Darras tome 17 p. 165
§ III. Le pape et l’Italie.
Occupé à dépouiller les morts et à opprimer les vivants, Copronyme laissa de côté l’Italie; du moins son intervention n’y apparaît nulle part, durant toute la période du pontificat de saint Zacharie. Sauf l’audience qu’il accorda aux apocrisiaires, après la défaite d’Artabaze, il n’entretint plus aucune correspondance avec le saint-siège. Eutychius continua de gouverner Ravenne jusqu’en752, date de la suppression définitive de l’exarchat. La mort de Luitprand, comme la notice du Liber Pontificalis nous l’a déjà appris, mit un terme aux luttes sanglantes occasionnées par la révolte de Trasimond. Luitprand avait régné trente et un ans avec gloire. Le recueil de ses lois atteste une haute sagesse et une remarquable élévation de vues. Au titre LXV, le roi s’exprime ainsi : « Nous ne saurions approuver la détestable et absurde coutume du duel. On prétend par ce moyen forcer Dieu lui-même, au gré du caprice des hommes, de manifester la vérité. Nous dénonçons cet abus au bon sens public, bien que nous soyons dans la nécessité de le tolérer encore, par condescendance pour le préjugé trop invétéré des Lombards. » Sur ce point, nos législations modernes ne sont pas plus avancées que celle de Luitprand. Les superstitions du paganisme restaient encore vivaces dans certaines
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1 Lebeau, Ilist. du Bas-Emvire, liv. LX1V,
u» 13.
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contrées de la Lombardie ; on y pratiquait les incantations magiques, la divination, les sorts ; on conservait le culte des fontaines et des bois sacrés. Luitprand enjoignit aux juges et aux magistrats de proscrire ces pratiques sous les peines les plus rigoureuses, et de bannir les mages, les enchanteurs, les augures, les sortilegos (sorciers). La législation de Luitprand sur le mariage s’inspira exclusivement des préceptes de l'Égiise; elle fît respecter les empêchements de consanguinité ou d’affinité tels que la théologie les énumère. Du reste, le roi laissait à ses sujets, italiens d’origine, la liberté de suivre le droit romain : les officiers publics avaient ordre de dresser les contrats selon la loi adoptée de commun accord par les parties. Si la mort de ce grand prince fut accueillie comme une délivrance par les habitants de Rome et de l’exarchat, elle fut au contraire une perte irréparable pour la monarchie lombarde. Tous ses sujets le pleurèrent. Un mausolée d’une magnificence inouïe lui fut élevé, dans la basilique de Saint-Pierre-au-Ciel-d’or. On enfreignit, pour lui rendre hommage, la prescription canonique qui défend d’exposer à la vue des fidèles, et au-dessus du sol, d’autres tombes que celles des saints. Le tombeau de Luitprand fit exception à cette règle, jusqu’à l’époque du concile de Trente : il ne fut déposé au ras du sol, devant l’autel dédié sous le vocable de saint Boèce, qu’après la promulgation du décret sur les « Reliques,» promulgué dans la XXVe session, le 4 décembre 1573 1.
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1 Voici i’épitaphe qui se lit encore sur le tombeau de Luitprand, à Saint-Pierre de Pavie Flavius hoc iumulo Lymprandus coredi*ur, olirn Langobardorum rex inclytus, acer in armis Et bello victor, Sutriumque Bononia firmant Hoc et Ariminum, nec non invita Spoleti M'jenia, namque sibi hœc subjecit fortior armis.Roma suas vires jampridem hoe milite multo Obsessa expavit ; deinde tremuere feroces Csque Saraceni, quos dispulit impiger, ipso Cum premerent Gallos Karolo poscehte juvari.Vngarus a solo hoc adjutus, Frar.cus, et omnes Vicini grata degebant pace per omnes.Rege sub hoc fulsit, quod mirum est, sancta frequente
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18. Ratchis, que l’élection donna pour successeur à Luitprand, appartenait lui-même à une famille aussi chrétienne que brave. Il était fils de l’héroïque Pemmo, duc de Frioul, qui, en 723, avait sauvé l'Italie d’une nouvelle invasion de barbares. Les Esclavons ou Slaves, franchissant les Alpes carniques, avec leurs familles et leurs troupeaux, se préparaient à s’établir dans les provinces cispadanes. Pemmo, en trois batailles successives, faucha l’immense multitude des envahisseurs. Ratchis lui-même s’était distingué, à la tête des guerriers du Frioul, dans la campagne de Spolète contre Trasimond. Poursuivi par un cavalier, qui le cherchait dans la mêlée, en criant : « Ratchis, où est Ratehis? Mon épée ne veut pas se teindre d’un autre sang ! — Me voilà, » dit le héros, et d’un coup de lance il renversa de cheval cet ennemi obstiné. Les soldats du Frioul allaient lui trancher la tête, Ratchis les retint, et sauva la vie de celui qui avait juré sa mort. De tels antécédents expliquent l’enthousiasme avec lequel les Lombards saluèrent l’avénement de Ratchis. Il apportait sur le trône, avec le prestige de ses exploits, les sentiments de justice, de sagesse et de clémence qu'inspire toujours à un souverain une religion éclairée et sincère. Son règne inaugura une période de tranquillité et de calme pour les provinces italiennes, bouleversées depuis si longtemps par d’interminables discordes. L’art chrétien, réfugié, durant les tempêtes des dernières années, dans l’enceinte des monastères, put se produire sur un plus vaste théâtre. Il nous reste un monument précieux de sculpture lombarde, commencé par Pemmo dans la capitale du Frioul, Forum Julii, aujourd’hui Cividale, et achevé par le roi Ratchis. C’est un autel eu marbre, exécuté pour l’église de Saint-Jean-Baptiste. Les bas-reliefs représentent à droite la Visi-
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llelligio, ut recolunt Alpes, eedesia auarum Hane habuit vincente ipso, et prægrandia temple,Quæ vivens struxit, quitus et famosus in orbe Semper et œternus lusii'abit sœeula cuncta.Præcipue Pelro cœlesti hac secle die ata Clavigero statuit, cœlo quam providus aureo Augustinus ubi hue aliunde abduclus eodem Regejacet, cujus doctrina Ecclesia fufget.
(Pair, lat., tom. XCV, col. 070 ; Not. in Gest. Langobardor.)
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talion, à gauche l’adoration des Mages, au centre, dans un médaillon ovale, soutenu par quatre anges, aux ailes éployées, Notre-Seigneur assis dans l’altitude du souverain roi et juge du monde. Le dessin a les incorrections et la naïveté d’un art encore enfant; mais les figures ne manquent ni de pureté ni de grâce. Comparé aux sculptures de Santa-Maria-in-Valle de Frioul, de la même époque, mais exécutées par des artistes italiens d’après la tradition de l’art romain et grec, l’autel de Ratchis peut sembler barbare. Toutefois on sent que, de cette barbarie, devra naître, après des siècles de perfectionnements, le génie chrétien d’Angelico de Fiesole 1.
119. La paix inespérée dont jouirent alors les provinces italiennes était, comme nous l’apprend le Liber Pontificalis, l’œuvre du saint pape Zacharie, dont la haute sagesse réalisa toutes les espérances que sa promotion avait fait naître. Dès l’an 742, à la nouvelle de son exaltation sur la chaire de saint Pierre, l’apôtre de l’Allemagne, Boniface, qui avait eu, lors de ses voyages à Rome, occasion de le connaître, lui écrivait en ces termes : « Au seigneur très-cher, à l’homme apostolique, Zacharie, qui vient de ceindre la tiare du pontificat suprême, Boniface serviteur des serviteurs de Dieu. — Nous l’avouons, seigneur père, en apprenant que vous succédiez au pontife de vénérable mémoire le pape du siège apostolique Grégoire, lequel, délivré de la prison du corps, a émigré vers le Seigneur, un transport de joie s’empara de notre âme : jamais plus heureuse nouvelle ne nous est parvenue. Les
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1 Cf. Mozzoni, Tavol. cronologich., secol. ottav., pag.06 et 97. Le tempietto di S. Maria-in-valle y est dessiné en regard de l'autel de Ratchis. Voici l'inscription qui régne sur le monument du roi lombard : De maximis donis Christi claro et sublimi concessis Pcmmoni, ubique dirtetum formarelur ut templum : nam ci inter reliqua solarium beati Iohannis ornavit pendula cruce ex auro pul- chro; altare ditavil uiarmoris colore Ratchis Hidebohorit. « Cette dernière expression, disent les savants éditeurs, a exercé la patience des critiques. » Lauzi l’a prise pour une abréviation, qui signifierait devotus hoc opus fieri fecit. Troya estime que c’était le surnom de la famille lombarde d’où Ratchis et Pennno tiraient leur origine. Personnellement nous serions de cet avis. Le Hidebohorit de l'inscription de Ratchis nous paraît, comme désinence et comme composition, avoir une certaine analogie avec le Bertharit du Rhythmus Cuniberti (Cf. tom. XVI de cette Histoire, pag. 494).
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bras levés au ciel, nous rendîmes grâces à la bonté du Dieu tout-puissant, qui appelle votre clémente paternité au gouvernement du saint-siège. Maintenant donc, agenouillé à vos pieds, nous vous supplions de recevoir le serment que nous avons déjà prêté à vos prédécesseurs. De même que nous fûmes à leur égard, par révérence pour l’autorité de Pierre, des serviteurs dévoués, d’humbles disciples, ainsi permettez-nous de nous dire les serviteurs obéissants de votre piété, soumis en tout à votre juridiction canonique, n’ayant qu’un seul désir, celui de garder la foi catholique en union avec l’église de Rome, ne cessant, pour ma part, d’exhorter tous ceux qui m’entourent ou qui relèvent de moi à l’obéissance envers le siège apostolique. » Après cette noble et touchante profession de foi, Boniface demande au nouveau pape de confirmer l’érection des trois évêchés de Wurtzbourg, Burabourg et Erfurth. II l’informe des favorables dispositions manifestées à l’égard de l’Église par le jeune duc d’Austrasie, Carloman, fils de Charles Martel et frère de Pépin le Bref. « Il y a près de quatre-vingts ans, dit-il, qu’aucun synode ne s’est tenu chez les Francs. La discipline ecclésiastique y a disparu; ses lois sont foulées aux pieds. La plupart des sièges épiscopaux sont livrés en proie soit à des laïques cupides, soit à des clercs scandaleux, adultères, usuriers, adulteratis clericis, scortatoribus, publicanis, ou bien encore à des prélats de mœurs moins corrompues, mais qui passent leur vie à la chasse, aux plaisirs de la table, ou à la tête des armées. Les prêtres, les diacres ordonnés par de tels évêques renchérissent encore sur les scandales de leurs supérieurs hiérarchiques.» Boniface demande l’autorisation de convoquer un synode des évêques francs, afin de corriger de si monstrueux abus. « Vous vous rappelez, ajoute-t-il, que, dans une audience à laquelle vous étiez piésent, votre prédécesseur de vénérable mémoire m’ordonna de choisir moi-même un prêtre capable de succéder, après ma mort, au ministère ecclésiastique qui m’a été confié en Germanie. Je fis ce choix, mais je doute maintenant qu’il puisse être maintenu. Le frère de celui que j’avais désigné vient de mettre à mort un oncle du duc des Francs : il en est résulté entre les deux
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familles une lutte acharnée, dont nous ne prévoyons pas encore la fin. Je prie donc votre sainteté de m’accorder la faculté de faire, pour cette élection, avec le conseil des évêques mes frères, ce qui nous paraîtra le plus utile au service de Dieu, au bien de l’Église, au salut des âmes, aux intérêts sacrés de la religion. » Nous ne savons ni le nom du prêtre choisi d’abord par saint Boniface comme son futur successeur, ni celui de l’oncle du duc des Francs, victime de l’assassinat dont il est ici question. Peut-être s’agit-il du frère de Charles Martel, Hildebrand, qui disparaît en effet de l’histoire vers cette époque, sans que les chroniqueurs nous aient rien appris sur son genre de mort. Dans la dernière partie de sa lettre, saint Boniface informe le pape de l’abus qu’on faisait dès lors en Germanie de prétendues dispenses obtenues directement du saint-siège. «Ainsi, dit-il, un grand personnage est venu naguère nous dire que le saint pontife votre prédécesseur, de vénérable mémoire, lui avait permis de contracter mariage avec la veuve de son oncle, laquelle, remariée plus tard à son cousin, et divorcée ensuite, a enfin pris le voile et prononcé des vœux solennels. Je ne crois pas, ajoute saint Boniface, à l’affirmation de cet homme, et je supplie votre paternité de me donner à ce sujet ses instructions. Au milieu de peuples grossiers et sensuels, comme le sont les Alemanni, les Bajoarii, les Francs eux-mêmes, il importe de suivre une règle uniforme, afin qu’ils ne puissent nous accuser d’être plus sévères que le saint-siège, et d’interdire chez eux ce qu’on tolère à Rome. Par exemple, ils prétendent que chaque année, aux calendes de janvier (1er janvier), les Romains se réunissent durant la nuit sur la place Saint-Pierre, organisent des chœurs à la façon païenne, parcourent la ville en poussant des acclamations aux faux dieux, chantent des hymnes idolâtriques, et mangent en plein air à des tables dressées dans toutes les rues. En ce jour, dit-on, nul Romain ne consentirait à prêter à qui que ce soit ni feu, ni lumière, ni ustensile quelconque. On ajoute que les femmes romaines portent en bracelets des phylactères, des amulettes, et que ces objets idolâtriques sont exposés en vente chez les marchands. Ceux des évêques et prêtres de la nation des
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p171 CHAP. II. — LE PAPE ET L’ITALIE.
Francs qui ont fait le pèlerinage ad limina prétendent qu’à Rome on les a absous de tous leurs forfaits, relevés de toutes les censures, et ils continuent à exercer un ministère qu’ils déshonorent. Tels sont, seigneur très-aimé, les points sur lesquels j’appelle votre attention et sollicite une réponse. En même temps, j’adresse à votre paternité de modestes offrandes. Elles n’ont d’autre valeur que le témoignage de notre dévouement et de notre obéissance; ce sont des fourrures et quelques petites sommes d’or et d’argent. Que le Dieu tout-puissant vous conserve de longues années au gouvernement de son Église sainte et apostolique. Que le lait et le miel de votre doctrine nourrisse le peuple de Jésus- Christ : que la grâce de l’Esprit-Saint accompagne tous vos pas. Que l'Église notre mère refleurisse dans l’allégresse, et que la maison de Dieu se dilate pour recevoir une moisson de nouveaux élus1.»
20. A cette lettre, Zacharie répondait : «C’est une grande joie pour notre cœur de recevoir les messages de votre fraternité, et d’être informé des progrès de votre ministère, des fruits de salut que votre prédication produit en Germanie. » Le pape approuve ensuite et confirme, par l’autorité apostolique, l’érection des trois nouveaux évêchés 2 ; il autorise la convocation d’un synode des évêques de France, et proteste contre les prétendues dispenses accordées soit pour des mariages illicites, soit pour la réhabilüation d’évêques ou de clercs scandaleux. Quant au choix d’un successeur
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1 Ces derniers vœux sont exprimés en une série
de six vers hexamètres
qui terminent la lettre de saint Boniface :
Te Deus altitronus saneta eomervet in œde, Sedis apostolkœ redorent tempora longa. iMelliflua gralum populis doctrina per orbem Perficiatque Deo dignv.m prœgratia Christi. Spiendida percipiat florens sua gaudia mater, Alque domus Domini Icetetur proie secunda.
(S. Bonifac, Epist. xlix ; Pair, lut., tom. LXXX1X, col. 748;.
2 Nous avons encore la lettre d'érection
canonique de l'évêché de Wurtz-
bourg en faveur du premier titulaire, saint Burchard. (Cf. S. Zachar.,
Epist. ni; Pair, lat., tom. cit., col. 922.) Deux autres lettres,
conçues dans
les mêmes termes, furent expédiées par saint Zacharie aux nouveaux évêques
"Witta de Burabourg et Adhelard d'Erfurth.
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p172 PONTIFICAT DE SAINT ZACUAK1E (741-752).
pour Boniface lui-même, il rappelle que les canons défendent aux évêques de léguer leur dignité comme un héritage. « Vous pouvez cependant, ajoute-t-il, tenir près de vous, exercer sous votre direction un prêtre qui vous paraîtrait digne de cette confiance, et, à l’heure de la mort, exprimer le désir de le voir choisi pour vous succéder. Dans ce cas, il viendrait à Rome, où nous lui conférerions l’ordination épiscopale. » Relativement aux usages païens qui persistaient encore dans la ville éternelle, et scandalisaient les pèlerins de la Germanie, le pape s’exprime en ces termes : « La fête des calendes de janvier, les augures, les phylactères, les incantations, tous ces vestiges de gentilité, qui se sont perpétués en cette ville malgré l’autorité du saint-siège, sont à nos yeux des abominations exécrables. Nous les réprouvons et condamnons, ainsi que tous les pères les ont condamnées et réprouvées. Depuis le jour où la clémence divine nous a appelé, malgré notre indignité, à tenir la place de l’apôtre Pierre, nous avons pris des mesures pour les extirper. Nous voulons que votre sainteté agisse de même, à l’égard des peuples confiés à son zèle. Notre prédécesseur et père de sainte mémoire, le seigneur pape Grégoire, dans la maison duquel nous fûmes élevé, avait déjà proscrit ces abus et frappé d’anathème ceux qui, à l'instigation de Satan, continuaient à les pratiquer 1. »
21. Les mesures répressives dont parle Zacharie venaient, en effet, d’être de nouveau solennellement promulguées dans un concile de soixante évêques, réunis sous sa présidence, dans la basilique du Vatican. « La seconde année de l’empereur Artabaze 2, disent les actes, la trente-deuxième du règne de Luitprand, en la XIIe indiction (7-43), le très-saint et trois fois bienheureux pape Zacharie, entouré des évêques, prêtres et diacres de Rome et de Tltalie, [1]
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1. S. Zachar., Epist. i, loc. cit., col. 917.
! Nous avons ainsi la preuve qu'Artabaze avait eu le temps de faire reconnaître son pouvoir en Italie, dans les provinces qui relevaient encore de l'empire byzantin. Du reste, la mention inaccoutumée du roi lombard, qui suit immédiatement celle d'Artabaze, indique une certaine hésitation, et comme un compromis à tout événement, imaginé par la chancellerie pontificale.
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p173 CHAP. II. — LE PAPE ET L’iTALIE.
dans la basilique du bienheureux Pierre prince des apôtres, devant l’autel de la confession, promulgua quinze décrets solennels. » La teneur de ces constitutions renouvelait le canon IIIe de Nicée interdisant, sous peine de déposition, aux évêques, prêtres et diacres d’avoir aucune femme dans leur maison, sauf leur mère ou leur sœur. Ils ne devront jamais prendre l’habit laïque, mais conserver la tunique sacerdotale, et ne sortir qu’avec le manteau, sauf le cas d’un voyage lointain. Tous les évêques ordonnés à Rome et dont les sièges sont circonvoisins doivent, chaque année, aux ides de mai (15 mai), accomplir un pèlerinage ad limina ; ceux dont les sièges sont trop éloignés ne seront pas tenus à se présenter en personne, mais ils devront adresser une lettre au siège apostolique» « Aucun clerc ni moine ne portera la chevelure longue ; s’il osait enfreindre cette défense, qu’il soit anathème. » Suivant les anciennes prescriptions canoniques, les ordinations sacerdotales ne doivent avoir lieu qu’au premier, quatrième, septième et dixième mois. Un laïque qui aurait été marié successivement deux fois, ou qui aurait épousé une veuve, ne pourra jamais être promu aux ordres. Un clerc étranger ne peut être ordonné que sur des lettres démissoires de son propre évêque. Les procès entre prêtres, diacres ou clercs ne seront jamais portés à d’autre tribunal que celui de l’évêque. S’il s’en élevait entre évêques, il faudrait recourir à l’arbitrage d’un troisième, et, si l’accord ne s’établissait pas, en référer au siège apostolique. Après l’énumération des divers empêchements dirimants du mariage, et l’interdiction absolue de l’alliance d’une chrétienne avec un juif, le canonIXe s’exprimait ainsi : « Nul ne devra célébrer, à la façon païenne, les calendes de janvier ni les brumalia (fêtes de Bacchus qui avaient lieu le 23 décembre), préparer dans sa demeure ni partager les festins scandaleux qui les accompagnent, prendre part aux danses et aux chœurs de la place publique en ces jours. C’est là une abomination devant Dieu. Anathème à qui s’en rendrait coupable. » Après la lecture de ces canons, le pape Zacharie prit la parole en ces termes : « Déjà, frères bien- aimés, toutes ces règles avaient été promulguées et vous étaient connues. Mais, je le dis en gémissant, les abus qu’elles combattent ont
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persisté dans le peuple, et les âmes sont toujours entraînées par la séduction de Satan. Si donc nous voulons sauver les fidèles dont le salut nous est confié, si nous voulons dégager notre responsabilité devant le souverain juge, il nous faut insister sur l’exécution des lois sacrées. Dans les provinces de Germanie, on a répandu le bruit que notre vénérable prédécesseur, le pape Grégoire II, à l’époque où il organisa les missions de ce pays, autorisa les néophytes germains à contracter mariage au quatrième degré de parenté. Bien que nous n’ayons pas retrouvé cette concession dans les archives de notre sainte église, nous ne faisons aucune difficulté d’admettre qu’elle ait été octroyée, dans le principe, en faveur de chrétientés naissantes dont il fallait ménager l’ignorance ou les préjugés. Les archevêques et les rois de cette contrée nous ont adressé, l’année dernière, une consultation à ce sujet; nous y avons répondu en énumérant toutes les règles canoniques relatives au mariage, et nous espérons qu’avec la grâce de Dieu les peuples de ce pays les observeront à l’avenir. Un autre désordre, qui remplit notre cœur d’amertume, s’est produit en diverses localités de l’Italie et des régions lombardes. Des prêtres habitent la même maison et sous le même toit que des vierges consacrées au Seigneur. Les saints canons le défendent expressément. En dehors du péril auquel ces prêtres s’exposent, n’ont-ils aucun souci de leur propre réputation, de l’honneur de leur ministère? Faisons donc, frères bien-aimês, disparaître toutes les occasions de scandale, et que le mot du prophète ne nous soit point appliqué : Sacerdotes contaminant sancta, et reprobant legem. — Après cette allocution, les très-saints évêques, les vénérables prêtres et diacres répondirent en ces termes : C’est le Saint-Esprit lui-même qui a inspiré votre cœur, afin de ranimer en nous l’ardeur et le zèle pour le salut des âmes. Toutes les fois qu’il nous est donné de nous présenter au siège apostolique, notre maître et seigneur, nous y trouvons les enseignements nécessaires au bon gouvernement des peuples que Dieu nous a confiés. Nous recevons donc avec reconnaissance les sages décrets que votre puissance apostolique vient de promulguer; ils répondent aux besoins de nos
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églises,
ils seront un remède efficace aux maux qui nous affligent. Anathème à
quiconque, soit romain, soit lombard ou de quelque nation que ce puisse être,
qui, ayant reçu le baptême de régénération, serait assez téméraire pour les
enfreindre1. »
[1] S. Zacàar., Epist. i, loc. cit., col. 917.
* Nous avons ainsi la preuve qu’Artabaze avait eu le temps de faire reconnaître son pouvoir en Italie, dans les provinces qui relevaient encore de l’empire byzantin. Du reste, la mention inaccoutumée du roi lombard, qui suit immédiatement celle d’Artabaze, indique une certaine hésitation, et comme un compromis à tout événement, imaginé par la chancellerie pontificale.