La foi chrétienne hier et aujourd’hui 103

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  Tout d'abord, il est parfaitement clair que le Christ, après sa résurrection, n'a pas repris sa vie terrestre antérieure, comme il est affirmé par exemple du jeune homme de Naïm et de Lazare.

 

Le Christ est ressuscité à la vie définitive, qui n'est plus liée aux lois chimiques et biologiques, et qui pour cette raison est soustraite à l'emprise de la mort; il est entré dans l'éternité que donne l'amour.

 

Voilà pourquoi les rencontres avec lui sont des « apparitions »; voilà pourquoi ses meilleurs amis ne reconnaissent plus celui avec qui ils étaient à table deux jours auparavant; et même une fois reconnu, il demeure étranger: là seulement où lui, il donne de voir, il est vu; là seulement où lui, il ouvre les yeux et où le coeur se laisse ouvrir, il devient possible de reconnaître, au milieu de notre monde

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p219 LES ARTICLES CHRISTOLOGIQ UES DE LA PROFESSION DE FOI

 

de mort, le visage de l'amour éternel qui triomphe de la mort et dans cet amour, le monde nouveau, autre, le monde de celui qui vient.

 

Voilà pourquoi aussi il est difficile, voire impossible, aux Évangélistes, de décrire les rencontres avec le Ressuscité; ils ne font plus que balbutier lorsqu'ils en parlent, et ils semblent se contredire lorsqu'ils les décrivent.

 

En fait, ils se rejoignent de façon étonnante dans la dialectique de leurs affirmations : on le touche et en même temps on ne le touche pas, on le reconnaît et on ne le reconnaît pas, il y a pleine identité entre le Crucifié et le Ressuscité et en même temps transformation totale; il est le même et pourtant il est tout autre.

 

Cette dialectique reste toujours la même; ce qui change, cc sont les procédés de style qui servent à l'exprimer. Prenons par exemple l'histoire des disciples d'Emmaûs, déjà évoquée brièvement plus haut.

 

Au premier abord, on a l'impression de se trouver en face d'une représentation lourdement terrestre de la résurrection, comme si rien ne restait du caractère mystérieux et indicible que nous trouvons dans les récits de Paul.

 

Il semblerait que la tendance au pittoresque, à la narration concrète et légendaire, appuyée par une apologétique visant au tangible, ait pris complètement le dessus et ramené à nouveau le Seigneur ressuscité totalement à l'intérieur de l'histoire terrestre.

 

Mais cela est contredit d'abord par sa mystérieuse apparition et ensuite par sa disparition non moins mystérieuse. Cela est contredit plus encore par le fait que même dans ce récit il demeure inconnaissable pour l'oeil purement humain.

 

On ne peut l'identifier comme au temps de sa vie terrestre; on ne le découvre que dans la sphère de la foi; en expliquant l'Écriture, il rend brûlant le coeur des deux voyageurs, et en rompant le pain, il leur ouvre les yeux.

 

Il y a là une allusion aux deux éléments fondamentaux du culte chrétien primitif, qui se compose de la liturgie de la parole (lecture et explication de l'Ecriture) et de la fraction du pain eucharistique.

 

L'évangéliste laisse ainsi entendre que la rencontre avec le Ressuscité se situe sur un plan tout à fait nouveau; c'est avec le symbole des réalités liturgiques qu'il essaye de décrire ce qui ne peut l'être.

 

Par là, il nous donne à la fois une théologie de la résurrection et une théologie de la liturgie : on rencontre le Ressuscité dans la parole et dans les sacrements; le culte est la manière dont il devient tangible pour nous, et reconnaissable comme le Vivant.

 

Et inversement la liturgie est fondée sur le mystère pascal; elle est à comprendre comme la

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venue à nous du Seigneur, qui devient ainsi notre compagnon de route, qui rend brûlant notre coeur endurci et ouvre nos yeux voilés.

 

Il marche encore toujours avec nous, il nous trouve encore toujours inquiets et découragés, il a encore toujours le pouvoir de nous rendre voyants. Mais avec tout cela nous n'avons encore dit que la moitié; le témoignage néo‑testamentaire serait faussé, si on voulait s'en tenir uniquement à cela.

 

L'expérience du Ressuscité est tout autre chose que la simple rencontre avec un homme appartenant à notre histoire; il ne faudrait surtout pas la réduire à des conversations de table et à des souvenirs, qui auraient finalement donné consistance à l'idée qu'il était vivant et que sa cause continuait.

 

Une telle explication ramène l'événement à un niveau simplement humain et le vide de l'essentiel. Les récits de la résurrection sont autre chose et bien plus que des scènes liturgiques travesties: ils manifestent l'événement fondamental sur lequel repose toute la liturgie chrétienne.

 

Ils attestent un événement qui n'a pas pris naissance dans le coeur des disciples, qui s'est présenté au contraire à eux du dehors, et les a convaincus malgré leur doute: le Seigneur est vraiment ressuscité.

 

Celui qui était dans la tombe n'y est plus, il vit ‑ lui‑même réellement. Lui qui était passé dans l'autre monde, dans le monde de Dieu, s'est montré cependant assez puissant pour leur prouver de façon tangible qu'il était lui‑même à nouveau présent en face d'eux, qu'en lui la puissance de l'amour s'était avérée plus forte que la puissance de la mort.

 

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon