Satanisme 1

Darras tome 37 p. 182

 

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V. LES PHÉNOMÈNES DE MYSTIQUE DIABOLIQUE, MAGIE, SORCELLERIE, POSSESSIONS, ETC.

 

100. Pendant que les sciences de la nature posent leurs principes et fixent leurs bases, mais sans méconnaître la majesté de Dieu ; pendant que la science naturelle des esprits dédaignant ses tradi­tions pour s'appuyer sur la raison inquisitive, forge des systèmes, sans toutefois autoriser ni la religion naturelle, ni la morale indé­pendante, ni ce vain refuge qu'on appelle philosophie de l'avenir, les esprits, grisés dans les orgies du libre examen et désorientés par leur impuissance, mettent un dernier espoir dans les folles et immondes pratiques de la mystique infernale, magie, sorcellerie, possessions, etc. Ces terribles défaillances coïncident avec l'appari­tion du protestantisme et s'affichent au fur et à mesure de ses triomphes. Des faits si étranges ont été prévus et prédits. Le Sau­veur nous apprend qu'il s'élèvera un jour de faux christs et de faux prophètes, qui opéreront des signes et des prodiges, pour séduire les élus s'il est possible. S. Paul dans son épître à Timothée, écrit : « L'Esprit-Saint dit clairement que, dans les derniers temps, des hommes abandonneront la foi, écoutant les esprits d'er­reur et les doctrines des démons. » (IV-1). Le même apôtre, dans sa seconde épitre aux Thessaloniciens, (II-9) parlant de l'homme du péché que le Seigneur Jésus tuera d'un souffle de sa bouche, avertit les chrétiens que l'arrivée de cet homme inique, se manifestera par des opérations de Satan, par toutes sortes d'œuvres surprenan­tes, de signes et de prodiges menteurs. Nous voilà donc bien et dûment avertis par l'apôtre inspiré, que Satan peut opérer et qu'il opérera même toutes sortes de prodiges, de choses extraordinai­res ; et ses prodiges surpassant les forces de l'homme, seront les signes et les marques des opérations sataniques. Toutefois des hommes se trouveront pour abandonner la doctrine de Jésus-Christ; et, se laissant séduire par ces œuvres étonnantes, ils prête­ront l'oreille aux doctrines des démons. Cet avertissement de S. Paul,  qui regarde tous les temps, mais surtout les derniers

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temps, nous explique l'apparition, au XVIe et encore plus au XVIIe siècle, de ces hauts phénomènes de magie, qui touchent au plus grands mystères de l'histoire. Nous devons en parler ici, et, pour le faire utilement, il faut rappeler brièvement la doc­trine à laquelle ils se réfèrent et dégager la lumière qu'ils projet­tent sur l'ère moderne, pour en déterminer le véritable caractère.

 

101. C'est la doctrine universelle et constante de la sainte Église, qu'il existe, au-dessus de l'homme, de purs esprits, dont les uns sont demeurés fidèles à Dieu et les autres se sont révoltés contre sa loi. Dans la création, la hiérarchie des êtres semble exiger qu'au-dessus des êtres matériels et de l'homme, il y ait des êtres dégagés des liens de la matière ; l'intention de Dieu, créant pour manifester ses attributs, exige également qu'après les avoir manifestés dans les espèces inférieures, il les fasse éclater davantage dans de purs esprits. Quelle que soit l'origine de cette croyance, tous les peuples croient à l'existence des anges. « Lorsque l'homme, dit Lamenais, vient à se considérer tel qu'il est, relégué dans un point impercep­tible de l'univers, atome rampant sur un atome, faible, ignorant, pouvant à peine penser ou agir, sans rencontrer aussitôt la borne de son action ou de sa conception, quelque chose en lui répugne à supposer qu'il soit le plus intelligent, le plus puissant, le plus par­fait des êtres créés. La conscience du genre humain repousse, non moins invinciblement que la réflexion philosophique, cette hypo­thèse orgueilleuse. Notre chétive planète n'est pas le séjour exclusif de la pensée et d'autres êtres, nos aînés dans la création, probable­ment nous surpassent et de bien loin, en puissance et en intelli­gence. » — Les anges, révoltés contre Dieu, on présume pour n'avoir pas voulu accepter l'incarnation de Jésus-Christ, déchus et frappés, non dépouillés de leurs prérogatives, mais pervertis dans leur emploi, guerroient contre Dieu, contre Jésus-Christ et contre l'Eglise. La chute de l'homme fut leur premier triomphe ; leur action continue à travers les siècles est l'un des grands facteurs de l'histoire. Telle était dans l'antiquité, leur prépondérance, qu'ils ont voulu tenter même le Rédempteur. L'histoire de la gentilité offre surtout le tableau de leurs exploits: c'est une sorte de pande-

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monisme. Non seulement toutes les pages des Écritures, nous par­lent des apparitions des anges ; mais la croyance aux démons est aussi ancienne que l'histoire. Sans nous perdre en conjectures sur les peuples moins connus, les Grecs reconnaissaient les bons et les mauvais démons ; ils appelaient supplantateur et calomniateur l'es­prit malin; ils admettaient les incubes et les succubes, les appari­tions et les incantations. Platon au livre IX de la République traite des sorciers et des peines qu'il faut leur infliger ; il raconte que quelques-uns d'entre eux, plaçant sous les portes certaines images de cire, faisaient pénétrer ainsi dans les familles, la stérilité, les maladies et la mort. Aristote, au livre IV de la métaphysique, énumère différents sortilèges. Hippocrate, s'il n'accepte pas les maladies démoniaques, montre, par sa réfutation même, qu'on y croit fortement. Chez les Romains, déjà les XII tables en parlaient; plus loin, tous les classiques : on disait que les magiciens et les sorciers pouvaient avoir de l'influence pour le bien et plus encore pour le mal d'autrui ; qu'on pouvait lire dans l'avenir par l'exa­men des étoiles, l'inspection des mains et l'évocation des morts ; qu'on pouvait causer la mort ou la maladie des enfants par le regard ou par des formules d'enchantement. Pour n'en pas dire plus, qui ne connaît le Philtre de Virgile, la Canidie d'Horace et l’Ane d'or d'Apulée.

 

   102. «Satan,  disait Voltaire, c'est le  Christianisme; pas de Satan pas de Christianisme. » En effet, s'il n'y a pas de démon, il n'y a pas de tentateur ; s'il n'y a pas de tentateur, il n'y a pas de chute originelle ; s'il n'y a pas de chute originelle en Adam, il n'y a pas de réparation par Jésus-Christ. Mettre en lumière le rôle de Satan dans l'histoire, c'est donc éclairer tout un côté de l'his­toire ecclésiastique. L'histoire ancienne donne la clef de l'histoire moderne; et l'histoire moderne aide à mieux comprendre l'histoire ancienne. J'emprunte, à ce sujet, quelques mots à la Mystique de Goerrès.

 

    La révélation, l'histoire, l'étude de la nature démontrent que tous les domaines de la création visible et invisible sont partagés en deux royaumes, celui de la lumière et celui des ténèbres; et que

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l'homme, placé entre les deux, a pris part aussi à cette divison; de sorte que son être s'incline des deux cotés et est sensible aux in­fluences qui partent de ces deux régions. Le principe de cette divi­sion appartient au monde invisible ; c'est le péché, acte libre d'une intelligence créée, qui, altérant l'œuvre de Dieu,  a introduit cette opposition du bien et du mal moral, laquelle, s'étendant au monde physique,  s'y manifeste comme opposition du bien et du mal,  de l'harmonie et du désordre.  L'homme,  ajoutant à la connaissance du bien qu'il a reçue de Dieu, la science du mal, et se l'assimilant en quelque sorte, par un acte extérieur, a laissé pénétrer dans son âme, cette funeste division du bien et du mal moral,  par suite de quoi celle du bien et du mal physique a envahi son corps. Le germe de la mort réside en son corps ;  le principe de la mort morale,  le péché, est en lui le lien qui le met en rapport avec le mal radical. Le mal peut venir de l'homme par le dedans,  ou pénétrer en  lui du dehors. Dans le premier cas, c'est la volonté qui est le principe de l'action directe; dans le second, la cause de ce rapport est exté­rieure à l'homme et il peut y être soumis soit passivement, soit par sa libre coopération. De ces deux manières, l'homme peut se livrer à Satan. Dans la possession, une puissance extérieure à la volonté, s'empare de toutes ses puissances suivant la mesure des dispositions qu'il y trouve, les lie, les enchaîne  et les possède comme  sa pro­priété. Dans la magie au contraire,  l'initiative vient de la volonté humaine, qui a recours à des moyens extérieurs afin de réaliser, d'une manière plus puissante, ses coupables intentions.   Or, ce qui possède dans le premier cas, ce qui dans le second se laisse possé­der, c'est le mal radical. Ce mal n'a point en soi de raison d'être. Le premier suppôt du mal est aussi son premier auteur,  c'est lui qui lui a donné l'être et la réalité.  C'est le démon qui a inventé et produit le mal :  c'est le chef-d'œuvre qui est sorti de ses mains. L'auteur du mal est cet esprit qui  s'est perverti.   Comme il y a beaucoup de mal et de méchants,  il est le chef de ces multitudes égarées, et en cette qualité, il s'appelle Satan.  C'est ce Satan qui, soit en vertu du pouvoir qu'il a acquis sur la nature régénérée, soit par séduction,  établit ses rapports intimes  entre lui et ceux  qu'il

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possède. C'est encore avec ce même Satan que les hommes, deve­nus ses esclaves, font, par le péché de magie, acte de soumission volontaire et continuent la première chute des anges rebelles. L'homme se fait le sujet du diable, son aide, son instrument dans
la production du mal, chacun dans les limites de sa personnalité.

   103. Ainsi la magie et la possession, ces deux ramifications de la mystique infernale, sont, à l'égard de la chute, dans le même rapport que le miracle et l'extase, à l'égard de la rédemption. De même que le paganisme a été la continuation du péché originel, de même, le christianisme est le prolongement de l'œuvre de la ré­demption. La création tout entière est donc partagée comme en deux Églises, dont l'une renferme la source de tout bien et l'autre la source de tout mal. La première est en rapport avec tout ce qui a quelque affinité avec elle, depuis le plus haut degré du bien mo­ral, jusqu'au dernier degré de l'ordre et du bien physique. La se­conde, de son côté, est en rapport avec le mal, sous quelque forme et à quelque degré qu'il se produise, depuis les plus profonds abî­mes du désordre moral, jusqu'au mal extérieur et matériel. Ces deux Églises sont en antagonisme constant et perpétuel. Ceux qui combattent contre le mal ont pour chef celui qui, Dieu et homme, invisible et visible à la fois, a fondé l'Église visible ici-bas, invisi­ble dans sa partie meilleure. L'Église du mal, au contraire, attend encore son chef visible; mais, jusqu'à ce qu'il vienne, elle honore, comme son chef invisible, l'antique dragon, qui l'a fondée lors de la chute des anges rebelles. C'est de celui-ci que part la malédiction dans les charmes et les enchantements, de même que c'est de celui-là que découle la bénédiction dans le don des miracles, des guérisons et de la science. La divinité plane au-dessus de ce combat des deux royaumes. Bien loin d'en être troublée, elle la domine de sa puissance et de son regard, inspirant, fortifiant, encourageant les bons, réprimant les méchants, enfermant leur action dans de justes limites, tirant le bien des intentions les plus perverses, accomplis­sant toujours sa volonté, sans jamais violenter ses créatures et pro­pageant ainsi son empire (1).

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(1) Mystique, t. IV. p. 1-7.

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   104. L'idolâtrie dans l'antiquité ne fut pas autre chose qu'un fait diabolique, le règne des démons. Bossuet nous répète,  après Tertullien, que, jaloux des honneurs divins, Satan chercha à tout tour­ner en idolâtrie, et les astres, et les plantes, et les animaux, et les éléments; il eut son culte, ses prophètes, ses ministres, ses temples, ses prodiges. C'est affirmer, d'une manière positive, que le prince du mal est l'auteur du paganisme. Du reste, la Sainte-Écriture nous dit elle-même «que les dieux des gentils étaient des démons; » les Pères nous tiennent le même langage. Dans un long passage de la cité de Dieu, S. Augustin cite Mercure Trismégiste expliquant comme quoi les hommes ont trouvé l'art de se faire des dieux. Cet art consiste à appeler, par des évocations, les esprits invisibles, les démons, dans des statues. Ainsi appelés, ces esprits s'y rendent, ils manifestent leur présence et leur pouvoir par des prodiges éton­nants, par des miracles qui annoncent l'avenir, par les maladies qu'ils envoient et les guérisons qu'ils opèrent. En d'autres termes, dans le temps du paganisme, les hommes priaient un morceau de bois, plus ou moins sculpté, évoquaient les puissances invisibles, se mettaient par ce moyen en communication avec elles, obtenaient de ces esprits invisibles qui leur parlaient, des réponses sur l'ave­nir, des guérisons et aussi des maladies. Et toutes ces choses étaient si merveilleuses aux yeux de Trismégiste, qu'il les regardait comme un magnifique progrès, une découverte devant laquelle pâlissaient toutes les inventions humaines, un art prodigieux qui agrandissait singulièrement l'homme (1). S. Jean Chrysostôme n'est pas moins affirmatif que S. Augustin. Dans sa vingt-neuvième homélie sur la première épitre aux Corinthiens, il dit : « Dans les idoles, si quel­qu'un était saisi par l'esprit immonde et prophétisait, il était traîné par l'esprit qui l'enchaînait, ne sachant ce qu'il disait. Car cela est particulier au divinateur, qu'il est hors de lui, ne se possédant plus, souffrant violence, entraîné qu'il est par une puissance étrangère et il entre en furie ». Puis, il ajoute : « Écoutez Platon : De même que les devins, ceux qui rendent des oracles profèrent à la vérité beaucoup de choses étonnantes et profondes, mais ils ignorent ce

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(1) Cité de Dieu. Liv. VIII, Ch. 23.

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des dénions

 

qu'ils disent ». Écoutez un autre poète : par certaines initiations et certains prestiges, quelqu'un avait lié un démon à un homme. Celui-ci se mit à prophétiser. Tandis qu'il rendait ses oracles, il était enlevé par une puissance étrangère; et, comme il était fort tourmenté, ne pouvait plus supporter la violence du démon et allait périr, il dit à ceux qui le livraient à ces prestiges : déliez-moi donc. Ces choses et autres semblables que je pourrais rapporter, ajoute S. Jean Chrysostome, vous montrent et le malheur de ceux qui sont asservis aux démons, et la violence que souffrent ceux qui se sont une fois livrés à eux, perdant ainsi la liberté de leur esprit. Je suis contraint de dévoiler une autre turpitude, qu'il serait bon de passer sous silence, qu'il est honteux de découvrir; mais enfin pour que l'infamie de ces choses se manifeste au grand jour, il est nécessaire de les signaler, afin de vous apprendre la folie et le ridicule de ceux qui ont recours à ces oracles. On raconte donc qu'une femme pythonisse s'assied sur le trépied d'Apollon, dans une tenue incon­venante ; qu'ensuite un esprit méchant, envoyé de l'enfer, entrant honteusement dans son corps, la remplit de fureur. Cette femme devient alors comme une bacchante, ses cheveux sont épars, sa bouche écume et elle se met à proférer des paroles de furie. Le propre du démon est de produire le tumulte, la fureur, l'obscurité : c'est aussi le premier caractère du magicien. Le second est celui-ci : Personne ne peut dire: seigneur Jésus, que par l'Esprit-Saint. Si donc vous voyez quelqu'un ne disant pas ce nom, bien plus, l'anathématisant, c'est un esprit méchant, un divinateur ».

 

   105. Cette religion païenne fut frappée au cœur par la prédica­tion évangélique et Satan fut lié dans le désert pour mille ans et plus. C'est là qu'il tenta les Antoine, les Paul, les Hilarion et tant d'autres. Le vieux paganisme chercha un reste de vie en frappant fortement les sens et l'esprit par les secrets de la chimie et de la physique, empruntés aux religions orientales. En les mariant aux cérémonies officielles du polythéisme, on en forma ce mélange, moitié poétique, moitié philosophique, de formes grecques, hébraïques, égyptiennes, indiennes, qui caractérisent le néo-plato­nisme d'Alexandrie et qu'on prétendit opposer au christianisme. Le

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fond s'en retrouvait dans les pratiques théosophiques qui tendaient à attribuer à l'homme la puissance d'entrer en communication directe avec la divinité. Les communications avec l'Asie, par les croisades donnèrent plus de force à ses opinions ; puis, la diffusion des doc­trines musulmanes et la renaissance des lettres païennes prêtèrent l'appui de leur autorité à la croyance aux relations immédiates entre l'homme et les êtres surnaturels, elles confirmèrent l'opinion que la magie peut enchaîner la puissance divine et la liberté humaine, rompre l'ordre moral et physique de la création par l'intervention d'actes matériels ou l'on ne peut trouver ni intelligen­ce ni amour. On crut à la puissance des démons; on recourut, pour s'en assurer le concours à la géomancie, à la pyromancie, à la nécromancie, à l'hydromancie, à l'aéromancie. Or, avant de passer outre, il est bon de savoir à quoi il faut s'en tenir sur la puissance des démons:

 

« Il est certain, dit l'abbé Thiboudet, que les démons peuvent produire beaucoup de choses qui surpassent les forces de l'homme.

 

Ils peuvent parcourir la terre avec une vitesse qui dépasse toute vitesse, car nous lisons dans le livre de Job que Satan proféra un jour cette parole, j'ai parcouru la terre. — Ils peuvent agiter les vents et produire des tempêtes; car nous voyons dans Job que Dieu ayant permis au démon d'exercer sa puissance sur ce saint homme lui défendant seulement d'attenter à sa vie, l'esprit méchant suscita du désert un orage impétueux, qui renversa les quatre angles de la maison du juste éprouvé. Ils peuvent frapper le corps humain de maladies et de plaies ; car nous voyons dans le même livre qu'ils couvrirent d'ulcères le corps de Job.

 

Ils peuvent faire descendre du ciel le feu et la foudre, et l'histoire de Job, qui vit ses troupeaux consumés par les flammes de cette sorte, allumées par les démons en est la preuve. — Ils peuvent agiter les hommes, et les pousser furieux à des actions funestes, comme ces Sabéens qui, mus par les démons, firent irruption sur les serviteurs de Job et les mirent à mort. Ils peuvent imprimer certaines vibrations à l'air, et faire entendre des paroles et des voix comme Satan l'a fait quand il vint tenter dans l'Eden le premier

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Adam, et dans le désert le second Adam. — Ils peuvent prendre des formes diverses, et apparaître aux hommes sous ces formes visibles comme Satan l'a fait quand il s'approcha du Fils de Dieu pour obtenir ses adorations. — Ils peuvent mouvoir les corps, les trans­porter dans les airs d'un lieu à un autre, et nous voyons dans l'Évangile que le démon transporta ainsi le Sauveur des hommes, du désert dans la cité sainte, et qu'il le plaça sur le dôme du temple (Math. IV, 25). — Ils peuvent produire des clartés dans les lieux obscurs, faire entendre des bruits de différentes sortes, des sons divers, et l'histoire nous atteste des faits nombreux de cette nature dus à ces esprits de malice. — Dans un discours adressé à ses frères, S. Antoine leur dit entre autres choses : «lorsque quelque vision s'offrira à vos yeux demandez hardiment qui il est et d'où il vient. Si c'est le démon, cette recherche de l'âme fidèle le fera disparaître. (Patrol. lxxiii, p. 146). (1)

 

   106. Le christianisme, en établissant dans l'Église le grand hôpital de l'humanité déchue, n'a ni affranchi l'homme des lois de la nécessité auxquelles sa nature est assujettie, ni détruit sa liberté. De même donc qu'avec la mort, la maladie nous est restée, et par conséquent les maladies diaboliques, ainsi l'abus de notre liberté, toujours possible, rend toujours possible aussi le péché de magie. La plupart de ceux qui se sont séparés de l'Église ont cherché, comme instinctivement, dans la magie, leur salut ; et cet instinct a été d'autant plus énergique que la séparation était plus profonde. Toutefois tant que le désordre se renferma dans l'ordre religieux et dans la partie corrompue du clergé, il ne se forma guère que de petites sectes. Mais, lorsque de la théologie le mal eut passé dans la science, il se choisit bientôt des organes qui servirent à le pro­pager au grand jour. Il s'éleva même à l'état de doctrine, et c'est alors, comme s'exprime la légende, que le diable obtint une chaire à l'université de Salamanque. Dès lors, la contagion se répandit dans la vie publique, favorisée par la corruption des cours et de la noblesse, elle trouva, dans l'hérésie, un appui ; et les défenseurs

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(1) Thiboudet, Des esprits et de leurs rapports avec le monde visible, d'après la tradition, p. 223.

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de l'Église durent se préparer à des luttes sanglantes. L'école de la magie n'a donc jamais disparu complètement au sein du christia­nisme ; on ne peut dire, en un certain sens, qu'elle ne fut jamais plus obstinée, que quand l'Église était dans tout l'épanouissement de sa splendeur. A la vérité, elle n'osa pas se montrer au grand jour, sachant bien qu'elle ne pourrait se soutenir en face de l'Église dont l'autorité n'était pas contestée ; mais, dans l'obscurité où elle était contrainte de chercher un refuge, elle ne marchait qu'avec plus de zèle vers son but. C'est pour cela que nous entendons si souvent parler, au moyen âge, de grottes souterraines, ou la magie était enseignée et pratiquée. En Espagne, la tradition magique se rattache à la grotte de Salamanque ; en Italie, à la grotte de Nursie. Cet art fleurit surtout dans le Sud roman, avec le manichéisme. Le Baphomet des loges dégénérées des Templiers, faisait partie de ses mystères. A côté de la gaie science, il y eut une science sé­rieuse, mais diabolique, cultivée par tous ceux qui avaient rompu avec la foi. La magie pénétra ainsi dans les masses grossières, qui la pratiquèrent à leur façon. De même que les chants des Trouba­dours et des Minnesenger cherchèrent leur expression dans la poé­sie, aussi l'école magique, bornée chez les grands aux raffinements de plaisir, une fois entrée dans le peuple, affecta la forme de la sor­cellerie et recourut aux ingrédients les plus énergiques. Le pain et la coupe magique datent de ce temps. L'emploi de ces moyens et particulièrement des onguents magiques, était si général à cette époque, que dans l'esprit du peuple, les sorcières et leur pot à onguent se présentaient comme choses inséparables. On se frottait avec ces essences et l'on se procurait ainsi toutes les illusions de l'esprit et des sens. Les écrits des historiens, des théologiens, des médecins et des jurisconsultes ne laissent, à cet égard, aucun doute.

 

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon