L’Inquisition 1

Darras tome 33 p. 569

 

§. VIII. L'INQUISITION.

 

143. Le protestantisme ne s'élevait pas contre l'Église, comme une hérésie ordinaire ; il embrassait dans l'ensemble de ses négations, toutes les hérésies des temps passés, il rejettait les bases mêmes de l'orthodoxie et ouvrait ainsi la porte à des erreurs nou­velles ; enfin il repoussait en principe l'institution même d'une église fondée sur la hiérarchie et ne faisait de l'humanité, au point de vue religieux, qu'une multitude sans organisation. Il ne se peut rien imaginer de plus anti-chrétien et de plus anti-ecclésiastique que le protestantisme. Par une ruse destinée à voiler ses machina­tions, cette gigantesque erreur appelait à des colloques, non qu'elle voulût dans le fait, examiner ; mais elle entendait, par là, préconi­ser toutes ces négations et poser surtout son principe destructeur de toute église. En présence de ce déluge d'erreurs et de l'affirma­tion qui protégeait leur essor, Paul III demandait un jour au car-

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dinal Caraffa, quel moyen il aurait à proposer contre le progrès de ces innovations. Le cardinal répondit qu'une inquisition énergi­que lui paraissait le seul remède efficace. Jean Alvarez de Tolède cardinal de Burgos, fut du même avis. « La vieille inquisition do­minicaine, dit Ranke, était tombée depuis longtemps en décadence. Comme on avait laissé aux ordres monastiques le soin d'élire les inquisiteurs, il arriva que ceux-ci partageaient souvent les mêmes opinions que celles qu'on voulait combattre. En Espagne, on s'était déjà écarté de l'ancienne forme en ce qu'on avait institué, pour ce pays, le tribunal suprême de l'inquisition. Caraffa et Burgos, tous les deux d'anciens dominicains, partisans d'une justice sévère, défen­seurs ardents de la pureté du catholicisme, rigoureux dans leurs mœurs, inflexibles dans leurs opinions, conseillèrent au Pape d'é­tablir, sur le modèle de celui d'Espagne, un tribunal suprême et gé­néral de l'inquisition, ayant son siège à Rome, et qui aurait tous les autres tribunaux dans sa dépendance. De même que saint Pierre, dit Caraffa, a vaincu le premier hérésiarque à Rome, de même le successeur de saint Pierre doit dompter à Rome même toutes les hérésies du monde entier. Les Jésuites se glorifient de l'appui prêté par Loyola, leur fondateur, à cette proposition. La bulle fut rendue le 21 juillet 15421.»

 

  144. Cette bulle désigne six cardinaux, parmi lesquels Caraffa et Jean de Tolède sont nommés commissaires du Siège Apostolique, inquisiteurs généraux et même universels en matière de foi, en deçà et au delà des monts. Elle leur accorde le droit de déléguer des ecclésiastiques partout où bon leur semble, avec un pouvoir égal au leur, de décider seuls les appels contre leurs décisions et de procéder même sans la participation du tribunal ecclésiastique ordinaire. Tout le monde sans acception de personne, sans avoir égard à un état ou à une dignité quelconque, doit être soumis à leur juridiction ; ils ont pouvoir de faire incarcérer les suspects, de punir même de la peine capitale les coupables et de vendre leurs biens. Une seule restriction leur est imposée : il est de leur com-

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1. Histoire de la Papauté, t. I, p. 212.

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pétence de punir, mais le Pape se réserve la faculté de gracier ceux qui se convertissent. Les inquisiteurs doivent aussi tout faire, or­donner et exécuter, pour étouffer et extirper les hérésies qui ont éclaté dans la communauté chrétienne. — Caraffa ne perdit pas une minute pour mettre cette bulle à exécution. Quoique pauvre, il ne voulut pas attendre l'argent qu'il devait recevoir de la Cham­bre Apostolique; il prit de suite une maison en location, y établit avec ses propres ressources les chambres des fonctionnaires, pré­para des prisons, les pourvut de verroux, de fortes serrures, de fers, de chaînes. Sur quoi, il nomma des commissaires généraux pour les différents pays ; pour Rome, il nomma son propre théolo­gien, Théophile de Tropa, dont la sévérité égalait l'instruction. «Le cardinal, dit Caraccioli, dans la biographie manuscrite de Ca­raffa, s'était tracé, à ce sujet, les règles suivantes, comme étant les plus nécessaires et les plus légitimes. Premièrement, en matière de foi, il ne faut pas perdre un instant, mais au plus léger soupçon, mettre immédiatement la main à l'œuvre avec la plus grande éner­gie. Deuxièmement, il ne faut avoir aucune espèce d'égard, soit pour un prince, soit pour un prélat, quelque haut placé qu'il soit. Troisièmement, il faut agir avec la plus rigoureuse sévérité, con­tre ceux qui cherchent à se défendre, en se plaçant sous la protec­tion d'un personnage puissant ; mais aussi il faut traiter avec dou­ceur et une miséricorde paternelle celui qui fait l'aveu de sa faute. Quatrièmement, il ne faut s'abaisser à aucune espèce de tolérance envers les hérétiques et particulièrement envers les calvinistes.» En d'autres termes, contre l'invasion latente du protestantisme, qui s'es­sayait à corrompre l'Italie, la France, l'Espagne, par la séduction, après avoir entraîné, par la violence, l'Allemagne, l'Angleterre et les pays du Nord, le Saint-Siège mis en cas de légitime défense, repoussait l'hérésie par la force, et certain d'être en possession de la vérité, ne permettait pas qu'on vint lui ravir le sacré dépôt.


   145.  En présence de cette courageuse résolution du Saint-Siège, l'hérésie et la libre pensée feignent l'horreur pour faire agréer leurs  protestations.  Des catholiques même, par esprit de libéralisme, contestent à l'Eglise le pouvoir coërcitif et lui refusent le droit de

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se défendre. Quelques observations préalables ne sont pas inutiles pour caractériser ce jeu d'opinions. On envisage d'abord l'Inquisi­tion avec les préjugés du jour, à savoir : que la vérité et l'erreur ont les mêmes droits, que toutes les religions sont bonnes et af­faire d'opinion, que la perfection politique est dans la liberté abso­lue des cultes et l'indifférence de l'État. C'est manifestement partir, pour juger l'Inquisition, de principes contraires aux principes qui l'ont fait établir. On part aussi de mœurs contraires aux mœurs du moyen âge, du moins quant à la politesse extérieure ; il n'est pas tenu compte de la dureté du caractère ni de la législation, qui, po­sitive ou symbolique, était toujours sanguinaire. Et c'est manifestrment encore se mettre en cas de ne rien comprendre à la pénalité de l'Inquisition. On l'envisage superficiellement. Par une fraude, qui peut avoir ailleurs son mérite d'habileté, on cherche à vous émouvoir avant de vous convaincre. Le détracteur évoque les ins­truments de supplice, la torture, les bûchers ; il met en contraste la douceur de Dieu qui défend de tirer le glaive ; et comme le cœur humain prend toujours volontiers parti pour l'infortune, les  émo­tions ôtent à l'intelligence sa droite pénétration. — Enfin, après avoir fait appel aux préjugés, et exalté l'imagination, on élude la question doctrinale; la condamnation est sommaire : principe d'in­tolérance civile et religieuse, application diverse pour l'une et l'au­tre suivant les temps, les lieux et les circonstances, côté purement politique ou seulement religieux : tout est réprouvé parce qu'on vous a dressé un catalogue de condamnés ; absolument comme on ferait l'histoire des rois en parlant seulement des crimes des rois, l'histoire de la justice, on ne relatant que les erreurs des tribunaux. C'est mal poser la question, il faut la rétablir dans son vrai jour et dire sa portée. — D'abord, il ne s'agit point ici d'un article de foi ; on est libre, on peut tomber dans l'erreur, mais pas dans l'hérésie. Ainsi, il est permis de désapprouver l'institution du Saint-Office comme trop sévère ou inopportune. Mais toutefois il faut prendre garde d'émettre ici des propositions qui encourraient la censure, comme celle-ci : « La force, en aucun cas, ne peut ou ne doit servir les intérêts de la foi ; » ou  cette autre :  «  La perfection politique

