache derrière les mots et qui se manifeste à lui dans les mots et par les mots.
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-------- Nous sommes exposés à la domination du positivisme et (à) l'absolutisation de l'accidentel et de ce qui est manipulable. Dès que l'homme est exclu de la vérité, il n'est plus que le hasard, l'arbitraire, qui règne sur lui.
C'est pourquoi ce n'est pas «fondamentalisme», mais devoir d'humanité, que de protéger l'homme de la dictature de l'accidentel érigé en absolu, et de lui rendre sa
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dignité qui réside précisément en ce que nulle instance humaine ne soit en mesure de l'asservir, parce qu'il est ouvert à la vérité même.
Par son insistance justement sur la capacité de l'homme à accueillir la vérité, l'encyclique est une apologie de la grandeur de l'homme extrêmement nécessaire contre ce qui prétend être la culture tout court.
---------- Cet avertissement protestataire justement est un acte philosophique authentique, il restitue aujourd'hui à la philosophie son origine socratique, prouvant ainsi la force de la philosophie qui réside dans la foi biblique.
Un certain scientisme va à l'encontre de l'essence même de la philosophie, en lui refusant ou en lui rendant impossible le questionnement sur la vérité. -----