Darras tome 35 p. 75
39. Le soir du même jour, dit la Popelinière, le roi fit défendre, à son de trompe, sous peine de vie, de prendre les armes ou de s'attaquer aux personnes, ordonnant en même temps à tous ceux qui étaient armés, de se retirer dans leurs maisons (1). Cette proclamation, et la publicité que lui donne un auteur protestant, servent de réfutation aux autres écrivains du parti, qui ont soutenu que le massacre avait duré trois jours. Dès le soir, le roi avait rétracté son ordre de massacre ; pendant le massacre, il dérobait aux coups, dans ses appartements, plusieurs parents et amis ; et dès le matin, sur les remontrances des échevins et du prévôt des marchands, il donna des ordres pour arrêter les égorgements, ordres qui furent réitérés le soir, avec une plus grande sévérité. Que, dans cette journée et les suivantes, plusieurs crimes aient encore été commis, le fait n'est pas douteux ; les efforts du corps
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(1) Mémoires de La Popelinière, Liv. XXIX, p. C7.
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de ville en font foi, comme on pouvait le voir autrefois, dans les registres de son bureau. Pouvait-il en être autrement ? et vit-on jamais arrêter par un ordre, ou un coup de trompe, un peuple enivré de carnage? En présence des cadavres, une question terrible se posait : A qui revenait l'odieuse responsabilité d'avoir lancé le peuple dans cette voie de barbarie ? La cour en délibéra, et, sentant combien la couronne allait être déshonorée, résolut d'expliquer les massacres par la rivalité des Guises et de Coligny. Une lettre fut expédiée en ce sens aux gouverneurs de province. Mais le duc de Guise, quelque temps entraîné à la poursuite des proscrits, reparut bientôt et réclama vivement contre une version qui, d'exécuteur des ordres du roi, le transformait en assassin. Le roi fut donc obligé de prendre sur lui cette responsabilité, désolante pour sa conscience, et, afin d'expliquer un si grave éloignerment des voies de la justice, dut alléguer, contre les sinistres desseins des huguenots, la nécessité de sa propre défense. Cette nécessité exista-t-elle réellement et le prince éprouva-t-il réellement les craintes dont il témoigna ? Quelques-uns l'ont accusé de mensonge. Cependant on sait à quel degré d'irritation la tentative d'assassinat contre Coligny avait poussé les huguenots; on n'ignore pas non plus avec quelle perfide habileté Catherine avait circonvenu son fils. Lui-même, dans l'abandon d'une conversation intime déclara plus d'une fois, qu'il ne l'aurait jamais fait, si on ne lui eut fait entendre qu'il y allait de sa vie et de son État. Quoiqu'il en soit, le 20 août, le roi se rendit au Parlement et déclara que Coligny, mille fois coupable de révolte et d'attentat contre son souverain, avait voulu mettre le comble à ses crimes, en formant la résolution d'exterminer le roi et la famille royale ; de faire, du prince de Condé, un fantôme du roi, pour gouverner à sa place ; d'assurer ainsi le triomphe de l'hérésie et de détruire jusqu'aux derniers vestiges de la religion catholique. Crimes notoires, dont la certitude rendait inutiles, sous un roi absolu, les formes de la justice et entraînait la mort sans jugement.
40. Coligny était-il bien ce criminel de lèse-majesté, divine et humaine, que dénonce Charles IX? On ne peut pas contester les
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desseins manifestes de l'amiral d'usurper l'autorité du roi et ses entreprises pour les mener à bonne fin. Les papiers, trouvés chez lui après sa mort, en fournissent une preuve sans réplique. Il avait établi, en seize provinces du royaume, des gouvernements secrets et des chefs militaires, avec un certain nombre de conseillers qui avaient la double mission de tenir le peuple en armes, prêt au premier ordre de sa part, et de lever des impôts sur les sujets du roi (1). Dans une lettre à l'auteur d'un livre sur Coligny, l'évêque d'Angers, Mgr Freppel, écrit :
« Votre étude si savante et si consciencieuse sur l'amiral de Coligny arrive à son heure. Au moment où en haine de l'Eglise catholique, on songe à élever une statue à l'un des hommes du seizième siècle qui l'ont combattue avec le plus d'acharnement, il était bon, il était utile de présenter sous son véritable jour cette figure de sectaire, à laquelle se rattache le souvenir d'une triple trahison envers Dieu, le roi et la patrie.
