Bysance 26

Darras tome  18 p. 253


13. Les cruautés de Michel II soulevèrent l'indignation publique. Thomas, généralissime des armées de Syrie, leva le drapeau de la révolte, se fit proclamer empereur, traita avec les Sarrasins qui lui fournirent des troupes auxiliaires, et vint mettre le siège devant Constantinople. Michel le Bègue et son fils, le césar Théophile, sous l'impression de terreur qui les dominait, oublièrent alors leur im­piété et leurs fureurs iconoclastes. On les vit l'un et l'autre porter dans leurs bras une statue de la sainte Vierge, et suivre pieds nus une procession solennelle qui fit le tour des remparts. Le siège se prolongea avec des péripéties diverses jusqu'au mois de mai 823. A cette époque, un secours inattendu vint délivrer Michel. Les Bul­gares fondèrent inopinément sur les troupes assiégeantes et les tail-

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p255 CHAP.   Y.   —   I’EMPEREUR  MICHEL LE  BEGUE.

     

lèrent en pièces. Thomas réussit à échapper au carnage ; il courut avec les débris de son armée s'enfermer dans Andrinople. Michel vint l'y assiéger à son tour. Après cinq mois d'une résistance opi­niâtre, les habitants, épuisés par la famine, ouvrirent leurs portes et livrèrent Thomas pieds et poings liés à son rival. Michel lui fit cou­per les bras et les jambes, et le promena monté sur un âne dans les rues de la ville pendant que l'infortuné criait : « Puisque vous êtes empereur ayez pitié d'un sujet malheureux, tuez-moi de suite et mettez fin à mes tortures. » Sourd à cette prière, Michel se tenait à côté de sa victime et lui demandait à chaque pas s'il n'avait point eu de complices parmi les fonctionnaires byzantins. La moindre indiscrétion de la part du mutilé eût été le signal de proscriptions et de vengeances nouvelles. Le sénateur Hexaboulos mit fin à cet interrogatoire ignoble par une observation pleine de sens. « Eh quoi ! prince, dit-il, vous en rapporteriez-vous à un ennemi sur la fidélité de vos amis ? » Michel ne trouva rien à répondre ; il aban­donna sa victime ; Thomas fut jeté à la voirie et expira sans qu'une main charitable eût pansé ses plaies (octobre 823).

 

14. L'Occident avait retenti des plaintes que les catholiques persécutés dans tout l'Orient adressaient au pape et à Louis le Débonnaire. Michel II se préoccupa du soin de rétablir sa réputation en Europe. Il voulait bien avoir les bénéfices de la tyrannie, mais il était trop hypocrite pour accepter le nom de tyran. Au mois d'a­vril 824, une députation composée de cinq ambassadeurs: Théodore, protospathaire et stratège impérial; Nicétas, archevêque de Myre, en Lycie; Fortunat, patriarche de Grade; Théodore, diacre et éco­nome de Sainte-Sophie; Léon, sénateur et patrice, quitta Constantinople avec la mission de se rendre à Rome, près du pape Eugène II, et à la cour de France, près de Louis le Débonnaire, et de remettre à chacun d'eux une lettre de leur souverain. De la part de Michel qui ne savait ni lire ni écrire il ne pouvait être question de lettres autographes. C'était donc la chancellerie byzantine qui avait rédigé les deux messages. Il ne nous reste plus que celui qui fut adressé à Louis le Débonnaire. C'est un chef-d'œuvre de mensonge et de per­fidie qui vaut la peine d'être cité. La suscription était ainsi conçue:

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p256      pontificat u'eugène ii (824-827).


« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit seul et vrai Dieu, Michel et Théophile, empereurs fidèles des Romains à leur bien-aimé et honorable frère Louis, glorieux roi des Francs et des Lom­bards, et portant chez eux le nom d'empereur. » Cette formule où l'on évitait de reconnaître la légitimité du titre impérial porté par Louis le Débonnaire, sans toutefois le contester officiellement, était déjà un heureux début. Les lignes suivantes n'étaient pas moins bien calculées pour couvrir du manteau de la religion l'origine du pouvoir usurpé de Michel le Bègue. » Votre dilection spirituelle n'ignore sans doute pas, disaient les scribes byzantins, qu'il est écrit dans les saints Livres : « Toute grâce excellente, tout don par­fait, vient d'en haut et descend du Père des lumières 1. » Le Saint-Esprit dictait à Salomon cette sentence : « C'est par moi que les rois régnent2, » et le prophète Isaïe fait dire au Seigneur : «  Je leur ai dans ma justice suscité un roi 2 » C'est donc de la grâce du Dieu notre Seigneur et Sauveur que nous tenons la dignité impériale. II nous faut donc vous faire connaître à vous et à tous les chrétiens orthodoxes, nos frères, les détails de notre avénement à l'empire, et les difficultés que, dès le début de notre règne, nous avons ren­contrés sous nos pas. » Après ce préambule, le message entre dans une série de mensonges vraiment éhontés. Il attribue le massacre de Léon l'Arménien au général Thomas. Michel avait failli être tué en défendant son maître, et n'avait dû la vie qu'à une protection miraculeuse du ciel. Pour venger le meurtre de l'empereur, Michel s'était mis à la tête des troupes fidèles, et à force d'exploits s'était enfin rendu maître de l'homicide usurpateur. Thomas avait subi de juste châtiment de ses crimes. «Alors suivant l'antique usage, con­tinuait le factum cancellaresque, le très-bienheureux patriarche réunit les patrices, les sénateurs, le clergé, les princes, tous les or­dres de l'Etat et le peuple entier dans la basilique de Sainte-Sophie. Après avoir invoqué le nom de l'auguste Trinité, l'intercession de la Vierge immaculée et celle de tous les saints, l'assemblée d'une

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1 Jacob. 1, 17.

' Proverh. vin, 13.

3 Is. xlv, 13.

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p257 CHAP.   V.   — L'kMI'EIIEUU  îuçiihl   I.E   BÈCHÎE.      :

 

voix unanime nous proclama empereur, pour récompenser notre fidélité au prince que nous avons servi. » On croit rêver en lisant
un pareil roman, dont chaque mot est un mensonge, et l'on se de­mande quel était le plus infâme du tyran qui faisait officiellement
rédiger ce message ou du ministre qui lui prêtait sa plume. « Ce fut de la sorte, continue Michel, que malgré moi je dus prendre les rênes de l'empire. Tous les chrétiens avaient été par les artifices de l'usurpateur Thomas divisés en factions rivales. Le désordre, l'erreur, l'impiété, avaient envahi le sanctuaire ; et il me fallut soutenir des luttes nouvelles pour rétablir l'unité, la concorde et la paix au sein de l'Eglise. Je dois faire connaître à votre dilection fraternelle qu'il se trouvait soit dans le clergé, soit parmi les laïques, une foule de personnes complètement étrangères à l’enseignement apostolique, rebelles aux traditions des pères et inaugurant le règne de la superstition la plus déplorable. Au lieu de vénérer la croix vivifiante et sainte, ils la remplaçaient par des images devant les­quelles ils allumaient des lampes et faisaient brûler de l'encens ; leur rendant les mêmes hommages qu'au bois sacré de la croix ré­demptrice. Ils adoraient ces images ; ils chantaient devant elles des cantiques, ils leur adressaient des invocations. On voyait des parents consacrer à ces images leurs enfants nouvellement baptisés, en déposant devant elles les vêtements blancs qu'avaient porté les néophytes ; des moines et des religieuses, le jour où on coupait leur chevelure, l'offraient également à quelque image. Les simples
particuliers avaient dans leur maison un oratoire où ils venaient prier devant un image, et parfois on y célébrait le saint sacrifice de la messe. » Dans ce tableau des prétendues impiétés que Michel le
Bègue se croyait le droit de flétrir au nom de la religion et de la foi outragées, le lecteur a déjà reconnu la pratique très-légitime du culte d'honneur et de vénération que l'Eglise catholique n'a jamais cessé de rendre aux images des saints. «Vainement, ajoutait l'em­pereur iconoclaste, nos augustes prédécesseurs ont convoqué en Orient des conciles provinciaux qui, par l'inspiration de l'Esprit-Saint ont anathématisé cette idolâtrie et ses aveugles fauteurs. La résistance des fanatiques n'en est pas moins vive, et nous l'éprou-

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p258       PONTIFICAT  d'eugéne II  (824-827).


vons nous-même avec douleur, dans les efforts pieux que nous ne cessons de faire pour mettre un terme à ces nouveautés scanda­leuses. Les sectaires refusent de se soumettre à l'autorité des con­ciles et à la nôtre; ils s'endurcissent dans l'erreur. Un grand nombre d'entre eux s'est réfugié à Rome, où ils propagent contre nous les plus absurdes calomnies. Leurs impuissants blas­phèmes ne sauraient nous atteindre ni prévaloir contre la notoriété publique. Le monde entier connaît notre inviolable attachement à l'orthodoxie et à la foi véritable. Nous n'avons d'autre ambition que celle d'honorer et de défendre l'Eglise sainte de Jésus-Christ. C'est dans ses sentiments que nous adressons au très-saint pape de l'an­tique Rome nos lettres impériales. Elles lui seront remises avec les offrandes que nous destinons à la basilique du très-bienheureux Pierre, prince des apôtres, savoir un évangéliaire revêtu de lames d'or et enrichi de pierres précieuses, un calice et une patène de même métal sur lesquels nous avons fait graver nos noms, comme un monument de notre dévotion apostolique. Les mêmes ambassa­deurs chargés de cette mission près du pontife romain offriront à votre dilection fraternelle nos présents d'amitié sincère, des étoffes de soie et d'or avec des vases précieux et des meubles aussi riches qu'il nous a été possible de les trouver en Orient. Nous vous sup­plions d'accueillir nos envoyés avec honneur et bienveillance, vous priant en outre, s'il se trouvait dans vos contrées des fugitifs orien­taux, des pseudo-chrétiens cherchant à propager leur fausse doc­trine ou à semer contre nous leurs calomnies, de les chasser de vos Etats, selon le mot de l'écriture : « Chassez du milieu de vous l’injustice et le mal 1. » Ainsi nous demeurerons inviolablement unis non-seulement pour le gouvernement temporel de la chose publique, mais pour la direction bien plus importante des âmes dans la voie du salut2. »

 

§ V. Conférence de Paris (825)

 

   15. Louis le Débonnaire était à Rouen lorsque les ambassadeurs

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1    Dcuterouvm. xxr, 22.

2    Micliael. II, Epist. ad Ludovic. pmm. haronius adami, S24.

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p259 .   Y.  — COSl'ÈIlENCE  DK  l'A fil S  (82o).      iîo’J


de Michel-le-Bègue lui remirent ce message imposteur. Il eut la faiblesse de le prendre au sérieux, et ce trait que les historiens ont à peine relevé dans un règne tissu de fautes et de lâches compro­mis, est peut-être celui qui nous fait mieux comprendre la nullité de Louis le Débonnaire. Nul n'était plus que lui dévoué à l'Église, à la foi catholique, au saint siège; et malgré tant de bonnes in­tentions, il s'en fallut peu, que, sur le récit mensonger des scribes de Bysance, il ne jeta la France entière dans un schisme qui l'eût séparée de la communion du siège apostolique et de la foi de l'E­glise. Tant il est vrai que le plus grand fléau dont la justice de Dieu puisse se servir pour châtier les peuples est de les livrer aux mains d'un chef incapable et faible. On finit par se révolter contre les tyrans, tandis qu'on meurt lentement d'inertie sous un pouvoir qui ne sait rien décider en faveur d'aucun principe. Louis le Débon­naire se persuada que les réclamations de Michel le Bègue étaient fort justes; que la conduite tenue antérieurement par le saint siège dans la controverse des images était exagérée, qu'il fallait inter­venir pour dissiper le malentendu et amener le pape Eugène II à se réconcilier avec les iconoclastes. Un tel engouement dut surpren­dre quelque peu les ambassadeurs byzantins. Ceux-ci s'étaient attendus à un tout autre accueil. Ils prévoyaient des objections poli­tiques sur la formule cancelleresque qui retirait au fils de Charlemagne le titre officiel d'empereur d'Occident. Ils s'étaient préparés à soutenir de leur mieux le thème convenu sur l'origine du pouvoir de Michel le Bègue. Aucune de ces objections ne leur fut présentée. Encore moins Louis le Débonnaire songeait-il à prendre en main la cause des martyrs et des confesseurs qui versaient leur sang sous le fouet des bourreaux iconoclastes. Son unique préoccupation fut de prouver au pape Eugène II que les iconoclastes étaient les seuls héritiers de la foi véritable et des traditions apostoliques.

 

   16. Une pareille aberration semblerait impossible si elle n'était constatée par tous les témoignages contemporains. Du reste, il se produisit pour Louis le Débonnaire un phénomène que l’histoire constate dans presque toutes les circonstances de ce genre. Le plus coupable ne fut point ce faible empereur, qui subit seulement l’in-

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p260     TONïlKICAT d'eugèke h (824-827).

 

fluence d'un évêque indigne. Si l'on remontait à l'origine de toutes les mesures hostiles prises contre l'Église par les pouvoirs de tous les temps et de tous les pays, on y rencontrerait presque sans au­cune exception les conseils et les insinuations d'un évêque ou d'un prêtre apostat. L'inspirateur de Louis le Débonnaire en cette cir­constance fut un clerc espagnol, nommé Claude, ancien disciple de Félix d'Urgel, adoptianiste comme lui et de plus iconoclaste dé­guisé. Vers l'an 814, il réussit à s'introduire parmi les prêtres de la chapelle impériale où son talent et son éloquence le firent bientôt remarquer. Ses exégèses sur l'Ecriture sainte furent surtout appré­ciées ; Louis le Débonnaire lui confia la direction de l'école pala­tine, le combla de faveurs et le nomma en 822 au siège épiscopal de Turin. Dès sa première visite pastorale dans les paroisses de son diocèse, Claude abattit à coups de crosse toutes les statues et ima­ges des saints qu'il rencontrait dans les églises. Sa fureur ne res­pectait pas même les croix; il les brisait sans pitié, au grand scan­dale des populations qui plus d'une fois se ruèrent en tumulte sur l'évêque iconoclaste. La chose fit grand bruit; Claude avait une réputation de science et de vertu qui donnait à ses actes une im­portance toute particulière. Un de ses admirateurs sincères et jus­que-là son ami dévoué, l'abbé Théodemir qu'on croit être devenu depuis évêque de Calahorra, lui écrivit une lettre touchante pour le supplier d'abandonner son erreur. Claude lui répondit sur un ton qui rappelait le style d'ÉIipand et de Félix d'Urgel. « Je ne sais quel grossier paysan, disait-il, m'a remis de votre part une épître aussi sotte que prolixe, où vous prétendez qu'en Italie, dans toutes les Gaules et jusque chez les Germains, il n'est bruit que d'une nouvelle secte hérétique dont je serais l'inventeur. Il n'y a pas un mot de vrai dans tout cela. Qu'y aurait-il de surprenant d'ailleurs que les suppôts du diable me calomnient, quand ils ont jadis traité Jésus-Christ, notre chef, de séducteur et de démonia­que? Non, je ne suis point un sectaire, je demeure dans l'unité de la foi, je prêche la vérité; je m’efforce, avec le secours de Dieu et dans toute la mesure de mon pouvoir, de combattre, d'extirper, d'anéantir toutes les sectes, toutes les hérésies, toutes les supersti-

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p261 CHAT. V.   —   CONFÉRENCE   DE   PARIS   (825).     

 

tions. L'origine des rumeurs calomnieuses qui circulent à mon sujet est simple à raconter. Quand, malgré ma résistance, je fus contraint d'accepter la charge pastorale, le pieux empereur Louis, ce fils dévoué de la sainte Eglise de Dieu, m'envoya en Italie pren­dre possession du siège épiscopal de Turin. Je trouvai toutes les basiliques de ce pays souillées par des simulacres dignes d'anathème et remplies de statues et d'images. Il me fallut les détruire; j'étais seul pour cette tâche. Ce fut un déchaînement général con­tre moi, et je puis bien répéter la parole du psalmiste : Nisi Dominus adjuvisset me, forte vivum deglutissent me. Mais comment ne pas faire respecter la loi donnée par le Seigneur lui-même, en ces termes : « Tu ne feras ni sculpture ni image de rien de ce qui existe sous le ciel et sur la terre 1. » Voilà qui est clair. Si les chrétiens adorent maintenant les saintes images, ils reproduisent l'idolâtrie des païens qui adoraient les démons. Le nom seul est changé, mais les idoles restent. Peignez sur une paroi les images de Pierre et de Paul, de Jupiter, de Saturne ou de Mercure, vous n'avez ni apôtres ni dieux, pas même des hommes, mais de véritables idoles. Et vous allez vous prosterner, vous agenouiller devant ces simulacres vains ! Restez debout. Dieu vous a fait droit ; c'est aux brutes qu'il appar­tient de marcher la tête courbée vers le sol. Cependant les fauteurs de la superstition cherchent à donner quelque prétexte plausible à leur idolâtrie. C'est en souvenir de notre sauveur, disent-ils, que nous retraçons l'image de la croix, c'est en l'honneur de Jésus-Christ crucifié que nous vénérons et adorons la croix sur laquelle il est mort. — Tel est leur raisonnement, en sorte que leur grossière intelligence ne dépasse point celle des juifs et des païens qui en­touraient le Calvaire, où il ne voyaient qu'une croix et un homme à l'agonie. Ils ne comprennent pas la parole de l'apôtre : Si cognovimus secundum carnem Christum, sed nunc jam non novimus 2. S'il fallait adorer la croix parce que le Christ y fut attaché, je dirais moi : Le Christ n'est resté que six heures sur la croix, et il fut neuf

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1 Exod. xx, 4.

2. II. Cor v, 16,

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p262      pontificat d'eugène ii (824-827).

 

mois dans le sein de la Vierge, sa mère. Il faut donc aussi adorer les vierges, puisqu'une vierge fut mère de Dieu ; il faut adorer les berceaux, puisque Jésus enfant reposa dans le berceau de Beth­léem. On en viendra à nous faire adorer les ânes, puisque l'un d'eux servit de monture au Christ lors de l'entrée triomphale à Jé­rusalem 1. »

   17. Tel était le langage de Claude de Turin, l'ami, le conseiller, l'initiateur théologique de Louis le Débonnaire. Des protestations éloquentes surgirent du sein du clergé des Gaules contre cette doc­trine blasphématoire. Jonas, successeur de Théodulfe sur le siège d'Orléans, lui opposa une vigoureuse et éloquente réfutation où il prouvait la légitimité du culte d'honneur rendu aux saintes images, et rappelait les principes élémentaires qui le distinguent de l'adora­tion proprement dite ou culte de latrie réservé à Dieu seul. Dungal le Reclus, ce savant Hibernien qui avait jadis professé avec tant d'éclat dans l'école palatine, et qui depuis la mort de Charlemagne s'était retiré dans une solitude anachorétique, joignit sa voix à celle de l'évêque d'Orléans et adressa aux deux empereurs Louis et Lothaire une vigoureuse réfutation du libelle de Claude de Turin 2. Mais l'erreur avait jeté des racines assez profondes dans un grand nombre d'esprits d'ailleurs fort éclairés. L'équivoque que le synode de Francfort en 794 avait adoptée et qui consistait à prêter au VIIe concile œcuménique la doctrine erronée de l'adoration des saintes images était loin d'être dissipée. On croyait généralement dans les Gaules que les pères de Nicée avait introduit dans l'Église une sorte d'idolâtrie chrétienne, contre laquelles les iconoclastes exagérés poussaient peut-être trop loin la réaction, mais qu'il importait ce­pendant de combattre dans une mesure plus modérée. Telle est l'at­titude que prit entre autres l'illustre archevêque de Lyon, Agobard. Son traité De imaginibus Sanctorum, publié à cette époque, fut inti-

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p263 CHAF.   V. —  CONFÉRENCE  DE  PARIS  (823).


tulé par l'auteur lui-même : « Contre la superstition de ceux qui ren­dent aux peintures et aux images des saints un culte d'adoration 1. »

 

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon