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59. Disgraciée la veille, Irène se trouva régente le lendemain. Elle prit les rênes de l’empire durant la minorité de son fils Constantin VI Porphyrogénète, ainsi surnommé parce qu’il était né dans la pourpre, c'est-à-dire d'un père déjà régnant, puisque Léon IV avait été du vivant de Copronyme associé au trône. Constantin VI n'avait que dix ans, mais il pouvait déjà se souvenir du serment prêté dans ses jeunes mains par les princes ses oncles et tout le peuple de Byzance au jour du vendredi-saint de 776. Le serment déjà violé par Nicéphore le fut une seconde fois. Une nouvelle conspiration fut organisée dans le mois qui suivit la mort de Léon IV, mais les conjurés furent arrêtés à temps. La flagellation et l'exil furent infligés aux subalternes : quant aux oncles du jeune empereur, les césars Christophe, Nicéphore, Nicétas, Anthime et Eudoxe, ils furent tous engagés dans la cléricature, les plus âgés comme prêtres, les autres comme lecteurs, acolythes ou diacres. Le jour de Noël de l'an 780, à l'office solennel célébré par le patriarche, on les vit remplir chacun la fonction de son ordre, distribuer la communion au peuple, lire les leçons de
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l'évangile ou des pères; après quoi, ils furent enfermés dans le monastère de Saint-Mamas, aux portes de Constantinople. De nos jours on les eût exécutés peut-être ou du moins condamnés à une prison perpétuelle. La vie du monastère valait mieux que celle d'un cachot et surtout que la mort; mais l'ordination imposée par force, outre qu'elle constituait un sacrilège, était nulle de soi. Nicéphore devenu prêtre malgré lui protesta contre la violence; son appel fut entendu. Une légion romaine, cantonnée à Syracuse, leva l'étendard de la révolte. « Des hommes de cœur ne sauraient obéir à une femme! » dirent les soldats; et le césar Nicéphore, malgré son caractère sacerdotal, fut proclamé empereur. Si le soulèvement avait éclaté à Constantinople , il est probable qu'au lieu de rester à l'état de sédition militaire, il eût pris rang parmi les révolutions triomphantes, mais à une telle distance de la capitale, si loin surtout du césar qu'ils proclamaient, les révoltés ne firent que compromettre ce dernier et raffermir l'autorité de la régente. Une armée fidèle eut bientôt raison de la garnison sicilienne : quant à Nicéphore, l'impératrice lui fit crever les yeux ; en même temps ses quatre frères eurent la langue arrachée. On les transféra de Constantinople à Athènes, où tous les cinq ne tardèrent pas à succomber, les uns disent aux suites de leur supplice, les autres au poignard d'assassins payés par Irène (792).
60. Ces vicissitudes de l'empire d'Orient dont nous avons voulu présenter un tableau suivi, nous ont quelque peu éloigné d'Adalgise, ce prétendant lombard, venu en 775 à Constantinople pour y recruter une flotte et des soldats contre Charlemagne et contre le pape Adrien. Il avait trouvé près de Léon IV un bienveillant accueil. La politique byzantine, malgré les luttes plus pressantes qu'elle avait à soutenir au midi contre les Sarrasins et au nord contre les Bulgares, ne s'était jamais désintéressée des affaires d'Italie. L'espoir de recouvrer un jour ce joyau de l'empire d'Occident, échappé à l'incapacité des successeurs du grand Constantin, survivait à tous les désastres. Adalgise fut créé patrice; comme son nom lombard blessait la délicatesse des
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oreilles byzantines fort sensibles à l'euphonie, on le changea pour celui de Théodote, qui avait l'avantage d'être à la fois de bon augure et de formation irréprochablement grecque. Léon IV lui jura de le rétablir sur le trône de Didier. En attendant qu'il pût lui fournir une flotte et des armées, il mit à sa disposition les trésors et ce qui valait davantage le crédit de l'empire. Avec de l'argent, le jeune prince pouvait stimuler le zèle de ses partisans en Lombardie : avec la promesse d'un prochain secours et l'appui de la politique impériale, il pouvait entretenir l'agitation dans les provinces italiennes et faire échec à la puissance du roi des Francs. Pendant que Charlemagne, roi des Lombards par droit de conquête, et patrice des Romains par la nomination des papes, exerçait réellement cette double autorité, la cour de Byzance reconnaissait Théodote-Adalgise pour le seul roi légitime de Lombardie, le seul véritable patrice de Rome.
§ V. Seconde guerre d'Italie.