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d'un peuple est compatible avec la parfaite égalité des cultes, et même avec l'absence de toute religion. » De plus, en permettant ces licences, il ne faut point blâmer la conduite pratique de l'Église et du Saint-Siège; pas plus qu'il ne faut oublier l'Histoire, dont la connaissance exacte prouve parfaitement deux choses: d'abord que l'Église n'a jamais été cruelle dans la répression du crime d'hérésie; ensuite que les Papes ont toujours su parfaitement choisir le lieu et l'heure où il fallait s'armer pour la défense. « Tout ce que l'Église a éta­bli, confirmé et approuvé dans l'Inquisition, dit Veuillot, est saint, et il n'est permis à aucun catholique de le blâmer, car l'Église ne sau­rait autoriser le mal ou l'erreur, ni par ses enseignements ni par sa conduite, et l'on peut juger de la valeur morale des choses, aussi bien par sa pratique que par ses paroles. Voilà ce que ne veulent pas assez comprendre ces chrétiens politiques qui, reconnaissant l'Église infaillible dans ses décrets, jugent néanmoins la plupart de ses actes comme s'ils admettaient que l'assistance de l'Esprit Saint lui a manqué. » Cependant s'il n'y a point ici article de foi, la ques­tion n'en est pas moins très vaste et très délicate. Elle touche aux questions les plus difficiles de la liberté humaine, de la conscience, de la nature du royaume de Jésus-Christ. Suivant le parti que vous prendrez vous n'aurez pas seulement à approuver ou condamner l'Inquisition comme tribunal permanent, ayant sa législation et son personnel à part, mais encore tout acte, mesure, loi de protection, de défense qui mettra d'une manière ou d'une autre, la force lé­gale du pouvoir temporel au service de l'Église. Vous aurez de même à approuver ou à condamner les constitutions fondées en dehors de la vraie religion et ce sont toutes choses très graves, peu difficiles sans doute, au point de vue des doctrines, mais of­frant dans l'application d'inextricables difficultés.

146. L'inquisition repose d'abord sur des principes de droit, et sur l'autorité de la tradition. Ces principes touchent tous à la question de la tolérance et à l'union des deux puissances, nous les formulons sous quelques chefs pour les mieux distinguer.


Qu'est-ce d'abord que la tolérance? C'est la patience avec la­quelle on supporte une chose que l'on juge être mauvaise, mais que

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l'on croit convenable de ne point repousser. Cette patience ne sau­rait s'appliquer à ce qui est bien ; on ne dit pas : tolérer la vertu ! — Il y a deux sortes de tolérance : la tolérance théologique par la­quelle on admettrait avec un égal assentiment d'intelligence, toutes les religions comme également vraies ; et la tolérance civile par la­quelle croyant à la vérité d'une religion ou n'entrant pas dans cet examen, on traiterait toutes les religions sur le pied de l'égalité politique. La première tolérance est un mal : il n'y a qu'une vérité ; la seconde est un bien ou un mal suivant les circonstances : un bien quand l'intolérance serait nuisible à la vérité, un mal quand elle lui est utile. — Tous les gouvernements sont intolérants, parce que tous reposent sur un ensemble de vérités religieuses, morales, politiques ou économiques qu'ils sont mis en demeure, sous peine de ruine, de défendre dès qu'on les attaque. Ainsi, Rome admettait dans son Panthéon les dieux de la famille de Jupiter, mais point les dieux de familles ennemies. Ainsi les gouvernements païens, hérétiques, schismatiques, persécutent tous, plus ou moins, le ca­tholicisme qui menace les attributions spirituelles usurpées par les rois. Ainsi la France, pays par excellence de la tolérance, persécute ceux qui voudraient établir dans son sein la pratique de l'assassi­nat, le culte de la Vénus corinthienne, ou la communauté des biens; et si ceux qui professent ces doctrines deviennent agresseurs, on les frappe d'amende équivalant à la confiscation, on les met en prison, ou on les tue en masse, comme brigands, tout cela pour la dé­fense de la société. — Ainsi la République de Genève, soi-disant l'Eldorado du libéralisme et le pays d'expérimentation de toutes les erreurs, jusqu'aux doctrines sauvages de l'Internationale, considé­rant le catholicisme comme nuisible à sa liberté, a-t-il proscrit les catholiques au point de leur interdire absolument tout acte public de religion. Ainsi enfin la Prusse, pays par excellence de protestan­tisme et de libre examen vient-elle de porter, contre les socialistes, une loi d'extermination. Après avoir voté cette loi, les libéraux et les protestants auraient mauvaise grâce à parler d'inquisition, de dragonnades, de bras séculier invoqué contre « l'idée. » En effet, la loi contre les socialistes allemands poursuit une doctrine, doc-

