Louis XIV 12

Darras tome 37 p. 492

 

    31.L'archevêque de Reims, Le Tellier était l'un des évêques de France que blessait le plus la fermeté d'Innocent XI. Si l'on eut suivi ses conseils, on eut assemblé un conciliabule schismatique ; le roi ne voulut pas aller jusque là ; il se contenta d'une seconde assemblée, plus solennelle que la précédente. Voici, sur sa convo­cation les particularités que rapporte Fleury :

 

« Le chancelier Le Tellier et son fils, l'archevêque de Reims, de concert avec l'évêque de Meaux, formèrent le projet d'une assem­blée du clergé. La régale en était le sujet principal. C'est l'arche­vêque de Reims, appuyé par son père, qui en parla au roi ; l'évêque de Meaux ne paraissait pas. Mais pour donner plus de poids à cette assemblée, le roi voulut qu'il en fût membre. Le chancelier Le Tellier et l'archevêque, poussés apparemment par Faure, crurent nécessaire de traiter la question de l'autorité du Pape. On ne la jugera jamais qu'en temps de division, disait cet archevêque. L'évêque de Meaux

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répugnait à voir cette question traitée ; il la croyait hors de sai­son ; et il ramena à son sentiment l'évêque de Tournay, qui pen­sait d'abord comme l'archevêque de Reims. On augmentera, disait-il, la division qu'on veut éteindre : c'est beaucoup que le livre de l’Exposition de la doctrine catholique ait passé avec approbation. Les cardinaux Du Perron et de Richelieu avaient dit de même, mais sans approbation formelle : Laissons mûrir ; gardons notre possession, ajoutait Bossuet. Il disait encore à l'archevêque de Reims : Vous aurez la gloire d'avoir terminé l'affaire de la régale, mais cette gloire sera obscurcie par ces propositions odieuses.

 

« M. Colbert insistait pour qu'on traitât la question de l'autorité du Pape et pressait le roi. L'archevêque de Paris, le père de La Chaise même, agissaient de leur côté dans le même sens. Le Pape nous a poussés, disait-on, il s'en repentira. Le roi donna ordre de traiter la question

 

« L'évêque de Meaux proposa qu'avant de la décider, on exami­nât toute la tradition. Son dessein était de pouvoir prolonger autant qu'on voudrait, la discussion ; mais l'archevêque de Paris dit au roi que cela durerait trop longtemps : il eut donc ordre du prince de conclure et de décider promptement sur l'autorité du Pape.

 

« L'évêque de Tournay, Choiseul-Praslin, fut chargé de dresser les propositions ; mais il l'exécuta mal et scholastiquement. Ce fut Mgr l'évêque de Meaux qui les rédigea telles que nous les avons. On tint des assemblées chez Mgr l'archevêque de Paris, où elles furent examinées; on voulait y faire mention des appellations au concile, mais l'évêque de Meaux résista. Elles ont été, disait-il, condamnées par les bulles de Pie II et Jules II ; Rome est engagée à condamner nos propositions (1). »

 

   Bossuet en parle comme Fleury. « Dans notre voyage de Meaux à Paris, dit son secrétaire, l'abbé Ledieu, dans son journal du 17 janvier 1700, on parla de l'assemblée de 1682. Je demandai à Mgr de Meaux qui avait inspiré le dessein des propositions du clergé sur la puissance de l'Église ; il me dit que M. Colbert alors minis-

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(1) Fleury, Nouveaux opuscules, p, 210, etc.

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tre et secrétaire d'État, en était véritablement l'auteur, et que lui seul y avait déterminé le roi. M. Colbert prétendait que la division qu'on avait avec Rome sur la régale, était la vraie occasion de renouveler la doctrine de France sur l'usage de la puissance des Papes ; que dans un temps de paix et de concorde, le désir de conserver la bonne intelligence, et la crainte de paraître le premier à rompre l'union, empêcheraient une telle décision et qu'il attira le roi à son avis, par cette raison, contre M. Le Tellier, aussi minis­tre et secrétaire d'État, qui avait eu, ainsi que l'archevêque de Reims, son fils, les premiers cette pensée, et qui ensuite l'avaient abandonnée par la crainte des suites et des difficultés (1). »

 

   32. Le roi voulait une assemblée à sa discrétion. Pour y réussir, il donna des lettres de cachet indiquant que, nonobstant tout enga­gement, il fallait élire tel et tel, «pour causes importantes au bien de notre service ; si n'y faites faute, car tel est notre bon plaisir. » A cette lettre de convocation, Louis XIV avait joint la forme de procuration dont chaque assemblée devait nantir ses  délégués. Cette lettre portait autorisation... « De se  transporter en ladite ville de Paris, suivant les lettres du roi et celle desdits agents, et la, délibérer, en la manière contenue dans la résolution desdites assemblées (de mars et de mai 1681), des moyens de pacifier les différends qui sont, touchant la régale, entre Notre Saint-Père le Pape d'une part et le roi notre sire de l'autre ; consentir tous les actes qu'ils estimeront nécessaires avec les députés des autres pro­vinces pour les terminer, et iceux signer aux clauses et conditions que l'assemblée avisera bon être ; comme aussi leur donner charge et commandement d'employer toutes les voies convenables pour réparer les contraventions qui ont été commises par la cour de Rome aux décrets du Concordat de causis et de frivolis appellationibus, dans les affaires de Charonne, de Pamiers et de Toulouse et autres qui seraient survenues ou pourraient survenir; conserver la juridiction des ordinaires du royaume et les degrés d'icelle en la forme réglée par le Concordat; faire qu'en cas d'appel à Rome  le Pape députe des commissaires en France pour le juger ; procu-

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 1) Réaume, Hist. de Bossuet, liv. VI, n° 12, p. 161,

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rer par toutes sortes de voies dues et raisonnables, la conservation des maximes et libertés de l'Église gallicane, et généralement prendre à la pluralité des voix toutes les résolutions, et passer, pour les causes ci-dessus expliquées, tous les actes qui seront requis, encore qu'il eût chose qui demandât un mandement plus spécial que celui du contenu en ces présentes ; promettant avoir pour agréable tout ce qui aura été par eux accordé et signé, et de l'observer inviolablement de point en point, selon sa forme et teneur. »

 

Après avoir fourni le modèle des lettres de convocation et de procuration, le gouvernement de Louis XIV désigna encore nomi­nativement et par lettres, les deux évêques que devait déléguer chaque province et les deux prêtres qu'elle devait leur adjoindre pour théologiens consulteurs. On pouvait craindre très justement que ces procédés exorbitants fissent dresser la tête au clergé, soit parce qu'on retirait, à ses représentants, la voix délibérative, soit surtout parce que le pouvoir civil, par ses envahissements, l'outra­geait dans son honneur. Le Tellier, archevêque de Reims, convo­qua le premier l'assemblée de sa province ; il y eut des réclamations très vives que le despotique prélat sut réprimer. Un procès-verbal de cet exploit fut aussitôt transmis au roi, qui approuvant fort cet étouffement des voix sacerdotales, envoya le procès-verbal de Reims à tous les intendants du royaume avec la lettre suivante :

 

« Le roi m'ordonne de vous envoyer la copie du procès-verbal de l'assemblée provinciale de Reims tenue à Senlis, que vous trouve­rez ci-joint, par laquelle vous connaîtrez les remontrances que les députés du second ordre ont faites sur ce qu'il est porté par le pro­cès-verbal de l'assemblée du clergé, tenue à Paris le 19e du mois de mars dernier, que lesdits députés du second ordre n'auront que voix consultative dans l'assemblée générale qui se doit tenir au mois d'octobre prochain. Et comme pareille chose pourrait arriver dans la province de..., et que Sa Majesté a approuvé ce qui s'était passé à cet égard dans la dite assemblée tenue à Senlis, elle m'or­donne de vous écrire qu'elle veut que vous donniez part à M. l'ar­chevêque de..., de ce qui s'est passé sur ce point, afin qu'il puisse

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se servir dans son assemblée provinciale, du même expédient, en cas que de pareilles remontrances fussent faites par le second ordre. Je vous prie aussi de vous informer et de me faire savoir ce qui se sera passé dans l'assemblée de ladite province de..., tant à cet égard qu'à l'égard de la procuration qui doit être donnée aux députés. »

 

En suite de cette lettre, il fut notifié aux archevêques et évêques : 1° D'écarter ceux d'entre eux qui eussent empêché, par leur ancienneté ou leur supériorité, l'archevêque de Paris d'être prési­dent de l'assemblée ; 2° d'écarter, de même, les évêques qui ne se seraient pas prêtés aux idées de la cour ; 3. d'écarter également les membres des chapitres et les curés, comme échappant trop facile­ment à l'influence du pouvoir séculier ; 4° de préférer les abbés pourvus par le roi, les ecclésiastiques constitués en dignité dépen­dante de la couronne, et, en général, les personnes inféodées au gouvernement par leurs intérêts, leurs relations, leurs liens de famille ou pour quelque autre cause que ce fût.

 

Un homme qui s'immortalisa dans ces tristes affaires, dès que fut connu, en partie, le résultat de ces lâches élections, fit paraître la protestation suivante ;

 

« Jean Cerles, prêtre, vicaire général et officiai de l'église de Pamiers, le siège vacant, confirmé par autorité apostolique.

 

« Le soin que monseigneur l'archevêque de Toulouse a pris de faire condamner au feu, par un arrêt du Parlement, l'acte de pro­testation que nous fîmes contre son assemblée provinciale, a rendu d'un côté notre opposition si publique qu'il n'y a sans doute point d'évêque dans le royaume qui n'en ait eu connaissance ; et de l'autre, l'événement qui a confirmé notre prédiction touchant la nomination de mes seigneurs les évêques de Montauban et de Lavaur pour le premier ordre, de l'official et du théologal de Paris pour le second, a justifié nos protestations contre le choix de ces députés, qui, comme il est de notoriété dans la province, ayant été inspirés et même nommés par la cour, deviennent par là entière­ment suspects aux églises en une affaire où il s'agit de défendre leurs intérêts contre les prétentions de Sa Majesté.

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« L'assemblée provinciale de Toulouse est véritablement nulle, puisque M. l'évêque de Rieux n'y a pas été appelé, quoiqu'il fût dans la province et que ni lui ni personne de sa part ne s'y est trouvé. Peut-être ce prélat éclairé eût empêché la députation qui y devait être proposée comme contraire à la liberté de l'Église et entièrement inutile, les affaires présentes ne pouvant être traitées dans une assemblée générale du clergé, puisque le jugement en est pendant au Saint-Siège, sur les appellations de feu messeigneurs les évêques d'Alet et de Pamiers ; outre que, ces affaires étant générales et publiques, elles ne pourraient être décidées, supposé que le Saint-Siège n'en fût pas saisi, que dans un concile national, dont il faudrait que le Pape approuvât la convocation, et où tout le monde aurait la liberté de se rendre.»

 

On élut partout les candidats de la cour : c'étaient naturellement les plus pauvres évêques de France. Pour consulteurs, il leur fut adjoint Chéron, Courcier, Faure, Gerbais, Maucroix, Cocquelin et plusieurs autres, tous ecclésiastiques suspects ou indignes, tous incapables de représenter les vraies traditions catholiques de la France. Il va sans dire qu'ils furent tous, par après, nommés à de gros bénéfices : c'était la récompense de leur trahison.

 

Par contre, on ne voyait, à cette assemblée du clergé, aucune des illustrations contemporaines de la cléricature, aucun des prê­tres distingués par leur vertu, ni le saint abbé d'Aligre, fils et petit-fils de chanceliers de France, ni Beaumanoir de Lavardin, le saint évêque de Rennes. « A l'exception de Bossuet, dit M. Gérin dans ses récentes Recherches historiques, elle n'avait pas, dans son sein un seul des prédicateurs, des savants, des écrivains ecclésiastiques, des maîtres de la vie spirituelle qui ont immortalisé le grand siè­cle. Pourquoi n'y voyait-on pas Mascaron, Fléchier, Bourdaloue, Fénelon, Huet, Mabillon, Thomassin, Rancé, Tronson, Brisacier, Thiberge, La Salle, La Chétardie et tant d'autres, plus illustres encore devant Dieu que devant les hommes. C'étaient là cependant les vrais continuateurs des évêques et des prêtres qui avaient pro­voqué la renaissance chrétienne sous les règnes de Henri IV et de Louis XIII. Les députés de 1682 n'appartenaient, au contraire, qu'à

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cette partie du clergé qui arrêta le mouvement religieux dont le signal avait été donné quatre-vingts ans auparavant. Ces prélats gor­gés de bénéfices, ces abbés commendataires qui usurpaient les titres et l'autorité des saints moines dont les cloîtres étaient encore pleins, paralysèrent les progrès de la réforme catholique et prépa­rèrent les malheurs et les défaillances du dix-huitième siècle. Que l'on cesse donc de dire que l'assemblée de 1682 formait l'élite du clergé contemporain. Cela ne serait vrai que si elle eût compris parmi ses membres les hommes que nous venons de nommer ; mais s'ils avaient siégé dans ses rangs, jamais elle n'aurait sous­crit les quatre articles (1). »

 

   33. L'assemblée, après différentes discussions, dont les procès-verbaux sont inconnus, passa la plume à Bossuet, qui dressa la déclaration suivante:

 

   « Plusieurs s'efforcent de renverser les décrets de l'Église galli­cane, ses libertés qu'ont soutenues avec tant de zèle nos ancêtres, et leurs fondements appuyés sur les saints canons et la tradition des pères. Il en est aussi qui, sous le prétexte de ces libertés, ne craignent pas de porter atteinte à la primauté de S. Pierre et des Pontifes romains ses successeurs, instituée par Jésus-Christ, à l'obéissance qui leur est due par tous les chrétiens, et à la majesté si vénérable aux yeux de toutes les nations du siège apostolique où s'enseigne la foi et l'unité de l'Église. Les hérétiques, d'autre part, n'omettent rien pour présenter cette puissance qui renferme la paix de l'Église comme insupportable aux rois et aux peuples, et pour séparer par cet artifice les âmes simples de la communion de l'Église et de Jésus-Christ. C'est dans le dessein de remédier à de tels inconvénients, que nous, archevêques et évêques, assemblés à Paris, par ordre du roi, avec les autres députés, qui représentons l'Église gallicane, avons jugé convenable, après une mûre délibéra­tion, d'établir et de déclarer :

 

   « 1° Que S. Pierre et ses successeurs, vicaires de Jésus-Christ, et que toute l'Église même n'ont reçu de puissance de Dieu que sur

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(1) Recherches sur l'assemblée, p. 25C, 1" édition; à la seconde, p. 302, il y a de nouveaux détails.

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les choses spirituelles et qui concernent le salut, et non point sur les choses temporelles et civiles. Jésus-Christ nous apprenant lui-même que son royaume n'est pas de ce monde, et en un autre en­droit, qu'il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, et qu'ainsi ce précepte de l'apôtre S. Paul ne peut en rien être altéré ou ébranlé : Que toute personne soit soumise aux puissances supérieures ; car il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et c'est lui-même qui ordonne celles qui sont sur la terre ; celui donc qui s'oppose aux puissances, résiste à l'ordre de Dieu. Nous déclarons, en conséquence, que les rois et les souverains ne sont soumis à aucune puissance ecclésiastique par l'ordre de Dieu, dans les choses temporelles ; qu'ils ne peuvent être déposés direc­tement ou indirectement par l'autorité des chefs de l'Église ; que leurs sujets ne peuvent être dispensés de la soumission et de l'o­béissance qu'ils leur doivent, ou absous du serment de fidélité, et que cette doctrine nécessaire pour la tranquillité publique et non moins nécessaire à l'Église qu'à l'État, doit être inviolablement suivie, comme conforme à la parole de Dieu, à la tradition des saints Pères et aux exemples des saints.

 

« 2° Que la plénitude de puissance que le Saint-Siège apostolique et les successeurs de S. Pierre, vicaires de Jésus-Christ, ont sur les choses spirituelles, est telle que les décrets du saint concile œcuménique de Constance, dans les sessions IV et V, approuvés par le Saint-Siège apostolique, confirmés par la pratique de toute l'Église et des Pontifes romains, et observés religieusement dans tous les temps par l'Église gallicane, demeurant dans toute leur force et vertu, et que l'Église gallicane n'approuve pas l'opinion de ceux qui donnent atteinte à ces décrets, ou qui les affaiblissent en disant que leur autorité n'est pas bien établie, qu'ils ne sont point approuvés et qu'ils ne regardent que le temps du schisme.

 

« 3° Qu'ainsi l'usage de la puissance apostolique doit être réglé suivant les canons faits par l'esprit de Dieu et consacrés par le res­pect général ; que les règles, les mœurs et les constitutions reçues dans le royaume doivent être maintenues, et les bornes posées par nos pères demeurer inébranlables ; qu'il est même de la grandeur

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du Saint-Siège apostolique que les lois et coutumes, établies du consentement de ce Siège respectable et des églises, subsistent invariablement.

 

   4. Que, quoique le souverain pontife ait la principale part dans les questions de foi, et que ces décrets regardent toutes les Églises et chaque Église en particulier, son jugement n'est pourtant pas irréformable, à moins que le consentement de l'Église n'inter­vienne.

 

   « Nous avons arrêté d'envoyer à toutes les églises gallicanes et aux évêques qui y président par l'autorité du Saint-Esprit, ces maximes que nous avons reçues de nos pères, afin que nous disions tous la même chose, que nous soyons tous dans les mêmes senti­ments, et que nous suivions tous la même doctrine. »


 

La déclaration est signée par huit archevêques, vingt-six évêques et trente prêtres. Ainsi trente-quatre évêques et trente prêtres, réunis par l'ordre du roi, ont eu la prétention de fixer les limites de la puissance de l'Église, et particulièrement du pouvoir souve­rain de son chef, comme si on eût ignoré jusqu'alors, et comme si le vicaire de Jésus-Christ eût ignoré lui-même ce qu’il peut et ce qu'il ne peut pas. Etrange prétention !

 

   34. Aussitôt après avoir libellé et signé cette déclaration, les évêques la communiquèrent à leurs frères dans l'épiscopat et le roi la confirma par un édit. De la lettre aux évêques, nous détachons les passages suivants :

 

   « Nous faisons profession de croire que, quoique Jésus-Christ ait établi les douze disciples qu'il choisit et qu'il nomma apôtres pour gouverner solidairement son Église, et qu'il les ait tous également revêtus de la même dignité et de la même puissance, selon les expressions de S. Cyprien, il a cependant donné la primauté à S. Pierre, comme l'Évangile nous l'apprend, et comme toute la tradition ecclésiastique l'enseigne. C'est pourquoi nous reconnais­sons avec S. Bernard que le Pontife romain, successeur de S. Pierre possède, non pas, à la vérité, seul, et à l'exclusion de tout autre, mais dans le plus haut degré, la puissance apostolique établie de Dieu ; et pour conserver en même temps l'honneur du sacerdoce

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auquel Jésus-Christ nous a élevés, nous soutenons, avec les saints Pères et les docteurs de l'Église, que les clefs ont d'abord été données à un seul, afin qu'elles fussent conservées à l'unité, et nous croyons que tous les fidèles sont assujettis aux décrets des souve­rains pontifes, soit qu'ils regardent la foi ou la réformation géné­rale de la discipline et des mœurs, de telle sorte néanmoins que l'usage de cette souveraine puissance spirituelle doit être modéré et réglé par les canons révérés dans tout l'univers; et que si, par la diversité de sentiments des Églises, il s'élevait quelque difficulté considérable, il serait nécessaire alors, comme dit S. Léon, d'ap­peler de toutes les pairies du monde un plus grand nombre d'évêques, et d'assembler un concile général, qui dissipât ou apaisât tous les sujets de dissensions afin qu'il n'y eût plus rien de douteux dans la foi, ni rien d'altéré dans la charité.

 

« Au reste la république chrétienne (!) n'étant pas seulement gou­vernée par le sacerdoce, mais encore par l'empire que possèdent les rois et les puissances supérieures, il a fallu qu'après avoir obvié aux schismes qui pourraient diviser l'Église, nous prévissions aussi les mouvements des peuples qui pourraient troubler l'empire, sur­tout dans ce royaume, où, sous prétexte de la religion, il s'est commis tant d'attentats contre l'autorité royale. C'est pour cela que nous avons déterminé que la puissance des rois n'est point soumise, quant au temporel, à la puissance ecclésiastique, de peur que si la puissance spirituelle paraissait entreprendre quelque chose au pré­judice de la puissance temporelle, la tranquillité publique n'en fût altérée.

 

« Enfin, nous conjurons votre charité et votre piété, comme les Pères du premier concile de Constantinople conjurèrent autrefois les évêques du concile romain, en leur envoyant les actes de ce concile, de confirmer par vos suffrages tout ce que nous avons déterminé pour assurer à jamais la paix de l'Église de France, et de donner vos soins afin que la doctrine que nous avons jugée d'un commun consentement devoir être publiée, soit reçue dans vos églises, et dans les universités et les écoles qui sont de votre juri­diction, ou établies dans vos diocèses, et qu'il ne s'y enseigne jamais

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rien de contraire. Il arrivera par cette conduite, que de même que le concile de Constatinople est devenu universel et œcuménique par l'acquiescement des Pères du concile de Rome, notre assemblée deviendra aussi, par notre unanimité, un concile national de tout le royaume, et que les articles de doctrine que nous vous envoyons seront des canons de toute l'Eglise gallicane, respectables aux fidèles et dignes de l'immortalité. »


 

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