« L'odieux massacre de la Saint-Barthélémy, si perfidement exploité par les ennemis de la religion contre toute justice et toute vérité, a pu répandre sur la mémoire de Coligny l'intérêt que mérite toute victime lâchement frappée. Mais comment oublier que, pour assouvir sa haine et satisfaire sou ambition, cet étrange Français, investi d'une charge militaire des plus importantes, n'a pas craint d'appeler l'étranger au cœur de la patrie ; que, par suite d'un pacte infâme, il a livré à l'Angleterre Dieppe, le Havre et Rouen, en retour de ce qu'elle lui promettait de secours en hommes, en argent et en vaisseaux, contre la cause du roi et de la nation ; qu'il a inondé la France de ses reîtres allemands, soudoyés pour le pillage et pour l'assassinat ? Les pièces empruntées au Record office state papers, et que vous reproduisez tout au long à la fin de votre excellent livre, ne permettent aucun doute sur ce crime de lèse-patriotisme et de haute trahison. Que l'on suive Coligny dans tout le cours de sa vie militaire : il est constamment occupé à pactiser avec l'étranger dans le but de faire envahir sa patrie par les troupes
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(1) Mémoires de ViUeroy, t. IV ; voir la harangue de Bellelièvre, iBaden, le 18 décembre ibll.
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d'Elisabeth d'Angleterre, du prince d'Orange, du duc de Deux-Ponts et des princes allemands. Si le plan du chef des huguenots n'avait pas échoué devant l'énergique résistance du peuple catholique, l'Angleterre reprenait dans notre pays tout le terrain perdu un siècle auparavant ; l'œuvre de Jeanne d'Arc était détruite, et la nationalité française courait un péril d'autant plus grave que, cette fois, les luttes religieuses venaient s'ajouter aux divisions politiques. »
Quoiqu'il en soit, le Parlement, saisi régulièrement du procès de Coligny, rendit un arrêt par lequel Coligny fut déclaré criminel de lèse-majesté, perturbateur du repos public, chef de conspiration contre le roi et l'Etat ; il fut ordonné que son corps ou son effigie serait traîné sur la claie par le bourreau, attaché à la potence en place de Grève et, de là, porté à Montfaucon ; que sa mémoire serait condamnée ; sa maison de Châtillon-sur-Loing rasée, et que tous les ans on ferait une procession générale dans Paris pour remercier Dieu de la découverte de cette conjuration.
41 . Après un tel arrêt, quelle autorité eût pu contenir les passions bouillantes des catholiques et des royalistes dans les provinces? Si l'on en croit les historiens protestants, à l'exemple de Paris, le roi aurait joint à des ordres secrets des instructions confidentielles prescrivant de faire main basse sur tous les huguenots. Nombre de villes, il est vrai, imitèrent la capitale. Meaux, Orléans, Troyes, Bourges, Angers, Rouen, Toulouse, Lyon, Bordeaux et plusieurs autres villes eurent leur tragédie sanglante. Les représailles éclatèrent surtout là où les huguenots avaient commis leurs crimes ; en beaucoup d'endroits on exerça des vengeances. Mais les dates divergentes de ces exécutions, les circonstances de l'ordre arraché à Charles IX, le défaut de préméditation, l'impossibilité même s'élèvent contre l'existence des instructions secrètes. Des instructions furent expédiées, mais en sens contraire. On a encore les instructions envoyées à Nîmes, en Bourgogne, en Poitou ; elles intiment la volonté du roi de maintenir les édits et d'empêcher les massacres. « C'est l'usage, dit l'abbé Maury, d'opposer au récit des meurtres désobéissance de plusieurs catholiques qui auraient refusé d'exé-
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cuter les ordres sanglants venus de la cour. On parle avec admiration de Jean le Hennuyer ou Berruyer, évêque de Lisieux, qui aurait recueilli les calvinistes dans son palais pour les soustraire à la fureur de quelques forcenés. Or, à l'époque de la Saint-Barthélémy, Jean le Hennuyer se trouvait à la cour, où il remplissait la charge de confesseur près de la reine régente. On cite aussi une lettre du vicomte d'Orthez, gouverneur de Bayonne, dans laquelle ce magistrat aurait formellement refusé d'obéir à des ordres donnés au nom de Charles IX ; mais cette lettre est simplement forgée par d'Aubigné (Hist. universelle), à qui Voltaire l'a empruntée pour la mêler aux notes de la Henriade. Il a été tout aussi impossible de constater l'existence d'un certain Thomasseau de Cursay, qui aurait empêché de verser le sang des huguenots à Angers. C'est par de telles mystifications que l'on a longtemps abusé les esprits. La cour a envoyé des ordres, mais pour interdire l'attaque des huguenots. Si donc la Bourgogne ne perdit qu'un seul homme, grâce aux soins vigilants de Chabot-Charny ; si la Provence fut préservée de meurtres par le comte de Tende ; le Dauphiné par le comte de Cordes ; l'Auvergne par Saint-Héran ; la Normandie par Tanneguy le Veneur, c'est à l'humanité, c'est au courage spontané de ces gouverneurs qu'en revient la gloire, et non à une désobéissance héroïque ; car, encore une fois, ils ne reçurent d'ordres sanguinaires ni du roi ni de ses ministres ; on défie qui que ce soit d'en montrer (1). »
42. Les historiens, catholiques ou protestants, contemporains ou érudits, sont peu d'accord sur le nombre des victimes. Voici les évaluations recueillies par le calviniste Guizot : « Selon de Thon, il y eut environ deux mille personnes tuées à Paris le premier jour ; d'Aubigné dit 3,000 ; Brantôme parle de 4,000 cadavres que Charles IX put voir passer sur la Seine ; la Popelinière les réduit à 1,000. On trouve, dans les comptes de la ville de Paris, une allo-
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(1) Histoire de France, t. II, p. 335. L'abbé de Caveirac a prouvé : 1° Que la religion n'eut aucune part à la Saint-Barthélémy ; 2° Que ce massacre fut une affaire de proscription ; 3° Qu'il ne dut jamais regarder que Paris ; 4e Qu'il a péri beaucoup moins de monde qu'on ne l'a prétendu. On n'a jamais répondu à Caveirac.
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cation aux fossoyeurs du cimetière des Innocents, pour avoir enterré 1,100 morts arrêtés aux coudes de la Seine, près de Chaillot, d'Auteuil et de Saint-Cloud ; il est probable que bien des cadavres, furent entraînés plus loin, et les cadavres ne furent pas tous jetés à la rivière. L'incertitude est encore plus grande quand on parle du nombre des victimes dans la France entière ; de Thon l'évalue à 30,000, Sully à 70,000 ; Péréfixe, archevêque de Paris au dix-septième siècle, l'élève à 100,000 ; Papire Masson et Davila le réduisent à 10,000, sans distinguer clairement entre le massacre de Paris et ceux des provinces ; d'autres historiens s'arrêtent à 40,000. » La même incertitude règne parmi les historiens modernes ; chacun juge un peu selon ses impressions ; mais plus on se rapproche des historiens du temps, plus le nombre diminue. Nous croyons, pour notre part, qu'on a fort exagéré ce chiffre de victimes. Les invraisemblances matérielles et les impossibilités morales se réunissent pour établir qu'on n'égorgea pas tant qu'on le récrie. L'homme ne tue pas pour tuer, et quand il a fait une victime, il a besoin de se reposer de son émotion. Pendant la nuit du 24 au 23, on ne put tuer grand monde. Le jour suivant, si l'on vit plus clair, on dut être empêché par d'autres circonstances, d'autant que les huguenots étaient armés. A moins d'admettre que la population de Paris se partageait en tueurs et en tués, en loups et en agneaux, on ne peut croire que le nombre des victimes ait été si considérable. Nous en avons la preuve, par analogie, dans nos coups d'État, dans la répression de nos émeutes. Ici, les adversaires se trouvent en présence ; ils sont réunis en troupes, ils se fusillent et se canonnent ; et cependant, tant tués que de blessés, on ne voit pas que les chiffres s'élèvent si haut, bien que les moyens d'extermination ne manquent pas. Si l'on défalque du chiffre total les catholiques tués et les victimes des vengeances particulières, dont l'assassinat est certainement un crime, on verra que la Saint-Barthélémy n'a pas atteint beaucoup d'innocents et qu'il n'y a pas lieu de tant gémir, surtout pour nous qui l'avons tant de fois surpassée et qui avons amnistié les coups d'Etat par des millions de suffrages.
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43. Je n'examine point la préméditation. Il
est clair, par les faits, que la Saint-Barthélémy fut un coup improvisé de réaction,
un moyen extrême de salut public, l'œuvre exclusive de Catherine de Médicis. De préméditation, de concert, d'assentiment demandé et
donné, il n'y en a pas trace. Or, dans cette mêlée ardente de trahisons, de
violences et d'attentats, quelle a été la part, nous ne dirons pas de la religion,
dont la responsabilité ne saurait être mise en cause, mais celle des hommes qui
en étaient à cette époque les apôtres et les représentants ? Mackintosh, dans
son Histoire d'Angleterre, nous édifie à cet égard : « La Saint-Barthélémy,
dit-il, est un crime absolument politique, dont il est injuste d'accuser
l'Eglise catholique et les pontifes romains. Le clergé n'y a participé ni comme
agent, ni comme conseil ; et ce n'est pas assurément l'intérêt de la religion
dont Catherine de Médicis se préoccupait et se souciait dans la nuit du 24 août 1372. Il n'y avait, Dieu
merci, ni prêtre, ni évêque, ni cardinal dans le conciliabule tenu par la
reine-mère, alors qu'elle donnait ses derniers ordres au prévôt des marchands. Tout, dans cet horrible drame, s'est accompli en dehors
de la participation et de l'assentiment du clergé. Nulle part on n'en aperçoit
la trace; et si des prêtres et des évêques sont intervenus dans le massacre, ce n'a été que pour arrêter et désarmer le bras
des assassins. » « Que de huguenots, écrit un historien contemporain, Caveirac,
ont été recueillis dans les couvents et sauvés de la mort par la charité des prêtres, dont plusieurs ont payé de leur vie leur courageuse intervention ! » C'est bien en vain qu'on leur reproche d'avoir excité par leurs prédications le fanatisme des
masses populaires. Il y avait sans doute dans le clergé de Paris des hommes
ardents, passionnés même. Mais qui donc ne l'était point à cette époque? Qui
donc, prêtre ou laïque, pouvait se montrer indifférent aux profanations et aux blasphèmes dont les nouveaux sectaires outrageaient audacieusement les institutions et les croyances que la France, dans son immense majorité, aimait et vénérait le
plus ? Du reste, en fait de prédication et de langage, ce ne sont pas, à coup
sûr, les apôtres de la Réforme qui donnaient aux catholiques l'exemple de la
modération. Luther en
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Allemagne, Knox en Ecosse, Calvin à Genève, Théodore de Bèze en France, n'ont jamais, que nous sachions, prêché la tolérance ; c'est la haine et l'extermination qui étaient le thème de leurs discours et faisaient le fond de leurs écrits. On les a pris au mot et opposé leurs décisions. Et que dire de ces nuées de prédicants dont Genève inondait le royaume, « pauvres gens pour la plupart, écrivait le vénitien Suriano, ignorants et grossiers, qui prêchaient mille sottises et n'avaient d'autre doctrine que la haine contre l'Église, le goût pour la sédition et la soif pour le pillage? » Voilà les hommes dont les provocations et le langage excitaient et enflammaient le fanatisme populaire. Ce sont eux qui, semant partout la haine, la violence et la rancune, ont attiré sur leurs coreligionnaires les sanglantes représailles du peuple de Paris. Le crime, sans doute, ne justifie jamais le crime, et nous tenons le massacre de la Saint-Barthélémy pour un des crimes politiques les plus odieux qui aient été commis, mais les historiens qui s'acharnent à faire peser sur les catholiques la responsahilité du sang versé ont-ils donc oublié les Saint-Barthélemy protestantes qui, de 1502 à 1570, ont ensanglanté la France? C'est se montrer, en vérité, peu soucieux de l'histoire et de la vérité, que de passer intentionnellement sous silence les cruautés inouïes qui ont signalé partout l'apparition et le passage de la Réforme (1). Quoi qu'il en soit, le clergé catholique n'a participé, ni de près ni de loin, au massacre des huguenots ; les papes ne l'ont pas amnistié davantage. On objecte, il est vrai, le Te Deum chanté à Notre-Dame et le jubilé indiqué par Grégoire XIII. Le Te Deum fut chanté à Notre-Dame en suite des délibérations du Parlement, pour remercier Dieu d'avoir soustrait le roi au poignard des huguenots et sans se préoccuper du massacre. Quant au jubilé publié par Grégoire XIII, il le fut sur l'avis, en date du 24 août, d'une nouvelle conjuration calviniste dirigée contre la couronne et la vie du roi, et réprimée dans le sang des conjurés ; dans cette lettre d'avis, il n'était fait aucune allusion au massacre qui, pour Paris, ne faisait que commencer. Le jubilé et la médaille frappée à cette occasion ne se réfèrent qu'à une viec-
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1. Menneval, La Vérité sur Catherine de L'édicis, p. 185.
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toire de la royauté. Dans ces démarches, le pape fut d'ailleurs contraint en quelque sorte par le mouvement universel et presque tumultueux du sentiment public. On se souvenait à Rome des atrocités commises, en 1527, par les soldats huguenots du connétable de Bourbon. Ça été pour remercier le ciel d'avoir sauvé les jours du roi et préservé une fois de plus le royaume des entreprises et des complots des calvinistes, que le Pape voulut présider le Te Deum et se joindre à la grande procession du peuple romain. Il faut en dire autant de la fameuse notification en lettres d'or, affichée aux portes de Saint-Pierre par le cardinal de Lorraine. La pièce, il est vrai, est bien dans le style du temps ; mais il saute aux yeux que le point de départ des anathèmes qu'elle renferme à l'endroit des huguenots, c'est la conviction que le massacre a été la conséquence inévitable et nécessaire de leur criminelle insurrection. Ces manifestations n'offrent rien de plus anormal que les cris de joie qui éclatèrent dans toute l'Europe, en 1871, à la nouvelle de l'écrasement de la Commune ; la cour romaine, en venant, après les déclarations de Charles IX et les arrêts du Parlement, féliciter la cour de France, n'a fait que ce que font encore les souverains de nos jours, quand l'un d'eux a échappé à quelque attentat contre sa vie. On ne pourra flétrir ces actes que quand le régicide sera un fait glorieux et de droit public (1).
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(1) Saint-Victor, dans le Tableau de Paris, t. III, a très bien résumé les guerres religieuses du XVIe siècle ; le comte de Meaux en a présenté depuis un abrégé exact quant aux faits, mais singulièrement faux quant aux principes. L'auteur se pique d'avoir composé son livre pour établir que l'édit de Nantes avait institué chez nous la liberté religieuse, noble conquête obtenue uniquement par les violences des huguenots. Ces bandits, par le massacre des prêtres, le sac et la destruction des églises, préludent à toutes les atrocités révolutionnaires qui ont, à leur tour, fondé chez nous la soi-disant liberté politique. Nous citons peu l'Histoire universelle, dede Thou, quoique Bossuet la donne comme une autorité; à notre humble avis, ce n'est qu'une diatribe fort impertinente contre les catholiques, une copie ou un abrégé de divers pamphlets dirigés contre l'Église et le Saint-Siège par les huguenots et les politiciens de tous les pays.