Grégoire VII 15

Darras tome 21 p. 544

 

    8. En sa qualité de cardinal de la sainte Eglise, l'abbé du Mont-Cassin avait sous le pontificat d'Alexandre II fait admirer sa pru­dence à Rome. A ce titre, le pape élu l'invite avec une tendresse fraternelle à venir le rejoindre. Cette conduite ne justifie guère une allégation que le schismatique Benno formulait plus tard en ces termes : « Aussitôt qu'Hildebrand eût été promu par les laïques au souverain pontificat, son premier soin fut d'écarter de son couséil les cardinaux du saint siège 3. » C'est encore dans le pamphlet de Benno, qu'on rencontre l'anecdote suivante dont M. Villemain lui-même s'est vu contraint de suspecter l'authenticité. « L'abbé du Mont-Cassin s'étant rendu quelques jours après à Rome, on raconte que Grégoire lui dit : « Mon frère, vous avez bien tardé, » et que l'abbé lui répondit : « Et vous, Grégoire, vous vous êtes bien hâté d'occuper le siège apostolique lorsque le pape notre seigueur n'élait pas encore enseveli !» — « Mais, reprend M. Villemain, cette anecdote rapportée par un ennemi semble douteuse et le zèle cons-

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1.     Psal. livih et liv.

2.     S. Greg. VI. Registr. Lib. I. Epist. i; Patr. Lat. Tom. CXLVIII,, col. 285.

3.      Postquam al'amde ascendit, a consilio removit cardinales sacrés sedis. (Benne*
Vita et yest. Uildelrand, loc. cit. fol,
ixïi.x, verso.

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p545 CHAP.   V.   —  ADMINISTRATION   ni!   PONTIFE   KLU. 

 

tant de Desiderius pour la cause pontificale, ainsi que l'empressement de Grégoire VII à l'appeler près de lui ne laisse guère de vraisem­blance à cette épigramme, répétée longtemps après 1. » Au lieu d'une simple suspicion et d'un défaut de vraisemblance relevés ici par l'illustre critique, nous avons pour rejeter absolument celle injurieuse anecdote un témoignage irréfragable. C'est celui de De­siderius lui-même. Au IIIe2 livre de ses « Dialogues» écrit à l'époque même du pontificat de Grégoire VII, l'abbé du Mont-Cassin inscrit sans hésitation ce grand pape au nombre des thaumaturges, il cite le fait miraculeux survenu au concile d'Embrun présidé en 1033 par Hildebrand , enfin il parle de ce pape vivant encore avec la même vénération dont on entoure la mémoire d'un saint canonisé : « C'est lui, dit-il, qui à Rome exerce en ce moment la charge apostolique et illumine par sa parole et ses exemples l'église du Christ3. » Qu'on essaie maintenant de faire concorder avec ce té­moignage authentique de Desiderius l'injurieuse réponse que le pam­phlétaire lui met à la bouche, et l'on comprendra que l'historien im­partial ait le droit de la repousser non pas seulement comme une invraisemblance mais comme une impossibilité absolue.

 

   9. Pour se dédommager de la concession faite d'ailleurs de si mauvaise grâce sur ce point particulier, M. Villemain trouve dans la la lettre même de Grégoire VII à l'abbé du Mont-Cassin prétexte à une insinuation plus grave encore. « N'est-il pas visible par les aveux et les réticences de cette lettre, dit-il, que Grégoire ne pou­vait nier la précipitation irrégulière de son avènement; et que sous sa feinte douleur et son humilité il s'occupait de se ménager une médiatrice près de Henri ? » Ainsi en deux ligues le célèbre criti­que trouve un moyen d'accuser Grégoire VII d'hypocrisie, de men­songe calculé, d'ambition et d'intrigue, en même temps qu'il fait peser sur son élection le reproche d'irrégularité tumultuaire. Mais

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1. Ilist. de Greg. VU, Tom. I, p. 374. — Benno. loc. cit. fol. uni recto.

2. Cf. Chap. III, n° 8 du présent volume.

3. Ntmc auicm in Romana urbe culmen apostolicum tenons, Christi Eeclesiam verbis simul et excrnplis illustrât. (Desider. seu Victor ///, Dialog. Lib. III. n° 61; Pulr. Ut, Toiu. OXLIX, col. 1006.

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pour tous les lecteurs de bonne foi c'est exactement le contraire qui ressort de la lettre incriminée. Il est visible en effet que si le pontife élu avait été préoccupé du soin de dissimuler à tous les yeux le vice d'une élection anticanonique dont il aurait été assez ambi­tieux pour vouloir profiter, il se fût bien gardé d'appeler à  Rome le plus illustre et le plus vénérable des cardinaux.  Si réellement l'élection avait été irrégulière, l'abbé du Mont-Cassin ne manquait pas de perspicacité pour s'en apercevoir sur le champ ; la sainteté de son caractère, l'indépendance de sa position, son influence à Rome lui eussent permis de signaler ce choix anticanonique et de le faire annuler. Il est donc visible qu'en appelant avec tant d'ins­tances Desiderius à Rome, Grégoire VII n'avait nullement les ambi­tieuses préoccupations que lui suppose la critique moderne. Loin d'être irrégulière ou nulle, son élection avait tous les caractères  de validité  canonique. Grégoire VII le savait, comme le sauraient aujourd'hui nos prétendus savants, s'ils prenaient la peine d'étudier les diverses formes d'élection pontificale et entre autres celle qui a lieu par acclamation spontanée. Un ambitieux qui se voit sou­dain arrivé au but de ses espérances n'a pas coutume de tomber malade de chagrin, comme l'était alors Grégoire,  « retenu au lit, succombant à la fatigue et n'ayant plus assez de forces pour dicter à un secrétaire le détail des angoisses qui l'oppressaient1. » Repré­senter Grégoire VII comme un hypocrite cachant « sous sa feinte douceur et son humilité » des intrigues égoïstes et basses, ce n'est pas seulement une odieuse calomnie, c'est un mensonge flagrant contre lequel proteste toute l'histoire. Le trait dominant du  carac­tère de Grégoire, le côté saillant de son génie fut précisément la franchise tout apostolique, l'audacieuse sincérité de sa parole et de ses actes. Quant au dessein « de se ménager » en la personne de l'impératrice Agnès «  une médiatrice près de Henri IV, »  pour le prêter à Grégoire VII il a fallu ou une singulière distraction ou une profonde ignorance des événements contemporains. Les rela-

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1. In lecto jaceiis, valde fatigatus, satis cliclare nequeo, angustias meas enar-rare suyenedeo.

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tions du jeune roi Henri avec l'impératrice sa mère étaient telles, qu'une recommandation d'Agnès à la cour de Germanie suffisait pour déterminer le prince dans un sens diamétralement opposé. Le choix d'une médiatrice si peu influente aurait donc trahi, loin de les servir, les ambitieux calculs gratuitement prêtés au pontife élu. Le politique le plus vulgaire se fut bien gardé de recourir à une mé­diation si compromettante. En tous cas le rang et la dignité impé­riale eussent commandé une forme plus respectueuse et une am­bassade spéciale. La mention de l'impératrice Agnès dans la lettre de Grégoire VII à Desiderius s'explique tout naturellement par un fait que Léon d'Ostie a inséré dans sa chronique. L'auguste veuve de Henri III passa la première partie de l'an  1073 au monastère du Mont-Cassin,  où sa dévotion pour saint Benoît la retint, dit  le chroniqueur, dans une pieuse retraite 1. » Elle y était accompagnée du vénérable Raynald évêque de Côme qu'elle  avait  choisi  pour diriger sa conscience après la mort de Pierre Damien. Dès lors on comprend que dans sa lettre à l'abbé du Mont-Cassin le pontife élu se recommande au souvenir et aux prières d'Agnès et de Raynald, comme il se recommandait aux   suffrages  des   religieux.   « Ces prières, dit-il, auraient dû me préserver du péril dans lequel je me trouve, qu'elles me protègent du moins maintenant que j'y  suis tombé : Oratio qux me liberare debuit ne incurrerempericulum, saltcm tueatur in periculo positum2. Grégoire VII croyait à l'efficacité  de la prière : nos modernes rationalités  ne  partagent point cette croyance ; c'est pour cela sans doute que M. Villemain ne semble pas avoir remarqué cette phrase qui à elle seule renverse toute sa thèse. Hildebrand ambitionnait si peu le pontificat suprême qu'an­térieurement à son élection il avait eu recours aux prières des reli­gieux du Mont-Cassin pour obtenir que jamais ce fardeau ne lui

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1 Léo Osliens. Chrome. Cassincns. Lib. 1)1, cap. xxxi ;Patr. La't. Ton». CF.XXMI.
col. 756.

2 S. Greg. \'ll.Epist. 1. loc. cit. Ces paroles d'une signification si précise ne
sont point reproduites par M. Villemain dans sa traduction de la lettre ponti­ficale. Si habile que puisse être ce procédé dont l'illustre auteur s'est large­ment servi dans tout le cours de son ouvrage, il est peu digne de la majesté de l'histoire.

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p548   PONTIFICAT  DE   SAINT   GRÉGOIRE   Vil   (1073-1085).

 

fût imposé. Tel est le sens exact de la parole : Oratio quae me liberare debuit ne incurrerem in periculum. Le lendemain de cette élection qui le consternait il se flattait encore pouvoir échapper à ses consé­quences ; il espérait que le roi Henri IV ne la ratifierait point ; le péril était plus imminent, mais il croyait pouvoir encore le conjurer. C'est ce que signifie le reste de la phrase : saltem tueatur in periculo positum.


   10.  Il répète cette même invitation et dans les mêmes termes au vénérable Léon abbé de Salerne, à saint Hugues de Cluny,  à Suénon roi de Danemark, à Richard abbé de Marseille, à la duchesse Béatrix de Toscane 1, c'est-à-dire à tous les nobles et pieux person­nages avec lesquels il entretenait une sainte communauté de prière. La lettre qu'il adressait le VI des calendes de mai (26 avril 1073) à l'ar­chevêque de Ravenne Wibert porte !a même recommandation, mais en termes différents. On pourrait croire qu'en ce moment Grégoire VII se préoccupait des sinistres prédictions faites par Alexandre II  sur le futur antipape 2. Il lui rappelle le serment prêté naguère entre les mains du défunt pontife, les obligations personnellement  con­tractées envers lui-même. « Je vous en supplie au nom du Dieu tout puissant, dit-il, n'oubliez jamais les liens d'affection que vous avez en ces derniers temps contractés envers l'église romaine, et spécialement les promesses que vous m'avez faites à moi-même, dont vous ne pouvez encore avoir perdu le souvenir. Aujourd'hui que le temps et les circonstances réclament la preuve de votre dévouement au saint-siége, veuillez la donner sinon par égard pour mes faibles mérites au moins pour l'amour des saints apôtres. Invitez vos suffragants et les fils de votre église à prier le seigneur afin qu'il me donne la force, qu'il me tende la main pour m'aider à soutenir le fardeau que malgré mes refus et ma résistance on vient de m'imposer, et que s'il n'a pas voulu laisser en paix ma barque dans le port, du moins il ne l'abandonne pas à la fureur des flots. Comme je vous aime d'une charité qui n'est pas feinte, j'en exige imperturbable-

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1. S. Gregor. VII. Registr. Lib. I. Epist. Il et IT. « Cf. Chapitre précédent, N° 78.

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ment1 de vous une semblable et j'en attends tous les bons offices qu'elle suppose. Votre dilection ne doit pas mettre en doute notre vœu de maintenir entre l'église romaine et celle que vous présidez en vertu de l'autorité divine une telle concorde et, autant que nous le permettra l'honneur commun de l'une et l'autre, des relations telles qu'une paix inaltérable et la plénitude de la charité régnent entre nous. Aussi renouvelant dans cette lettre les exhortations que j'adressais naguère à votre prudence, je veux vous faire savoir ma volonté et mon désir d'établir entre nous un échange fréquent de messages et de correspondances pour notre mutuelle consolation 2. » L'artificieux archevêque de Ravenue dut certainement ré­pondre à cette lettre pontificale par des protestations de dévoue­ment et de filiale déférence. « Nous l'avons vu de nos yeux, dit un auteur contemporain, prodiguer à notre seigneur pape Grégoire tous les hommages d'obéissance et de soumission 3. » Mais sa con­duite ne répondait déjà plus à ses hypocrites paroles. Dès le 1 mai 1073, trois jours seulement après l'envoi de la lettre pontificale, Grégoire VII apprenait que Wibert cherchait à détacher l'église et le diocèse d'Imola de leur fidélité au saint siège. Cette sacrilège entreprise ne pouvait laisser aucun doute sur la déloyauté de l'ar­chevêque. Cependant Grégoire VII ne voulut point en prendre occasion de sévir, il espérait par la douceur ramener un caractère si opiniâtre. Voici en quels termes il le déclarait à Guido comte d'Imola : « Quelques habitants de votre ville se sont présentés à notre audience, se plaignant de ce que notre frère Wibert archevêque de Ravenne prétend les soumettre à sa juridiction et exige d'eux un serment de fidélité, au mépris des droits de Saint-Pierre dont ils relè­vent et auxquelles les attachent les serments les plus solennels. Ce récit nous a d'autant plus étonné que nous croyions pouvoir comp­ter sur la fraternelle affection de Wibert et que sa récente promo-

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1. A vobis indubitanter exigo.

2.Epùt. iv, loc. cit. col. 2SG.

3 .Hic numque, nobis cernentibus, omnem obedientiam et subjectionem domna nosb-o pupx Gregorio exhibait. (Vit, S. Ansetm. Lucens Pair. Lat. Tom. CXLV1II, col. 915.

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p550   PONTIFICAT DE   SAINT GRÉGOIRE   VII  (1073-10S3).

 

tion à la dignité métropolitaine éloignait toute cause de suspicion. Nous ne pouvons croire qu'un homme si prudent soit assez oublieux de lui-même, du haut rang qu'il occupe et du serment de fidélité au prince des apôtres qu'il a prêté si récemment, pour vouloir sans tenir compte du péril dans lequel il se jetterait lui-même, entraîner au parjure ceux qui ont fait comme lui ce serment, et leur en extorquer un autre. Cependant quel que soit le véritable sujet des plaintes qui nous sont parvenues, nous prions votre prudence de ré­tablir la paix si vous le pouvez sans préjudicier aux droits de saint Pierre. Sinon, dans le cas où notre frère l'archevêque de Ravenne soit en personne soit par intermédiaire continuerait à détourner les citoyens d'Imola de la fidélité qu'ils doivent au siège apostolique, nous vous prions et avertissons par l'autorité des saints apôtres de vous opposer à toute entreprise de ce genre jusqu'à l'arrivée des légats que nous envoyons dans votre province. Nous désirons ardem­ment conserver s'il se peut la paix avec tous ; Quant à ceux qui travaillent à s'agrandir au préjudice de saint Pierre dont nous sommes le serviteur, nous n'hésiterons pas, soutenus par la puis­sance de Dieu et par sa justice, à nous opposer à leurs efforts l. » Wibert n'osa point alors pousser plus loin son entreprise. Cédant devant l'attitude aussi modérée que ferme du pontife élu, il désar­ma pour quelque temps, mais suivant l'expression du chroniqueur déjà cité, «l'esprit de superbe qui l'animait dès le berceau ne l'a­bandonna jamais. Il ne cessa pas un instant de poursuivre ses rêves d'élévation et d'orgueil2. »

 

   11. Lié avec tous les évêques simoniaques de Lombardie, faction schismalique qui avait soutenu jusqu'au dernier moment l’antipape Cadaloüs en s'appuyant elle-même sur le despotisme césarien du jeune roi de Germanie, Wibert comptait retrouver un jour au profit de son ambition ce double et sacrilège appui. La lutte entre l'orthodoxie et le schisme continuait à Milan depuis la mort de l'arche-

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1. S. Greg. vn, Epist. x. Lib. Patr. Lai. I ; — Tom. CXLVtlT, col. 292.

2. Ab ipsis intunabulis spiritu superbise repletus nihit meditaLatur prêter ela-Uonem et svpeibiam. (Vit. S. Anselm. Lucens. loc. cit.

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p551 CHAP.  V. — ADMINISTRATION  DU  PONTIFE  ÉLU-,  

 

vêque Wido de funeste mémoire 1. Le sous diacre Gothfred investi par la crosse et l'anneau qu'Henri IV lui avait transmis en échange d'une somme considérable d'argent prétendait se mettre en posses­sion du siège de saint Ambroise. Excommunié par Alexandre II (1071), chassé de Milan par l'héroïque chevalier Herlembald, il s'était retiré avec une troupe de soldats mercenaires dans la forte­resse de Castiglione 2, position inexpugnable à vingt milles de la cité. « De là, dit le chroniqueur Arnulf, comme un loup affamé de sang et de rapine, il organisait de fréquentes sorties et dévastait tou­tes les campagnes environnantes. Les Milanais exaspérés formèrent une armée de siège, se munirent de pierriers, de scirides (tours rou­lantes) de balistes et vinrent camper au pied de la montagne où se trouvait bâtie la citadelle. Victimes des déprédations de Gothfred les laboureurs quittant leur charrue vinrent se joindre aux assié­geants, déterminés à en finir avec l'ennemi commun de l'Eglise et de la patrie. L'intrus et ses soldats se défendirent avec la rage du désespoir ; chaque jour le sang coulait dans des combats acharnés. On entrait alors dans le carême (1071), mais sans respect pour la sainteté du temps quadragésimal, Gothfred n'observait pas même l'abstinence du sang humain. Or, il n'était resté à Milan que les femmes, les vieillards et les enfants, population désarmée, unis­sant ses prières à celles des clercs et des religieux pour le triomphe de la croisade entreprise par leurs fils, leurs époux et leurs pères. Soudain le plus effroyable désastre éclata sur la cité. Je frémis d'horreur en le racontant, s'écrie Arnulf. Ce fut le samedi de la première semaine de carême (19 mars 1071). Le feu éclata sur tous les points de la ville à la fois. Comment décrire cet incendie, œuvre des partisans de Gothfred, qui conserve parmi nous le nom de « Feu de Castiglione ?» Le vent furieux qui soufflait en ce jour, portait à travers l'atmosphère embrasée des globes de flammes qui consumaient tous les édifices, dévoraient les pierres elles-mêmes, fondaient le fer, le bronze, l'or, l'argent, tous les métaux. A peine

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1 Cf. Chapitre précédent N» 48.

2. Castiglione d'Olona, à cinq milles de Varèse.

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p552 PONTIFICAT  DE  SAINT  GRÉGOIRE   VII (4073-1083).

 

s'il resta de tant de magnifiques palais quelques pans de murs cal­cinés. Plusieurs basiliques aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de la ville furent consumées avec les reliques des saints. Le plus beau temple du monde, celui de saint-Laurent, avec ses colonnes, ses sculptures, ses balcons ouvragés, ses splendides mosaïques, une merveille d'architecture et d'art telle qu'il n'en est point de semblable, fut réduit en cendres, comme si le glorieux martyre brûlé vif durant la persécution de Dèce eût permis aux nouveaux persécu­teurs de le livrer une seconde fois aux flammes. Quand la nouvelle de cette épouvantable catastrophe parvint au camp d'Herlembald, un grand nombre de Milanais le quittèrent pour venir au secours de leurs familles ruinées. Le chevalier chrétien n'en continua pas moins le siége avec une invincible ardeur. Enfin dans la semaine de Pâques 1 (24 avril), Gothfred réunissant toutes ses forces s'élança sur les retranchements que l'armée affaiblie d'Herlembald ne pou­vait plus défendre, les franchit l'épée au poing et gagna la plaine. Débordé par les ennemis, Herlembald aurait succombé en ce jour, si une force surnaturelle n'eût soulenu son courage. L'étendard de saint Pierre d'une main, le glaive de l'autre, il groupa autour de lui le peu de soldats qui lui restaient et supporta le choc sans laisser entamer ce bataillon de héros. Gothfred dont le plan consistait à sortir sain et sauf d'une citadelle où les vivres commençaient à faire défaut, ne permit pas aux siens de s'attarder dans une lutte meurtrière et passa outre. Mais le leudemain tous les Milanais se mirent à sa poursuite et après plusieurs jours de combats sanglants le forcèrent de rentrer dans les murs de Castiglione3. »

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon