Darras 4-1

EN TROIS ANNÉES, JÉSUS-CHRIST A FONDÉ SON ROYAUME EN DISANT LA VÉRITÉ À TOUS. TOUS LES «TOLÉRANTS» DE L’ÉPOQUE N’ONT PU TOLÉRER PLUS lONGTEMPS DE LE VOIR ENCORE EN VIE.

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HISTOIRE GÉNÉRALE

DE

L'ÉGLISE

 

 

HISTOIRE GENERALE

DE L’ÉGLISE DEPUIS LA CRÉATION JUSQU'A NOS JOURS

par

L'ABBÉ J.-E. DARRAS

VICAIRE GENERAL DE NANCY ET DE NEVRRS, CHANOINE HONORAIRE D’AJACCIO, DE QUIMPBR ET DE TROYES

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TOME QUATRIEME

PARIS

LOUIS VIVES, LIBRAIRE-EDITEUR

13, RUE DELAMBRE, 13

1891

ST.

EX LIBRIS

 

 

HISTOIRE GÉNÉRALE

DE L'ÉGLISE

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SIXIEME EPOQUE.

DE LA DESTRUCTION DU TEMPLE DE SALOMON


A JÉSUS-CHRIST (586-AN 4).


ÈRE DES ASMONÉENS.

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CHAPITRE UNIQUE.

ROYAUTÉ ASMONÉENNE (135-37).

SOMMAIRE.

 

§ l. SOURCES HISTORIQUES.

1. Jean, surnommé Hyrcan, succède à Simon, son père, sur le trône des Juifs. — 2. Sources de l'histoire juive à cette époque. Josèphe. — 3, Le IVE livrâ des Machabées. Silence des Livres saints. — 4. Propagation de la Prophétie.

§ II. HYRCAN I (135-107).

3. Les deux prétendants. Avènement d'Hyrcan I — 6. Siège de Doch par Hyrcan I — 7. Invasion d'Antiochus Sidétès en Judée. Siège de Jérusalem. — 8. La Fête des Tabernacles. Propositions de paix. — 9. Conseil de guerre au camp syrien. La fable de la Tête d'âne dans le Temple de Jérusalem. — 10. Alliance entre Antiochus Sidétès et Hyrcan. — 11. Hyrcan ouvre le tombeau de David. Question d'archéologie hébraïque. — 12. Impossibilités historiques. Authenticité du récit traditionnel. — 13. Solution du problème. — 14. Découverte du tombeau de David par M. de Saulcy. — 15. Objections de Mgr Mislin

IV.                                            1

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p2 HISTOIRE DE l'ÉGLISE. — Vl« EPOUL'E (386-AN 4).

16 Réfutation. — 17. Expédition d’Antiochus Sidétès contre les Parthes. Hyrcan I l’accompagne. 18. Mort d’Antiochus Sidétes. Révolution en Syrie.19. La Judée indépendante. Première ambassade d’Hyrcan à Rome.  20. Seconde ambassade d’Hyrcan à Rome. 21. Siège de Samarie. 22. Ruine de Samarie. 23. Palais fortifié de Baris à Jérusalem. 24. Rivalité des Pharisiens et des Saducéens. 25. Les Pharisiens et Hyran I.  — 26. Mort d'Hyrcan I


§ III. ARISTOBULE I (107).

27. Avènement d'Aristobule l. — 28. Caractère d'Aristobule I. Son surnom de Philhellène. — 29. Meurtre d'Antigone, frère d'Aristobule I. — 30. Mort d'Aristobule I.

 

§ IV. ALEXANDRE JANNÉE (106-79).

 

31. Caractère du nouveau roi. — 32. Siège de Ptolémaïs par Alexandre, Ptolémée Lathyre. — 33. Défaite d'Alexandre à Asoph, par Plolémée Lathyre. — 34. Cruauté de Lathyre. Sa défaite en Egypte. — 35. Alliance offensive et défensive entre Alexandre et Cléopàtre, reine d'Egypte. —36. Défaite d'Alexandre par Théodote. — 37. Ruine de Gaza par Alexandre. — 38. Révolte de la fête des Tabernacles à Jérusalem. Défaite d'Alexandre à Gadara. — 39. Démétrius Euchérus. Défaite d'Alexandre à Sirmium. — 40. Les prisonniers de Béthom. Cruauté d'Alexandre. — 41. Invasion d'Antiochus Dionysios en Judée. Sa mort. — 42. Défaite d'Alexandre à Adida. — 43. Dernières victoires d'Alexandre Jannée. — 44. Mort d'Alexandre Jannée.

 

§ V. RÉGENCE D'ALEXANDRA (79-10).

 

45. Alexandra est proclamée régente. Hypocrite soumission des Pharisiens. — 46. Hyrcan et Aristobule, fils du dernier roi. Leur caractère. — 47. Massacre des Sadducéens à Jérusalem. — 48. Les Sadducéens font appel à la clémence d'Alexandra. — 49. Les chefs sadducéens se retirent dans les forteresses du royaume. Invasion de Tigrane en Judée. — 50. Dernière maladie d'Alexandra. Aristobule quitte Jérusalem. Mort de la reine.

 

§ VI. ARISTOBULE II (70-63).

 

51. Aristobule II s'empare du trône au préjudice d'Hyrcan, son frère aîné. — 52. Antipater, favori d'Hyrcan. Véritable origine d'Antipater. — 53. Antipater détermine Hyrcan à quitter Jérusalem et à demander asile à Arétas. — 54. Siège de Jérusalem par Arétas, Hycan et Antipater — 55. Haute fortune de Pompée. — 56. Scaurus, lieutenant de Pompée, à Damas. Il ordonne à Arétas de lever le siège de Jérusalem. — 57. Arétas et Hyrcan lèvent le siége de Jérusalem. — 58. Pompée à Damas. Les ambassadeurs d'Aristobule II et d'Hyrcan. — 59. Aristobule II et Hyrcan au tribunal de Pompée. — 60. Pompée entre en Palestine. Intrigues d'Antipater. —61. Conférences d'Aristobule II avec Pompée. Nouvelle de la mort de Mithridate. — 62. Aristobule II est fait prisonnier par Pompée. — 63. Siége et prise de Jérusalem par Pompée. — 64. Pompée pénètre dans le Saint des Saints. Il respecte les trésors sacrés du

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P3

Temple. Texte de Cicéron à ce sujet. — 65. Nouvelle organisation de la Palestine par Pompé. Hyrcan est proclamé pontife des Hébreux. Aristobule et ses enfants sont envoyés captifs à Rome.

 

§ VII. HYRCAN II (63-40).

 

66. Scaurus, gouverneur de Syrie. Son expédition contre Arétas. — 67. Les gouveneurs romains. — 68. Gabinias, gouverneur de Syrie. Alexandre, fils d'Aristobule II. Sa défaite par Gabinius. — 69. Aristobule II et Antigone, son second fils, en Judée. Leur défaite par Marc-Antoine, commandant de la cavallerie romaine. — 70. Seconde défaite d'Alexandre au mont Thabor. 71. Défaite de Vercingétorix à Alésia. Triumvirat de César, Pompée et Crispus— 72. Crassus pille le Temple de Jérusalem. — 73. Attente universelle du monde. — 74. Défaite et mort de Crassus. — 75. Lutte entre César et Pompée. Autipater se rallie sous les drapeaux de Pompée. Mort d Aristobule II. — 76. Meurtre du prince asmonéen Alexandre. Bataille de Pharsale. Mort de Pompée. — 77. Changement de politique d'Antipater. — 78. César confirme Antipater dans le gouvernement de la Judée. Antipater citoyen romain. - 79. Nomination de Phasaèl et d'Hérode, fils d'Antipater, comme gouverneurs de Jérusalem et de la Galilée. Les Brigands juifs. Eléazar, leur chef, est mis à mort par Hérode. — 80. Hérode est cité à comparaître ou tribunal du Sanhédrin. — 81. Hérode devant le Sanhédrin. Discours de Sameus. Evasion d'Hérode. — 82. Mort de César. — 83. Alliance d’Antipater avec Brutus et Cassius. Mort d'AntipaTer. — 84. Malchis, nouveau favori d'Hyrcan. Meurtre de Malchis par Hérode. — 85. Bataille de Philippes. Dictature de Marc-Antoine en Asie. — 86. Antoine confirme Phasaél et Hérode en qualité de tétrarques de la Judée. — 87. Siège de Jérusalem par Antigone et l'armée des Parthes. - 88. Evasion d'Hérode du palais Baris. — 89. Mort de Phasaèl. Mutilation et exil d'Hyrcan II.

 

§ VIII. ANTIGONE (40-37).

 

90. Situation pleine de périls du nouveau roi. Les trois empires du monde. - 91. Voyage d'Hérode en Egypte et à Rome. — 92. Hérode est proclamé roi des Juifs par le Sénat romain. Accomplissement de la prophétie de Jacob. -93. Lutte d'Hérode contre Antigone. Hérode épouse Marianne, petite-fille d'Hyrcan II. — 94. Siège et prise de Jérusalem par le général romain Sosius et par Hérode. — 95. Mort d'Antigne, dernier roi asmonéen.

1. Nous avons fait dater de Simon le rétablissement de la royauté à Jérusalem. En effet, l'acte national, rédigé par l'assemblée des prêtres, des anciens et du peuple, dans les parvis du Temple (141) consacra la dynastie nouvelle, et retrempa la couronne de David dans le sang des Machabées. Cependant, ainsi gu'on a pu le remar-

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P4 HISTOIRE DE l'Église. VIe époque (586-an 4).

quer précédemment, dans la suite du texte biblique reproduit par nous, Simon n'avait point officiellement pris le titre de roi. La formule employée pour les actes solennels était celle-ci: «Simon, grand prêtre, chef suprême et prince des Juifs 1.» Le titre de roi ne fut définitivement adopté que par Jean, surnommé Hyrcan. fils et successeur de Simon 2.

  2. Avant d'entrer dans le récit du règne de ce prince, il nous faut dire un mot des sources historiques qui nous serviront à combler l'intervalle de près d'un siècle et demi, écoulé entre la fin du Testament ancien et l'avènement du Sauveur. Josèphe, dans les six derniers livres de ses Antiquités judaïques 3, a poursuivi l'histoire depuis la mort de Simon (135 av. J.-C), jusqu'à l'arrivée à Jérusalem de Gessius Florus, envoyé par Néron avec le titre de gouverneur de Judée (65 de l'ère chrét.). Cette période comprend l'ère des Asmonéens (135-40); l'avènement d'une race étrangère au trône de Juda, dans la personne d'Hérode l'Iduméen (40 av. J.-C); et enfin la réduction de la Judée en province romaine (6 de l'ère chrét.). Presque contemporain des événements qu'il raconte, Josèphe dans cette partie de son histoire, mérite toute confiance. Il avait d'ailleurs entre les mains, ainsi qu'il prend soin de nous en avertir lui-même, les mémoires rédigés sous forme d'annales par les prêtres de Jérusalem, et conservés dans le Temple 4. L'existence de ces précieux monuments nous est attestée par la Bible elle-même. En terminant l'histoire de Simon, l'écrivain sacré ajoute: «Le récit des glorieux exploits de Jean Hyrcan; les qualités qu'il déploya durant le cours de son règne; les restaurations des murailles exécutées par ses ordres et tout le détail de son administration sont décrits au livre des Annales de son pontificat, depuis qu'il eut hérité du pouvoir suprême, à la mort de Simon son père 5.» Nous avons ainsi la preuve, qu'aux derniers jours de l'existence

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1. Mach., cap. xiii, 42. Voir t. III de cette Histoire, p. 716. — 2. Cum ergo pervenisset epistola Romanorum ad Hyrcanum, rex nuncupari cœpit, cum antea sa- eerdos magnus nuncuparetur (IV Mach., cap. xxii, 6). — 3. Jossph., Antiq. j'ud., lib. XIV, cap. XX. — 4. Joseph., Antiq.jud., lib. XIV, cap. viii; lib. XV, cap. IX; lib. XVI, cap. II. — 5. I Mach., cap. xvi, 23, 24.

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P5             SOURCES HISTORIQUES.  

juive, la tradition historique s'était maintenue avec la même fidélité qu'au temps de Moïse, de Josué ou de David. Singulière persistance du sentiment national chez un peuple qui semble vivre beaucoup plus pour l'avenir que pour le présent; qui, dans ses fortunes diverses et son développement à travers les âges, se préoccupe moins des revers ou des grandeurs du moment que des espérances mystérieuses au-devant desquelles se dirigent les générations successives! Deux mille ans d'attente ne furent pour les Juifs qu'un provisoire, dont on notait les moindres circonstances, afin d'y relever tous les traits qui pouvaient converger vers la grande figure, dont l'avénement marquerait enfin le point de repos et la grande halte de la nation dans la vérité divine.

  3. Le livre des Annales asmonéennes, si clairement indiqué par l'auteur des Machabées, n'est point venu jusqu'à nous. Mais nous en possédons une sorte de Compendium dans un texte arabe, publié pour la première fois en 1645, et faisant partie de la Bible polyglotte de Lejay1. Cet abrégé connu maintenant sous le nom de IVe Livre des Machabées, fut d'abord écrit en hébreu; la traduction arabe trahit en effet cette origine, par les nombreux hébraïsmes dont elle est pleine. L'auteur, resté anonyme, vivait après la ruine de Jérusalem par les Romains, à laquelle il fait allusion 2. Du reste son ouvrage fut composé sur les mémoires originaux qui formaient primitivement les Annales asmonéennes. Il les cite sous le nom du Livre, et cherche parfois à en donner un commentaire, ou à en éclaircir les difficultés 3. Enfin, sauf quelques divergences insignifiantes, la trame des événements est conforme au récit de Josèphe. Sous ce rapport, la découverte de Lejay offre un intérêt capital, puisqu'elle permet de contrôler par un monument contemporain le témoignage de Josèphe, dont la vérité se trouve ainsi confirmée. Il convient toutefois de faire observer que la valeur historique du

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1. Lejay (Gui-Michel), Bibîia hebraica, samaritana, chaldaica, grœca, syriaca, tatina, arabica, quihus texlus originales totius Scr>pturœ sacrce, quorum pars in edthone Comptutensi, deinde in Antuerpiensi regiif sumptibus exstat, nunc inte^ gri ex manuscriptis toto fere orbe quœntis exemplaribus exhibentur. Dix vol. in-fol., Lutet. Parisior., Vitré, 1645. — 2. IV Mach., cap. xxi.20,21.— 3. IV Mach^ cap. XXV, 3.

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p6 HISTOIRE DE l'ÉGLISE. VIe ÉPOQUE (586-AN 4).

IVe Livre des Machabées n'entraîne nullement sa canonicité. Nous sommes en face d'un résumé d'histoire juive, important comme document traditionnel; rien de plus, rien de moins. La parole divinement inspirée ne recommencera à se faire entendre que par la voix des Anges, sur le berceau de Jésus. D'ici là, les annalistes enregistreront les événements qui préparaient la naissance de «l'Emmanuel;» ils signaleront chaque phase du progrès de la puissance romaine; ils verront croître démesurément le quatrième empire prédit par Daniel; ils constateront par l'espérance de la Judée elle-même l'énergie avec laquelle Rome broyait l'univers; ils marqueront l'heure solennelle, annoncée par Jacob, où le sceptre, arraché des mains de Juda passera à un prince étranger. La réalisation de la prophétie patriarcale coïncidera avec le terme des soixante-dix semaines d'années, fixé par Daniel. «Le Désiré des nations 1,» «l'Envoyé des collines éternelles 2,»«l’Etoile de Jacob 3,» « l'Emmanuel, dont le nom sera Jéhovah 4,» «le Christ roi 5,» devra paraître alors, sous peine, en frappant de nullité l'ensemble du ministère prophétique, d'anéantir à la fois toutes les espérances du monde, depuis le jour ou Dieu promettait à la mère du genre humain un fils qui écraserait la tête du serpent 6, jusqu'à l'heure où l'attente universelle, élevée à la sublimité d'une poésie voisine de l'inspiration, se traduisait sur la lyre de Virgile en un chant qui préludait au retour de l'âge d'or 7.

  4. Ce n'est pas sans un merveilleux dessein de la Providence, que la parole divine cesse complètement pendant ce siècle précurseur. La prophétie a fait le tour du monde; Rome, la dominatrice des nations, l'a emportée, dans les plis de son drapeau, de l'Orient à l'Occident, du Midi au Septentrion. Partout on interroge le ciel; tous les regards sont fixés sur l'Etoile mystérieuse; quand les légions d'Auguste auront enfin déposé les armes et que le silence de la paix planera sur l'univers découpé en provinces romaines,

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1. Expectatio gentium (Gen., cap. xlix, 10). — 2. Desiderium collium eeiei^ym'vm (Ge«., cap. xux, 26). — 3. Orictur stella ex Jacob {Num., cap. xxv, 17). — 4. Isaice, cap. vu, i4; ix, 6. — 5. Christum ducem {Ban., cap. K, 25). — 6. Gcn., «ap. m, 15. — 7 Virgil., Eglog. IV.

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P7               HYRCAN I (135-107). 7

tous les littérateurs, les historiens, les poètes du paganisme lui-même deviendront les témoins irrécusables de l'étrange mouvement d'opinion qui se précipitait au devant d’un avenir si longtemps prédit et unanimement attendu. L'œuvre divine, lentement accomplie, à travers les révolutions des siècles et des empires, pénétrera ainsi l'humanité dans son ensemble, à des degrés divers, il est vrai, mais avec une influence partout appréciable. Quelles que puissent être les prétentions des derniers rationalistes, ce phénomèm dépassera toujours la portée de leurs conceptions. Ils ne réussiront jamais à expliquer, sans une révélation primitive, sans une série de prophètes, sans la transmission d'une parole divine soigneusement conservée au milieu des nations, l'explosion soudaine d'espérances aussi manifestement surnaturelles, et surtout l'accueil triomphal fait à la Bonne Nouvelle, qui se répandit, avec la rapidité de l'éclair, d'un bout du monde à l'autre, sous le nom profondément significatif d'Évangile.

 

§ II. Hyrcan I (135-I07).

  5. La nonvelle de l'attentat et de l'usurpation de Ptolémée, gendre de Simon 1, fut apportée à Jérusalem presque en même temps, par le fils de la victime et par le meurtrier lui-même. Jean l'Hyrcanien, ou Hyrcan, ainsi nommé depuis la défaite sanglante qu'il avait infligée à l'Hyrcanien Gendébée, dans les champs de Modéin 2, se trouvait à Gadara, lors du crime de Jéricho. Prévenu par quelque juifs fidèles, il avait réussi à se dérober aux émissaires envoyée par Ptolémée pour le mettre à mort, et s'était hâté d'accourir à Jérusalem. Il y fit son entrée par la Porte Septentrionale, au moment ou son beau-frère, à la tête de quelques cavaliers, se montrait déjà sur la route de l'Est, pressé lui-même de faire reconnaître son usurpation par la capitale de la Judée. Mais, fidèle à la mémoire de Simon, et à la race héroïque des Asmonéens, le peuple n'hésita

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1. Voir tom. 111 de cette Histoire, pag. 724-725. — 2. Nuncupavit Simeon filium iuum Jnchannn Hrfrrnnum, ob occinmi Hyrcanum et victoriam de illo reporiatam \VS Mach., cap. xx, 3).

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P8 HISTOIRE DE l'ÉGLISE. VIe ÉPOQUE (586-AN 4).

pas un instant. La foule indignée et frémissante ferma les portes au meurtrier, et se groupa autour d'Hyrcan, qui fut salué, par acclamation, Souverain Sacrificateur et Prince des Juifs. Devant cette manifestation énergique du sentiment national, Ptolémée prit le parti de la retraite. Il retourna s'enfermer dans sa forteresse de Doch, pour y attendre l'issue des négociations qu'il avait entamées avec Antiochus Sidétès. Il offrait à ce prince la suzeraineté de la Judée, le rétablissement de l'ancien tribut de vassalité, prélevé si longtemps au profit de la Syrie, et enfin le droit de garnison dans les forteresses de la Palestine 1. En retour, il lui demandait de mettre immédiatement à sa disposition un corps d'auxiliaires syriens, pour l'aider à triompher des résistances d'Hyrcan et de son parti. Il se flattait qu'Antiochus Sidétès s'empresserait d'accepter des propositions aussi avantageuses, et profiterait de la circonstance pour venger la récente défaite de Gendébée, son lieutenant 2. D'un autre côté, le meurtrier s'était ménagé, dans la lutte qu'il allait soutenir, et pour l'intervalle qui s'écoulerait jusqu'à l'arrivée des troupes de Syrie, une ressource habilement calculée. Il s'était saisi de la veuve de Simon et de ses deux derniers fils, les avait amenés avec lui à la forteresse de Doch, et se réservait de paralyser les attaques de Jean Hyrcan, en tenant le glaive sans cesse levé sur la tête de la mère et des frères du prince Asmonéen 3.

  6. Hyrcan, après un sacrifice solennel offert au temple de Jérusalem pour l'inauguration de sa nouvelle dignité de Grand-Prêtre, se mit à la tête de forces imposantes, et vint investir la citadelle de Doch. Supérieure en nombre à la garnison de Ptolémée, enflammée d'ailleurs du désir de venger la mort de Simon, l'armée fidèle eut bientôt resserré les assiégés dans une étroite ligne de circonvallation, coupé leurs vivres et repoussé avec avantage les sorties qu'ils essayaient. Mais, chaque fois que les troupes d'Hyrcan voulaient pousser plus loin leurs avantages et tenter l'assaut, Ptolémée faisait

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1. I Mach., cap. xvi, 18. Et scripsit hœc Ptolemœus et misit régi ut mitterei ei exercitum in uuxilium et traderet ei regionem et civitates eorum et ti^ibuta. — 2. Voirtom,111,pag.724.—3. Joseph., Aniiq.jud., lib.Xlll,enp.xn; IVMach.^ cap. XX, 4-G.

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P9                HYRCAN I (135-107).

amener sur le rempart la mère et les frères du prince asmonéen. Par ses ordres, des soldats flagellaient les malheureux captifs, à la vue des assiégeants, et menaçaient de les précipiter par-dessus les murailles, si l'attaque ne cessait à l'instant. On vit alors une lutte héroïque entre la piété filiale d'Hyrcan et le courage viril de sa mère. Les bras étendus du côté de son fils, la sublime veuve lui criait, du haut des remparts: Comptez pour rien mes tourments; songez seulement à votre juste vengeance! La mort me sera douce, puisqu'elle avancera le supplice du meurtrier de notre famille! — Ces exhortations, adressées par une voix si chère, redoublaient l'ardeur d’Hyrcan; mais quand il voyait les bourreaux déchirer, de leurs fouets sanglants, le corps de celle qui lui avait donné le jour, tout son cœur défaillait, dans un sentiment d'inexprimable tendresse; et il donnait aussitôt à ses soldats le signal de la retraite. Ptolémée prolongea ainsi sa résistance pendant quelques mois. L'année nouvelle, dans laquelle on entrait (134), était une année sabbatique. Les opérations d'une guerre offensive devaient y être suspendues. Le siège fut levé. Ptolémée profita de cette circonstance favorable pour quitter le territoire juif, où il ne pouvait plus se maintenir désormais. Antiochus Sidétès n'avait pas répondu à ses espérances. Le roi de Syrie méditait une grande expédition contre la Judée, et ne voulait l'entreprendre qu'après avoir réuni des forces considérables. Les préparatifs qu'il faisait pour cette guerre exigeaient un déai assez long. Ptolémée ne jugea pas à propos d'attendre: avant de sortir de la forteresse de Doch, il fit égorger sous ses yeux la veuve de Simon avec ses deux enfants, et alla se réfugier à la cour de Zénon-Cotyla, roi de Philadelphie, l'ancienne Rabbath-Ammon 1.

7. Quelques mois après, Antiochus, à la tête d'une armée formidable, envahit la Judée, semant la dévastation sur son passage, et vint mettre le siège devant Jérusalem. Il divisa ses troupes en sept colonnes, formant autant de camps détachés, les groupa sur les points les plus importants, et couvrit leur front d'attaque par une

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1. Joseph., Antiq. jud., lib. XIII, cap. xv; IV Mach., cap. xx, 6 ad ullim.

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double tranchée, qui entourait la ville de toutes parts.

EN TROIS ANNÉES, JÉSUS-CHRIST A FONDÉ SON ROYAUME EN DISANT LA VÉRITÉ À TOUS. TOUS LES «TOLÉRANTS» DE L’ÉOQUE N’ONT PU TOLÉRER PLUS lONGTEMPS DE LE VOIR ENCORE EN VIE.

 

 

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