Invasion de Rome 2

Darras tome 42 p. 554

  

   6. Le gouvernement piemontais venait de jeter le masque. Victor-Emmanuel envoya, au pape, un messager, le frère du P. Perrone,  le comte Ponza di San Martine, qui accepta, pour la

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seconde fois, le rôle honteux d'une pareille mission. Les instruc­tions de l'ambassadeur portaient : « Le gouvernement du roi et ses forces se bornent absolument à une action conservatrice et tutélaire des droits imprescriptibles des Romains et des intérêts qu'a le monde catholique à l'entière indépendance du souverain pontife. Laissant en dehors toute question politique qui peut être soulevée par les manifestations libres et pacifiques du peuple romain, le gouvernement du roi est fermement résolu à assurer les garanties nécessaires à l'indépendance spirituelle du Saint-Siège et à en faire également l'objet des négociations futures entre l'Italie et les puissances intéressées. Vous cher­cherez à faire comprendre au Pape combien est solennel le moment actuel pour l'avenir de l'Église et de la papauté. Le chef de la catholicité trouvera dans les populations Italiennes, un profond dévouement et il conservera sur les rives du Tibre, un siège honoré   et indépendant de toute souveraineté hu­maine. » Ce que promettait là Visconti, les papes le possédaient depuis quinze siècles. Les vicissitudes de la politique avaient pu les troubler dans leur possession; mais toujours ou presque toujours l'attaque était venue, comme aujourd'hui, du dehors et ne s'était produite qu'à rencontre des vœux populaires. C'est le délire des rois et non le délire des peuples, qui a causé les malheurs de la papauté. Du moins le ministre reconnaît que la condition du chef de l'Église intéresse toutes les populations chrétiennes et intéresse par là toutes les puissances, au moins les cinq puissances catholiques; c'est une leçon gratuite et obli­gatoire qu'il donne à Deprétis et à Crispi, assez osés pour dire aujourd'hui, que le sort du pape n'est qu'une affaire italienne. Le surplus, relatif aux manifestations pacifiques du peuple ro­main, c'est de la politique en l'air. Ce qui est dit des droits im­prescriptibles des Romains, c'est de la politique à rebours. La souveraineté du roi d'Italie s'exerce, comme la souveraineté du Pape, au détriment de ces droits, et, moins qu'elle, elle les protège. De plus, le Pape, à son droit de souverain joignait son autorité de pontife, et offrait aux Romains l'avantage de

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voir leur cité, capitale du inonde, gloire un peu plus sérieuse que de devenir capitale de l'Italie. Enfin, l'action du Piémont n'était nullement conservatrice, puisqu'elle supprimait le pacte de Charlemagne; elle était plutôt révolutionnaire au premier chef, puisqu'elle accomplissait le vœu de Mazzini, livrait le pape à la merci des libéraux italiens, et, par le fait, l'abandon­nait et abandonnait l'Église, aux attentats de la franc-maçonne­rie.

 

Le 10 septembre, l'ambassadeur remettait au pape la lettre du roi.  Cette lettre était un appel au cœur de Pie IX.   Un orage venait d'éclater sur l'Europe, il déchaînait la révolution cosmopolite. La grandeur d’âme de Pie IX serait à la hau­teur des événements; Victor-Emmanuel, à qui cette grandeur était inconnue, voulait prendre ses précautions pour le main­tien de l'ordre et la sécurité du Pape. Rome était un foyer d'agi­tations et de périls, c'est à Rome que le grand Victor doit aller. « Je vois, disait le galantuomo, l'inéluctable nécessité, pour la sécurité de l'Italie et du Saint-Siège, que nos troupes, déjà pré­posées à la garde des frontières, s'avancent et occupent les posi­tion qui seront indispensables à la sécurité de Votre Sainteté et au maintien de l'Ordre...  Si votre  Sainteté,  comme je  n'en doute pas, et comme son caractère sacré et la bonté de son âme me donnent le droit de l'espérer, est inspirée d'un désir égal au mien, d'éviter tout conflit et d'échapper au péril d'une violence, elle pourra prendre avec le comte Ponza, qui lui remettra cette lettre  et qui est muni d'instructions opportunes, les  accords qui paraîtront devoir conduire au but désiré. » Ainsi parlait le mari de Rosine, par la plume de Visconti. Par là même qu'il envoyait un ambassadeur, il reconnaissait au pape une souverai­neté ; et par là que, non appelé, il envoyait des troupes;  il la méconnaissait. L'idée de précipiter le Pape de son trône pour lui épargner les périls et la violence, ne se discute pas; la vio­lence, c'est l'envoi des troupes; le péril, c'est l'arrivée des Pié-montais à Rome, avec les maximes de Fébronius et de Scipion Ricci, après tous les attentats du Piémont, et en perspective des

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catastrophes qu'appelle sur le monde la nouvelle invasion du roi des Lombards. Victor-Emmanuel qui, pour l'intelligence et l'éducation, était à la hauteur d'un garçon meunier, montre pour­tant, ici, — chose rare de sa part, — un reste de pudeur : il n'ose pas prononcer le nom de Rome. Attila s'était arrêté à Flo­rence; Alaric et Théodat n'avaient que traversé Rome; Genséric avait pris peur et n'était venu, disait-il, que pressé par la jus­tice de Dieu; Victor-Emmanuel n'ose pas dire ce qu'il va faire; et s'il a le courage de le faire, il n'a pas encore l'impudence de le dire.

 

Pie IX lut la lettre et la replia: «Belles paroles, dit-il, et vilaines actions. » Puis, se rappelant la conduite des Pharisiens à l'égard du Sauveur : « Races de vipères, s'écria-t-il, sépulcres blanchis! » La tristesse faisant place à l'indignation :« Voilà donc, ajouta-t-il, jusqu'où la révolution a fait descendre un prince de la maison de Savoie. Ilne suffit plus à la révolution de chasser les rois ou de faire tomber leur tête sous le couteau ; toutes les fois qu'elle le peut, elle s'applique maintenant à les déshonorer. » Le messager balbutia que le roi offrait des garan­ties : « Mais ces garanties, reprit Pie IX, qui me les garantit? Votre roi ne peut rien promettre; il n'est plus le maître : il est sous la dépendance de son parlement qui dépend lui-même des sociétés secrètes. » L'ambassadeur osa alléguer les difficultés des temps, les vœux de l'Italie : « Vous calomniez l'Italie, repar­tit Pie IX. Sur vingt-quatre millions, vingt-trois me sont dévoués, m'aiment, me respectent et ne demandent qu'une chose, que la révolution nous laisse en paix. Il y a un million de malheureux que vous avez empoisonnés de fausses doctrines et de honteuses convoitises. Ce sont aujourd'hui les amis du roi et les fauteurs de ses ambitions; quand ils n'auront plus besoin de lui, ils le préci­piteront du trône. Allez. Je suis trop ému en ce moment de dou­leur et d'indignation, pour écrire.»

 

Le lendemain Pie IX répondait : « Le comte Ponza m'a remis une lettre qu'il a plu à Votre Majesté de m'écrire; mais elle n'est pas digne d'un fils affectueux qui se fait gloire de professer la

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foi catholique et s'honore d'une royauté loyale. Je n'entre pas dans les détails de la lettre même, pour ne pas renouveler la douleur qu'une première lecture m'a causée. Je bénis Dieu qui a souffert que  Votre Majesté comblât d'amertumes la dernière période de ma vie. Au reste, je ne puis admettre les demandes exprimées dans votre lettre, ni me rallier aux principes qu'elle renferme.  J'invoque de nouveau Dieu  et je remets entre ses mains ma propre cause qui est entièrement la sienne. Je le prie d'accorder à Votre Majesté de la délivrer de tout péril et de lui faire part des miséricorde dont elle a besoin. »

 

   7. Selon les précédents chevaleresques de 1860 et suivant les usages des  corsaires, Victor-Emmanuel n'avait pas attendu la réponse du Pape pour ordonner l'invasion de son territoire. Le 19 Août, Visconti-Venosta avait déclaré, en plein parlement, que Rome ne serait pas attaquée, qu'une pareille attaque serait con­traire au droit des gens et au traité franco-italien. Le 11 septem­bre, à peine quelques jours après, malgré le traité franco-ita­lien, malgré le droit des gens, trois corps d'armée, au nom de Victor-Emmanuel, envahissaient l'État pontifical. Cette invasion n'avait pas lieu au nom du droit des gens, mais au nom du droit des bêtes : la bête, tant qu'elle voit le bâton levé, ne touche pas à l'objet de ses convoitises; lorsqu'elle voit désarmé le bras qui portait le bâton, elle se rue sur sa proie. Le général  Cadorna, à la tête de 20,000 hommes, se dirigeait sur Civita-Castellana; Bixio, l'ami de Garibaldi, se dirigeait, avec 20,000 hommes, vers Acquapendente  et Montefiascone;  Angioletti,  avec 20  autres mille hommes prenait le chemin de Céprano et Frosinone. Parmi ces trois généraux, il y avait un violent ennemi de la papauté et un prêtre apostat : les libéraux savent choisir leurs hommes. Pie IX n'avait, à opposer, qu'une douzaine de mille hommes, braves il est vrai, venus de tous pays, mais animés par la foi, mais baptisés déjà dans le feu de Mentana et de Castelfidardo. Mais comment, avec 12000 hommes, défendre la vaste enceinte de Rome, mal couverte d'ailleurs par ses vieilles murailles ? Le 13 septembre, la ville éternelle fut mise en état de siège.

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   Le 14, le comte d'Arnim, celui-là même qui, le mois précédent, signait avec Garibaldi un traité contre la France, proposait au corps diplomatique, une adresse demandant au Pape de livrer Rome ; le corps diplomatique tout entier refusa de signer cette adresse. Le 15, le général Gadorna envoya au général Kanzler, sommation d'ouvrir les portes de Rome aux troupes piémontaires; le général Kanzler répondit qu'il résisterait à la violence, selon le devoir et l'honneur. Le 16, le Pape disait au marquis de Banvervillé. « Mon armée ne soutiendra pas un siège, et dans les jours où les fleuves de France sont rougis de sang, je ne veux que les eaux du Tibre soient rougies du sang de mes soldats; mais je veux que la violence du roi d'Italie soit constatée. » Le 20 septembre le bombardement commença. Dès le matin, les obus pleuvaient sur la ville. Les ambassadeurs des puissances catholiques se rendirent près du Pape au moment ou il achevait de dire la sainte messe. Le Saint-Père les remercia de leur pré­sence, leur dit qu'il résistait pour sauver l'honneur de ses trou­pes et les prit à témoin de la violence qui lui était faite. Tout à coup la canonade redoubla; Bixio ouvrait son feu sur la rive droite du Tibre, des hauteurs de la porte Saint-Pancrace. Pie IX pria les ambassadeurs de se rendre au quartier général des italiens, pour obtenir une capitulation honorable : « Je suis ému, dit-il, mais je ne pleure pas sur moi, je pleure sur l'attentat qui se consommera et qui appellera les vengeances divines sur les hommes et sur les peuples. » Pendant que les ambassadeurs se rendaient au camp, une pluie de bombes et d'obus s'abattait sur la ville; plus de cent bouches à feu vomissaient la mitraille. Malgré la proximité de son tir, l'artillerie italienne n'obtint que de médiocres succès. Bixio ne fit rien; Angioletti fut contraint de cesser son feu; Cadorna seul ouvrit une brèche entre la porte Pie et la porte Salara, à l'endroit ou était venu un autre grand ennemi de Rome, Annibal. Alors Kanzler exécuta l'ordre de Pie IX, il arbora le drapeau blanc.

 

 Je viens, dit Pie IX aux ambassadeurs, de donner l'ordre de capituler; on ne pouvait plus se défendre sans verser beaucoup

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de sang, ce que je ne veux pas. Je ne vous parle pas de moi; ce n'est pas sur moi que je pleure, mais sur ces pauvres enfants qui sont venus me défendre comme leur père. Vous vous occu­perez chacun de ceux de votre pays. Il y en a de toutes les nations, surtout des Français. Pensez aussi, je vous prie, aux Anglais et aux Canadiens; personne ne représente ici leurs inté­rêts. Je vous les recommande tous pour que vous les préserviez des mauvais traitements dont d'autres eurent tant à souffrir, il y a quelques années. Je délie mes soldats de leur serment de fidé­lité. Pour les conditions de la capitulation, il faut voir le géné­ral Kanzler; c'est avec lui qu'il faut s'entendre. »

 

8. La lutte fut terrible; un contre six, mais un soldat du pape contre six soldats de Victor-Emmanuel, la lutte était égale, et si Pie IX avait voulu se défendre, on eut pu se dévouer et mourir comme dans un de ces sièges immortels de Troie, de Carthage, de Jérusalem et de Numance. Mais le drapeau blanc était hissé, il fallait obéir; Charette eut besoin qu'on le lui dit deux fois. Les Piémontais, voyant qu'ils n'avaient plus rien à craindre, s'avancèrent vers la brèche et ouvrirent, à cent mètres, sur les zouaves, une effroyable fusillade. Ainsi provoqués par une lâche trahison, les zouaves ripostèrent énergiquement et les masses italiennes durent reculer. A ce moment, Kanzler signait, à la villa Albani, l'acte de capitulation. La ville de Rome, sauf la cité léonine, était livrée aux troupes de Victor-Emmanuel. La garnison papale devait sortir avec les honneurs de la guerre. Les troupes étrangères seraient dissoutes ; les troupes indigènes, mises en dépôt. Une commission devait pourvoir à la transmission du matériel. Le lendemain, 21 septembre à 7 heures, les zouaves qui avaient passé la nuit sous la colonnade de Saint-Pierre, se formèrent en carré. Le colonel Alet leur fit présenter les armes et élevant son épée, cria : Vive Pie IX, pontife et roi! Les zouaves répétèrent cette acclamation; puis les dragons et les artilleurs déchargèrent en l'air leur carabine, comme pour donner une dernière salve d'honneur. Ce grand bruit des voix et des armes attira l'attention du pape ; il ouvrit la fenêtre et

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donna une dernière bénédiction à son armée. Cette scène avait été trop forte pour le cœur paternel de Pie IX; sa voix s'étei­gnit dans les sanglots; il tomba à moitié évanoui dans les bras de son entourage. Lorsqu'il fut revenu à lui, il chercha la soli­tude dans les salles de Raphaël. « Les pauvres enfants, disait-il, daigne le ciel les récompenser. Ça été un grand crime; il doit retomber sur la tête de ceux qui l'ont commis. » Avant de déposer les armes, les soldats pontificaux défilèrent sur le front de l'armée italienne. A côté de Cadorna, du prêtre apostat et du général garibaldien, on remarquait un autre personnage, dont la présence soulignait le sens de cette capitulation : c'était le comte d'Arnim. Le comte d'Arnim venait escompter au profit du libre examen, un triomphe que d'autres avaient poursuivi, ceux-ci pour le libéralisme, ceux-là pour le radicalisme. Dans le fait, la capitulation de l'armée pontificale, c'était le triomphe en commun des radicaux et des libéraux, du libre examen et de la libre pensée, un fort appoint pour la révolution, un pro­grès vers la dissolution de la vieille Europe.

 

9. L'armée italienne fit son entrée par la Porte Pie, porte par où étaient passés précédemment les barbares. Une troupe de quatre à cinq mille vagabonds, la garde d'honneur, accom­pagnait de ses cris l'armée régulière : à ces vainqueurs était dû un semblable triomphe, sorte de prime offerte à toutes les impu­nités. Des atrocités sans nombre furent commises sur les soldats pontificaux. Quelques-uns furent attachés à la queue de leur
cheval et traînés par les rues de la ville; d'autres furent jetés sous les roues des voitures et écrasés ; d'autres furent précipités du haut des maisons. Un zouave eut les yeux crevés, un autre fut coupé en morceaux. La populace était maîtresse absolue et s'en donnait à cœur joie. Les casinos militaires et les casernes furent envahis et pillés. Sous prétexte de découvrir des zouaves, on pénétrait dans les maisons particulières, on volait, on mal­traitait les habitants. Cette haine contre les soldats s'étendait aux prêtres. Trois jésuites, qui pansaient les blessés et qui portaient au bras la croix de Genève, furent tellement frappés
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que l'un d'eux mourut sur place. Deux sœurs de charité furent jetés dans le Tibre. Naguère la Prusse intentait un procès au soldat Kaufmann, coupable d'avoir tiré sans ordre, sur des Français en chasse ; la passion allemande n'était pas exemple de solidarité avec l'excès du soldat, mais un gouvernement s'ho­nore toujours en châtiant les excès, ici nous ne voyons rien de semblable, les hommes cruels sont toujours lâches. Ces aristo­crates du Piémont qui trouvaient nos soldats trop roturiers, n'eurent pas de cravache contre cette vile multitude et le gouvernement s'abstint de toute procédure contre cette sale canaille qui allait, par son vote, ratifier la prise de Rome et ins­taller, au Quirinal, le trône de Victor-Emmanuel.

 

Les Juifs, ces Juifs dont l'histoire constate le concours à tous les malheurs du peuple chrétien, méritent ici une particulière flétrissure. Pie IX avait comblé de grâces les Juifs de Rome. A ses noces d'or, ces Juifs étaient venus assurer le Saint-Père de leur éternelle reconnaissance, et lui avaient offert, comme gage de gratitude, un superbe présent. A peine les Piémontais furent-ils entrés dans Rome, ces mêmes Juifs adressaient, à Vic­tor-Emmanuel, l'un des héros de la juiverie européenne, une adresse de félicitations. Les Juifs ne sont pas difficiles sur la qualité de l'encens; ceux qu'ils encensent le sont encore moins. Dans leur adresse, les Juifs traitèrent indignement Pie IX et dé­cernèrent, au vainqueur, de grossières louanges. Pie IX était plus grands que ses infortunes, il se montra plus grand aussi que les insultes. Un prélat lui présentant la situation comme désespérée : « La volonté de Dieu s'accomplira, dit-il, il n'arrivera rien de plus. Les puissances terrestres, l'astuce de ses ennemis ne peuvent rien contre les arrêts du ciel. Mais ses dé­crets sont impénétrables à notre faible esprit. Mettons notre confiance dans le Père qui est au Ciel, remplissons de notre mieux notre devoir, et, s'il lui plaît de nous envoyer de dures épreuves, supportons-les avec patience. »

 

10. Ces dures épreuves ne manquèrent pas. En quelques jours, Rome changeait d'aspect. Les vrais Romains se tenaient

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enfermés dans leurs maisons; les rues de la ville étaient enva­hies par les séides des triomphateurs, par des étrangers et des vagabonds à visage sinistre. Ces figures se voient partout, lorsque la lie d'un peuple s'élève à la surface. Les journaux de la pire es­pèce, les caricatures les plus ordurières étaient mises en vente. Des chansonniers de bas étage, des saltimbanques outrageaient effrontément la morale publique. Les théâtres faisaient écho à la rue. Rome voyait enfin arriver la civilisation; ces brutes en étaient les pionniers; elles écrivaient la préface du plébiscite. Quand on parla de ces excès au général en chef, il répondit philosophiquement : « Laissez le peuple se dégonfler : » propos caractéristique du général et de son gouvernement.

 

Le 20 octobre, Victor-Emmanuel appela les Romains au plé­biscite. Le suffrage universel l'avait suivi dans toutes ses usur­pations, il voulait s'en servir encore au moins pour les colorer. On publia les résultats du vote : 40, 000 étaient censés avoir voté pour le gouvernement de l'Excommunié et 43 voix contre. C'est un mensonge et surtout une sottise. Aucun homme de sens ne peut croire que Pie IX n'ait eu, en sa faveur, que 43 voix. La vérité est que, la presque unanimité de la ville de Rome ne prit aucune part au scrutin; que les 43 voix réfractaires furent mises comme les autres, dans les urnes, par les Piémontais et que le soi-disant scrutin de Rome ne fut qu'une comédie jouée par les saltimbanques ordinaires du roi. Trait de prudence commune en pareille occasion; amnistie générale et totale fut accordée aux prisonniers; ils sortirent des géoles pour porter leur bulletin de vote et ajouter, à la couronne de Victor-Emmanuel, les rayons de leurs vertus. Il faut qu'une cause soit bien deshonorée pour accepter de tels auxiliaires. Les prisons, du reste, ne restèrent pas inoccupées; du moment que le crime obtenait indulgence plénière, l'innocence devait se tourner à crime. Les honnêtes gens remplacèrent les détenus dans leurs cachots et épargnè­rent nécessairement, au roi, l'opposition de leur intransigeance. Par ces procédés, vraiment dignes des fils de Machiavel, l'Italie fut unifiée.    L'histoire devrait flétrir les mascarades  de  ces

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scrutins ; il suffit d'en rire. Les peuples, abusés par les men­songes de la révolution, créent partout aisément de semblables Capitoles; ils les avoisinent non moins volontiers, si la roue de fortune tourne à l’envers de leurs illusions, des abîmes d'une roche Tarpéienne. A l'époque où Victor-Emmanuel ceignait son front des lauriers italiens, son complice, l'auteur exclusif de son exaltation, Napoléon III, était pendu aux fourches de Wil-liemsholie. C'était justice, mais seulement à demi.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon