5. Après la lecture du libelle, les schismatiques sommèrent les catholiques d'y répondre. Rien ne pouvait leur être plus agréable; et, malgré les continuelles persécutions de ses adversaires, Augustin en accepta la charge. Il pressa d'abord les hérétiques sur ce passage où saint Jean déclare qu'il faut laisser la paille dans l'aire du Seigneur, jusqu'au jour où le van la séparera du bon grain. Émérite soutenait que l'Évangéliste n'avait point prononcé le mot aire. Mais le saint évêque lui répondit victorieusement à l’aide du texte contesté, et les donatistes eux-mêmes avertirent secrètement Emérite de son erreur. Celui-ci changea sa proposition, mais y laissa encore percer la perversité de l'hérétique et du schismatique, car, il ajouta aussitôt, que la paille signifiait les méchants qui se cachent dans l’Église. Dans les actes cependant, on attribue cette répartie à Pétilien. L'autorité du tribun eut bien de la peine à obtenir qu'Augustin pût parler sans être interrompu. Celui-ci fit plus tard un abrégé de ce discours qu'il adressa à tous les catholiques de l'univers. Le but de tous ses efforts et de tous ses soins est d'y prouver que l'Église souffre aussi bien les pécheurs qu'elle connaît que ceux qu'elle ne connaît pas, et que les fautes des méchants restent en eux, sans devenir une tache pour les bons. On trouve encore dans les actes de la conférence l'exorde de ce discours, on a le regret d'avoir perdu le reste avec les actes, dont il ne reste rien que le titre des chapitres. Des méchants semés par le démon dans l'Eglise tentèrent de démentir ce qu'avait dit le saint docteur; mais les catholiques confirmèrent ses paroles par l'autorité d'une foule de docteurs, notamment par celle de saint Cyprien, pour qui les schismatiques se vantaient d'avoir une vénération toute particulière. N'osant et ne pouvant répondre aux objections tirées des paroles du saint évêque de Carthage, ils refusaient cependant de se rendre à son autorité. Alors ils accusèrent les catholiques d'enseigner l'existence de deux Églises, dont l'une était mortelle. Cette accusation s'appuyait sur la distinction qu'avait faite Augustin entre l'état présent de l'Église qui est mortelle, en tant que composée d'hommes mortels, et son état futur où les justes règneront sans être soumis aux lois de la mort. Augustin n'eut pas de peine à détruire cette calomnie. Il demanda à relire ses paroles et les donatistes furent réduits à s'en prendre non à ses discours mais à ses pensées. D'après toutes les apparences, là devait se terminer cette discussion, où les catholiques s'étaient proposé surtout de prouver
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(1) La même eh. CCXLIX. (2) r,a même, Ch, CCLII-CCLIII. (3) Aux donatistes ap,ès la Conf. n. 49. (4) Conf. Carthag. 111, eh' GCLVII-C(~'LIX.
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que la faute de Cécilien ou de tout autre, ne pouvait être une tache pour l'Eglise. Les donatistes finirent par en convenir, et, poussés à bout par l'histoire des maximianistes, se laissèrent répéter cet axiome que saint Augustin leur oppose si souvent : Une cause ne porte aucun préjudice à une cause ni une personne à une personne. Aussi, Marcellin décida-t-il que ce chef ne donnait plus lieu à aucune discussion et qu'après avoir passé tous les autres en revue, on en porterait une sentence. Il ajouta qu'on devait maintenant rechercher la cause et l'origine du schisme. Chaque partie pressait Marcellin de prononcer un jugement absolu sur chacune des questions aussitôt qu'elle était discutée. Mais il répondit que les lois ne le permettaient pas, que le devoir d'un juge était d'attendre pour donner une sentence générale la fin de la conférence, et jusque-là de garder en lui ce qu'il pensait.
6. Marcellin proposait de rechercher la cause et l'origine des dissidences, mais les donatistes s'y opposèrent de toutes leurs forces, alléguant que Jésus-Christ seul était juge dans ce qui touche les évêques, et cherchant à jeter l'odieux sur les catholiques qui avaient porté cette cause devant un tribunal humain. D'ailleurs ils se plaignaient comme à l'ordinaire des persécutions qu'ils subissaient; mais les catholiques leur prouvèrent qu'ils s'étaient les premiers rendus coupables des violences dont ils les accusaient avec tant de haine et d'injustice. En vain, répondirent-ils, que les crimes des circoncellions, ne regardaient pas les évêques; car il était constant que ces furieux étaient conduits, dans leurs horribles expéditions, par des membres du clergé donatiste. On poussa plus loin encore cette question des persécutions et des injures; mais Marcellin la termina en ordonnant la lecture des pièces apportées par les catholiques. « La cause de l'Église étant sauve, confirmée, immuablement fixée et établie, nous abordons, dit Augustin, celle de Cécilien, mais nous sommes tranquilles d'avance sur les fautes qu'on peut trouver en lui. Nous avons dit que la cause de l'Église est sauve, parce que la faute de Cécilien ne pouvait lui porter aucun préjudice; examinons maintenant celle de cet évêque. Si nous trouvons qu'il est innocent, où en serez-vous, car vous seriez tombés dans la calomnie ? S'il est trouvé coupable, nous ne sommes pas vaincus, parce que nous ne cherchons qu'à maintenir l'unité de l'Église qui est invincible. Qu'il soit coupable, l’anathème tombe sur l'homme, non sur l'Eglise du Christ. Voilà ce que nous avons fait, ce que nous avons dit. Maintenant nous ne ferons plus mémoire de lui à l’autel, parmi les évêques que nous croyons fidèles et innocents. Voilà seulement ce que nous avons fait. Et vous, voulez-vous donc rebaptiser l'univers à cause de Cécilien? » Ces paroles ayant ainsi établi et confirmé la sécurité des catholiques, on se mit à examiner la cause de Cécilien. On produisit d'abord la lettre d'Anulin à Constantin, où le proconsul notifiait à l'empereur les accusations des donatistes contre Cécilien ; puis une autre où Anulin avertissait Constantin qu'il avait envoyé au concile de Rome Cécilien et ses adversaires ; cette dernière lettre a été perdue. À cette lecture, on ajouta celle des lettres de Constintin à Miltiade et aux autres évêques qui avaient été appelés au concile, ainsi que celle de la première session de ce concile rassemblé en l'an 313. Mais les donatistes en troublèrent la lecture, et ne cessèrent leur tumulte que lorsque le tribun leur eut permis de lire les pièces qui avaient rapport à l'accusation de Cécilien. Alors ils soutinrent que la séparation s'était opérée après que Mensurie, prédécesseur de Cécilien, pendant la persécution, eût livré aux païens les saintes Ecritures. Et pour prouver cette accusation, ils produisirent une lettre de Mensurie à Second de Tigisis et la réponse de ce dernier. Ces lettres appartenant à une correspondance privée, il était impossible de constater si elles étaient vraies ou fausses. D'ailleurs elles ne prouvaient nullement que Mensurie avait livré les saintes Écritures, mais indiquaient clairement que Second s'était rendu coupable de cette faute. Du consentement des catholiques, on lut ensuite la sentence du concile de Carthage qui condamnait Cécilien. Les catholiques firent remarquer que
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Mensurie n'avait été condamné par aucun jugement public; que la sentence prononcée contre Cécilien ne portait ni date, ni nom du consul, ce qu'ils attribuèrent volontiers à une simple négligence plutôt qu'à la mauvaise foi; enfin que Cécilien absent avait été condamné pour une faute que les évêques ses juges s'étaient réciproquement pardonnée, les uns aux autres, dans un autre concile. Pour rendre évidente cette dernière assertion, ils demandèrent la lecture des actes du concile de Cirta, qui s'était tenu en 305 ; les hérétiques cherchèrent à en infirmer le témoignage, bien que le décret portât la date et le nom du consul, parce que, disaient-ils, dans les actes ecclésiastiques, on n'avait pas coutume d'indiquer, comme dans celui-ci, la date de leur publication. Mais les catholiques soutinrent que toujours on avait eu coutume d'indiquer la date et le nom du consul. Cependant les donatistes n'en continuèrent pas moins leurs disputes, et le juge, pour y mettre un terme, dut leur dire ouvertement que le nom du consul ne pouvait pas infirmer l'authenticité d'un décret. On revint donc du concile de Cirta à celui de Carthage. Les donatistes insistèrent pour en faire reconnaître l'autorité aux catholiques, et leur faire avouer que Cécilien était coupable de ce dont on l'avait condamné. Les catholiques répondirent que les donatistes, quand ils portèrent l'affaire devant Constantin, firent entendre assez clairement qu'une condamnation de cette sorte était loin d'être suffisante.
7. Mais par l'histoire de Primien, condamné de la même manière par les maximianistes, ils montrèrent encore avec plus d'évidence combien était faible cette raison prise dans les décisions du concile de Carthage. Les schismatiques, enlacés dans les filets de la vérité, poussés dans leurs derniers retranchements, ne trouvèrent plus rien à répondre, dans la consternation où les avait jetés cette mention des maximianistes, il ne leur vint à l'esprit que l'axiome qui formait le fondement de la thèse des catholiques, à savoir que « une cause ne porte aucun préjudice à une cause, ni une personne à une personne. » À ces paroles, Augustin s’écrie : « 0 réponse aussi courte, aussi claire que vraie! Il serait difficile de prononcer pour nous une sentence plus brève, plus certaine, plus concluante. » En effet, les catholiques ne désiraient leur arracher rien autre chose. « Comment, ajoute le saint évêque, comment acheter un tel résultat même au prix de montagnes d'or. » Les hérétiques, dit ailleurs le même saint, chargèrent les actes de paroles superflues, et, comme ils ne purent empêcher le jugement de la cause, ils résolurent et tentèrent d'empêcher la lecture des pièces par leurs cris. Mais ce peu de mots doivent suffire pour vous empêcher de mépriser l'unité de l'Église catholique, à cause de je ne sais quelles accusations prononcées par je ne sais quels hommes. Car, comme ils l'ont dit, lu et relu, écrit et signé, une personne ne porte aucun préjudice à une personne, ni une cause à une cause. Augustin s'étend ensuite, et expose plus largement les avantages que peut tirer l’Église de cette vérité qu'ont avouée les donatistes par la bouche du plus célèbre défenseur de leur cause. Semblable à Caïphe lorsqu'il était grand-prêtre, dit Augustin, il a prophétisé, mais sans savoir ce qu'il disait. Après la conférence, ils voulurent donner un autre sens à sa parole, mais en vain. C'est de là qu'Augustin s'écria : «Admirable défense ! Leurs pieds s'enfoncent si profondément, sont si étroitement serrés que, en cherchant à se délivrer, ils se laissent prendre les mains et la tête, et qu'ils s'enveloppent de plus en plus dans ce limon gluant. » Aussi les plus opiniâtres donatistes convinrent-ils que cette simple parole leur enlevait désormais toute réponse.
8. Mais poursuivons le récit de la conférence; le tribun demanda si c'était avant ou après le concile de Carthage que les donatistes avaient eu recours à Constantin ; on n'a pas conservé leur réponse. Mais les catholiques répondirent que le jugement de Constantin devait montrer si c'était avant ou après le concile en question, et cherchèrent à faire continuer la lecture des actes. Après quelques chicanes élevées par les schismatiques sur le concile de Cirta, on continua et l'on acheva la lecture des actes du synode
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romain, qui avait absous Cécilien. Quand ce fut terminé, Marcellin demanda aux donatistes ce que l'on pourrait répondre aux décisions de ce concile. Ceux-ci, revenant à celui de Cirta, assurèrent qu'il était permis de supposer le peu de liberté d’un concile tenu en temps de persécution. Marcellin voulut éclaircir ce fait. Or, les catholiques assurèrent que les fidèles se rassemblaient même dans les temps de persécution, et le prouvèrent surtout par les actes des martyrs, qui avouaient, au milieu des tortures, qu'ils avaient assisté aux assemblées des chrétiens et célébré le dimanche. Ils demandèrent la permission d'envoyer quelques-uns des leurs chercher les actes où l'on trouverait de tels aveux. On le leur refusa, mais, sur leurs vives instances, les donatistes eux-mêmes produisirent quelques actes, afin de les faire lire. Les catholiques en montrèrent d'autres, à l'aide desquels il était facile de constater que quelques maisons privées avaient servi aux assemblées des fidèles, ce que les donatistes assurèrent être complètement impossible. Bien plus, des assemblées de fidèles s'étaient formées dans les prisons, et plusieurs chrétiens y avaient été baptisés. Le tribun, en entendant ces témoignages, déclara, à plusieurs reprises, qu'un concile de douze évêques, comme celui de Cirta, avait pu se rassembler malgré la persécution. Les donatistes produisirent vraisemblablement les actes des saints martyrs, Saturnin, Datif et autres, pour prouver que le concile s'était tenu à Cirta en temps de persécution; car ces martyres étaient datés du 12 février 304. Les catholiques, au contraire, comme on n'avait pas encore discuté sur les dates, soutinrent qu'il ne s'était tenu que onze mois plus tard. La vérité, c'est que treize mois s'étaient écoulés depuis la persécution, puisqu'il s'était tenu le 8 mars 305. Mais le greffier, ayant reçu l'ordre de computer le temps, examina la date du concile et des actes qu'on venait de produire, et assura qu'ils n'étaient point à un mois d'intervalle. Les catholiques en furent un peu troublés; car ce fut seulement après la conférence qu'ils découvrirent que les actes des martyrs étaient datés du consulat de Dioclétien et de Maximien, tandis que ceux du concile de Cirta étaient portés comme postérieurs à leur consulat ; c'était là qu'était la faute du greffier. Il avait lu pendant le consulat pour après le consulat.
9. Lorsque l'on crut la question des conciles de Rome et de Cirta suffisamment discutée, on lut la lettre où Constantin déclarait à Eumale que, les parties entendues, il avait porté une sentence favorable à l'innocence de Cécilien. Les donatistes ne trouvèrent rien à répondre, et se contentèrent de dire, en plaisantant, qu'elle ne portait pas le nom des consuls. Mais le juge assura que cette circonstance n'en infirmait pas l'authenticité. D’ailleurs, on trouva aussitôt un exemplaire de la lettre qui portait le nom des consuls. Ils cherchèrent un autre détour, et s'appuyèrent sur une preuve qui aurait été beaucoup plus solide, si elle avait été fondée sur la vérité. Ils assurèrent que l'empereur, après avoir donné ce rescrit, avait condamné Cécilien; et, pour le prouver, invoquèrent le témoignage d'Optat. Déjà ils avaient demandé qu'on lût ce passage d'Optat, et Marcellin leur avait promis de le faire. Ils le demandèrent une seconde fois et les catholiques y consentirent, mais en protestant d'avance qu'ils n'accepteraient jamais l'erreur de cet auteur, s'il lui était arrivé d'y tomber. Car, disaient-ils, les écrits canoniques seuls ne peuvent renfermer d'erreurs, et ceux d'Optat n'en sont pas exempts. Tout ce qu'on trouva dans Optat, c'est que Cécîlien fut arrêté pendant quelques jours, après la paix de Brescia. Les donatistes s'écrièrent qu'Optat avait adouci les expressions, pour atténuer la condamnation de Cécilien. Mais on leur répondit qu'il fallait un autre témoignage, pour le prouver avec plus d'évidence, témoignage qu'ils s'évertuèrent en vain à trouver. Marcellin, dans l'intention d'éclaicir le sens d'Optat, fit lire le reste de la page, et on vit, au contraire, qu'Optat, dans une lettre, assurait que le concile de Rome avait, par sa sentence, écarté tout soupçon de Cécilien, car le greffier en lut ce passage : « Cécilien est déclaré innocent au jugement de tous ceux dont il a été parlé plus haut. » À ces paroles, les donatistes s'écrient qu'ils n'avaient pas demandé la lecture de cette page, et s'irri-
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tent contre tous les assistants qui ne pouvaient s'empêcher de rire en entendant combien l'endroit cité était contraire à leurs assertions. Les notaires ne pouvaient noter ces rires, mais les donatistes attestèrent eux-mêmes, dans les actes, qu'on avait ri. Ils dirent : «Que ceux qui ont ri écoutent. » Les greffiers recueillirent cette parole, et les donatistes la signèrent.
10. Alors, dit Augustin, les hérétiques nous aidèrent ouvertement comme si nous-mêmes nous leur avions tracé d'avance la conduite qu'ils devaient tenir, comme si nous les avions choisis pour défenseurs ou témoins de l'innocence de Cécilien. Bien plus, leur zèle pour les intérêts des catholiques dépassa de beaucoup le leur, puisque, ceux-ci n'apportaient que deux pièces justificatives de Cécilien, tandis que les donatistes en produisirent quatre, savoir celle d'Optat et trois autres, dont deux ignorées des catholiques, qui les auraient payées bien cher, s'ils en avaient connu l'existence. Le premier avait pour but de prouver que Cécilien, d'abord absous par Constantin, comme l'avaient démontré les catholiques, avait été condamné plus tard par le même empereur, après une connaissance plus exacte des faits. Pour le prouver, ils produisirent une supplique de Cécilien à cet empereur, et la lecture de la supplique fit connaître que Constantin condamnait les donatistes et proclamait l'innocence de Cécilien. Le second témoignage fut une lettre de l'empereur à Vérine. Dans cette lettre, Constantin exprimait son exécration pour la malice des donatistes, et renvoyait leur jugement au tribunal du souverain Juge qui, déjà, commençait à faire peser sur eux sa colère. Rien de plus concluant ne pouvait être apporté contre eux, et peut-être le comprirent-ils. Mais ils espérèrent peut-être obtenir la même liberté, qu'il était évident, d'après ces lettres, que Constantin leur avait accordée. Mais Marcellin leur dit qu'il avait reçu d'autres ordres d'Honorius. Tant de pièces apportées ne servirent évidemment qu'à les faire condamner. De plus, ces lettres montraient combien étaient injustes la haine et l'envie excitées contre les catholiques, sous prétexte qu'ils avaient remis la cause de l'Église entre les mains de l'empereur. Car ils avouaient que Cécilien avait été accusé auprès de Constantin par les représentants de leur cause, et se vantaient, quoique mensongèrement, d'avoir obtenu sa condamnation par les menées de ces donatistes. On eût pu croire qu'il n'était pas possible que désormais ils donnassent un témoignage plus décisif encore, en faveur de l'Église. Cependant ils en donnèrent un. Semblables à Balaam qui, malgré lui, bénit le peuple de Dieu, ils furent vaincus par le Seigneur, et, contre leur volonté, ne firent que favoriser la cause des catholiques. L'Église, en effet, devait s'occuper de prouver l'innocence de Félix d'Aptonge, qui avait consacré Cécilien. Les catholiques avaient une foule de documents, et se trouvaient prêts à les produire, dès qu'on en aurait besoin, dans la discussion. D'ailleurs ils ne s'en seraient peut-être pas servi, tant les témoignages rendaient évidente l'innocence de Cécilien. Mais les donatistes les prévinrent, et présentèrent des lettres où Constantin, après la discussion de la cause de Félix, reconnaissait cet évêque innocent du crime de tradition. Jamais on n'eût osé espérer une telle bonne fortune; car, dans la même lettre, Constantin envoyait Ingence à la cour, où l'on devait confondre les accusations que les donatistes, dans leur importune opiniâtreté, dirigeaient contre Cécilien. Cet Ingence reconnaissait qu'il s'était trompé dans ses accusations contre Félix. Les donatistes ne produisaient une lettre aussi contraire à leurs intérêts que dans l'intention de prouver qu'elle était postérieure à la sentence prononcée contre eux par Constantin. Par là, ils cherchaient à faire entendre qu'elle n'avait nullement terminé la cause, et que l'on devait examiner les résultats de la mission d'Ingence. Mais les catholiques répondirent qu'il n’était plus permis de douter de l'acquittement de Cécilien prononcé par Constantin, et ajoutèrent que maintenant ils devaient prouver, par de bons et solides arguments, qu'il y avait eu un autre jugement. Dans la suite, après la discussion des dates, on reconnut que le jugement d'Ingence était antérieur à l'acquittement de Cécilien. Cependant les catholiques eurent cet avantage que tous les
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TOM. 1.
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témoignages apportés par leurs adversaires confirmaient l'innocence de Félix. Néanmoins, ils la prouvèrent aussi en citant un rapport envoyé à Constantin par le proconsul Elien, qui avait informé sur les accusations dirigées contre Félix; de plus les catholiques avaient les actes de son jugement, et les donatistes ne trouvèrent rien d'important à opposer à ces pièces.
11. Dès que les catholiques virent que ce qu'ils avaient à défendre avait été suffisamment discuté, ils demandèrent au juge de terminer la cause, en prononçant la sentence (1). Cependant les donatistes revenaient sans cesse sur les mêmes accusations et se plaignaient de ce qu'on avait altéré leurs pièces justificatives au gré de leurs adversaires (2). Marcellin, ayant reconnu qu'aucun témoignage écrit ne venait à l'appui de cette dernière accusation, fit sortir les deux parties pour dicter la sentence. Il était déjà nuit (3) (car à cette époque, les juges, obligés d'écouter les débats, étaient retenus au tribunal jusqu'à une heure fort avancée de la nuit et ne terminaient les causes que pendant la nuit), Marcellin ayant fait rentrer les évêques leur lut la sentence. Elle embrassait sommairement tous les chefs d'accusation et prononçait que, d'après les preuves, les donatistes avaient toujours été manifestement refutés par les catholiques. On ne saurait dire quelle fut la joie générale après la lecture de cette sentence, où Dieu montrait clairement de quel côté se trouvait la vérité, et de quel côté étaient le mensonge et l'erreur (4).
CHAPITRE XIII
1. Combien Augustin brilla dans la conférence. - 2. Chicanes et tergiversations des donatistes. - 3.Prudence de Marcellin. 4. Les donatistes en appellent à l'empereur. 5. Marcellin lance un édit contre les donatistes et promulgue les actes de la conférence. - 6. Augustin en fait un abrégé. - 7. Une foule de donatistes rentrent dans le sein de l'Eglise après la conférence. - 8. Parmi eux on cite en particulier Gabini et la jeune Félicie.
1. Telle fut la fin de cette célèbre assemblée que l'Église d'Afrique demandait depuis huit ans et que nous comptons à bon droit au nombre des fruits principaux de l'épiscopat d'Augustin. Car dans cette conférence, il fut sans contredit comme l'âme du parti catholique. Et nulle part, à notre avis, il ne montra mieux la force de son génie comme docteur et défenseur de l'Église. En effet, quoique partout il loue les qualités remarquables d'Alype, quoique les évêques, chargés de discuter, aient été choisis parmi les plus illustres, les plus savants de toute l'Afrique, cependant la force du génie, la facilité, la douceur, la grâce, la vivacité et le nerf ont fait briller d'un tel éclat toutes les paroles d'Augustin, que les lumières des autres s'effacent, s'éteignent devant les siennes. Il laissa à Alype et à Possidius les formules judiciaires et le soin d'observer si les donatistes se trompaient en quelque chose. Mais toutes les fois qu'une question difficile et d'une grande importance se présentait, ou qu'il fallait confirmer la foi de l'Eglise, tous le chargeaient de la discussion. Cela explique pourquoi on trouve à peine quelques mots de lui dans les deux premières conférences, tandis que dans ce qui nous reste de la troisième, il n'est presque pas d'endroits où on ne le retrouve. Si on peut remarquer que dans ses livres il traite les mêmes sujets avec plus de clarté et de véhémence que dans la conférence, il faut avouer que les interruptions continuelles des donatistes ne lui permettaient guère de se livrer à toute la force de
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(1) Conf. de Carth. 111, eh. DLXXI, DLXXVI. (2) Conf. de n. 16.(4) Cont. de Carth. 111, ch. DLXXXIV-DLXXXV.
Carth. eh. DLXXX.'Il. (3) Àux donatistes, après la Conf.
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Son génie (1). Et ce n’est peut-être pas sans raison que l’on attribuera à un trouble de ce genre ou à la chaleur des débats les imperfections signalées par quelques personnes, et imputées à un peu de négligence. Les catholiques n'avaient pas assez distingué les cérémonies sacrées du royaume de Juda, qui étaient légitimes et celles du royaume «d’Israël qui se célébraient contrairement à la loi; ils avaient seulement dit d’une manière générale, que les prophètes ne s’étaient jamais séparés de la communion des mystères judaïques.
2. Le contexte des actes permet de remarquer combien de ruses et de calomnies employèrent les donatistes. Pétilien qui autrefois au barreau avait rempli la charge d’avocat, et qui, dans ce jugement se distingua tout spécialement, avouait qu’il était plus fort dans ce qui regarde le barreau que dans la science ecclésiastique. Émérite, son auxiliaire, paraissait doué d’une parole facile, mais il enveloppait sa pensée dans un tel flot de paroles, que nous avions beaucoup de peine à suivre ses discours (2). Ces chicanes et ces ruses dilatoires avaient pour but de retarder la décision du juge. Aussi, on employa beaucoup plus de temps et de paroles dans des détails insignifiants et étrangers au sujet que pour ce qui était, comme le fond de la cause. Pour mieux dire, ils ne se proposaient qu’un but, tout faire pour ne rien faire. Voilà pourquoi saint Augustin adressa la parole aux donatistes en ces termes: « Les évêques de votre parti, choisis par vous, pour parler en votre nom, s’efforcent autant qu’ils le peuvent d’empêcher de traiter la cause pour laquelle tant d’évêques des deux Parties se sont rassemblés à Carthage de toute l’Afrique, et des contrées les plus reculées. Or, tandis que l’esprit en suspens, tous attendaient ce qui devait se faire dans cette importante conférence, vos évêques mettaient toute leur ardeur à tout empêcher. Pourquoi cela, sinon parce qu’ils sentaient que leur cause était mauvaise, et qu’ils ne pouvaient douter de la défaite, si l’on engageait le combat. La pensée qui leur faisait craindre d’entrer dans les débats, montrait d’avance qu’ils seraient vaincus. S’ils avaient obtenu ce qu’ils demandaient, s’ils avaient empêché la conférence, si nos discussions n’avaient pas rendu la vérité manifeste, que vous auraient-ils répondu à leur retour de Carthage ? Que vous auraient-ils montré ? Sans doute, ils auraient produit les actes et vous auraient dit: Nous voulions arrêter la conférence, ils voulaient la continuer. Vous voulez savoir ce que nous en rapportons : lisez, voici où nous les avons vaincus, quand nous avons voulu clore les débats. Et vous leur auriez répondu, si vous aviez eu du cœur: si vous ne deviez rien faire, pourquoi ces actes? ou plutôt, vous qui n’avez rien fait pourquoi ce retour (3) ?» Ailleurs le même saint écrit : « Tant d’évêques se rassemblent en foule à Carthage et y entrent avec pompe, afin d’attirer sur eux les yeux et l’attention d’une si grande -ville. Tous élisent ceux qui doivent parler pour tous. On choisit au milieu de la ville un local digne d’une telle assemblée. Les deux partis se réunissent; le juge est présent, les cahiers sont ouverts, tous les cœurs sont suspendus dans l’attente des résultats d’une si grande conférence. Alors des hommes distingués par leur science, choisis parmi leurs frères, n’emploient des forces qui auraient dû être consacrées à la discussion des articles en question que pour empêcher cette discussion (4). » On ne peut mieux se convaincre du peu de confiance que leur inspirait leur cause, qu’en voyant combien ils craignaient toute exposition, toute explication de ce qui y avait rapport. Aussi les schismatiques, connaissant leur faiblesse et leur manque d’arguments, ne désiraient-ils rien tant que d’empêcher toute controverse. Mais ils ne purent y réussir; cependant ils chargèrent leurs actes de tant de discours aussi longs qu’inutiles, que presque personne ne pouvait en soutenir la lecture. « L’ont-ils fait par nécessité ou par ruse et mauvaise foi? » dit saint Augustin. Je n’en sais rien. Cependant ils durent plutôt chercher à améliorer autant que possible une cause si
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ffl BÀLD., dans l’histoire de la Conf. pag. 125, C.D. (2) BALD.t Dans l’histoire de la Conf. pag. 123. ~3) EpÎtre, CXLI, n. 3. (4) Aux donatistes après la Conf. eh. xxv, n. 43.
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mauvaise, qu’à l’abandonner. Enfin, si les autres donatistes accusent ceux qui prirent part au jugement et prétendent qu’ils s’étaient laissé corrompre par les catholiques pour favoriser la cause de leurs adversaires par tant d’accord, par tant de témoignages, tandis qu’ils renversaient entièrement la leur, je ne vois de moyen pour eux de repousser tout soupçon que s’ils disent : « Si nous avions été corrompus, nous aurions bientôt eu terminé la défense d’une cause qui d’après les convictions des catholiques et les nôtres était si mauvaise ; cependant soyez persuadés que nous avons voulu être utiles à notre parti et que pour le défendre nous avons parlé le plus possible pour empêcher la lecture des pièces et retarder la déclaration de notre défaite. S’ils ne le font pas, on aurait peine à croire leurs assertions ou les nôtres, en entendant tout ce qu’ils ont dit et lu en faveur de notre cause, contre la leur, et en voyant le secours qu’ils nous ont apporté gratuitement. Cependant ne les en remercions pas. C’est Dieu qui a droit à notre reconnaissance. Car si toutes leurs paroles, si toutes les pièces qu’ils produisirent et mirent si bien en lumière ont servi nos intérêts, nous ne le devons pas à leur charité, la vérité était un véritable supplice pour eux (1). Ils firent tout, pour en diminuer la force, et tentèrent autant que possible de voiler la clarté des textes favorables à notre cause par une nuée de vaines paroles. Mais le Seigneur intervint et la lumière perça les ténèbres qu’ils voulaient épaissir devant les yeux (2). Ainsi dans tout ce qu’ils apportaient, ils réussissaient à faire triompher moins leur cause que celle des catholiques.
3. Marcellin qui avait présidé à ce jugement, montra, dans une affaire si importante, une prudence extraordinaire en même temps qu’une connaissance parfaite du droit civil et ecclésiastique. Non pas qu’il voulût discerner de quel côté était la vérité ; car même s’il eût été corrompu par les donatistes, ceux-ci l'auraient tellement convaincu par leurs propres preuves qu'il n'aurait pu s’empêcher de les condamner : mais il voulait déjouer toutes les intrigues, toutes les tromperies, toutes les chicanes des donatistes, mettre fin à leurs tergiversations, et les amener à traiter ce qui était en question. Marcellin fit preuve d'une douceur et d'une patience incroyables; on eût pu le soupçonner d'une propension secrète pour les donatistes, si son intégrité et sa probité n'avaient été depuis longtemps éprouvées. Mais c'était par habileté qu'il se conduisait ainsi. Car en les voyant accablés par la vérité, il ne voulut pas paraître contre eux; il ne souffrit qu'avec trop de patience ces hommes qui discutaient sur (les riens, disaient tant de paroles superflues, et revenaient sans cesse sur des choses mille fois décidées (3).
4. Cependant les donatistes l'avaient devancé dans le jugement qu'il devait porter, soit par les pièces qu'ils avaient présentées et qui étaient contre eux, soit par leur peu de confiance et d'espoir en leur cause qu'ils ne pouvaient dissimuler. Mais ils en appelèrent à l'empereur, à l'étonnement de ceux qui avaient lu les actes et y avaient vu tout ce qu'ils avaient écrit et signé et fait contre leurs intérêts (4). Et tandis qu'ils en appelaient de leur juge à un autre, ils se vantaient d'être sortis vainqueurs de la lutte (5). On ne sait pas bien si leur appel à l'empereur est la même chose que l'écrit que la rumeur leur attribueait après la conférence et que saint Augustin réfute dans son livre Aux donatistes après la Conférence (6). Cependant ils ne craignaient pas de produire de nouveau dans ce livre les passages de l'Écriture que l'on avait discutés dans la conférence ; par exemple, ce texte de saint Paul : « Ne vous attachez pas à un même joug avec les infidèles (Il Cor., vi, 14), » et d'autres de ce genre. Mais ils produisaient principalement celui-ci tiré d’Aggée: « Quiconque s'en approchera sera souillé (Aggée, 14). » Dans le même écrit, ils s'efforçaient d'expliquer
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(1) Ibid., n. 57. (2) n. 16. (5) Se-, ., cnc~ix, n. 6. (6) Aux doiìatistes
Au9~usHn. n. 15. AUGUSTIN, Am cionaiistes oprès la Conférence, 57 POSSID., Vi 1 e de sgint
S-Pn1,CLXIV, n 12. (3) Aux doiivtistes aprés la conf. n. (4) opres la Ginf. 11. 32.
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ce qu'ils avaient dit dans la conférence, que « une cause ne porte aucun préjudice à une cause, ni une personne à une personne (1). » Ils disaient que la sentence avait été prononcée pendant la nuit, qu'ils étaient renfermés dans le local destiné à la conférence, qu'ils n'avaient pas eu la liberté d'exprimer leurs pensées comme ils le voulaient; que le juge professait la foi catholique et par conséquent était plus porté vers le parti des catholiques (2). Emérite, leur principal défenseur dans la conférence (3), soit qu'il se sentît vaincu par l'autorité des actes, ou accablé par leur force, disait à qui voulait l'entendre, que rien ne le choquait dans ces actes (4). Cependant, comme les autres, il répandit le bruit que l'or des catholiques avait corrompu le juge (5). Bien qu'ils fissent appel à l'empereur, ils avaient signé les actes de la troisième cession aussi bien que ceux des deux premières. Mais dans presque toutes les signatures, ils se réservèrent le droit d'appel. Marcellin avait promis sa signature, et cependant on regrette de ne la trouver sur les actes d'aucune des trois sessions. Il est possible qu'il ait été dispensé de le faire du consentement des deux parties.
5. Dès que les actes de la conférence furent rédigés d'une manière plus littéraire, il est hors de doute, pensons-nous, qu'ils furent livrés au public. C'est certainement à ces actes que se rapporte l'édit du juge placé après la dernière conférence. Mais il n'est pas bien prouvé que cet édit soit la sentence que Marcellin porta en faveur des catholiques et qui, selon Augustin, embrassait tout ce dont il avait pu se souvenir des longs débats qui avaient duré trois jours (6). Mais il déclare qu'on doit regarder comme manifestement approuvé par la sentence (7), que la faute d'un homme ne peut en rendre coupable un autre, et, par conséquent que l'Église n'est point souillée par les fautes de Cécilien; que ce dernier n'a pu être convaincu de culpabilité, et qu'un concile où il fut condamné absent et sans être entendu, ne peut être d'aucune autorité, pas plus que celui des maximianistes ne le fut contre Primien absent; que Cécilien, d'ailleurs, avait été absous dans une foule de jugements postérieurs à ce concile; que Donat peut être regardé comme l'auteur du schisme et que Félix d'Aptonge avait été également absous de tous les crimes qu'on lui avait imputés. Il y condamne l'opiniâtreté des donatistes qui préféraient périr dans leur erreur, que revenir librement dans la voie du salut. Et voulant éprouver si la sévérité leur arracherait ce que n'avait point obtenu d'eux la force de la vérité, ou au moins les empêcherait de communiquer aux autres le mal dont ils étaient infectés, il édicta des amendes contre quiconque, de quelque condition qu'il soit, ne s'opposerait point autant que possible à leur réunion dans les villes ou en quelque lieu que ce soit, et prescrivit l'exécution de son ordre antérieur à la conférence, de faire restituer aux catholiques les églises abandonnées aux donatistes. Ce magistrat dévoué à l’Église déclare que désormais on appliquera les lois portées auparavant contre ceux qui embrassaient le parti des donatistes, et que l'on ne pourra plus les violer impunément. Il ordonne de même à tous ceux qui ont des circoncellions dans leurs terres, de réprimer leurs tentatives séditieuses et ajoute que, si l'on refuse d'obéir à un ordre qui importait également à la tranquillité publique et à la foi catholique, les terres des récalcitrants seront confisquées au profit du fisc. Cependant, il confirma aux donatistes le sauf-conduit qui leur avait été assuré par un édit antérieur, et il ordonna de les laisser retourner librement chez eux et d'attendre qu'ils fussent arrivés à l'endroit où ils habitent pour déclarer s’ils reviennent à la foi catholique, et s'ils ont l'intention d'accepter les conditions que
leur avaient proposées les catholiques avant la conférence et qu'ils leur proposaient encore (8). Augustin nous dit qu'après la conférence, ceux
des évêques donatistes qui revinrent à la foi catholique ne furent pas dépouillés de leur dignité épiscopale, mais seulement ceux qui per-
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(1) Aux donatistes après la Conf. n, 25. (2) Ióìd_ n.
XVI-X-,,-LVIII. (3) Des aptes avec E,),eile n. 2. (4) POSSID., u9ffl n. c . xIv. (5) Des actes avec Ernerite. n. 3. (6) Ibid., n. 2. Aux donatis!es. ap2-è~ la Conf.
n. 1-39-57. (P) A~Wge dt la conf. in, a. 43. (8) LABLE, tOMO Il, pagI505.
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sévéraient opiniâtrement dans leur erreur, et s'en glorifiaient (1). Marcellin, dans son édit, évite de parler de l'appel des donatistes, sans doute pour s'en tenir aux anciennes lois renouvelées par un mandat de l'empereur touchant la conférence. Après la mort de Marcellin, Honorius confirma, par un décret en date du 3 septembre 414, les actes de cette conférence, qu'il ratifie et déclare légitimes (2).
6. Quelques saints évêques et principalement ceux de Carthage, d'Hippone, de Tagaste et de Constantine, eurent soin de lire ces actes d'un bout à l'autre pendant le Carême, moment où les fidèles avaient plus de temps pour entendre cette lecture; Augustin, lui-même se trouvant, en 418, à Alger, conseilla cette coutume qu'il avait lui-même pratiquée, à Deutère évêque de cette ville (3). C'est probablement de ces actes que parle Idace dans sa chronique, lorsqu'il dit à l'année 412 : « Augustin s'est montré un des plus remarquables : parmi ses magnifiques travaux, on distingue ceux où il fait voir comment la vérité des actes, avec l'aide de Dieu, a vaincu les donatistes. Ces actes n'ont pas été inconnus des Grecs même, car, dans le cinquième synode, ils se servirent d'un mot de saint Augustin, du cent quatre-vingt-septième article de la troisième conférence, pour prouver qu'il est permis de lancer un anathème contre un mort. Les actes des deux premières conférences et d'une partie de la troisième sont arrivés jusqu'à nous, mais avec des changements nombreux. Comme ils sont très-longs et très ennuyeux à lire à cause des complications sans fin dont ils sont remplis, Julien et Sévérien, catholiques , prièrent un catholique nommé Marcel, à qui Marcellin avait donné une certaine autorité dans ce jugement, d'en faire le résumé. Il reste encore une lettre où Marcel les informe qu'il leur a obéi et que pour faciliter les recherches il a donné à chaque article un numéro d'ordre (4). Ce petit ouvrage de Marcel est-il le même que les titres d'articles placés à la suite de sa lettre et que l'on trouve en tête de chaque conférence, nous ne saurions le décider. Mais comme ce travail était un peu obscur et assez imparfait, Augustin en fit un autre divisé en trois parties, selon le nombre des sessions du concile, qui existe encore. Il pensa que son travail serait utile pour faire connaître ce qui s'était fait pendant la conférence; de plus ce même ouvrage portait la désignation des articles, de sorte que si on voulait consulter les actes eux-mêmes, il suffisait de jeter un coup d'oeil sur les numéros mis en marge. Ces numéros ont disparu. Le saint docteur affirme que ce fruit de ses veilles qu'il appelle l'abrégé de la conférence (5), lui a coûté beaucoup de travail, et cependant il avait été obligé de l'entreprendre, car personne n'en aurait lu les actes qui sont d'une prolixité excessive (6). Il renvoie le comte Boniface à ce même abrégé (7). Or il n'y travailla qu'après avoir achevé son ouvrage sur le Baptême des petits enfants, c'est-à-dire en 412: si Dieu nous en fait la grâce nous le démontrerons plus tard.
7. Il faut rapporter, selon toute apparence, à l'an 411, le sermon sur l'Épître de l'Apôtre aux Galates qu'Augustin prononça probablement à Carthage en même temps qu'on y affichait en public les actes de la conférence (8). Dans ce sermon, il donne pour seule cause à la retraite dans laquelle vivaient les évêques donatistes, la crainte des mauvais traitements de la part de ceux à qui ils avaient si longtemps vendu l’erreur. En même temps, il explique quelles pensées, quelles paroles aurait dû suggérer au peuple l'amour de la vérité, s'il l'avait eue dans le cœur «Qu'ils disent à leurs fidèles, dit le saint : L'erreur nous fut commune, quittons-la ensemble. Nous vous avons conduits à l'abime, et vous nous avez suivis, quand nous vous en montrions le chemin, suivez-nous maintenant vers la véritable Église. Il vaudrait mieux n'avoir jamais connu l'erreur : mais au moins. faisons ce qui peut en atténuer les effets (9). » Puis il ajoute: « Ils pourraient parler ainsi : Leurs auditeurs s'in-
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(1) Aux donatisies üprè,~ la Conf. n. 58. (2) Codc de Théod. sur les Hérétiques. loi. 55 - (3) Des actes avec Emerite. n. 4. (4) LABBr, tome, il, pag. 1337. (5) Rét~-aCt., II, CII. IXL, (6) Lettre CIXL n. 3. (7) Lettre CLXX XIX, n. 6.
(8) Semî. CLXIV, n. 13. (9) La même, n. 1.4.
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digneraient, s'irriteraient, mais leur colère s'apaiserait avec le temps et, avec le temps aussi, ils reviendraient à l'unité.» S'adressant ensuite aux catholiques, il leur parle en ces termes : «Pour nous, mes frères, soyons patients à leur égard; car la colère et l'orgueil enflamment les yeux que nous voulons guérir. Je ne le dis pas pour que nous cessions de les soigner, mais pour que nos insultes ne provoquent point leur aigreur. Rendons avec douceur compte de notre foi et ne triomphons pas de notre victoire (1). » (Par c) Cette prudente manière d'agir d'Augustin obtint le succès espéré; car elle ramena à la foi catholique beaucoup d'hérétiques, de circoncellions même. Augustin, parlant de ces convertis dans un sermon, disait : « Il faut les aimer, il faut exercer notre charité à leur égard. Car beaucoup ont pleuré leur faute, beaucoup se sont convertis : nous les connaissons, ils sont venus nous trouver et plusieurs d'entre eux appartiennent à la secte des furieux. Ils pleurent tous les jours leur passé, ils ne peuvent retenir leurs larmes, en considérant la fureur de ceux qui, n'ayant pas encore quitté l'ivresse qui les trouble, continuent leurs folles cruautés (2). » Ailleurs il parle, encore d'eux en ces termes : «Qui ne sait combien de ces furieux ont péri par divers genres de mort. Mais aussi qui ignore combien peu de circoncellions se brûlent encore eux-mêmes. Si vous pensez que tant de morts doivent nous effrayer, combien devons-nous avoir de consolation en voyant que ces donatistes qui ont abandonné ce parti insensé qui n'a d'autre loi que la fureur, et ceux qu'une erreur a entraînés dans le plus funeste des schismes, où ils périssent maintenant, sont loin d'égaler le nombre de ceux qui autrefois leur ressemblaient et qui maintenant savent garder la discipline, cultivent leurs terres et renoncent au nom en même temps qu'aux œuvres des circoncellions ; observent la chasteté et restent attachés à l'unité catholique. Combien le nombre de ces hommes perdus dont vous parlez diffère-t-il de celui des enfants des deux sexes, des jeunes gens, des jeunes filles, des époux et des vieillards, qui abandonnent en foule le schisme funeste des donatistes pour revenir à la religion vraie, pacifique et universelle du Christ? Les furieux qui se brûlent encore eux-mêmes sont moins nombreux que les endroits populeux arrachés à la peste mortelle de leur erreur, et de leur fureur, par les efforts tentés pour les amener à l'unité (3). »