Angleterre 4

Darras tome 15  439

 

19.Les projets d'Honorius pour la conversion des autres provinces encore idolâtres de la Grande-Bretagne furent exécutés par un missionnaire burgonde, nommé Félix, lequel avait connu  dans les Gaules le prince Sigebert, fils de Redwald. Exilé par son frère aîné Eorpwald, Sigebert, durant les longues années passées sur le continent, s'était pénétré d'une profonde véné­ration pour les évêques et les prêtres. Après la mort d'Eorpwald, il fut appelé à régner sur les Est-Angles. Le burgonde Félix l'y suivit, reçut la consécration épiscopale des mains de l'archevêque de Cantorbéry, et se dévoua à la conversion des sujets de Sigebert. Il fixa sa résidence à Dunwich, capitale du royaume (631). Par les efforts réunis du roi et du missionnaire, la connaissance du christianisme fit bientôt de rapides progrès. Pour assurer et perpétuer ces heureux résultats, Félix créa dans son diocèse une école publique sur le modèle de celle de Cantor­béry. Pendant dix-sept années, le saint évêque vit grandir autour de lui des générations de vaillants chrétiens. Il mourut chargé d'ans et de bonnes œuvres, laissant des institutions désormais flo­rissantes. Le pieux Sigebert, après avoir lui-même par de sages établissements pourvu au bonheur de ses sujets, remit le sceptre aux mains d'Egéric, son proche parent, et se retira dans un mo­nastère. Il voulait, sous l'habit religieux, occuper exclusivement ses derniers jours des pensées éternelles, et se préparer une mort paisible. L'événement trompa ses espérances, et ce fut par une

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1 Bède ne donne point !e nom de cette princesse. Noua l'empruntons au P. Alford, Annal, eccles. et civil. Britann., ad ann. 636, no 13. Cf. Bolland., tom. II August., col. 85 B.; Bed., Hist. Eccles., lib. III, cap. vu.

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autre voie qu'il trouva le chemin du ciel. Une subite irruption des Merciens commandés par le farouche Penda, vint jeter l'épouvante parmi les Est-Angles. Egéric, soit faiblesse, soit incapacité, ne sut pas repousser l'invasion. Vaincu dans une première campagne, il s'apprêtait à recommencer la lutte, quand le peuple et l'armée re­demandèrent à grands cris le vieux Sigebert, qui les avait tant de fois conduits à la victoire. « Sigebert refusa, dit le vénérable Bède ; mais on l'arracha de force à sa cellule, et on l'amena au milieu du camp. Les Est-Angles croyaient que la présence de cet illustre et saint vieillard suffirait à raffermir les courages et à changer le sort de la guerre. Une baguette à la main, car il n'avait pas voulu en­freindre ses vœux monastiques ni reprendre son armure, Sigebert engagea la bataille. Il fut tué avec Egéric; l'armée des Est-Angles fut taillée en pièces; et les Merciens idolâtres ravagèrent toute cette contrée1. » Cependant les Est-Angles persévérèrent avec une constance inébranlable dans la foi de Jésus-Christ, et leur fidé­lité fut récompensée quelques années après par l'avènement du roi Oswin, qui chassa les envahisseurs et régna glorieusement.


   28. Les regards du pape Honorius pouvaient donc se reposer avec satisfaction sur cette île lointaine, où l'œuvre de saint Gré­goire le Grand continuait à se développer malgré les obstacles, en multipliant sur tous les points à la fois des phalanges de confes­seurs et de martyrs. Cependant une divergence fâcheuse troublait ce concert d'unité et de foi. C'était la controverse sur la célébration de la Pâque, dont nous avons vu saint Colomban porter l'irritant débat dans les Gaules et en Italie. Pour mieux faire comprendre l'état de cette question, il importe d'en rappeler sommairement les précédents historiques. La méthode employée au sein de l'Église pour déterminer le véritable jour où devait se célébrer la fête pas cale avait varié trois fois. Depuis la résurrection de Notre-Seigneur jusqu'au concile de Nicée, les chrétiens se servirent exclusivement du cycle juif de quatre-vingt quatre ans, au moyen duquel on

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1 Bed., Ilist. eccl. AngL, lib. III, cap. xvm, lib. II, cap. v. Saint Sigebert est honoré comme martyr le 17 septembre. La fête de saint Félix, évêque de Don-wich, se célèbre le 8 mars.

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obtenait d'une manière certaine le mois où devait se célébrer la Pâque, mais d'une façon seulement approximative les jours précis de la néoménie du mois pascal. Il arrivait donc, par suite de ce cycle défectueux, que chrétiens et juifs devançaient parfois, pour la célébration de la fête, l'équinoxe du printemps. De plus, les églises de l'Asie proconsulaire et quelques-unes des Gaules1, s'obstinèrent longtemps à célébrer la Pâque avec les juifs le quatorzième jour de la lune, que ce jour tombât ou non un dimanche : de là le nom et l'erreur des quartodecimans, définitivement proscrits à Nicée par le  1er concile œcuménique. Pour rétablir l'uniformité si désirable, et prévenir le retour de nouvelles méprises, le concile ordonna que dans tout l'Orient le jour de la Pâque serait chaque année officiel­lement indiqué par le patriarche d'Alexandrie. La science astrono­mique des Égyptiens, universellement reconnue, paraissait une garantie suffisante pour le résultat qu'on se proposait. Les pères ne firent eux-mêmes aucune modification au cycle de quatre-vingt quatre ans, ils se contentèrent de condamner absolument la pratique des quartodecimans et de défendre à tous les chrétiens de célébrer la fête de Pâques le même jour que les juifs, c'est-à-dire le jour du sabbat, ou samedi, reportant cette solennité invariablement au di­manche. A la même époque, Eusèbe de Césarée introduisit un nouveau cycle de dix-neuf ans, primitivement dressé par l'astro­nome athénien Méthon (432 avant Jésus-Christ), dans le but de faire concorder l'année lunaire avec l'année solaire 2, et trans­formé, vers l'an 275 de notre ère, en cycle pascal par saint Anatolius, évêque de Laodicée, très-versé lui-même dans la connaissance du comput. L'église d'Alexandrie employa le nouveau cycle, qui prit le nom de cycle de Nicée parce que son adoption se trouvait à peu près contemporaine du grand concile. Tout l'Orient suivit cet exemple. Rome et l'Occident conservèrent l'ancien cycle de quatre-vingt quatre ans jusqu'en 457, où, sous le pontificat de saint Léon le Grand, Victor d'Aquitaine, par ordre du pape, s'inspirant du cycle de dix-neuf ans, dressa une table pascale pour une période de cinq

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1 Cf. tom. YII de cette Histoire, p. 448. — 2 C'est ce cycle qu'on appelle aujourd'hui le Nombre d'or.

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cent trente-deux ans. Dès lors, il y eut uniformité entre l'Occident et l'Orient pour la détermination assurée du mois pascal, mais il se trouvait encore des divergences pour la façon de préciser le di­manche même de la solennité. Enfin en 523, Denys le Petit pu­bliait à Rome le cycle pascal qui porte son nom 1, travail décisif qui régla la matière jusqu'en 1582, époque de la réforme du ca-­
lendrier par Grégoire
XIII 2.

   29. Étrangers à tous les progrès successifs du comput ecclésiastique, les Irlandais évangélisés par saint Patrick, disciple lui-même de saint Martin de Tours, avaient conservé l’usage du cycle d'Anatolius, le seul que leur eût laissé leur maître. Lorsque saint Augustin et les autres missionnaires envoyés par Grégoire le Grand eurent converti les Saxons, ils donnèrent à leurs églises le cycle nouveau de Denys le Petit ; mais les Irlandais et les anciennes chrétientés bretonnes le repoussèrent comme une inno­vation scandaleuse. De là cette controverse passionnée qui dura plus de deux siècles. A l'époque d'Honorius, l'an 628, après l'arri­vée des évêques Birin et Félix, qui apportaient aussi avec eux le cycle de Denys le Petit, la question reprit une nouvelle ar­deur. Un témoin et acteur dans ce débat, Cummianus, abbé de Kiriummin, le raconte en ces termes : « Quand pour la première fois an fit usage chez nous de ce nouveau cycle, j'étais loin de l'approuver; Cependant je gardai le silence, n'osant ni louer ni blâ­mer. Je n'ai pas la prétention de me croire à moi seul plus savant que les Hébreux, les Grecs, les Latins, ces trois races dont l'i­diome fut consacré, selon l'expression de saint Jérôme, par Jésus-Christ lui-même dans le titre de la Croix. Mais je n'oublie pas non plus le précepte de l'Apôtre : Omnia probare, quod bonum est tenete. Je m'enfermai donc dans le silence et l'étude pendant une année entière, parcourant d'abord la sainte Écriture, puis les diverses histoires, et enfin tous les cycles que je pus rassembler. » Cum­mianus discute ensuite avec sagacité les textes de l'Ancien et du

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1 Cf. tom. XIV de cette Histoire, p. 325. — 2. Cf. Smith., Append. ad omnia ven. Bed. opéra,w 7; Pair, lat., tom. XCV, col. 319; Bolland. Novi, tom. IX octobr., p. 329.

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Nouveau Testament relatifs à la Pâque juive et chrétienne ; il cite les décisions des conciles de Nicée et d'Arles, et notamment le canon qui portait excommunication contre ceux qui s'écarte­raient pour la célébration de la Pâque de la pratique du siège apostolique. Sa revue des divers cycles ecclésiastiques est com­plète. Elle comprend ceux de saint Patrick de quatre-vingt quatre ans, de saint Anatolius, de Théophile, de Denys le Petit, de saint Cyrille, de Marinus, de saint Augustin, de Victor d'Aquitaine. Cummianus conclut à l'adoption de la pratique romaine, et cite à ce pro­pos la parole de saint Jérôme : Antiqua in me insurgit auctoritas : ego intérim clamito : Si guis cathedrœ sancti Pétri jimgatur, meus est ille 1.


21.« Tel fut, continue l'abbé de Kilkummin, le résultat de mes recherches. Elles m'avaient absorbé durant une année entière. Je crus devoir interroger alors les évêques, nos pères, au sujet de l'ex­communication portée contre les violateurs de la règle pascale, et conséquemment contre nous, par le siège apostolique. Ces évêques, successeurs de nos premiers apôtres, étaient ceux d'Imelac, de Clon, de Birren et de Clonfert. Ils se réunirent en concile à MaghLéné, et tous, soit en personne, soit par représentant, ouvrirent la délibération à ce sujet. D'une commune voix, le décret suivant fut promulgué : « Nous savons par des témoins encore vivants, et par la tradition de ceux qui déjà se sont endormis dans la paix du Christ, que nos prédécesseurs et pères dans la foi nous ont ordonné de remonter toujours à la source de notre baptême, si nous voulions trouver la doctrine vraie et les pratiques autorisées. Nous suivrons donc humblement et sans scrupule la direction qui nous est transmise par le siège apostolique, d'où le baptême nous est venu. » Après cette décision, toute l'assemblée fit les prières d'usage, et les évêques déclarèrent que la prochaine année (c'est-à-dire l'an 631), ils célébreraient la Pâque le même jour que l'église de Rome. Tout paraissait heureusement terminé, lorsque survint un vieillard, sépulcre blanchi, qui se vantait de suivre

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1 S. Hieronym., Epist. xvr, ad Damasum; Pair, lat., tom. XXII, col. 359 ; S. Cummian., Epist. ad Segiemtm Hyensem abbaiem; Patr. lat., t. LXXXVII, col. 970-975.

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imperturbablement les traditions antiques. Au lieu d'une parole de concorde, il apportait la division ; il eut assez d'influence pour faire invalider la promesse déjà faite. J'espère que le Seigneur le frappera un jour de quelque manière. » Ce vieillard, que Cummianus ne nomme pas et contre lequel il invoque trop légèrement peut-être la vengeance du Seigneur, était Fintan, fondateur et abbé du monastère de Taghmon. La sainteté de sa vie, les nombreux miracles opérés par son intercession, le rendaient comme l'oracle de l'Irlande. Appelé, ainsi que les autres abbés des monastères voi­sins, au synode de Magh-Léné, il ne put s'y rendre qu'au dernier jour. «Cependant, disent ses actes, la discussion était vive au sujet de la nouvelle et de l'ancienne Pâque. Le peuple, rassemblé en grand nombre, prenait le plus vif intérêt au débat. Lasserianus (saint Lasréan), abbé de Leith-Glenné, avec tous les siens, soutenait le nouvel ordre et la nouvelle Pâque. Les autres vieillards de l'Hibernie, au contraire, luttaient pour l'ancien usage. Or Fintan n'arrivait pas, et tout le peuple l'attendait en grande anxiété, car il était le premier et le chef du parti qui soutenait la Pâque an­cienne. Le roi d'Ambarrich, Subné, fils de Donall, s'écria : Pour­quoi attendre plus longtemps ce clerc lépreux? S'il ne vient pas, faudra-t-il renvoyer au jugement dernier la clôture du concile? — Taisez-vous, lui dit Lasrcan. En quelque lieu qu'il soit, Fintan aura entendu vos paroles, et il saura les punir. — Or, avant la fin du jour, Fintan fit son entrée au concile, et vint saluer Lasréan. Le roi Subné s'approcha lui-même de Fintan, et lui demanda sa bénédiction. — Qu'avez-vous affaire de la bénédiction d'un clerc lépreux? répondit-il. Quand vous avez proféré contre moi cette injure, le Christ en a rougi, à la droite de Dieu le Père, car je suis un vrai membre du Christ. Le lendemain, on reprit la discussion. Fintan combattit résolument la décision prise la veille. Il soute­nait qu'on ne pouvait ni de part ni d'autre imposer l'une ou l'autre coutume. « Que chacun, dit-il en terminant, fasse ce qu'il croit le plus juste et laisse la même liberté aux autres 1. »

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1 Bolland. Novi, 21 octobr.; S. Fintan. Acta, tom. IX octobr., p. 339.

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22.Malgré l'influence de saint Fintan, son avis ne prévalut pas entièrement. « Nos vieillards, reprend Cummianus, se souvinrent de la parole du Deuléronome : « S'il y a divergence d'opinion, les uns croyant à l'existence de la lèpre, les autres la repoussant, on en référera au lieu choisi par le Seigneur pour le séjour de l'arche sainte1. » Sous la loi nouvelle, les décrets des conciles ont pres­crit une mesure semblable, quand ils ont ordonné que les causes majeures fussent portées au siège de Rome, chef de toutes les églises 2. L'assemblée convint donc d'envoyer à Rome des dépu­tés; on les choisit parmi ceux dont on estimait le plus la sagesse et l'humilité, et ils se mirent en route, comme des fils qui vont con­sulter leur mère3. » Saint Lasréan fut du nombre de ces repré­sentants de l'Irlande, envoyés à la source de la tradition aposto­lique. Ses actes nous apprennent que la députation comptait cinquante membres 4. Leur voyage fut heureux. Us arrivèrent à Rome de manière à pouvoir assister à la solennité pascale de l'an 631, qui tombait à la date du 24 mars, tandis que, cette même année, les partisans du vieux cycle erroné de saint Patrick la célé­brèrent en Irlande le 21 avril, c'était une différence de vingt-sept jours. Les pèlerins hibernois reçurent la plus généreuse hospitalité du pape Honorius. «Trois ans après, ils revinrent, dit Cummianus, nous racontant qu'ils avaient été logés dans un vaste hospice, où se trouvaient en même temps qu'eux des étrangers de toutes les races, Grecs et Hébreux, Scythes et Egyptiens. Nous avons, disaient-ils, assisté dans l'église de Saint-Pierre aux fêtes pascales. Elles y furent célébrées juste un mois avant le jour fixé par notre comput irlan­dais. Tous les étrangers que nous interrogions nous attestaient que dans leur pays on suivait le calendrier de Rome. Dans tout l'uni­vers, excepté chez nous, on célèbre donc la Pâque à la même date. Dieu voulut d'ailleurs attester par des miracles la légitimité

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1 Deuteron.,Tm, 8. — 2. Ut si causœ fuerint majores, juxla decretum synodicum, ad caput urbium sint referendœ (Epist. Cummian; Pair, lai., tom. cit., col. 976). — 3.  Misimus quos novimus sapientes et humiies, velut natos ad matrem. (Cum-miaD, loc. cit., col. 917 B.)

4 Bolland., S. Lasrean. vulgo Molassus, 18 april., tom. II april., p. 546, n» 14.

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du comput romain. En présence des reliques des saints martyrs, pendant qu'on nous faisait lire les écrits relatifs à la question pascale, nous vîmes de nos yeux (vidimus oculis nostris) une jeune fille aveugle recouvrer subitement la vue au contact des saintes
reliques; un paralytique, l'usage de ses jambes ; et plusieurs démo­niaques, la liberté de l'esprit1. »

24. Ce récit authentique, trop longtemps oublié et rétabli à sa date chronologique par l’érudition des nouveaux Bollandistes 2, jette une clarté inattendue sur sur la personnalité réelle d'Honorius. Bien que le nom de ce pape ne soit pas prononcé ici par Cummia-nus, sa présence au milieu des cinquante députés irlandais, lorsqu'en face des précieuses reliques, au milieu de la basilique de Saint-Pierre, en pleine solennité pascale, ils se firent expliquer la légitimité de l'usage romain et montrer les textes sur lesquels il s'appuyait, ne saurait être contestée. Ce n'est point ici une hypo­thèse basée seulement sur le fait très-connu que tous les offices de la semaine sainte étaient alors célébrés par le pontife romain en personne ; une simple vraisemblance historique tirée de l'im­portance de la députation irlandaise, du nombre et de la distinc­tion des membres qui la composaient, et surtout de la gravité de la controverse qui avait motivé leur voyage. Si nous n'avions que ces données, jointes à la sollicitude toute particulière d'Honorius pour les églises de la Grande-Bretagne, nous serions sans doute en droit de supposer que ce pape, présent en personne, dut présider lui-même la séance mémorable dont la légation irlandaise avait conservé un si fidèle souvenir. Toutefois, ce ne serait là qu'une conjecture, discutable comme tout ce qui est hypothétique. Mais les actes de saint Lasréan d'une part, de l'autre un texte non moins officiel du vénérable Bède, ne laissent pas l'ombre d'un doute à ce sujet. C'est bien en présence d'Honorius lui-même que saint Lasréan se trouva à Saint-Pierre, car, disent les actes, « le pontife de Rome voulut donner de sa main à Lasréan la consécration

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1 Cummian., Epist.; l'atr. lat., toui. LXXXVII, col. 978. — 2. Novi Eollan-dist., tom. IX octobr., p. 330.

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p447 CHAP. VII. — iiokobius et les gaules.  

 

épiscopale, et il le chargea de remplir en Hibernie les fonctions de légat du siège apostolique 1, » pour l'exécution des décrets de la Pâque. Le vénérable Bède confirme sur ce point la parole des actes. « Le pape Honorius, dit-il, adressa à la nation des Scots (Irlandais), dont il avait appris l'erreur au sujet de l'observation de la Pâque, une lettre pontificale pleine de sagesse. Vous êtes, leur disait-il, une petite chrétienté jetée aux extrémités de la terre. Ne vous croyez pas plus habiles que toutes les églises anciennes et modernes du monde entier. Respectez donc à l'avenir le comput pascal, les décrets synodiques de tant de pontifes, et conformez-vous à leurs prescriptions pour la célébration de la Pâque 2. » Cette lettre, dont il ne reste plus aujourd'hui que la courte analyse de Bède, fut apportée en Irlande par saint Lasréan, au retour de sa légation à Rome. Saint Lasréan avait donc traité directement avec Honorius la question controversée. Honorius présidait donc à Saint-Pierre la séance solennelle où les cinquante députés irlandais, discutant leurs vieux usages, virent des miracles nombreux, écla­tants, authentiques, confirmer la légitimité du comput romain. L'intervention du surnaturel dans cette circonstance éclaire d'une auréole de sainteté la figure si longtemps outragée d'Honorius. Mais quoi ! Honorius, dont la fête ne se célèbre plus aujourd'hui dans l'Église, serait-il réellement un saint? La série des documents officiels dont le texte passera successivement sous les yeux du lec­teur, répondra seule à cette question. Il suffira pour le moment de l'avoir posée, sans nul souci des étonnements ou des sourires de la malveillance et du parti-pris.

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