Darras tome 40 p. 172
L'article 4 défend d'assembler un concile, un synode sans la permission du gouvernement. Le commentateur des organiques, Dupin, renvoie, au sujet de cette disposition législative, à l'article 10 de Pithou, qui accorde aux rois le droit d'assembler des conci-
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les et de porter des règlements sur les affaires ecclésiastiques. Ce commentaire va beaucoup plus loin que le texte de la loi: la loi se réforme et a laissé l'Église libre de s'assembler sauf à prendre permis civil ; le commentaire accorde au prince le pouvoir même des pontifes. Cette extension viole si manifestement le principe même de la séparation des deux puissances, professé par les gallicans, qu'ici l'audace est au niveau de l'erreur. On ne saurait afficher plus ouvertement l'esclavage d'une église à laquelle le pouvoir civil prétendrait imposer des règlements. En matière de discipline ecclésiastique, l'autorité civile exercerait l'omnipotence envers et contre l'autorité papale, et aussi contre les conciles généraux. Le prince serait donc pape, sinon en matière de foi, du moins en matière de discipline ; ce serait une transition évidente du gallicanisme à l'anglicanisme.
Quant à la restriction, posée par l'article 4, à la tenue des conciles et des synodes, elle est contraire au principe de libre exercice posé par le Concordat. L'Église est libre, d'après le Concordat, et, d'après les organiques, les évêques ne peuvent s'entendre pour les intérêts communs; un évêque ne peut même pas s'entendre avec ses prêtres pour discuter les mille difficultés que soulève, chaque jour, le ministère pastoral. On voit que les églises de France succombent sous le poids des libertés et qu'il faudrait en ajouter très peu à toutes celles dont elles jouissent pour effacer jusqu'aux dernières traces de nos anciennes splendeurs, jusqu'aux derniers restes de l'ancienne discipline, et peut-être éteindre jusqu'aux dernières étincelles de la foi.
Voici comment un avocat au parlement, très compétent en cette matière, juge cette liberté de l'Église gallicane. « Il semble, dit l'abbé Fleury, que cette défense de s'assembler ne devrait pas s'étendre aux conciles provinciaux, dont la tenue dans le temps marqué par les canons (1) devrait être aussi indispensable que la célébration de la messe et des divins offices. Si cinq ou six évêques voulaient conjurer contre l'État, ils n'attendraient pas un concile
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(1) Concile de Nicée.
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provincial de trois ans en trois ans (1). » «Il est étrange, dit ailleurs ce savant ecclésiastique, que, sous un prétexte si frivole, on empêche de tenir des conciles provinciaux, que les derniers conciles ont ordonnés tous les trois ans (2) : ce qui a été confirmé par les ordonnances de nos rois (3). » Fleury pensait que ce droit de s'assembler en concile tient à la juridiction essentielle de l'Église (4).
Nous devons rappeler que les conciles généraux, celui de Nicée entre autres, qui ont prescrit la tenue des conciles provinciaux, sont reçus en France. Par conséquent, s'opposer à l'observation des canons de ces conciles œcuméniques, c'est violer les maximes de nos pères et renverser toutes nos libertés. En 1755 et en 1760, les évêques de toutes les provinces de l'Église de France demandaient à tenir les conciles provinciaux. Un refus, sans doute motivé sur les libertés de l'Église gallicane, fut la réponse à une demande si juste et si canonique. Et parce que, dans ce temps-là, la puissance civile était appelée la protectrice des canons, elle laissait tomber en oubli les canons des conciles généraux.
Ainsi on nous recommande, sur tous les tons, de respecter les maximes reçues en France et les libertés gallicanes ; et quand le clergé réclame l'observation de ces maximes, et veut que les libertés soient une vérité, on veut faire litière des maximes et des libertés de notre Église. Mais aurions-nous pris le change, quand nous avons cru que les libertés étaient faites pour que la religion fût libre ? Nous serions-nous mépris quand nous avons pensé que l'observation des saints canons de notre part, ne pouvait donner lieu à un appel comme d'abus? Nous ne pouvons le croire. Ces différents articles de la loi de germinal an X ne sont qu'une violation des véritables libertés de l'Église de France.
Les articles 6, 7 et 8 sont consacrés aux (appels comme d'abus ; ils procèdent des articles 79, 80 et 81 de_ Pithou ; et Dupin, qui les patronne, invoque, à l'appui de son sentiment, Richer et Fevret, deux auteurs condamnés par le clergé de France.
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(1) Discours sur les libertés gallicanes, p. 23. (2 et 3) Item, p. 58. Édit de Matines. (4) Discours sur les libertés, e'.c.
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Fleury, qui n'est point suspect, puisqu'il était gallican, dit : « Les appellations comme d'abus ont achevé de ruiner la juridiction ecclésiastiqne. Suivant les ordonnances, cet appel ne devrait avoir lieu qu'en matière très grave. » Après avoir montré qu'on appelle pour des affaires de néant et que les mauvais prêtres se servent de ce moyen pour fatiguer les évêques, il ajoute : « Les parlements reçoivent toujours ces appellations. Sous ce prétexte; ils examinent les affaires dans le fond et ôtent à la juridiction ecclésiastique ce qu'ils ne peuvent lui ôter directement. Il y a quelques parlements, dont on se plaint, qui font rarement justice aux évêques. D'ailleurs le remède n'est pas réciproque. Si des juges laïques entreprennent sur l'Église, il n'y a point d'autre recours qu'au conseil du roi, composé encore de juges laïques, nourris dans les mêmes maximes que les parlements (1). » Les beaux siècles de l'Église n'avaient pas connu ces appels. Les derniers siècles les avaient introduits sous prétexte de faire rentrer la juridiction ecclésiastique dans ses vraies limites et de constituer plus régulièrement la juridiction civile. Les droits exercés d'abord si inutilement par le clergé, et qui n'avaient dégénéré que pour des causes en partie étrangères à ce grand corps, ne furent pas accordés aux tribunaux ordinaires en vertu d'une mesure sagement ordonnée ; ils furent enlevés au hasard. Les parlements usurpèrent une partie du spirituel et ressaisirent une part du temporel. Pendant qu'ils se mêlaient de doctrines, de discipline, de bénéfices, de sacrements, ils laissaient au clergé certaines prérogatives politiques. Cette usurpation leur a été reprochée par les plus grands hommes du dix-septième siècle. Ce ne sont pas seulement des écrivains tels que Bossuet, Fénelon, Fleury, qui l'ont sévèrement censurée ; Leibnitz et Montesquieu n'ont pas hésité à la blâmer.
Dans ces organiques, le droit d'appel n'est pas déterminé d'une manière générique.
On dit, par exemple, qu'un des cas d'abus est l'usurpation ou excès du pouvoir. Mais, en matière de juridiction spirituelle,
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(1) De l'appel comme d'abus, conclusion
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l'Église est le seul juge ; il n'appartient qu'à elle de déclarer « en quoi l'on a excédé ou abusé des pouvoirs qu'elle seule peut conférer ; » la puissance temporelle ne peut connaître l'abus excessif d'une chose qu'elle n'accorde pas.
Le second cas d'abus est la contravention aux lois et règlements de la république ; mais si ces lois, si ces règlements sont en opposition avec la doctrine chrétienne, faudra-t-il que le prêtre les observe de préférence à la foi de Jésus-Christ?
On range encore, dans la classe des abus, l'infraction des règles consacrées en France par les saints canons. Mais ces règles ont dû émaner de l'Église ; c'est donc à elle seule de prononcer sur leur infraction, car elle seule en connaît les dispositions et l'esprit,
On dit enfin qu'il y a lieu à l'appel comme d'abus pour toute entreprise qui tend à compromettre l'honneur des citoyens, à troubler leur conscience ou qui dégénère, contre eux, en oppression, injure ou scandale public.
Mais si un divorcé, si un hérétique notoire se présente pour recevoir les sacrements, et qu'on les lui refuse, il prétendra qu'on lui fait injure, il criera au scandale, il portera sa plainte et on l'admettra d'après la loi ; et cependant le prêtre inculpé n'aura fait que son devoir, puisque les sacrements ne doivent jamais être conférés à des pécheurs publics.
En vain s'appuierait-on sur l'ancien usage. Cet usage ne remonte pas au delà de Philippe de Valois, mort en 1330, il n'a jamais été constant et uniforme ; il a varié suivant les temps. Les parlements avaient un intérêt personnel à l'accréditer ; ils augmentaient leur pouvoir et leurs attributions ; mais ce qui flatte n'est pas toujours juste. Aussi Louis XIV, par un édit de 1693, articles XXXIV, XXXVI, XXXVII, n'attribuait-il, aux magistrats séculiers, que l'examen des formes, en leur prescrivant de renvoyer le fond au supérieur ecclésiastique. Or, cette restriction n'existe plus dans le droit nouveau : il attribue indistinctement, au conseil d'État, le jugement du fond et de la forme.
D'ailleurs les magistrats qui prononçaient alors sur ces cas d'abus étaient nécessairement catholiques et souvent clercs ; tandis
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qu'aujourd'hui ils peuvent appartenir à des sectes hérétiques et sont, en tout cas, constitutionnellement sans religion ; et ils pourraient prononcer, nous ne disons pas religieusement, mais équitablement, sur des objets qui intéressent essentiellement l'Église. C'est un juif qui redressera un prêtre de Jésus-Christ; c'est un protestant qui enseignera un évêque ; c'est une assemblée laïque qui décidera, à la majorité des voix, tel ou tel fait dogmatique ; et c'est un ministre libre-penseur qui contresignera le jugement, pour la plus grande édification de l'univers. Voilà, j'espère, de beaux oracles pour la conscience catholique.
Ces recours aux parlements, dit Mgr Affre, qui étaient injustes et une source de désordres sous l'ancienne monarchie, sont devenus une institution étrange sous nos lois actuelles. Ils sont en opposition avec le principe de la liberté des cultes ; ils produisent des résultats absurdes et notamment celui de nous donner pour interprètes et gardiens des règles de l'Église catholique des hommes qui peuvent ne point appartenir et souvent n'appartiennent pas à l'Église. Un résultat encore plus absurde, c'est que de tels juges ont pour justiciables les vrais interprètes des règles de l'Église, les prêtres et les évêques. Et qu'on ne dise pas qu'il s'agit ici seulement d'une protection extérieure des canons : la force des choses a conduit à franchir ces limites, le conseil d'État comme le Parlement a jugé souvent au fond et opposé son interprétation à celle du clergé. D'ailleurs, le titre du protecteur des canons est évidemment un non-sens sous notre régime actuel. Le recours a d'ailleurs, comme autrefois, un caractère fort odieux: c'est un moyen dépourvu de franchise. Depuis le Concordat, tous les recours formés sous le prétexte de l'ordre public n'ont eu qu'un motif politique, celui de calmer la mauvaise humeur des ennemis du gouvernement. Les faits qui ont motivé le recours des particuliers n'auraient pas suffi pour motiver une peine afflictive, ou, s'ils suffisaient pour faire prononcer cette peine, les prêtres accusés ont été renvoyés devant les tribunaux ordinaires. Le conseil d'État a donc frappé les ecclésiastiques pour des faits au sujet desquels tout autre tribunal les aurait absous ; il les a frappés et n'a jamais frappé les ministres
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des autres cultes, sans que la condition plus favorable de ces derniers puisse être attribuée à une supériorité morale quelconque, ou à, un plus grand respect pour les lois de l'Etat, mais au seul vice de l'institution. L'appel comme d'abus frappe le clergé catholique, et il n'a jamais atteint ceux des fonctionnaires publics qui ont le plus abusé de leurs pouvoirs pour envahir les droits du prêtre et de l'évêque.
Des recours qui sont sujets à tant d'abus et qui n'existent dans aucun pays où règne une liberté sincère, ne sauraient devenir, pour nous, une fatale nécessité ; la seule disposition raisonnable à conserver serait d'accorder au clergé la garantie établie pour les fonctionnaires publics. A une jurisprudence qui est partagée, sur la question de savoir si ce privilège peut s'étendre aux ecclésiastiques, il faudrait substituer une disposition législative qui levât tous les doutes. Pourquoi à une époque, où notre situation, comme celle de toutes les autres classes, est radicalement changée, a-t-on supposé que nous sommes encore dans l'ordre civil et politique où le clergé se trouvait il y a trois cents ans ? L'État ne peut gagner autre chose que de froisser le clergé par des censures inutiles ; de diminuer le respect dont ce corps doit être entouré dans l'intérêt de son ministère, aussi bien que dans l'intérêt de la société; d'affaiblir la conscience et le respect qu'il doit lui-même porter aux lois de l'État, lorsqu'il se sent frappé par des dispositions qu'aucun motif sérieux, puisé dans l'ordre moral, religieux ou politique, ne saurait justifier (1).
L'article 9 veut que le culte soit exercé sous la direction des archevêques, des évêques et des curés. Mais le mot direction n'exprime pas ici exactement les droits des archevêques et des évêques ; ils possèdent, de droit divin, non seulement le droit de diriger, mais encore celui de définir, d'ordonner et de juger. Les pouvoirs des curés, dans les paroisses, ne sont pas les mêmes que ceux des évêques dans les diocèses ; on n'aurait donc pas dû les exprimer de la même manière dans les mêmes articles pour ne pas supposer une identité qui n'existe pas.
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(1) Mémoires du clergé, t. II.
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Pourquoi d'ailleurs ne pas faire ici mention des droits de Sa Sainteté, ainsi que des droits des archevêques et évêques ? A-t-on voulu lui ravir le droit général et essentiel de la principauté apostolique ? L'article 10, en abolissant toute exemption ou attribution de la juridiction épiscopale, prononce évidemment sur une matière purement spirituelle. C'est le Pape qui donne la juridiction à l'ordinaire ; c'est le Pape qui exempte de cette juridiction. S'il en exempte, il n'est au pouvoir de personne de suspendre ou de révoquer ses exemptions ; à moins que le pouvoir temporel ne confère des pouvoirs qui, en dernière analyse, n'appartiennent qu'à l'Église. Les exemptions d'ailleurs ne sont pas abusives comme on l'a imaginé : quand le Saint-Siège restreint les pouvoirs des ordinaires, c'est qu'il a pourvu, par une autre voie, à l'observance des saints canons. S. Grégoire, ce pontife si sage et si rigide, avait admis lui-même les exemptions, et les puissances temporelles ont eu souvent besoin d'y recourir.
L'article 11 supprime tous les établissements religieux, à l'exception des séminaires et des chapitres. Aussi les ordres religieux d'hommes et de femmes, les ordres hospitaliers, les congrégations enseignantes, les instituts voués à la vie contemplative ou à la vie active, tout cela doit disparaître, sans égard pour le principe qu'ils représentent, pour les services qu'ils ont rendus ou pour les besoins qui les réclament. En vain l'histoire célèbre leurs bienfaits ; en vain la nature, la pauvre nature humaine, si blessée dans ses profondeurs, si différente dans ses goûts, si puissante par ses aspirations voudrait pouvoir s'abriter sous leurs ailes ; ils doivent disparaître sous ce trait de plume qui biffe les conseils de l'Évangile. Mais a-t-on bien réfléchi à cette suppression et ne reconnaissons-nous pas ici le coup de pied de Saint-Cyran ? Tous ces établissements avaient leur raison d'être et leur utilité reconnue; le peuple les aimait, il y trouvait recours dans le besoin : la piété les avait fondés ; l'Église les avait solennellement approuvés, souvent sur la demande même des souverains. En tout cas, elle seule pouvait, de plein droit, en prononcer la suppression.
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L'article 14 ordonne aux archevêques de veiller au maintien de la foi et de la discipline dans les diocèses de leurs suffragants. Nul devoir n'est plus indispensable et plus sacré ; mais il est aussi, pour toute l'Église, le devoir du Saint-Siège. Pourquoi donc n'avoir pas fait au moins mention de cette surveillance générale? Est-ce une exclusion, est-ce un oubli?
L'article 15 autorise les archevêques à connaître des réclamations et des plaintes portées contre la décision et la conduite des évêques suffragants. Mais que feront les évêques si les métropolitains ne leur rendent justice ? A qui s'adresseront-ils pour l'obtenir et à quel tribunal devront-ils demander cassation du jugement des archevêques? C'est une difficulté d'une importance majeure et dont on ne parle pas. Pourquoi ne pas ajouter que le souverain pontife doit connaître de ces différends par voie d'appel, qu'il n'est même pas besoin de s'adresser aux archevêques, et que le Pape peut, en tout cas, prononcer définitivement, suivant ce qui est enseigné par les saints canons ?
L'article 17 paraît établir le gouvernement juge de la foi, des mœurs et de la capacité des évêques nommés ; c'est lui qui les fait examiner et qui prononce d'après les résultats de l'examen. Cependant le souverain pontife a seul le droit de faire, on par lui-même ou par ses délégués, cet examen, parce que lui seul doit instituer canoniquement, et que cette institution canonique suppose évidemment dans celui qui l'accorde, la connaissance acquise de la capacité de celui qui la reçoit. Le gouvernement a-t-il prétendu nommer tout à la fois et se constituer juge de l'idonéité? Ce serait contraire à tous les droits et usages reçus ; ou veut-il s'assurer, par cet examen, que son choix n'est pas tombé sur un sujet indigne de l'épiscopat ? C'est ce qu'il eût dû expliquer.
Nous savons que l'ordonnance de Blois prescrivait un pareil examen ; mais le gouvernement consent-il lui-même à y déroger ? D'un accord intervenu, il fut statué, par une convention secrète, que les nonces de Sa Sainteté feraient seuls ces informations. On doit donc suivre encore cette marche, parce que l'article 4 du Concordat veut que « l'institution canonique soit conférée aux évê-
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ques dans les formes établies avant le changement de gouvernement. »
L'article 22 ordonne aux évêques de visiter leurs diocèses dans l'espace de cinq années. La discipline ecclésiastique restreint davantage le temps de ces visites; l'Église l'avait ainsi ordonné pour de graves et solides raisons ; il semble, en tout cas, qu'il n'appartient qu'à elle de modifier cette discipline.
L'article 24 exige que les directeurs des séminaires souscrivent à la Déclaration de 1682 et enseignent la doctrine qni y est contenue. Pourquoi jeter de nouveau au milieu des Français ce germe de discorde? Ne sait-on pas que les auteurs de cette Déclaration l'ont eux-mêmes désavouée ? Sa Sainteté peut-elle admettre ce que ses prédécesseurs les plus immédiats ont eux-mêmes rejeté? Ne doit-elle pas s'en tenir à ce qu'ils ont prononcé ? Pourquoi souffrirait-elle que l'organisation d'une église, qu'elle relève au prix de tant de sacrifices, consacrât les principes qu'elle ne peut avouer ? Ne vaut-il pas mieux que les directeurs des séminaires s'engagent à enseigner une morale sainte plutôt qu'une déclaration qui fut et sera toujours une source de divisions entre la France et le Saint-Siège.
On veut, article 25, que les évêques envoient tous les ans l'état des ecclésiastiques étudiant dans leurs séminaires ; pourquoi leur imposer cette nouvelle gêne ? Elle a été inconnue et inusitée dans tous les siècles précédents.
L'article 26 veut qu'ils ne puissent ordonner que des hommes de vingt-cinq ans ; mais l'Église veut l'âge de vingt et un ans pour le sous-diaconat, et celui de vingt-quatre ans accomplis pour le sacerdoce. Qui pourrait abolir ces usages, sinon l'Église elle-même ? Prétend-on n'ordonner, même les sous-diacres, qu'à vingt-cinq ans ? Ce serait prononcer l'extinction de l'Église de France par le défaut de ministres ; car il est certain que plus on éloigne le moment de recevoir les ordres et moins ils sont conférés. Cependant tous les diocèses se plaignent de la disette de prêtres ; peut-on espérer qu'ils en obtiennent; quand on exige pour les ordinands un titre clérical de 300 francs de revenu ? Il est indubitable que cette
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clause fera déserter partout les ordinations et les séminaires. Il en sera de même de la clause qui oblige l'évêque à demander la permission du gouvernement pour ordonner ; cette clause est évidemment opposée à la liberté du culte garantie à la France catholique par l'article 1er du dernier Concordat. Sa Sainteté désire, et le bien de la religion exige, que le gouvernement adoucisse les rigueurs de ses dispositions sur ces trois objets.