Élisabeth et persécutions 2

Darras tome 35 p. 162

 

   85. Le bill qui exigeait le serment à la suprématie spirituelle de la reine, avait révolté les consciences catholiques et blessé les puritains. Pour adoucir ces derniers, Elisabeth expliqua qu'elle ne réclamait que l'autorité reconnue de tout temps aux rois d'Angle­terre. Soit pudeur, soit hypocrisie, elle disait défendre ce que per­sonne  ne lui contestait, et croyait par là dissimuler l'impiété de son usurpation.  Pour masquer son jeu, elle fit substituer, dans l'acte du Parlement, au mot tête, le mot gouverneur ou gouvernante de l'Église. Cette concession et ces explications avaient unique­ment pour but de faire croire aux presbytériens qu'ils gardaient un semblant d'indépendance ;  dans la réalité, tout était livré aux caprices de la reine et du Parlement. Le sentiment catholique ne se laissa pas surprendre. Dans les lois nouvelles, les croyants or­thodoxes voyaient deux choses, dont l'une est la conséquence de l'autre ; ou bien elles font du prince un Dieu, ou bien la religion n'est plus qu'une affaire politique. Comme pour motiver les répu­gnances des fidèles, les ministres présentèrent un nouveau bill édictant, contre les catholiques réfractaires, la peine de lèse-ma­jesté. C'était déjà le délire du despotisme. Plusieurs voix éloquentes, notamment Atkinson et lord Montague, protestèrent au Parlement avec une généreuse énergie ; ils démontrèrent que cette loi n'était

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 (1) Collier. Eccl. Hist., t. II, p. 472.

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ni nécessaire, ni juste, ni applicable; ils protestèrent que jamais les lois du royaume n'avaient puni la soumission au Pape, que la mort était une peine sans proportion avec l'offense prétendue, que cette loi scélérate conduirait à l'exil ou à l'échafaud une multitude d'honnêtes gens. Pour faire accepter la loi, le premier ministre dut promettre aux lords que la loi ne les atteindrait pas ; en revanche, il y soumit plusieurs classes de personnes non comprises dans le premier statut, notamment les avocats, les instituteurs et les mem­bres des communes. Jamais pareil despotisme n'avait pesé sur une nation chrétienne ; c'était l'apostasie, ou la mort. Aussi la reine parut-elle épouvantée de sa rigueur, et, soit pitié naturelle, soit crainte des révoltes, elle voulut que la loi ne fût appliquée qu'avec modération. Les catholiques n'en restaient pas moins sous le coup d'une loi qui, pour le moindre prétexte, pouvait les envoyer à la potence. Du reste, pendant qu'on promulguait ces lois de sang, l'anarchie du libre examen revenait à l'assaut de l'anglicanisme. Parmi ces partis qui s'entre-dévoraient, deux surtout étaient en hostilité ouverte : les anglicans et les puritains ; ceux qui, sans quitter leur patrie, avaient, par lâcheté ou cupidité, embrassé le schisme d'Elisabeth ; et ceux qui, réfugiés à l'étranger, sous le règne de Marie, en avaient rapporté les doctrines diaboliques de Calvin. Ces fanatiques doctrines, déjà inoculées sous Edouard VI, prenaient un rapide développement et menaçaient l'Église éta­blie par la loi. Dans l'espoir de conjurer ces menaces, un synode s'ouvrit à Saint-Paul de Londres en janvier 1363 ; on ne put s'enten­dre sur l'organisation du clergé inférieur et sur le code discipli­naire à adopter ; mais on accueillit sans réclamation les trente-neuf articles renouvelés d'Edouard VI. Symbole national imposé par le Parlement à tous les sujets anglais, affranchis de la tyrannie des croyances papistes, ces articles mettent le sceau à la réforma­tion d'Elisabeth. « Ce fut, en effet, dit Heylin, avec l'intention d'avoir une règle constante, d'après laquelle tout le monde put former son propre jugement », que l'on détermina cette profession de foi. En d'autres termes, c'était une Eglise nouvelle succédant à l'Église catholique ; c'était  un   symbole  particulier, arbitraire,

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contesté et bientôt corrigé, remplaçant le symbole universel, divin et immuable des quinze siècles de christianisme. L'État y prenait la suprématie sur les croyances de la foi et les devoirs de la cons­cience ; la nouvelle Église était établie par la loi civile. Fait acca­blant et d'ailleurs logique ! cette constitution monstrueuse et contre nature de la religion s'est reproduite invariablement dans tous les lieux où le protestantisme est parvenu à dominer. « Tandis que, d'une part, il proclamait une absurde liberté individuelle de penser et d'opiner en matière de religion, ouvrant ainsi une large voie à toutes sortes d'erreurs et d'égarements de l'esprit humain ; de l'autre, par une inconséquence palpable, il asservissait la conscience à la volonté despotique et au caprice de l'homme : il réduisait la religion à une pure dépendance de l'État, à une branche de l'administration publique ; il créait enfin ce qui s'appelle l'Eglise de l'État ou l'autocratie religieuse des princes et des gouverne­ments temporels (1)».

 

   86. Les trente-neuf articles, imposés par Elisabeth, n'étaient que la réduction des quarante-deux articles d'Edouard VI. Lingard a signalé les points principaux sur lesquels cette profession de foi diffère du symbole catholique. Les anglicans n'admettent pas tous les livres canoniques de la sainte Écriture; ils rejettent ceux qui condamnent leurs erreurs ; ils rejettent aussi la tradition, parce que les symboles, les livres liturgiques, les conciles et les Pères ne cadrent pas avec leur hérésie. C'est leur prétention de ne prouver leurs croyances que par des textes des Écritures, et ils confessent s'être quelquefois trompés, en dressant leurs thèses. Bien qu'ils admettent les synodes, ils ne peuvent se réunir en assemblées reli­gieuses sans l'ordre ou la permission du pouvoir temporel. Le roi est pape ; ils ne reconnaissent, au pontife de Rome, aucune auto­rité sur les choses spirituelles du royaume. Des sept sacrements catholiques, ils ne gardent que le baptême et l'eucharistie ; encore rejettent-ils la transsubstantiation, confessant que le corps de Jésus-Christ n'est pris que spirituellement et qu'il y a obligation absolue de communier sous les deux espèces. Quant à la messe, ils l'appel-

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(1) Perroné. Le protestantisme et la règle de foi, 1.1, p. 26.

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lent une invention du blasphème et ne reconnaissent d'autre sacrifice propitiatoire que celui de Jésus-Christ sur la croix. Enfin ils repoussent le purgatoire, les indulgences, les reliques, les images, et l'invocation des saints. Ce symbole semi-luthérien et semi-calviniste, n'eut guère d'autre adhésion que celle de l'Etat, il fut promulgué comme loi fondamentale du royaume ; mais les caprices théologiques des partisans du libre examen n'en continuè­rent pas moins à enfanter de nouvelles erreurs. César peut usurper, par la force, le titre de souverain pontife ; il ne peut, ni par la force, ni par la ruse, ni par la séduction, porter dignement le far­deau du pontificat. Les mystères de la religion, les lois morales ne relèvent que d'un magistère d'institution divine ; un magistère humain ne peut se soustraire aux faiblesses de l'esprit, à la malice des passions et aux défections de la conscience. Dès l'origine, l'an­glicanisme en eut la preuve par le fait des puritains. Même au milieu du synode réuni à Saint-Paul, les divisions éclatèrent. Nowell, doyen de cette église, présenta une réclamation couverte de la signature de trente-deux personnages, exilés en Allemagne sous le règne précédent. On peut les signaler comme les chefs du parti puritain. D'autres, en grand nombre, se joignirent à eux, savoir : Parkhurst, évêque de Norwich ; Pilkington, évêque de Durham ; Humphrey, président du collège de la Madeleine et une grande par­tie du clergé inférieur. Tous sollicitaient une réforme plus radicale et demandaient l'abolition de certaines pratiques, qui obscurcis­saient, selon eux, la pure lumière de l'Évangile. Par exemple, ils rejettaient le baptême donné par les femmes, le signe de la croix dans l'administration des sacrements, la génuflexion à la commu­nion, les fêtes en l'honneur des saints, les bonnets carrés, les sur­plis, les aubes et autres ornements du culte. C'était marcher à grands pas au renversement d'une Église, qui ne comptait encore que quatre ans d'existence. A un âge si tendre, elle eut besoin, cette pauvre Eglise, pour échapper à la mort, de se réfugier sous les jupes d'Elisabeth ; elle obtint aussi, à la chambre, le 13 fé­vrier 1563, une voix de majorité. Grâce à ce vote d'un industriel ou d'un cultivateur anglais, les trente-neuf articles, conservèrent leur

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caractère de vérité légale et restèrent la règle de foi fixe, invaria­ble et infaillible, de la nation (1).

   87.   Elisabeth   marchait à grands pas vers la persécution sanglante ; tout annonçait que bientôt il n'y aurait plus, contre la spo­liation et la mort, d'autre refuge que l'apostasie ou l'exil. Un grand courant d'émigration s'établit aussitôt vers le continent ; parmi ces exilés volontaires, il faut citer les communautés religieuses. L'An­gleterre avait été convertie et civilisée par l'ordre de Saint-Benoît ; déchue de la foi, elle tournait contre ces apôtres les fureurs de la persécution. Les premiers qui partirent furent les Chartreux de Richmond ; proscrits dans l'exil même, par les Gueux ; ils durent successivement chercher un refuge à Bruges, à Douai, à Louvain, enfin à Newport, où la catholique Espagne leur assura, avec un abri, une pension de douze cents florins. Les Brigittines de Sion, munies d'un sauf-conduit obtenu par l'ambassadeur d'Espagne, abordèrent en Zélande ; de là, persécutées par les Gueux, elles cherchèrent un refuge près d'Anvers, à Malines, à Rouen, puis s'em­barquèrent au Havre, sur un vaisseau flamand, qui les transporta à Lisbonne. Les successeurs de saint Augustin et de ses quarante compagnons étaient tous proscrits ; un seul, Sigebert Buckley, survécut pour voir renaître, forte et vigoureuse, cette branche qu'on croyait arrachée du tronc de l'Église. Dans ces jours mau­vais, le clergé séculier produisait aussi des hommes aux qualités éminentes, aux vertus héroïques. Parmi ces prêtres, celui que le ciel choisit comme un autre Néhémias, pour réparer les ruines du sanctuaire, fut Allen. Issu d'une famille honorable du comté de Lancastre, étudiant, puis docteur à l'Université d'Oxford, il avait reçu, avec le sacerdoce, ces grâces du choix que Dieu départ à ses grands serviteurs. Quand Elisabeth monta sur le trôné, il était président du collège de Sainte-Marie d'Oxford et l'un des procu­reurs de cette université. Dès les premiers jours, il devina les pro­jets du gouvernement et pressentit la mission que Dieu lui réser­vait ; il attaqua vigoureusement ceux qui, pour échapper aux amendes et aux vexations, se conformaient exactement au culte

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(1) Destojibes. La persécution religieuse en Angleterre, p. 104.

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établi par la loi. A Louvain,  où la Providence dirigea ses pas, Allen se distingua également par ses talents,  ses vertus et son esprit de prosélytisme. De Louvain, il se rendit à Rome en compa­gnie du docteur Vendeville et de Morgan Philips, ancien recteur du collège d'Oriel. Au cours des conversations entre les trois pè­lerins, Vendeville ouvrit l'idée de former une association pour le soulagement des esclaves des Etats barbaresques. Cette confidence fut, pour Allen, un trait de lumière; il conçut aussitôt le projet de fonder un collège destiné à l'éducation de prêtres qui conserve­raient, par l'apostolat ou le martyre, la foi catholique en Angle­terre. Un tel dessein rencontrait d'innombrables obstacles ; le zèle d'Allen sut les aplanir ou les vaincre : il se détermina pour Douai, alors sous la domination de Philippe II. En 1558, il adressait un appel à tous les étudiants des universités d'Oxford et de Cam­bridge, dispersés dans les Pays-Bas. Dès les premiers jours ; il vit accourir Richard Bristow, Edmond Risdon, Jean Marshal, Jean White ; bientôt ils sont suivis d'autres personnages dont les noms sont chers à la science :   Stapleton,  Smith,  Harding, Martyn, Weble,  Baily et une foule d'autres  docteurs.   Réunis  dans  une modeste habitation, tous ces jeunes hommes qu'animent la même foi et la même patriotisme mettent en commun le peu qu'ils possè­dent, afin de se procurer la nourriture et le vêtement. En peu de temps leur nombre augmente au delà de toutes les prévisions. La politique d'Elisabeth s'alarme ; elle veut détruire le collège  de Douai.  Semblable au général qui, battu aux premières lignes, se replie en bon ordre, revient au combat et gagne la victoire, Allen, pour se soustraire aux vexations de la diplomatie, reporte son collège à Reims, et là, près du baptistère de saint Rémi, berceau de la France,  forme des apôtres pour sauver l'orthodoxie de la Grande-Bretagne. Il existait, à Rome, de temps immémorial, un collège anglais, pour former des prêtres plus pénétrés des bonnes doctrines et inspirés de l'esprit romain ; depuis Henri VIII, ce col­lège était bien tombé : Allen le releva encore, pour doter sa malheu­reuse patrie des  plus vaillants apôtres. Cette restauration et cette translation ne s'effectuèrent pas sans épreuves ;  mais après des

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épreuves de courte durée, les deux collèges de Rome et de Reims poursuivirent en paix leurs saints travaux.

 

   88. Pendant que les exilés anglais préparent, à Reims et à Rome, des apôtres pour conserver la foi dans leur patrie, des docteurs pour la défendre, des martyrs pour la sceller de leur sang, des prisons mêmes de l'Angleterre s'élèvent des voix pour la contro­verse. L'abbé de Westminster, Feckenham, mis sous la garde de Horn, évêque anglican de Winchester, est poussé, par son geôlier, a prêter le serment. Dans un bref et décisif écrit, il démontre que prêter le serment de suprématie, c'est violer tous les droits et man­quer à tous ses devoirs. Horn s'était engagé à lui répondre ; il trouva plus facile de calomnier. Un autre évêque schismatique, Jewell, de Salisbury, en appelle, du haut de la chaire, à la tradi­tion, et provoque les catholiques à un duel de science, où ils ne peuvent, suivant lui, avancer sans péril et reculer sans déshon­neur. De tous côtés les catholiques lui répondent, et, de l'aveu de son biographe protestant, l'Hector des protestants anglais est battu, écrasé, couvert de honte (1). Une grande controverse s'engage bientôt sur la légitimité de l'épiscopat anglais; nous examinerons à part cette question. Une autre controverse surgit instantanément sur les falsifications de la Bible anglicane. Pour repousser l'ensei­gnement catholique et établir l'erreur, les docteurs de l'anglica­nisme avait fait subir aux textes sacrés les plus étranges adultéra­tions. Au mot pénitence ils avaient substitué repentir; le mot baptême était remplacé par le mot ablution ; le mot idole était tra­duit par image ; le mot grâce par le mot don ; le prêtre était appelé ministre ; les sacrements des mystères ; et l’Eglise une congrégation générale. Cette Bible adultère, publiée en 1560, reparut, avec des corrections successives, en 1562, 1577 et 1579; dans l'édition de 1599, cette Bible, toujours correcte et toujours corrigée, subit de nouvelles améliorations ; viendra plus tard le roi théologastre, Jacques I, qui ordonnera, en 1610, une nouvelle traduction sans erreur et sans tache ; et quand les protestants chasseront Jacques II, Ward publiera encore les errata de la Bible anglicane. Mais on ne

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(1) Jeuxl's Life. London, 1575, p. 212.

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remplace un mauvais livre que par un bon, et on ne réfute jamais mieux qu'en remplaçant une œuvre manquée par un chef-d'œuvre. Un des plus brillants élèves d'Allen, Georges Martyn, ordonné prêtre en 1376, se dévoue à cette entreprise. Helléniste et hébraïsant. théologien et poète, il se met en présence de cette Bible falsifiée, il la compare aux Bibles également falsifiées de Tyndal sous Henri VIII et de Goverdale sous Edouard VI ; puis publie cette Bible anglaise catholique, si connue sous le nom de Bible de Douai, et dévoile en même temps toutes les fraudes ou les faiblesses de l'anglicanisme dans son Exposition des corruptions manifestes des divines Ecritures. La bataille théologique recommence avec une nouvelle ardeur. Thomas Cartwright, au nom des idées puritaines; Fulk, Buckley et Withaker, au nom des idées anglicanes, s'achar­nent contre cette Bible faite à Reims et contre les dix raisons, soi-disant frivoles, apportées par les papistes de Reims dans la préface de leur Nouveau Testament. Des erreurs de traduction il faut venir aux erreurs de doctrine. Bristow publie ses Motifs en cinquante et une demandes adressées aux protestants par les catholiques ; puis il reprend la défense des Articles d'Allen et de son livre sur le Purgatoire. Robert Pointz présente ses Témoignages du dogme de la présence réelle, tous puisés dans les écrits des Pères de nos premiers siècles. Sanders monte sur la brèche, et par ses traités du culte des images, de la présence réelle, de la primauté de saint Pierre, du gouvernement de l'Église, attire sur lui toutes les colères de l'anglicanisme. Le docte Stapleton traite des mêmes sujets, en aborde une foule d'autres et provoque les mêmes colères de Fulk, Clerck, Nowell, Jewell, Acwarth. Amis et ennemis rendent hom­mage à son savoir et à sa bravoure. Duperron témoigne de ses sympathies pour ses ouvrages ; Bellarmin ne dédaigne pas d'y puiser ; Clément VIII les fait lire à sa table ; et l'un de ses adver­saires, Withaker, confesse que Stapleton a traité, de main de maître, les principales questions religieuses soulevées des deux côtés du détroit. Au milieu de l'ébranlement général des convic­tions et des consciences, ces écrits consolèrent les fidèles, encoura­gèrent les faibles, ramenèrent les hommes de bonne foi et jetèrent

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plus d'une fois l'alarme au camp des Philistins de l'anglicanisme.

 

   89. Pour soutenir ses controversistes aux abois, le gouverne­ment schismatique d'Elisabeth tenait les esprits en éveil par des idées de complots. Ces mensonges inspiraient au pouvoir les mesures à prendre soi-disant pour sa défense ; ils offraient de faciles prétextes pour frapper les adversaires ; ils entretenaient, dans le parti vainqueur, l'irritation contre les vaincus. Les cupi­dités individuelles trouvaient elles-mêmes un aliment dans la spoliation, et les ambitions déjà satisfaites s'affermissaient dans les titres que leur avait assurés l'intrigue. Par leurs clauses insi­dieuses, les lois persécutrices d'Elisabeth pouvaient, comme la loi des suspects, s'appliquer à tous les catholiques. L'application s'en faisait au gré des ministres, de manière à manquer à toutes les obligations morales d'un gouvernement chrétien et à provoquer les vengeances. Les ducs de Norfolck et de Northumberland, ainsi que le comte de Westmoreland, crurent venu le moment où Dieu entendrait les gémissements des saints. Par l'intermédiaire d'un marchand florentin, ils s'abouchèrent avec les princes du continent et s'ouvrirent à Pie V. Les princes promirent leur concours ; le Pape estima que le droit de représailles appartenait à cette noblesse catholique dont les antiques droits et les privilèges séculaires n'avaient pas été plus respectés par Elisabeth que la liberté de la conscience catholique. Le 16 novembre 1569, à l'appel du duc de Northumberland et du comte de Westmoreland, les comtés du Nord réunirent leurs hommes d'armes et s'insurgèrent contre l'exécrable tyrannie des schismatiques persécuteurs. Cette prise d'armes n'eut pas de succès ; "Westmoreland se réfugia en Bel­gique ; Northumberland périt sur l'échafaud, attestant, jusqu'à sa dernière heure, que les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre l'Eglise. Sailer, le propagateur avoué de tous les désordres de l'Ecosse; Cécil, l'âme damnée d'Elisabeth; Sussex, qui réprima cette héroïque insurrection, confessèrent que les catholiques anglais s'étaient tenus éloignés de cette prise d'armes et avaient même contribué à son échec. Le régime féodal explique le droit et la facilité qu'eurent deux puissantes familles, leurs amis, alliés et

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vassaux, de se défendre contre Elisabeth, suzeraine non seulement injuste, mais bassement scélérate. Il est manifeste par les faits que l'insurrection fut isolée, personnelle, locale, opposée même aux intentions de la masse catholique. Deux annalistes protestants, Cambden et Échard, déclarent que « les rebelles ayant écrit des lettres aux papistes dans tout le royaume, en leur demandant de venir à leur secours, ceux-ci furent si éloignés de se joindre aux insurgés que plusieurs livrèrent à la reine les lettres et ceux qui les portaient. » La fille sanguinaire d'Anne Bouleyn noya la révolte dans le sang et osa y trouver un prétexte pour redoubler, contre les catholiques, ses rigueurs infernales. Ce que les Anglais et les Saxons barbares n'eussent point fait, cette femme le fit. Les apos­tats sont toujours les pires ennemis.

 

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon