Jacques Ier et persécutions 2

Darras tome 36 p. 223

 

41. Il était difficile de faire un procès au P. Garnett. Les conspirateurs morts sur le champ de bataille ou à Tyburn, n'avaient rien révélé, et, pour expliquer leur mutisme, on avait allégué un ser-

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ment convenu d'avance. On crut être plus heureux avec le domes­tique du P. Garnett, John Owen : c'était, dans un faible corps, une âme généreuse; il ne révéla rien, fut torturé, et mourut dans les tortures. Les ministres scélérats de Jacques Ier publièrent qu'il s'é­tait tué pour se dérober à une révélation : or, les prisonniers n'ont pas d'armes pour le suicide. Le P. Garnett subit, à son tour, plus de vingt interrogatoires; on le tourmenta de mille manières et toutes les violences échouèrent. Les magistrats chargés de la pro­cédure, Abbot, Cooke et Popham, sortes de bourreaux avant la lettre, eurent alors recours à la ruse; ils alléguèrent que le jésuite confessait son attentat, en firent part aux ambassadeurs, qui l'an­noncèrent à leurs cours. On les trompait, afin que leurs correspon­dances propageassent l'erreur homicide. Mais cette affirmation de culpabilité devait avoir un terme; le jugement approchait et il im­portait de n'avoir pas, contre soi, des retours de l'opinion abusée. « On suborda, dit de Thou, un homme qui, par ses plaintes et ses gémissements, parvint à persuader au P. Garnett, qu'il était un fervent catholique et, par ce moyen, gagna entièrement sa con­fiance (1). » Ce mouton de police devait servir de facteur au jésuite; il recevait ses lettres, et, au lieu de les remettre aux destinataires, les remettait aux ministres du roi. Malgré le laisser-aller de ses correspondances et le mouvement qui, en cas de crime, eût poussé aux confidences amicales, Garnett n'écrivit rien dont on put se pré­valoir. Les ministres du roi eurent recours à une autre ruse ; ils per­mirent une entrevue entre le P. Oldcorne, jésuite également détenu, et le P. Garnett, après avoir toutefois aposté deux témoins pour surprendre la conversation. Les jésuites, qu'on dépeint si astucieux, ne se doutèrent même pas de la perfidie. Un inconnu facilitait, à deux criminels d'Étal, le moyen de converser ensemble, et l'idée de suspecter cet homme ne leur serait pas même venue à l'esprit. D'après les ministres, seuls garants de l'aveu, car ces paroles ne se retrouvent pas dans les rapports de la procédure, Garnett aurait dit: « Il n'existe aucune preuve; il n'y a qu'un seul être vivant qui puisse me nuire sur ce point. » Cette allusion lointaine à la con-

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(1) De Thou, loc. cit.

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fession de Catesby, que le P. Texmund avait reçue et qu'il avait, à la prière du conspirateur, confiée au P. Garnett, sous le sceau du secret, ouvrit une voie à l'accusation. Les conseillers d'État font comparaître Garnett; Garnett se t'ait ; on le presse, il nie; on lui répète mot à mot ses paroles, alors il reconnaît la communication qui lui a été faite.  « Je n'ai pas dénoncé Catesby, dit-il ; l'invio­lable secret du sacrement de pénitence m'en faisait un devoir. » La loi anglaise, basée sur la doctrine de Calvin, ne reconnaît pas la pénitence pour un sacrement; le secret de la confession n'est point obligatoire à ses yeux. Le P. Garnett venait de prononcer, d'après la loi anglaise, sa propre condamnation; il était, d'ailleurs, sur d'autres chefs, criminel de lèse-majesté : il était prêtre, il avait converti des hérétiques, il avait écrit contre l'hérésie, il avait re­fusé de reconnaître la papauté du roi Jacques; c'étaient autant de crimes devant la loi anglaise, bien que ce soient des actes de vertu devant la loi divine. Garnett devait être condamné à mort pour crime de zèle apostolique. On le traîne devant les juges, on le tourmente, on l'accable de calomnies et d'injures. Cooke lui objecte les procès-verbaux de la procédure : « Ceux qui ont falsifié le texte des Livres saints, répond Garnett, ne peuvent-ils donc altérer la pensée d'un homme ? » Northampton lui oppose ce paralogisme : « Celui qui a pu entendre et ne l'a pas voulu, aurait pu remédier au mal ; en s'abstenant, il a donc encouragé au mal qui s'est produit : Qui non prohibet, cum potest, jubet. Ces agents du ministère public étaient, d'ailleurs,  des hommes  qui se sont peints eux-mêmes : Cooke appelle les Pères de Trente un ignare troupeau de porcs; les croix, rosaires, médailles sont, pour lui, les excréments du Pape ; Bellarmin n'est qu'un vieil et sot imposteur ; S. Thomas, S. Bona-venture et les autres docteurs de la catholicité sont une foule d'au­teurs ridicules dont on se sert seulement ad latrinas. On n'avait pas épargné, à Garnett, les bottines de fer et le chevalet; pour son ju­gement, on incrimina ses relations avec Anne de Vaux, une de ces saintes femmes comme l'Église en suscite pour mourir d'une ca­lomnie sur la brèche du dévouement. Garnett écouta les intermi­nables réquisitoires; il écouta avec sang-froid, comme un homme

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qui sait sa destinée et qui méprise assez ses ennemis pour ne les confondre que par leurs propres arguments. Le roi assistait au procès derrière une tenture; il trouva qu'on aurait dû laisser au prévenu un peu plus de liberté. En présence des assurances de con­victions par aveux, l'ambassadeur d'Espagne demanda communi­cation des pièces; on trouva un prétexte pour ajourner et ne ja­mais faire cette communication. Condamné à mort, Garnett fut gardé encore trente-six jours. On l'interrogea de nouveau ; on fa­briqua des lettres par lesquelles il s'avouait coupable; on écrivit des centaines de libelles pour prouver son crime, qui, toujours démontré jusqu'à l'évidence, était toujours à démontrer. On le pressa surtout de signer les actes du procès, et enfin on lui demanda son opinion sur l'équivoque : nascetur ridiculus mus. Tout en décla­rant qu'il n'avait connu la conspiration que sous le sceau sacra­mentel, Garnett répondit : « La coutume de forcer les hommes à se dénoncer eux-mêmes est barbare et inique; en pareil cas, l'em­ploi de l'équivoque est légitime. » Personne, en effet, pas plus en Angleterre qu'ailleurs, n'est tenu de s'accuser soi-même ; en le sup­posant coupable, et on ne peut pas l'en requérir contre les formes de la justice. Toute la procédure contre Garnett est une procédure de bandits.

 

42. Le 3 mai 1606, le jésuite parut au pied de la potence; voici le récit de sa mort, d'après une dépêche de l'ambassadeur d'Espagne au duc d'Arcos. Le recorder de Londres dit au jésuite : « Je suis ici par commission expresse du roi pour vous faire renoncer à cette obstination à l'aide de laquelle vous vous prétendez innocent du complot et pour rapporter à Sa Majesté que vous lui demandez pardon. — Je n'ai jamais offensé le roi, reprit Garnett; je n'ai donc aucun sujet de solliciter un pardon inutile. J'ai fait tout ce qui était humainement possible pour dissuader de tout complot et par­ticulièrement de ce dernier. Je ne puis donc être mis à mort que pour avoir gardé, avec la fidélité requise, le secret de la confession ; mon silence sur ce point n'est pas un crime, car je ne pouvais m'en abstenir que sous peine de damnation. Si cependant le roi et le gouvernement britannique, selon leur pensée, se croient offensés

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de cette discrétion à laquelle ma conscience m'obligeait, je leur en demande pardon volontiers. — Vous entendez, s'écrie le recorder, le jésuite demande que Sa Majesté lui pardonne la scélératesse de sa conjuration. —Vous êtes injuste, reprend Garnett. — Vous nierez donc maintenant les aveux que nous possédons écrits de votre main? Dans ces aveux vous dites que Catesby et le P. Texmund vous ont révélé le complot clairement, ouvertement, et nullement en confession. — Je n'ai jamais dit ou écrit de pareilles choses, réplique le jésuite. Le recorder demande à ses assesseurs la pièce originale ; Garnett ajoute : « Jamais, jamais, jamais, on ne me pré­sentera un écrit de ma main attestant le contraire de ce que j'ai toujours affirmé, de ce que je proclame encore au moment de mou­rir. » — Voyons les documents! crie la foule; le recorder prétexta d'oubli pour ne pas les présenter. «Reconnaissez au moins, dit le diacre de Saint-Paul, que vous mourez justement. — Justement selon vos lois qui n'admettent pas le sceau sacramentel, répond Garnett; mais injustement selon les équitables lois du sacerdoce. » Ainsi mourut Garnett, innocent et grand, d'une grandeur à laquelle n'atteignent jamais les bourreaux.

 

43. Un des complices de Catesby, pour sauver sa vie, avait accusé le P. Oldcorne. Ses aveux ne roulaient sur aucun point relatif à la conception ou à la perpétration du crime. On l'accusait seulement d'avoir invité le P. Garnett à se réfugier chez Abington, d'avoir prié le P. Jones d'aider deux conspirateurs à se cacher et d'avoir donné son approbation au complot. « J'ai offert un asile à Garnett, répondit-il ; j'ai refusé de procurer à deux conjurés des moyens de se sauver. Sur le troisième point, Littleton me racontait que Catesby, voyant sa provision de poudre prendre feu au moment du combat, était rentré en lui-même et exprimait la crainte d'avoir offensé Dieu, puisque son entreprise ne réussissait pas. Le fait, répondis-je, n'atteste point la moralité d'une entreprise ; son succès ne prouve pas qu'elle soit juste ; si elle échoue, il ne s'ensuit pas qu'elle soit injuste ; c'est d'après l'objet en vue et les moyens employés qu'il faut prononcer. J'alléguai en preuve la tribu de Benjamin deux fois victorieuse, quoique les autres tribus l'atta-

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quassent par ordre de Dieu ; la fin malheureuse de S. Louis, les efforts infructueux des chrétiens pour défendre l'île de Rhodes. Je dis qu'il en était de même relativement à la conspiration de Catesby ; qu'on ne devait ni l'approuver, ni la blâmer d'après les résultats; qu'il fallait la juger en étudiant son but et les moyens dont on avait fait usage, et que, n'en étant point informé, je ne voulais rien décider. J'en laissais le jugement à la conscience des conjurés et à Dieu. Je répondais avec cette circonspection, parce que je soupçonnais que Littleton me tendait un piège, et je ne voulais pas qu'il pût se prévaloir de ma réponse pour quelque mauvaise fin (1). » Oldcorne avait répondu d'une manière spéculative ; il l'avait fait pour se dérober à une conversation périlleuse ; il avait expressément réservé qu'il ne décidait rien ; et, en torturant sa pensée, les magistrats anglais vont lui faire dire qu'il a déclaré le complot licite et juste selon sa conscience. A Londres, l'injustice grossière de ce procédé aurait révolté la conscience ; on livre le jésuite à de ces misérables magistrats de province qui commettent volontiers des crimes pour avancer leur fortune. Oldcorne périt avec Ashley, Abington et Littleton le 17 avril 1606. Les magistrats le condamnèrent pour avoir approuvé la conspiration des poudres après qu'elle eût avorté. « Il serait difficile, dit Crétineau-Joly, de rencontrer dans l'histoire une complicité morale plus insensée ; il faudrait pour cela fouiller dans les hontes des époques les plus absurdement révolutionnaires (2)».

 

    44. Le procureur avait allégué que le P. Gérard, en donnant la communion aux conjurés, avait été initié à leurs secrets. Le fait de dire la messe n'implique pas une révélation ; cette messe même n'est affirmée que par les anglicans qui raisonnent là-dessus à perte de vue. Le 1er septembre 1630, Gérard répondait : « Je prends Dieu à témoin que je n'ai pas eu connaissance de cette conjuration pas plus que l'enfant qui vient de naître, que je n'ai jamais entendu parler à personne ni eu le moindre soupçon de cette poudre préparée pour la mine. Les conjurés furent très rigoureusement

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(1) Lancelot, Tortura torti, fol. 3>8.

{3) Histoire de la Compagnie de Jésus, t. III, p. 91,

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sondés et interrogés à mon sujet ; et, quoique, quelques-uns d'entre eux, sous la torture, nommassent ceux qui avaient su le complot, tous nièrent constamment que je fusse de ce nombre. Le gentilhomme Éverard Digby, qu'on aurait pu, avec le plus d'appa­rence de raison, soupçonner de m'avoir révélé le secret, protesta devant la cour que plusieurs fois il avait été pressé de dire que je savais quelque chose de cette conjuration, mais qu'il avait toujours répondu que non ; ajoutant qu'il n'avait jamais osé me le faire connaître, parce qu'il craignait que je ne la lui eusse fait abandonner. Aussi la majeure partie des conseillers considérèrent mon innocence comme prouvée par tant de témoignages unanimes. En outre, j'écrivis une lettre dans laquelle je me justifiais complè­tement ; me trouvant alors selon toutes les apparences, sur le point de tomber entre les mains des conseillers, je m'offris librement à tous les tourments imaginables et à l'infamie du parjure, si, lorsqu'ils m'auraient en leur pouvoir, ils produisaient une preuve valable que j'eusse eu connaissance de la conjuration. J'avais déjà été leur prisonnier, sous Elisabeth, un peu plus de trois ans ; durant ce laps de temps, ils m'examinèrent plusieurs fois et des diverses manières qu'il leur plut, pour savoir en général si je m'étais mêlé d'affaires d'Etat. Je les défiais d'en apporter en preuve un trait de ma main, une parole de ma bouche ; ils ne purent jamais trouver une ombre d'indice. A combien plus forte raison devais-je me refuser à un acte aussi cruel que cette conjuration des poudres. Je puis affirmer avec vérité que du moment où j'ai embrassé mon genre de vie actuel, je n'ai, Dieu merci, désiré la mort ni aucun grave dommage à qui que ce soit au monde, pas même à qui aurait pu être mon ennemi le plus acharné; donc bien moins, ai-je pensé à prendre part à la destruction soudaine, imprévue, effroyable, de tant de si hauts personnages à qui je portais le plus grand respect. Ma lettre fut montrée au roi par le comte de Northampton (Henri Howard) ; le roi en fut si satisfait qu'il aurait fait cesser les poursuites contre moi, si Cécil, pour son propre intérêt, ne l'eût encore plus indisposé qu'auparavant, ce ministre s'était persuadé que quelques-uns des conjurés en voulaient parti-

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culièrement à sa vie ; il savait qu'ils étaient pour la plupart mes amis, et il espérait que, s'il parvenait à mettre la main sur moi, il me ferait dénoncer ceux qui lui en voulaient. Pour cette seule raison, il ne prit pas de repos qu'il n'eût ramené le roi à croire, comme chose vraiment prouvée, que j'avais été à la tête du complot. — Telle est la pure et simple vérité ; j'ai ignoré tous ces préparatifs de poudre de mine ; j'ai été, je suis innocent de cette conjuration comme de toute autre ; je l'affirme, je le jure sur mon âme, et sans la moindre équivoque possible ; tellement que si la vérité ne correspond pas à mes paroles, si j'ai eu aucune connais­sance de la conjuration dont il s'agit avant sa divulgation, je me confesse devant Dieu et les hommes coupable de parjure ; je ne demande miséricorde au tribunal de Dieu qu'autant qu'il est vrai que je n'en avais rien su ; et il est très probable que je ne tarderai pas beaucoup à me présenter à ce tribunal suprême, vu mon grand âge. »

 

   45. La conspiration des poudres a eu un profond retentissement. L'exécution des coupables et l'assassinat des innocents ne suffirent pas à ce besoin qu'éprouvent les hommes de se maudire et de se calomnier. Il y avait des inimitiés vivaces à satisfaire ; l'anglica­nisme s'était érigé en religion à part ; il était trop peu fondé pour pas chercher à se consolider en calomniant les Jésuites, l'Église et le Saint-Siège. Après avoir fait parler et souillé la loi, on voulut faire déclamer la haine. C'est une tâche facile et misérable ; elle était à la hauteur du talent de Maître Jacques, qui se prit à fagotter un volume latin pour déshonorer ses victimes. A sa suite, une nuée de docteurs et de jurisconsultes descendirent dans l'arène ; Casaubon y opérait encore en 1611. Le cardinal Bellarmin, les Pères Fronton-le-Duc et Eudemon Joannès leur répondirent. Les angli­cans prétendaient, entre autres, que la conspiration avait grandi en Angleterre, mais qu'elle avait été fomentée en Flandre et à Rome. Le père Beaudouin surtout, provincial de Belgique, s'y trou­vait particulièrement impliqué, et Lancelot, évêque de Chichester, écrivait que si ce jésuite paraissait en Angleterre, « il ne se déroberait jamais à la masse des dépositions et des preuves ». Son extradition

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fut refusée par l'archiduc Albert ; mais, en 1610, il fut pris dans le Palatinat et transféré à Londres. L'archiduc le réclama ; Jacques donna sa parole que si le Père était innocent, il ne lui serait fait aucun mal. Le roi assista à plusieurs interrogatoires qu'on fit subir au jésuite, et l'homme qui, dans le réquisitoire de l'attorney général, comme dans les pièces de la procédure, est déclaré un des architectes du complot, vit s'évanouir, devant sa réponse, toutes les impostures des magistrats. Quatre ans après la mort du père Garnett, Baudouin, son complice aux yeux de l'anglicanisme, était proclamé non coupable. Le roi lui-même dut avouer que ce jésuite n'avait jamais eu connaissance, même indirecte, de la cons­piration, et le renvoya en Belgique. Après cet acte d'honnêteté, Jacques se rabattit sur les catholiques de ses États, et extorqua, aux plus riches, de fortes sommes. Stourton paya six mille livres ster­ling ; Mordaunt, dix mille ; Northumberland, onze mille. Montagne était le rival de Cécil ; il fut privé de ses charges, déclaré incapable d'en occuper, enfermé à la Tour: on le ruina, parce qu'il était grand homme d'État et catholique.

 

   46. En présence de l'histoire, ces accusations de désobéissanceimputées aux catholiques anglais, font triste figure. A part le fait unique, peu considérable et trop excusable de Catesby, il n'y a pas, dans trois siècles de vexations, autre marque de révolte. Les catholiques de l'Ile-des-Saints furent traités comme des parias et ne servirent pas moins l'Angleterre sur ses flottes et dans ses armées. Quand les colonies protestantes d'Amérique se révoltèrent contre l'Angleterre, le Canada catholique seul lui resta fidèle. Les ministres, la législature reconnurent, à différentes reprises, la parfaite loyauté des catholiques. Le docteur Soulhey ayant dit, à propos de la conspiration des poudres, que si les catholiques anglais, comme corps, en furent innocents, l'opprobre que cet attentat attira sur leur Église fut mérité, parce que Gui Fawkes avait agi d'après les mêmes principes que le chef de l'Église. Sir Charles Butler lui répondit : « Mais combien y eut-il de catholiques compromis dans ce complot ? Seize tout au plus, et neuf seulement dans ce nombre eurent part à l'incendie des poudres. Quel fut le jugement que por-

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tèrent les catholiques sur les chefs du complot? Un écrivain con­temporain nous apprend que « les conspirateurs étaient quelques misérables, quelques pervers que beaucoup de protestants quali­fiaient de papistes, bien que les prêtres et les véritables catholiques ne les connussent pas comme tels, et que nul réformé ne put dire qu'aucun de ces conspirateurs fit partie des chrétiens que la loi ran­geait parmi les papistes non-conformistes(l). » Quels sont ceux qui au­raient été victimes du complot s'il avait réussi? Les pairs catholiques comme les pairs protestants : vingt pairs catholiques siégeaient à cette époque à la Chambre haute. Qui révéla la conspiration ? Lord Mounleagle, catholique romain. Quels sont ceux qui mirent le plus d'activité à rechercher les auteurs du complot ? Le comte de Northampton et le comte de Suffolk, tous deux catholiques romains. Aussitôt que les particularités du complot eurent été connues, les catholiques romains n'exprimèrenl-ils pas toute leur horreur pour cet attentat? Blackwell, archiprêtre catholique et les autres mem­bres influents du clergé répandirent immédiatement une lettre pas­torale dans laquelle ils le qualifiaient de détestable et de damnable, et affirmaient « que le Pape avait toujours condamné de pareilles pratiques ». — Ils présentèrent une adresse au roi, une autre aux deux Chambres du Parlement et une troisième à Cécil, premier secrétaire d'État pour déclarer combien ils exécraient un semblable complot, pour protester de leur innocence et pour solliciter une enquête (1). Peu de temps après que l'archiprêtre et les chefs du clergé eurent publié leur lettre, le premier reçut du Pape un bref dans les mêmes termes : à sa réception, l'archiprêtre et les membres influents du clergé l'annoncèrent aux catholiques par une lettre écrite dans le même esprit que la précédente. Vous dites que « si les conspirateurs éprouvèrent quelques remords, l'approbation de leurs pères spirituels calma bientôt leurs scrupules ». A cela, per­mettez-moi d'apposer la dénégation la plus absolue. Cela est si faux, que les récits de Moore et de Bartoli prouvent que les Jésuites s'em­ployèrent pour calmer l'irritation générale que la conduite de

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(t) Protestans plea forPriests, p. 06, publié en 1651. (1) L'Avocat de la conscience et de la liberté, p. 230.

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Jacques avait naturellement occasionnée. Ce fait était si générale­ment connu, que quelques esprits ardents insinuèrent que les Jésuites s'étaient ligués avec le gouvernement, pour empêcher les catholiques d'obtenir la reconnaissance de leurs droits. A l'égard de l'histoire si compliquée du P. Garnett, je dois vous prier de recourir aux Mémoires historiques sur les catholiques anglais, irlandais et écossais. Quelles qu'aient pu être les circonstances du complot, les lois pénales contre les catholiques furent exécutées avec une grande sévérité. Dix-huit prêtres et sept laïques souffrirent la mort, uniquement à cause de l'exercice de leur religion ; cent vingt-six prêtres furent bannis, et l'énorme amende de vingt pounds fut extorquée avec la plus grande rigueur, de tout catholique qui ne suivait pas le service de l'Église établie (1). »

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