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trine religieuse et sociale, qui peut se comparer parfaitement dans ses rapports avec la religion et la société actuelle, aux doctrines des Hussites, des Albigeois et autres hérétiques du moyen âge. Cette doc­trine est la négation de Dieu, de l'âme, de l'éternité, du mode de propriété actuelle. Tout individu, journal, association qui se permet de la formuler, de la défendre, d'en poursuivre la réalisation, tombe sous le coup de l'organisation gouvernementale, et le bras séculier de la police est là, pour donner à cette excommunication ses suites les plus rigoureuses, suppression, prison, amende, inter­nement, état de siège. Ce n'est plus un conseil d'évêques, ou la sacrée congrégation de l'Index qui est juge des doctrines et du sort des hérétiques modernes ; c'est le premier policier venu. On parle d'une île lointaine où Bismarck déportera les coupables pour leur assurer tous les moyens de retrouver, dans la Bible, le communisme des paysans du XVIe siècle, que Luther, comme Bismarck, fit exterminer. — La conclusion qui s'impose, c'est qu'il faut être intolérant.

Il faut être intolérant, car l'erreur et la vérité n'ont pas les mêmes droits dans le monde, ou mieux l'erreur n'a aucun droit : on n'est tenu envers elle, et non à cause d'elle, qu'à des mesures de pru­dence, afin de ne pas nuire à la vérité ou de ne pas favoriser l'er­reur. Abstraction faite de ces mesures nécessitées par les circons­tances, aucun intérêt social ne peut motiver la tolérance de l'erreur. Car, bien que la vérité d'une doctrine et son utilité politique soient deux choses distinctes, elles sont cependant unies parce que Dieu est l'auteur de la vérité religieuse comme de la société civile.

147. Aujourd'hui qu'on tolère la négation de Dieu et de l'immor­talité de l'âme et qu'on punit la négation de la famille et de la pro­priété, (comme si Dieu ne valait pas la terre, ne serait-ce qu'à titre de principe de sociabilité?) on fait tout naturellement des objec­tions contre cette doctrine d’intolérance.


On dit : De quel droit user de coercition envers un homme à cause de sa doctrine, s'il la croit juste. Vous le punissez, Dieu l'ab­sout ; il serait coupable de vous obéir. Réponse : Cette objection re­pose sur un faux principe et conduit à d'absurdes conséquences. Le faux principe est qu'il n'y a pas de péché d'intelligence, car l'homme

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n'a pas le droit de détruire en lui les vérités éternelles, les principes éternels de morale et de justice ; s'il le fait, quel que soit l'état de sa conscience, il est coupable et conséquemment punissable. Les con­séquences absurdes sont qu'on ne saurait alors punir ni crime poli­tique, ni aucun autre crime, car il faudrait respecter, en ce crime, la conviction d'où il procède.


On dit encore ; Frappez les actes, non la doctrine. Réponse : Evi­demment ce n'est pas la doctrine qu'on frappe, mais seulement ses manifestations. Mais en poursuivant ces manifestations, on remonte à une culpabilité radicale de la conscience. Car si la société, abstrac­tion faite du crime d'erreur, n'agit qu’en légitime défense, le puni est un innocent moins fort que celui qu'il croyait devoir attaquer : il n'y a plus de morale dans la société, mais seulement lutte inégale entre deux innocences.


On dit enfin : Il suit de là qu'on vous persécutera en Orient, comme vous persécuterez en Occident, avec égalité de droit. — Réponse : La conséquence est mal déduite, puisque l'erreur n'a aucun droit contre la vérité, aucun droit contre Dieu, le Christ et son Église. Si, malgré tout, un représentant de l'erreur persécute un représentant de la vérité, il fera d'un principe vrai une applica­tion fausse et Dieu jugera sa bonne foi.


La question est de savoir quand il faut être intolérant.


D'abord s'il s'agit d'un individu pris isolément, sous les rapports qui le rendent responsable de son action et de son influence so­ciale, il est clair qu'on ne tirera pas le glaive, ce n'est pas là l'es­prit de Jésus-Christ : la religion ne force pas la religion, dit Tertul-lien. Aussi ne sera-ce jamais dans l'intérêt purement individuel et pour un but exclusivement religieux que l'Église demandera qu'on sévisse contre l'hérétique opiniâtre.


S'il s'agit d'une nation, le droit radical de la vérité à user de la force, existe dans toute situation possible, mais aussi, suivant les situations, l'usage qu'on en peut faire varie. On peut multiplier ici les hypothèses ; nous n'en ferons que deux :


Quand, dans la nation, coexistent toutes sortes de religions, ou quand l'indifférentisme ou la persécution ont affaibli la vraie reli-

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gion et diminué ses adhérents, point de violence. On ne tue pas ce qui n'est pas chrétien en ce cas, on le convertit. La force rendrait cette conversion difficile et susciterait des troubles.


Quand, dans une nation, l'immense majorité est catholique, et quand surtout la législation et la constitution sont telles qu'elles tiennent essentiellement à l'Église (et c'est le cas pour la société chrétienne du moyen âge), alors l'intolérance civile est plus qu'un droit, c'est un devoir. En voici quelques preuves : la société doit punir quiconque attente injustement à son existence ; — elle doit sévir même pour sauvegarder les intérêts spirituels qui sont deve­nus droits de citoyen; — le prince, ministre de Dieu, doit, s'il le peut, faire régner sa religion, car il répugne que Dieu, qui l'insti­tue, l'autorise à favoriser le bien et le mal indifféremment ; — le prince est d'ailleurs père de famille, pasteur du peuple et en vertu de son titre, il doit écarter de ses enfants, de son troupeau, toute chose qui est de nature à blesser ses intérêts les plus chers.


Ici redoublent les objections.


On dit, avec Rousseau, contre la tolérance envers l'individu : le moyen de vivre en paix avec des gens que l'on croit damnés ; les aimer ce serait haïr Dieu qui les punit. Réponse : on ne croit au­cun pécheur damné tant qu'il n'est pas mort dans l'impénitence, et l'aimer non en tant que pécheur, pour le convertir, c'est aimer Dieu qui nous ordonne de travailler au salut du pécheur.


On dit contre l'intolérance civile: mais c'est contraire à l'esprit du doux et bon Jésus ! Vraiment? ainsi ce sont ceux qui le servent moins qui connaissent mieux son esprit! Cependant il faut remarquer que Jésus n'a jamais pratiqué que la tolérance envers l'individu : il n'a jamais été à même de pratiquer l'autre. Et dans la pratique de celle-ci, ce que vous pouvez déduire de son esprit de bonté, c'est qu'il faut d'abord employer les moyens de persuasion, avant d'en venir aux moyens de rigueur. Mais si l'Eglise court risque d'être opprimée, ou sa constitution renversée, ou les droits religieux du citoyen chrétien méconnus, point de pitié pour les mécréants opi­niâtres.


   On dit encore : la violence multiplie les rebelles. C'est faux,
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L'erreur n'a par elle même aucune puissance ; elle n'est forte que de la puissance qu'elle emprunte aux passions. Si donc vous arrêtez sa diffusion, soyez sûr que le sang de ses adeptes est une rosée sté­rile : c'est l'encontre du Sanguis martyrum semen christianorum, qui tient à une disposition de la Providence. Il y aurait ici vingt exemples à citer, mais l'espace manque.


On dit enfin : la violence fait des hypocrites. Le mal n'est pas grand, mais tant pis pour les hypocrites ; charité bien ordonnée commence par la société.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon