VIème Concile oécuménique 13

Darras tome 16 p. 392

 

§. VI. Fin du VIe Concile œcuménique.


   61. Cinq jours après, le 16 septembre 681, avait enfin lieu la session XVIIIe selon la version latine, XVIIe selon les actes grecs, mais en tout cas la dernière de cette fameuse assemblée. Cons­tantin Pogonat en personne vint s'asseoir sur le fauteuil trop long­temps vide de la salle du dôme. La même escorte des treize patrices et fonctionnaires impériaux qui l'avaient accompagné, dans les onze premières sessions présidées par lui, se rangea de nouveau à ses côtés. Les légats du siège apostolique figurent comme toujours en tête de la liste des pères. Mais cette fois leur présence n'est pas seulement sur le papier, elle est réelle : leur souscription apposée la première, à la suite de la définition dogmatique, en fait foi. Nous ne sommes donc plus en face de cette perpétuelle équivoque de sessions acéphales. Tout ce qui va se passer est canonique, régu­lier, correct. La définition de foi qui va être promulguée devien­dra, si elle obtient la ratification du souverain pontife, obligatoire

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1. Labbe, tom. VI, col. 1009-1012.

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pour toutes les consciences catholiques. Cent soixante-quatorze pères assistaient à cette séance solennelle, ce qui suppose qu'une vingtaine d'évêques étaient arrivés depuis un mois. Le diacre promoteur Théodore adressa quelques mots à l'empereur, et le félicita de son zèle pour l'orthodoxie. « La définition dogmatique rédigée dans ce synode sera, dit-il en terminant, la gloire de votre règne. Si votre sérénité le juge à propos, cette définition va être solennellement promulguée. » — « Qu'on en donne lecture, » répon­dit Constantin. — Le lecteur et notarius Agathon lut donc cette profession de foi. Elle débute par la reproduction intégrale des symboles de Nicée et de Constantinople. « Ces symboles et les doc­trines formulées par les précédents conciles généraux, disent les pères, suffisaient pour la connaissance et la confirmation de la foi orthodoxe. Mais l'auteur de tout mal, le démon, qui dès le premier jour trouva un coopérateur dans le serpent, et par lui introduisit la mort au sein de l'humanité, a rencontré de même en ces der­niers temps de nouveaux organes, nous voulons dire Théodore de Pharan, Sergius, Pyrrhus, Paul, Pierre, jadis patriarches de cette impériale cité, et de plus même (éti dè superinsuper et) Honorius jadis pape de l'antique Rome1, Cyrus d'Alexandrie, Macaire naguère encore patriarche d'Antioche et son disciple Etienne. Par eux il a suscité dans l'Église de scandaleuses erreurs, et répandu dans le peuple fidèle l'hérésie d'une seule volonté et d'une seule opération naturelle en Jésus-Christ. Toutefois le Christ notre Dieu a fait surgir un prince selon son cœur, nouveau David, lequel « n'a donné ni sommeil à ses yeux ni repos à ses paupières, » jusqu'à ce qu'il eût réuni ce saint et œcuménique concile pour fixer la véri­table formule de l'orthodoxie. En conséquence, le synode saint et universel en ce moment réuni accepte comme expression de la foi, pistôs, et les mains levées au ciel salue et reçoit la lettre adres­sée à l'empereur par le très-saint et très-bienheureux Agathon pape de l'antique Rome, avec la condamnation nominative et expresse des divers fauteurs du monothélisme telle qu'elle y est contenue.

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1 Labbe, tom. VI, col. 1024.

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   Il reçoit de même la lettre synodale des cent vingt-cinq évêques d'Occident réunis sous la présidence du très-bienheureux pape. — Nous déclarons donc qu'il y a en Jésus-Christ deux volontés et deux opérations naturelles, l'une divine, l'autre humaine, distinctes et séparées, mais sans opposition l'une avec l'autre. Nous pro­fessons que ces deux opérations et volontés agissent de concert
pour le salut du genre humain. Telle est la foi orthodoxe. Quiconque oserait contredire cette définition dogmatique, en altérer ou en dénaturer les termes, s'il est évêque ou clerc, sera déposé, s'il est laïque ou moine, frappé d'anathème. » Après cette lecture, l'em­pereur demanda si le décret avait obtenu l'assentiment de tous les évêques. La réponse fut donnée par acclamation. «Tous nous croyons ainsi, dirent les pères. Telle est notre foi. Tous nous l'a­vons signée. C'est la foi des apôtres, la foi des saints pères, la foi des orthodoxes. Longues années à l'empereur. A Constantin mé­moire éternelle. Anathème à Nestorius, Eutychès et Dioscore. Anathème à Apollinaire, à Sévère et à leurs fauteurs. Anathème à Théodore de Pharan. A Sergius et Honorius anathème. A Pyrrhus
et Paul anathème. A Cyrus et Pierre anathème. A Macaire, Etienne et Polychrone anathème 1 ! »


         62. Constantin reprit la parole : «Dieu m'est témoin, dit-il, que c'est uniquement le zèle pour la foi orthodoxe qui a inspiré toute ma conduite. J'ai agi sans passion et sans esprit de parti. Depuis le jour où il plut à Dieu de remettre en mes mains les rênes de l'empire, je me préoccupai constamment de rétablir l'union dans l'Église. Et maintenant j'adjure tous ceux qui dans leur conscience estimeraient nécessaire de modifier ou de compléter en quoi que ce soit la définition promulguée, de le dire sans crainte. » De nouvelles acclamations unanimes répondirent que la définition était orthodoxe, complète, définitive. Constantin alors félicita les pères du succès de leurs travaux, les remercia d'avoir affronté les fatigues de longs et pénibles voyages. « Le rétablissement de la paix, le retour de tous les égarés à la vraie foi, seront, dit-il, avec la grâce

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1 Labbe, tom. VI, col. 1044.

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de Dieu et par l'intercession de sa sainte et immaculée Mère, votre récompense et votre gloire. » — « Très-pieux et pacifique empe­reur, reprirent les pères, nous avons rédigé selon l'usage une adresse prosphonétique à votre majesté. Si vous l'avez pour agréable, ordonnez qu'on en fasse lecture. » Constantin se prêta aux vœux de l'assemblée. Le discours prosphonétique, signé par tous les pères, fut lu solennellement. Après un long préambule historique sur les diverses hérésies depuis celle d'Arius, et sur les conciles généraux depuis Nicée, on arrivait au monothélisme, et l’on exaltait les efforts de l'empereur pour l'extinction de la nou­velle hérésie. La définition de foi et les anathèmes contre les sec­taires étaient rappelés en ces termes : « Nous professons deux volontés et deux opérations naturelles agissant en commun et sans opposition dans la personne de Jésus-Christ. Nous rejetons de l'Église et nous anathématisons les nouvelles erreurs avec ceux qui les ont inventées, savoir : Théodore de Pharan, Sergius et Paul, Pyrrhus et Pierre de Constantinople ; Cyrus d'Alexandrie ; avec eux Honorius jadis pape de l'antique Rome, pour avoir suivi ceux-là dans leurs erreurs, xoti cvv ày-rolç 'Ovwpiov tov ttjç PtoLW,; ysvoliexov TrposSpov, us txEîvoiç èv ToûTotc. dtxoi. ouSifjtfavTa 1, mais surtout et principalement nous anathématisons Macaire maintenant déposé, son disciple ou plutôt son maître en hérésie Etienne, et enfin Polychrone, ce vieil­lard tombé en enfance, lequel affichait la prétention de ressusciter un mort et n'a recueilli que la risée universelle. Le prince des apôtres a combattu et triomphé avec nous. Nous avons eu, pour illuminer à nos yeux le mystère de la foi, les lettres de son imita­teur, du successeur de son siège. L'antique cité de Rome, ô grand empereur, vous a transmis un décret dogmatique autorisé par Dieu lui-même ; le parchemin n'offrait au regard que des caractères tracés à l'encre, mais Pierre y parlait réellement par la bouche d'Agathon. » Après la lecture du discours prosphonétique, le con­cile pria l'empereur d'apposer sa signature au texte de la définition de foi. « J'y consens volontiers, répondit Constantin. Mais aupa-

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1. Labbe, tom. VI, col. 1053.

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ravant il convient de trancher une question jusqu'ici indécise. Vous savez que le vénérable archevêque de Sardaigne, Citonatus, est depuis quelque temps arrivé dans cette capitale. Il n'a pu prendre séance dans votre saint et œcuménique concile, parce qu'il était accusé de certains griefs concernant ses obligations envers l'empire et envers nous. Son innocence a été juridiquement pro­clamée. En conséquence, nous vous demandons de l'admettre à signer lui aussi la définition de foi. » Citonatus fut admis et signa. Puis l'évêque d'Aureliopolis, Théodote, prenant l'exemplaire du décret, le porta à l'empereur qui souscrivit le dernier en ces termes : «Constantin, par la grâce du Dieu Christ, roi et autoxrator des Romains, nous avons lu et consenti. » Le saint synode présenta une nouvelle requête en ces termes : « Pour la plus grande sta­bilité et confirmation de la foi orthodoxe, nous prions votre ma­jesté de transmettre un exemplaire de la définition dogmatique, muni de sa signature impériale, à chacun des cinq patriarcats de Rome, de Constantinople, d'Alexandrie, d'Antioche et de Jéru­salem. » Constantin fit, séance tenante, exécuter les cinq copies authentiques du décret 1.

 

63. La première, destinée au souverain pontife, portait pour suscription : « Au siège apostolique de saint Pierre prince des apôtres, en la personne du très-saint Agathon pape de l'antique Rome. » Elle fut accompagnée d'une lettre synodale, souscrite au nom de tous leurs suffragants par chacun des métropolitains pré­sents au concile. Bien que les actes ne le spécifient pas d'une ma­nière positive, il est cependant vraisemblable que cette lettre fut lue en séance publique. D'ailleurs les signatures dont elle est revêtue constatent son authenticité. En voici les passages les plus saillants. « Le saint et œcuménique concile, réuni par la grâce de Dieu et sous la sanction du très-pieux, très-fidèle et grand empe­reur Constantin en cette capitale de l'empire, la Rome nouvelle, la cité de Constantinople, au palais impérial, dans la salle du dôme, au très-saint et très-bienheureux Agathon pape de l'antique

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Rome, salut dans le Seigneur. — Puisque les grands maux appel­lent les grands remèdes et la science des illustres médecins, c'est une providence visible du Christ, notre Dieu véritable, d'avoir donné à son Église, en la personne de votre sainteté, un médecin plein de sagesse, de prudence et de force, pour combattre le poison de l'hé­résie et rétablir dans son intégrité la foi catholique. C'est donc à vous, comme au pontife de l'Eglise universelle, assis sur la pierre ferme et immuable de la foi, que nous laissons le soin d'achever l'œuvre commencée, de décider ce qui reste à faire. Les lettres adres­sées par votre paternelle béatitude au très-pieux et très-clément em­pereur Constantin, ont été accueillies par nous comme un oracle émané du sommet divin de l'apostolat. Elles nous ont servi d'armes invincibles pour la destruction de l'erreur. Selon la teneur de votre sentence exprimée dans ces lettres, sacrées à nos yeux, nous avons frappé d'anathème les hérétiques et leurs fauteurs, savoir : Théo­dore de Pharan, Sergius, Honorius1, Cyrus, Paul, Pyrrhus et Pierre, puis les personnages vivants qui ont persévéré dans leur secte impie, Macaire maintenant déposé du siège d'Antioche, son disciple Etienne, Polychrone et tous leurs adhérents. Leur obsti­nation nous fut un sujet de tristesse, de deuil et de larmes. Aucun sentiment de haine ni d'envie contre leurs personnes n'eut place dans notre âme. Nous avons tout fait pour les amener à résipis­cence. Le sérénissime empereur y a travaillé inutilement lui-même, ainsi que votre béatitude pourra s'en convaincre par l'examen des actes que nous lui transmettons, par le témoignage de ses véné­rables légats et par celui des évêques représentants du synode romain. »


64. Le lecteur aura déjà remarqué, dans la mention d'Honorius englobé sans son titre de pape au milieu des auteurs morts de  l'hérésie monothélite, une contradiction flagrante avec l'assertion faite par les pères de ne frapper d'anathème que les hérésiarques désignés dans la lettre de saint Agathon. Il est constant, en effet, que saint Agathon et le concile romain non-seulement n'avaient

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point flétri la mémoire d'Honorius, mais qu'ils avaient en termes fort nets déclaré son orthodoxie. Il y a donc là un faux exposé et une conséquence que ne renfermaient pas les prémisses. Les textes précédents relatifs à Honorius, fournissent le sujet de remarques non moins importantes. Ainsi, dans la définition de foi, Honorius est nommé avec Sergius, Pyrrhus et les autres monothélites sans aucune distinction ni réserve, mais avec l'expression d'un certain étonnement de le trouver en telle compagnie, I-i Se xaî 'Ovijpiov. Dans le discours prosphonétique, Honorius est complète­ment détaché du groupe des hérésiarques. On ne le confond point avec eux ; on lui reproche simplement « de les avoir suivis dans leurs erreurs, » ù; êxeîvoiç èv wjtoi; àxt>).o'j6rj<;avTa. La différence est notable et la contradiction flagrante. En somme, si nous voulons savoir très-exactement ce que les pères du VIe concile œcuménique, dans leur XVIIIe session, voulurent prononcer sur Honorius, nous trouvons qu'une première fois ils désignent ce pape comme un hérésiarque, et qu'une seconde fois ils lui reprochent seulement « d'avoir suivi » dans leurs erreurs les hérésiarques monothélites. Laquelle des deux opinions fut vraiment celle du concile? On pourrait désespérer de le savoir jamais, si d'autres documents ne venaient apporter sur ce point une nouvelle lumière. Voici comment l'em­pereur Constantin, président de fait du VIe concile œcuménique, et dès lors très-bien informé du sentiment vrai de cette assemblée, formule le jugement relatif à Honorius, dans l'édit promulgué pour rendre obligatoire et mettre au rang des lois de l'état le décret dogmatique contre le monothélisme : « Nous anathématisons et répudions les auteurs et les fauteurs de la nouvelle hérésie, Théo­dore de Pharan... etc., et aussi même Honorius pape de l'antique Home, lequel a favorisé en tout les hérétiques par son concours et  son   appui,   y.axi ratvta toutoi; cuvaipétr,-), yta\  cjOvSpojiOV,   xaî   BeêiHiîrjV rf;; aipsVsw;. )) Cette fois, voilà bien, selon nous, le sens réel, la pen­sée vraie de l'anathème lancé par les orientaux contre la mémoire d'Honorius. Mais cette sentence leur appartient en propre; elle est leur œuvre, et selon l'expression de l'évêque d'Iconium, elle n'a pas plus de valeur que le fameux canon subreptice du concile

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de Chalcédoine en faveur de la primatie du siège de Constantinople. Les pères le comprenaient fort bien eux-mêmes, puisqu'ils laissaient au pape saint Agathon le soin de régler définitivement toutes choses, avec la plénitude du droit qui appartient au siège apostolique et au successeur de saint Pierre. Agathon était mort avant le retour des légats chargés de lui remettre le décret dogma­tique et la lettre synodale. Ce grand et saint pape s'endormit dans le Seigneur le 10 janvier 682 : il n'eut pas le temps de connaître en détail les intrigues, les compétitions ambitieuses, les tendances usurpatrices que le patriarcat byzantin avait manifestées dans le cours de ce laborieux concile.

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CHAPITRE   VI.


SOMMAIRE. PONTIFICAT DE SAINT LÉON II (17 août 682-28 juin 683).


§ I. ANXIÉTÉS ET PÉRILS.

1. Vacance du saint-siége. — 2. Notice de saint Léon II d'après le Liber Pon­tificalis. — 3. Retour des légats apostoliques relâchés par les byzantins. — 4. Difficultés et angoisses. — 5. Lettres de l'empereur à saint Léon II et au synode romain. — 6. Les informations orales et écrites. Impénitence finale de Macaire et d'Etienne. — 7. Un syllogisme académique. — 8. Diffé­rence essentielle entre les actes du VIe concile et la définition de foi. — 9. Impuissance du syllogisme académique, nullité des condamnations acé­phales prononcées contre Honorius.

§  II.  DÉCRET CONFIRMANT LA DÉFINITION DE FOI   DD Vie CONCILE.

10. Restitution par Léon II du véritable rang de3 légats apostoliques. Les {utop.vvi[i.«a owôôixa. — 11. Plainte significative du pape. — 12. Approba­tion limitée exclusivement à la définition de foi. — 13. Sanction implicite du fait de la présidence conciliaire exercée par l'empereur. — 14. Hono­rius reconnu coupable d'imprévoyance par saint Léon II.—15. Divergence apparente entre le jugement de saint Agathon et celui de saint Léon II sur Honorius. Identité réelle. — 16. Lettres de saint Léon II aux églises d'Es­pagne. Le Liber Diurnus. — 17. Mort de saint Léon II. Attitude du concile du Vatican vis-à-vis do la questiou d’Honorius.


PONTIFICAT DE SAINT BENOIT II (26 juin 684-8 mai 685).

18. Interrègne nécessité par le nouveau règlement impérial. —19. Notice de saint Benoit II d'après le Liber Pontificalis. — 20. Lettre de Benoit II au légat du saint-siége en Espagne. — 21. Révolution en Espagne. Le roi Erwige. XIIe et xinc conciles de Tolède. — 22. XIVe concile de Tolède. — 23. Situation politique de l'Orient. Rétablissement de la liberté des élec­tions pontificales.

PONTIFICAT DE JEAN V (23 juillet 685 - 2 août 686).

24. Notice de Jean V d'après le Liber Pontificalis. — 23. Mort prématurée de Jean V. Avènement de Justinieu II.

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P401 CHAP.   VI.   — ANXIÉTÉS  ET  PÉRILS.     

PONTIFICAT DE CONON (21 octobre 686-21 septembre 687).

26. Notice de Conon d'après le Liber Pontificalis. — 27. Les factions électo­rales à Rome. Appel abusif à l'intervention des exarques. — 28. Les actes du vi° concile général et le patriarche byzantin Théodore. — 29. Lettre de Justinien II relative à l'exemplaire original des actes.


§. I. Anxiétés et périls.

 

   1. L'intervalle de sept mois et six jours écoulé entre la mort du pape saint Agathon et le sacre de saint Léon II, son successeur, fut la conséquence du nouveau règlement intervenu pour les élections pontificales entre le saint-siége et l'empereur Pogonat. Ce prince, on se le rappelle, avait enfin consenti à exonérer l'église romaine de l'odieuse taxe, jusque-là exigée par le fisc byzantin à chaque avènement d'un pape. Mais en revanche, il avait fait revivre la clause qui obligeait d'attendre la ratification impériale avant de procéder à l'installation du pontife élu. Sous le régime antérieur de la taxe, les clercs romains se contentaient de notifier l'élection à l'exarque de Ravenne, aux mains duquel ils versaient la somme d'argent imposée par l'avarice sacrilège des césars. Après quoi, ils procédaient au sacre du pontife élu. Désormais le voyage à Ravenne ne suffisait plus ; il fallait expédier des apocrisiaires à Constantinople avec mission de solliciter la ratification impériale ; il fallait attendre l'issue de la négociation, le bon plaisir de la cour de Byzance et enfin le retour des apocrisiaires avec la réponse favorable. Ainsi se perpétuaient, sous la décadence du bas-empire, les traditions tyranniques des rois goths et ariens. Toujours les mêmes prétentions du pouvoir civil contre l'Église de Dieu. Si l'empereur byzantin se fût trouvé aux frontières de la Perse ou de l'Arabie pour une expédition qui eût duré sept ans, comme celle d'Héraclius, l'Église catholique était exposée à rester sept ans sans pas­teur et sans chef. Au lieu de sept années, la vacance du saint-siége ne fut que de sept mois et demi.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon