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LA FOI COMME CONNAISSANCE ET COMME PRATIQUE
L'OPTION FONDAMENTALE DU CREDO CHRÉTIEN
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Celui qui lit la Bible ne pourra certes pas douter du caractère pratique de la confession du Dieu Tout‑Puissant. Pour la Bible, il est clair qu'un monde entièrement soumis à la parole de Dieu apparaît tout autrement qu'un monde sans Dieu, ou, pour mieux dire, que rien ne reste pareil quand on congédie Dieu, et, inversement, que tout se modifie si un homme se tourne vers Dieu. C'est ainsi par exemple que la Première Épître aux Thessaloniciens (4,3 ss) dit tout à fait incidemment aux maris que leur comportement à l'égard de leurs femmes doit être marqué d'une sainte révérence : «sans se laisser emporter par la passion comme font les païens qui ne connaissent pas Dieu”. Le changement qui se produit par l'entrée de Dieu dans le contexte d'une vie atteint de ce fait jusqu'au plus personnel et au plus intime des rapports humains: l'ignorance de Dieu, l'athéisme, s'exprime concrètement par l'absence de respect de l'homme pour l'homme, et reconnaître Dieu, cela signifie connaître l'homme d'une manière nouvelle. La même chose se vérifie dans les autres textes où Paul parle de l'athéisme. Dans l'Épître aux Galates, il considère comme un effet caractéristique de l'ignorance de Dieu le fait de devenir esclave des « éléments de ce monde”: l'homme adopte à leur égard une attitude d'adoration qui devient un esclavage parce qu'elle repose sur la fausseté ; le chrétien peut se moquer des éléments comme « pitoyables” et « misérables”, parce qu'il a reconnu la vérité et a été par là délivré de cette tyrannie (4,8 s). Dans l'Épître aux Romains, Paul approfondit encore cette pensée: Considérant la philosophie païenne et ses rapports avec les religions alors en vigueur, il affirme que les peuples méditerranéens ont fait glisser la connaissance de Dieu sur le plan purement théorique et sont tombés eux‑mêmes, à cause de cette perversion de la pensée, dans la perversité et que, en excluant de leur praxis le fondement de toutes choses, que par ailleurs ils connaissaient très bien, ils ont subverti la réalité des choses, se sont privés de toute orientation et de tout critère, sont devenus incapables de distinguer ce qui est vil de ce qui est noble, ce qui est grand de ce qui est commun, et sont pour cette raison devenus pratiquement la proie de toute perversité (I, 18‑32) ‑ et nul ne contestera que ces pensées sont d'une effrayante actualité.
Enfin, si nous ajoutons à cela le texte central de l'Ancien Testament sur la foi en Dieu, nous constaterons la même chose: la révéla-
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tion du Nom divin (Ex 3) est en même temps la révélation de la volonté divine ; à partir de ce moment tout est changé, non seulement dans la vie de Moïse mais aussi dans la vie de son peuple et par conséquent dans l'histoire du monde. -------- C'est pourquoi l'Israélite qui renouvelle chaque jour son acte de profession de foi appelle cela prendre sur soi le joug de la Seigneurie de Dieu; la récitation de son Credo est l'acte où il trouve sa place dans la réalité.
-------- Et ce n'est qu'à partir de là qu'on peut comprendre ce que signifient la désignation de Dieu comme « Personne » et le mot «Révélation”: dans notre connaissance de Dieu il se passe aussi ‑ ou plutôt, surtout ‑ quelque chose qui provient de Dieu. Dieu n'est pas un objet en repos, mais le fondement actif de notre être, qui se met lui‑même en valeur, nous fait signe du centre le plus intime de notre être. Mais, en raison de cette intimité même, on risque de ne pas entendre l'appel, étant donné que l'homme s'éloigne si facilement de son centre et vit si loin de lui-même.
Avec l'élément passif de la connaissance de Dieu, nous atteignons aussi les racines des deux malentendus dont nous avons parlé au début : ils présupposent tous deux les seules connaissances où l'homme est actif. Ils considèrent l'homme comme seul sujet actif dans le monde et la réalité totale comme un système d'objets morts que l'homme manipule. --------