Darras tome 35 p. 230
Au moment où on lui présentait ces titres, le P. Faircloth, jésuite, un de ces quatre prêtres à qui on les montra, répondit que son père, qui était protestant et qui avait sa boutique dans la place de Cheapside, lui avait plus d'une fois raconté, comme témoin oculaire, comment Parker et ses collègues y avaient été faits évêques ; et qu'ainsi il ne pouvait regarder comme véritables des actes qui disaient le contraire.
Ces prêtres, reconduits dans leurs prisons respectives, firent leurs réflexions sur les actes qu'on leur avait montrés, et, doutant de leur authenticité, Alexandre Faircloth et Thomas Lathwail écrivirent à l'archevêque et le prièrent de leur faire voir encore une fois ce registre ; qu'ils n'avaient pas eu le loisir de l'examiner avec l'attention et le soin que méritait un acte de cette importance; qu'ils ne lui demandaient cette grâce que pour se convaincre pleinement de la vérité du registre et pour en convaincre les autres. — On le leur refusa tout net, en prétextant que ce registre ne pouvait pas se déplacer. — Le refus qu'on fit à ces prêtres paraît bien extraordinaire. Il était de l'intérêt des évêques protestants, dont on continue à attaquer l'ordination, de donner toute liberté d'examen. Ils devaient même y inviter tous les catholiques du royaume et justifier par là leur bonne foi. Ce refus confirme toutes les présomptions contre l'authenticité du document.
Kellison, que Godwin met au nombre de ceux qui furent convaincus, s'inscrivit, au contraire, en faux, contre le registre,
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dans son livre De l'examen de la nouvelle réforme, publié à Douai en 1616. « Pour vos registres, dit-il à Mason (p. 31), je ne sais de quels décombres vous les avez tirés. Ils nous sont suspects pour plusieurs raisons. Harding, Stapleton et les autres docteurs catholiques qui ont écrit au commencement du règne d'Elisabeth, ayant reproché aux protestants, que leurs ministres et leurs évêques, quoique mitrés, n'étaient ni légitimement appelés, ni véritablement ordonnés, il est surprenant qu'on ne leur ait jamais objecté ces registres qui leur auraient fermé la bouche. Le soupçon de faux arguments, quand on fait réflexion qu'on a attendu si tard à les faire paraître, quoique les théologiens eussent souvent demandé qu'on leur produisit les actes des ordinations de ces premiers évêques d'Elisabeth, a-t-il donc été réservé à Mason de les tirer de la poussière où ils étaient ensevelis ».
115. Bien loin que Thomas Fitz-Herbert ait rendu témoignage à ces actes, il les a, au contraire, rejetés avec mépris. « Je suis bien aise d'apprendre, dit-il, que Mason ait depuis peu publié un livre, où il tâche de montrer la validité des ordinations des premiers évêques protestants par un registre qui certifie que quatre évêques ont sacré Mathieu Parker, leur premier archevêque de Cantorbéry. Tu sauras, mon cher docteur, que ce n'est pas d'aujourd'hui que nous refusons de reconnaître le clergé d'Angleterre. Depuis le commencement du règne de la feue reine, nous les pressons de nous prouver que leurs premiers évêques protestants aient eu la vocation légitime et la consécration. Les deux savants docteurs Stapleton et Harding leur ont reproché vivement le défaut de leur vocation et de leur sacre. Ils les ont défiés de montrer comment et par qui ils ont été faits évêques. Comment pensez-vous qu'ils aient répondu à ce défi? Ont-ils jusqu'à présent nommé les évêques qui les ont sacrés ? Jewell et Horn ont-ils cité et produit les registres du sieur Mason ou donné quelque preuve authentique de leur ordination? Non du tout. Cela étant, je m'en rapporte au jugement des personnes les plus indifférentes : Quel crédit, quelle autorité méritent ces registres que Mason vient de trouver et qu'il ne produit qu'après plus de cinquante ans, pour attester un sacre dont jusqu'à
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présent on n'a jamais nommé un seul témoin, et que ceux qui avaient plus d'intérêt à la vérifier cinq ou six ans après que la chose était passée, n'ont jamais certifié par aucun registre. » Il faut convenir qu'abstraction faite du témoignage de Fitz-Herbert, son raisonnement est irréfutable. Voilà des farceurs mitrés, des évêques de carnaval, à qui l'on reproche l'absence d'ordination ; ils ont été publiquement ordonnés, la publicité de leur ordination est constatée par des actes authentiques, et ils ne se couvrent pas de cette publicité, et ils n'invoquent point ces actes ! Le silence en pareil cas est la preuve manifeste qu'ils ne possédaient ni titre authentique, ni ordination régulière. « Qu'une objection semblable, dit l'abbé Destombes, se produise maintenant contre un acte public de notre époque, quel qu'il soit, il est manifeste qu'elle ne durerait pas un jour : encore moins donnerait-elle lieu, cinquante-quatre ans plus tard, à l'examen solennel de ce même acte public et par conséquent bien connu (1) », ou, s'il n'était pas connu, on ne défendrait pas sérieusement l'examen des pièces du procès.
Maintenant, si les catholiques anglais ne se sont point rendus à la nécessité des actes ; si ces actes leur ont été suspects dès qu'ils ont paru ; s'ils se sont inscrits en faux contre ce qu'on a publié de leur temps, est-il déraisonnable que leur conduite nous fasse concevoir, contre ces actes, un soupçon légitime ? Ces docteurs étaient sans doute plus au fait que nous ne le sommes sur l'ordination de ces évêques ; leurs études, leurs travaux étaient une controverse continuelle avec les hérétiques et le point capital de la controverse était, depuis cinquante ans, de leur disputer le sacre et l'ordination. Il n'était pas question de validation, d'invalidité, comme l'a prétendu Bramhall : cette question était résolue sous le règne de Marie et n'avait même pas de sens avec l'ordinal presbytérien d'Edouard ; il n'était question que du fait lui-même. Les docteurs catholiques étaient convaincus de son absence et quand, après cinquante ans, on leur produisit des actes, ils les suspectèrent de fraude et de mauvaise foi.
Ainsi, les actes de Lambeth sont contraires à une notoriété
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(1) Revue des sciences ecclésiastiques, t. XX, p. 335.
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acquise et il y a contre eux prescription ; de plus, soumis à l'examen des confesseurs de la foi, puis refusés à leur contrôle, ils ne furent pas moins rejetés par les docteurs catholiques. Outre ces raisons, voici la série des vices qu'on y relève :
1° On nie l'authenticité de l'acte relatif au sacre de Parker, parce qu'il est rédigé dans une formule différente des actes qui précèdent et des actes qui suivent. On lit en effet : « Anno 1559, Mathœi Parkeri Cant. Consec. 17 dec. per Guillelmum Barloum, Joan-nem Scoremn, Milonem Corverdallum, Joannem Hodgkinsonum. » Les quatre évêques désignés comme assistants au sacre ne sont pas désignés comme titulaires de siège et on trouve, dans Rymer, un acte authentique où Parker est dit archevêque de Cantorbéry deux mois avant la date de ce document.
2e. Il y a, dans les écrits de ceux qui citent le registre, une grande variété touchant le nombre des évêques présents et le nom de l'un d'entre eux. Sutcliff joint, aux trois premiers personnages, deux suffragants. L'auteur de la vie des archevêques de Cantorhéry ne nomme qu'un suffragant, mais au lieu de Jean, de Douvres, c'est Richard de Bedford, que Mason baptise du nom de Jean. Dans Rymer, il y a sept prélats consécrateurs. De telle sorte que nous voyons, du même fait, cinq récits différents, dont les auteurs disent tous avoir bien examiné le registre.
3°. Les circonstances qui se rattachent au registre sont de nature à provoquer les soupçons. Au lieu de dresser l'acte dans la forme régulière, on y ajoute des détails sur la couleur des tapis, qui n'est pas liturgique, sur le discours d'occasion et sur la nature de l'étoffe de la soutane d'un évêque présent. Tout cela parait si déplacé et renfermer tant d'improbabilité qu'on songe tout de suite à l'adage : Nimia cautio prodit dolum.
4°. D'après Mason, dont l'opinion doit être conforme au registre, Parker fut élu par le doyen et le chapitre de Cantorbéry vers le mois de décembre ; tandis que d'après Stowe, Hollingshed et tous ceux qui tiennent maintenant pour le sacre, Parker avait été élu le 9 septembre et est dit évêque en titre le 20 octobre.
5°. D'après la chronique de Hollingshed, Parker était en posses-
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sion le 18 novembre, acte de prise qui n'avait jamais lieu avant le sacre. Donc, quelque consécration qu'avait reçue Parkuer, il l'avait reçue avant le 18.
6°. Il ne parait pas que jamais les archevêques de Cantorbéry, avant Parker, aient été sacrés à Lambeth. La raison en est que cette chapelle relevant du chapitre, les prélats élus ne demandaient pas la permission de s'y faire sacrer, parce qu'il leur était trop facile d'être sacrés ailleurs.
7°. D'après Mason qui cite le registre comme son autorité, Parker fut élu en vertu d'une ordonnance de congé d'élire. Or ce congé fut supprimé par Henri VIII, rétabli par Marie, supprimé de nouveau la première année d'Elisabeth et remplacé par des lettres missives qui enjoignent d'élire la personne nommée par la reine.
Ainsi le sacre de Parker à Lambeth, nié à l'époque où il fut annoncé pour la première fois publiquement, a été depuis mis constamment en question par les docteurs catholiques, à l'exception de quatre. Deux ont été excommuniés pour leurs erreurs ; le troisième, Le Gourayer, catholique infidèle, anglican d'apparence, était plutôt socinien ; le quatrième est le docteur Lingard, plus fort en histoire qu'en théologie. Un correspondant du Magasin catholique de Birmingham, ayant demandé au docteur quelles étaient ses preuves, le savant professeur les donna dans le courant de 1834. En 1841, le docteur Patrice Kenrick, théologien illustre et depuis archevêque, y répondit par son livre intitulé: Examen de la validité des ordinations anglicanes. A notre avis, le docteur Kenrick n'a rien laissé debout de l'échafaudage du docteur Lingard ; pour rendre plus sensible la force de ses preuves, il dispose, sur sa page coupée en deux, d'un côté, les allégations de l'historien anglais, de l'autre, la réfutation du docteur américain. Ce mode de démonstration est tellement décisif, qu'il ressemble plus à une exécution qu'à une controverse.
Nous n'en avons pas fini cependant. Les Anglais ne s'étaient pas dissimulé l'infirmité étrange de cette production tardive des actes de Lambeth et le peu de valeur des thèses de Mason. Ils imaginèrent un autre stratagème.
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Au commencement du régne de Jacques 1er, le sacre de la Tête de Bidet fut rappelé par les presbytériens, et se prétendant tout aussi évêques, que Parker, ils réclamaient des sièges au Parlement. Cette clameur obligea les protestants à discréditer, s'ils le pouvaient, ce récit. A l'objection pourquoi et comment aucun livre n'avait été publié, conformément aux actes de Lambeth, avant l'écrit de Mason, ils répondirent en produisant un ouvrage, jusque-là inconnu de Parker sur les Antiquités de l'Eglise de Bretagne, et d'autres documents faux. « Si quelqu'un, dit à ce propos le docteur Kenrick, était disposé à me blâmer, parce que j'accuse d'imposture quelques-uns des défenseurs des ordres anglicans, et particulièrement Mason, qu'il se souvienne que cette parole n'est pas la mienne ; que j'ai, pour me justifier de l'emploi et de l'application de ce mot, une autorité respectable et nullement suspecte, celle de Whitaker, théologien et historien anglican. «L'imposture, dit-il,—je rougis pour l'honneur du protestantisme en écrivant ceci, — semble avoir été particulière aux réformés. Je cherche en vain un de ces ouvrages maudits du mensonge parmi les partisans du papisme.»
Dans quelques-uns de ces écrits, inventés par l'imposture, on signale un sacre qui aurait eu lieu à Lambelh le 17 décembre 1339, ou bien on y renvoie : de là on concluait que la succession des évêques n'avait pas été interrompue. Nul ouvrage en circulation n'ayant mentionné ce sacre, il était nécessaire de produire un livre d'une date ancienne. Il était également nécessaire, afin de remplir le but, que cet ouvrage fût tiré à petit nombre. Ce qu'il y avait de mieux, pour expliquer l'obscurité du livre, c'était de l'attribuer à Parker lui-même, qui, par modestie, n'en aurait fait imprimer que peu d'exemplaires. Un livre de sa main, paraissant imprimé de son vivant, portant témoignage de son sacre, serait d'un grand poids dans l'affaire. Qui pourrait être mieux instruit de son sacre que Parker ? Quel témoin pourrait contredire sa déposition? On arrêta donc que la vie de tous les archevêques de Cantorbéry serait écrite ; que celle de Parker clorait l'ouvrage et qu'elle se terminerait, pour achever la vraisemblance, la seconde année qui précéda
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sa mort. L'ouvrage fut imprimé à Londres avec la date fictive de 1572, afin qu'il parût imprimé sous les yeux de l'archevêque et fût tiré à environ trente exemplaires, dont on n'a retrouvé que vingt et un.
Une seconde édition fut soi-disant publiée en Allemagne, à Hanau, en 1605, faite, dit-on, d'après l'édition de Londres. Dans l'édition de Londres, il y a des exemplaires où la vie de Parker ne se trouve pas ; dans celle de Hanau, elle ne brille que par son absence ; mais dans les deux, on relate avec le plus grand soin, dans les tables, le jour du sacre de Parker et ses actes mentionnés au registre de Lambeth. Mais, avant l'apparition de la seconde édition, la première n'était connue de personne ; la seconde même ne fut connue qu'environ dix ans après son apparition. Nous pensons que l'ouvrage a été antidaté et n'est point de l'année dont il porte le millésime. Quoi que l'on veuille penser de sa date véritable, il est sûr que ce livre n'était pas connu de Holliwood, qui en 1603, publia un récit de sacre de la Tête de bidet ; et qu'il ne fut pas imprimé, ou du moins publié jusque vers l'époque où Mason en appela au fameux registre de Lambeth. S'il avait été imprimé à Londres en 1572 et en Allemagne en 1605, est-ce que les écrivains catholiques n'auraient pas, d'une manière quelconque, fait mention du sacre de Lambeth ? Le sacre de la Tête de cheval n'avait-il donc été publié qu'en 1603 ? L'apparition du livre de Mason aurait-il causé une telle émotion en 1613 ? Aurait-elle provoqué de si nombreuses répliques, si l'on s'en était rapporté publiquement au registre quarante ans auparavant à Londres et huit ans auparavant en Allemagne ? Le Courayer avait un tel sentiment de toutes ces apparences de fraude, que, pour y remédier, il invoqua un exemplaire apostillé par le fils de Parker. Est-ce sérieusement qu'on prétendrait faire admettre un semblable témoignage dans une affaire de cet importance ? Enfin, même en rejetant, à l'honneur de ces bouquins, les soupçons qui les poursuivent et les invraisemblances qui les accablent, les deux exemplaires examinés par le P. Lequien ne prouvent nullement ce qu'on veut établir. On veut établir le fait du sacre et on ne donne
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que les cérémonies d'une intronisation. Le faussaire, écrivant à une époque éloignée des événements et ne connaissant apparemment pas beaucoup les traditions, n'a pas même su discerner ce qu'il voulait soutenir. L'iniquité a menti contre son propre témoignage.
116. Le sacre de Parker à Lambeth fût-il établi, on ne pourrait en conclure qu'il a été valide. Sans parler de la forme qui sera démontrée insuffisante, de fortes raisons font douter que le consécrateur Barlow ait été sacré lui-même. Il est certain que Barlow, sous Henri VIII, fut désigné pour Saint-Asaph. On croit généralement qu'il fut plus tard fait évêque de Saint-David, quoique cette opinion ne soit pas absolument établie. Il est d'ailleurs incontestable qu'Elisabeth le nomma au siège de Chichester et que Parker confirma cette élection peu de jours après que Barlow lui-même eût, dit-on, sacré Parker.
Les registres de son sacre n'ont jamais pu être retrouvés. Les seules preuves de sa consécration sont des déductions tirées d'un fait supposé, savoir, que pendant plusieurs années il fut considéré comme évêque et siégea en cette qualité au Parlement.
Mais Barlow était l'anneau d'attache entre l'ancienne et la nouvelle église, si sa consécration n'est pas absolument certaine, la validité des ordinations anglicanes ne l'est pas non plus, au moins en ce qui le concerne.
Barlow fut élu évêque de Saint-Asaph dans le premier semestre de 1535. D'après Godwin, il fut sacré le 22 février ; mais cette opinion ne s'accorde pas avec celle de Warthon et de l'auteur des Fastes de l'Eglise d'Angleterre, qui placent, à cette date, la confirmation de son élection. Strype dit que cette confirmation eut lieu le 15 septembre (1). Ces contradictions prouvent qu'on n'a rien de certain sur l'époque du sacre de Barlow, et elles-mêmes sont contredites par un acte royal authentique du 29 mai 1530, par lequel le chapitre de Saint-Asaph reçoit la permission de procéder à l'élection d'un nouvel évêque pour ce siège devenu vacant — per liberam transmutationem Will Barlow ultimi episcopi ibidem electi. D'où
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(1) Sttrpkn. Mémoriaux de l'archev. Crammer,\\\. 1, c. IV, p. '61.
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il résulte que jamais Barlow n'a été sacré pour saint Asaph ; car, non seulement il est appelé « élu, » mais sa retraite est désignée sous le nom « (d’échange » (transmutatio), tandis que s'il avait été sacré pour saint Asaph, on l'aurait appelée une « translation » (translatio). Le Courayer l'avait si bien remarqué qu'il rend le mot (transmutalionem) par translation, fraude qui montre bien l'importance qu'il attachait au writ royal.
Gomme preuve du sacre de Barlow on produit le mandat du roi à Cranmer, en date du 22 février 1536, par lequel ce prince lui donne le pouvoir d'accomplir la cérémonie ; et parce que, après la loi, l'évêque, à qui un ordre semblable s'adressait, était tenu de l'exécuter dans les vingt jours suivants, on en conclut que Barlow doit avoir été sacré dans cet espace de temps. Mais ce mandat, tel qu'il se trouve dans Rymer, ne porte point le signe d'authenticité per breve de privato sigillo, ou per ipsum regem (1) . Si on en croit Strype, Barlow fut confirmé — cérémonie qui suit nécessairement l'ordre royal pour le sacre — le 15 septembre 1535, juste cinq mois avant la date de l'ordre supposé donné pour son sacre. Dans le fait, cet auteur n'a qu'une simple conjecture pour appuyer son assertion du sacre de Barlow pour Saint-Asaph. Voici ces paroles : « Barlow fut confirmé évêque de saint Asaph le 23 février 1535. Il était alors absent de la cité et occupé des affaires du roi hors du royaume. Pour cela sa confirmation fut faite par procuration, et lui-même probablement (verisimiliter) fut sacré dans la contrée, en vertu d'une commission de l'archevêque. —Donc, quoique nous sachions avec certitude qu'il a été confirmé et aussi sacré, comme il est raisonnable de le supposer (ut par est credere), cependant il ne paraît rien de plus concernant le siège de Saint-Asaph. » Ajoutez à cela qu'il n'existait nulle trace d'un acte épiscopal quelconque qui eût élé accompli par Barlow dans ce diocèse (2).
Barlow résigna le siège de Saint-Asaph auquel il avait été élu. Godwin signale ce diocèse comme l'un des plus pauvres de l'Angleterre et cette pauvreté fut le motif de sa résignation. Un manuscrit
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(1) Rymer. XIV. 550.
(2) Le Courayer. p. 376-377.
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intitulé : le Miroir du protestantisme, laissé par un petit-neveu de Barlow depuis converti au catholicisme, est cité par Le Courayer ; on y lit que jamais Barlow « ne fut évêque de Saint-Asaph. » Jean Bale le place à Saint-David avant sa translation à Bath. Lord Herbert, en notifiant la mission de Barlow en Ecosse, où Henri VIII l'avait envoyé pour déterminer Jacques V à rompre avec Rome, l'appelle d'une manière expresse évêque élu de Saint-Asaph. Tous ces témoignages montrent qu'il est très incertain si jamais Barlow a été sacré évêque de Saint-Asaph, et cette incertitude est confirmée par la date assignée pour son passage au siège de Saint-David. Richard Rawlins, le précédent évêque de Saint-David, mourut le 18 février 1535, et le 10 avril suivant, — six semaines après l'acte de confirmation de Barlow pour Saint-Asaph, —celui-ci fut, dit-on, élu au siège de Saint-David, n'ayant pas encore été sacré pour celui de Saint-Asaph (1).
Que Barlow ait été fait évêque de Saint-David par Henri VIII, on le croit généralement : il y a cependant de fortes raisons de mettre ce fait en question. Plusieurs pensent que l'ambassade en Ecosse n'ayant eu aucun succès, Barlow fut trompé dans son attente d'une promotion. Il est certain que, par un acte royal du 3 février 1548, portant sa marque d'authenticité per breve de privato sigillo, le siège de Bath et Wells fut donné à Guillaume, évêque de Saint-David (2) ; mais comme le nom de Barlow n'y est pas mentionné, ce document ne peut être considéré comme une preuve positive que la personne désignée soit Guillaume Barlow. Dans l'acte de nomination de Ferrar au siège de Saint-David, il est dit que ce siège est vacant « par la translation de Guillaume, mais on n'y ajoute pas Barlow. » Les arguments tirés de ces deux actes authentiques ne sont donc pas absolument concluants.
Mais ce qui suit paraît être une preuve très positive que Barlow n'était pas évêque de Saint-David dans les années qui s'écoulèrent de 1536 à 1540. Dans les ordonnances (writs) publiées pour la convocation du Parlement durant ce laps de temps, l'évêque de Saint-
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(1)Le Courayer. Appendice, p. 877.
(2)R\MEIi. XV, p. ICI).
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p240 PONTIFICAT I)E SAINT PIE Y (1566-1572).
David est désigné par l'initiale de son nom «T.» : donc William ou Guillaume Barlow n'était pas alors évêque de ce diocèse. Afin d'écarter cette difficulté, qui renversait l'hypothèse qu'on avait tant de peine à établir, et afin de trouver en même temps une preuve qui lui permit de repousser l'objection, Le Courayer supprime le « T. » en deux endroits, et cite ces deux writs comme témoignages que Barlow était évêque de Saint-David. Quand cette honteuse tentative de falsification d'un document public fut découverte, Le Courayer pour s'excuser chercha à prouver par toutes sortes de raisons que le « T » des commissions avait été mis par erreur au lieu d'un « W » (William). — Quelle vraisemblance y a-t-il que la même méprise, si méprise il y a, ait été faite dans deux documents écrits à un intervalle de cinq ans ? — Une cause qui a ainsi recours pour sa défense à l'artifice et à la fraude, doit être nécessairement mauvaise.
Barlow, dit-on encore, a passé pour évêque sous Henri VIII et sous Edouard VI : ne s'ensuit-il pas qu'il l'était réellement? Lati-mer et Ridley, qui ont aussi passé pour évêques, ne l'ont jamais été. Les paroles du Dr Brooke, évêque de Glocester, au moment de dégrader Ridley avant qu'il fût livré au pouvoir séculier, montrent que celui-ci n'était qu'un simple prêtre. « Nous devons, contre notre volonté, procéder à votre dégradation, conformément à notre commission, et vous priver de la dignité du sacerdoce; car nous ne vous considérons point comme évêque. » Si Ridley avait alors été sacré selon le pontifical romain, aurait-on tenu un pareil langage? Non, assurément. Cette observation montre d'une manière manifeste que, même dans la supposition que Barlow avait été nommé au siège de Saint-David par Henri VIII et dans la suite transféré à Bath et Wells, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il a été sacré. Et cela répond suffisamment à mon dessin, qui est de montrer qu'il n'y a point de preuve suffisante pour croire que Barlow ait jamais reçu la consécration épiscopale.