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TROISIÈME PARTIE
ART ET LITURGIE
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Chapitre un
Image et liturgie
-------- Tu ne referas aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux là‑haut, ou sur la terre ici‑bas ou dans les eaux au-dessous de la terre (Ex 20,4; voir Dt 5, 8), -------L'Ancien Testament connaît pourtant une exception à cette interdiction de l'image. Elle concerne le lien saint par excellence de la foi d'Israël: le propitiatoire d'or de l'Arche d’Alliance. C'est là que je te rencontrerai, dit Dieu à Moïse (Ex 25, 22), [là que] je te communiquerai les ordres destinés aux fils d'Israël. Le texte précise: Et tu façonneras au marteau deux chérubins d'or aux deux extrémités du propitiatoire [...] pour qu'ils fassent corps avec lui. Ces chérubins auront les ailes déployées vers le haut [...] ils se feront face, le visage tourné vers le propitiatoire (Ex 25, 18‑20). Ces êtres mystérieux qui protègent, en le couvrant, le lien de la manifestation de Dieu ne constituent pas une transgression de l'interdiction de l'image. Leur rôle est de protéger le mystère de la présence divine. Le kapporeth, le propitiatoire qui fut perdu pendant l'exil, représentait pour saint Paul l'image annonciatrice du vivant et véritable «propitiatoire», le Christ crucifié, en qui Dieu a en quelque sorte dévoilé sa Face. ----------
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p96 L'ESPRIT DE LA LITURGIE
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--------- Grâce aux recherches archéologiques, nous savons aujourd'hui que les anciennes synagogues étaient richement décorées de scènes bibliques. On ne les considérait pas comme des témoignages du passé, une sorte de leçon d'histoire illustrée, mais comme un récit (haggada) qui, en remémorant un événement du salut, le rendait actuel pour celui qui le contemplait. Dans les fêtes liturgiques, les actes passés de Dieu sont rendus présents et les images, à la manière d'une «mémoire visible», contribuent à cette re‑présentation liturgique.
---------- L'iconographie chrétienne primitive, en particulier celle des catacombes, reprit le canon d'images établi par la synagogue, mais en le mettant en relation avec les événements de la vie du Christ et avec ses sacrements. L'arche de Noé et le passage de la mer Rouge renvoient désormais au baptême; le sacrifice d'Isaac et le repas des trois anges avec Abraham réfèrent au sacrifice du Christ et à l'eucharistie. Les trois enfants sauvés de la fournaise ainsi que Daniel tiré de la fosse aux lions nous laissent entrevoir la résurrection du Christ et notre propre résurrection. De façon encore plus nette que dans la synagogue, ces images ne représentent pas un événement passé mais intègrent celui‑ci à l'univers sacramentel et liturgique. Le Christ, dans ses sacrements, est présent à chaque moment de l'histoire, à travers tous les ages. Ainsi les événements dont la liturgie nous rend participants transcendent le temps: ils sont
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p97 IMAGE ET LITURGIE
l'instance du présent du Dieu au milieu de nous, dans les actions sacramentelles de l'Église. De par la concentration christologique de toute l'histoire, l'historique nous est accessible grâce à la liturgie, à travers une nouvelle expérience du temps. Plongés dans la présence du Ressuscité, passé, présent et avenir se fondent. Ce présent liturgique-nous en trouvons à nouveau confirmation ‑ est un présent eschatologique; tout est déjà accompli, mais en espérance. -----ces images ------- sont toutes des images eschatologiques, des images de la résurrection, à travers laquelle nous pouvons lire l'histoire, notre histoire. -------------