61. L'agitation produite en Italie par cette intrigue se révèle dans la correspondance du pape Adrien IV avec Charlemagne. Dès la fin de l'année 774, le pontife écrivait au roi des Francs : « J'apprends que l'archevêque de Ravenne, Léon, a poussé l'audace jusqu'à députer près de votre très-bienveillante excellence quelques citoyens de cette ville, chargés de me calomnier près de vous. Depuis votre départ de Pavie, Léon affiche ouvertement sa révolte contre le bienheureux Pierre et contre le saint-siége. Il prétend s'attribuer un droit souverain sur la province de Ravenne et celle de l'Emilie, et de fait il retient en son pouvoir les cités de Faenza, Forlimpopoli, Forli, Césène, Bobbio, Comias, tout le duché de Ferrare, Imola et Bologne, sous prétexte qu'il en a reçu l'investiture de votre excellence et que vous lui avez concédé le gouvernement de toute la Pentapole. Mais les peuples de ces contrées refusent de subir son joug; ils protestent de leur inviolable attachement au service du bienheureux Pierre et au nôtre ; ils continuent à ne reconnaître que les mandements du
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siège apostolique, firmi in nostris apostolicis mandatis, comme ils le faisaient sous notre prédécesseur le seigneur pape Etienne, à qui votre père de sainte mémoire, de concert avec votre excellence, a donné l'exarchat tout entier pour être soumis à perpétuité à la juridiction du bienheureux Pierre. Le sacrilège archevêque n'en persiste pas moins dans sa rébellion ; il a installé de vive force ses mandataires dans toutes les cités, après en avoir chassé les nôtres; enfin il prétend établir à Ravenne le siège d'un gouvernement dont il serait seul le maître 1. De tous les points de l'Italie, les ennemis du siège apostolique nous insultent en disant: «Qu'avez-vous gagné à la destruction des Lombards et à l'établissement de la monarchie franque? Rien de ce qui avait été promis au saint-siége n'a été tenu. L'ancien apanage donné par Pépin le Bref aux pontifes de Rome leur est enlevé, et voilà que l'exarchat de Ravenne passe aux mains de l'archevêque de cette ville ! » On se souvient en effet, très-excellent fils, que notre prédécesseur le pape Etienne avait organisé l'administration de l'exarchat, qu'il en avait nommé lui-même les fonctionnaires, tous choisis dans cette ville de Rome. Le duc Eustathius et le prêtre Philippe reçurent de lui la mission de le représenter à Ravenne, et ils ont exercé leur charge. Votre excellence peut interroger à ce sujet le prêtre Philippe aujourd'hui élevé à la dignité épiscopale, et se convaincre de l'exactitude du fait. Telle est donc la vérité, bon et très-excellent fils. La sainte église romaine, votre mère spirituelle, chef et centre de toutes les églises de Dieu, en est réduite à ce degré d'abaissement et d'humiliation qu'il nous faut vous supplier de lui faire justice contre un archevêque indigne. Au nom du Dieu tout-puissant, remettez ce rebelle entre nos mains, rendez au siège apostolique
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1. Comment accorder ces paroles d'Adrien I avec le système des historiens qui n'admettent dans la donation de Pépin et de Charlemague au saint-siége qu'une concession faite à titre de "domaine utile?" Fleury avait bien raison de ne pas reproduire la correspondance des papes avec Pépin le Bief et Charlemagne. Ce qu'on s'explique moins, c'est que son silence ait été jusqu'à ce jour scrupuleusement imité par tous les historiens ecclésiastiques français, même par ceux qui se donnent le plus ostensiblement la mission de combattre la thèse gallicane.
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le gouvernement de l'exarchat tel que l'a possédé le très-bienheureux pape Etienne, du vivant de votre père de sainte mémoire le seigneur roi Pépin. Ainsi sous votre règne l'Église de Dieu sera exaltée, et l'intercession des bienheureux apôtres Pierre et Paul assurera à votre excellence la victoire dans ce monde et la béatitude éternelle dans le royaume des cieux 1. »
62. Cette lettre apostolique où le pape réclamait si énergiquement son droit de souveraineté sur la Pentapole, l'exarchat de Ravenne, la province d'Emilie et le duché de Ferrare, fut remise à Charlemagne par l'évêque André et le cubiculaire Anastase. Le texte de la réponse du roi franc ne nous est point parvenu. Nous avons déjà eu l'occasion d'en faire la remarque, le Codex Carolinus ne renferme que les lettres pontificales, sans jamais insérer une seule pièce de la chancellerie carlovingienne. Mais voici ce qu'au retour de ses légats, vers les premiers mois de l'an 775, Adrien écrivait de nouveau à Charlemagne: « Nos envoyés le révérendissime évêque André et le cubiculaire Anastase nous ont apporté les lettres de votre très-chrétienne bienveillance, benignissiae vestrœ christianitatis ; ils nous ont de vive voix transmis l'assurance de votre dévouement magnanime au bienheureux Pierre prince des apôtres et à notre personne, quelque indigne et médiocre qu'elle puisse être. Transporté de joie, les bras étendus vers le ciel, nous avons rendu grâces au Seigneur notre Dieu, et imploré sa clémence pour la continuation de vos succès. Puisse ce Dieu tout-puissant vous confirmer dans les généreux desseins que votre grand cœur a formés pour l'exaltation de votre mère spirituelle, cette sainte église de Rome, maîtresse de toutes les autres ! Soyez fermement convaincu, très-doux et très-excellent fils, grand roi vraiment institué de Dieu, que le bienheureux Pierre assurera la stabilité de votre règne. Déjà par son intercession le Seigneur vous a donné la couronne des Lombards, il prosternera de même les nations barbares au pied de votre trône royal. Vous nous mandez que l'archevêque Léon s'est rendu en personne près de vous.
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1Codex Carolin., m; Patr. lat., tom. XCVIII, col. 283-285.
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Nous l'accueillerons avec joie à son retour, comme tous ceux qui ont eu l'honneur de vous approcher. S'il nous eût prévenu de son voyage, nous nous serions empressé de le faire accompagner par un de nos légats 1. »
63. L'allusion au voyage de l'archevêque de Ravenne, sans en donner avis à Rome pour conférer directement avec Charlemagne, est un véritable chef-d'oeuvre d'habileté diplomatique. On lit pour ainsi dire entre les lignes. On comprend que l'archevêque rebelle dut faire au héros des protestations mensongères et qu'il l'avait supplié d'intercéder près du pape en sa faveur. Adrien répond que « tous ceux qui ont eu l'honneur d'approcher du roi, » qui ad vestra regalia accelerant vestigia, sont à leur retour parfaitement reçus à Rome. On ne saurait mieux se tirer d'un pas difficile. Mais il est évident que le pontife n'avait qu'une médiocre confiance en la sincérité de l'archevêque de Ravenne, et la lettre suivante nous en fournit la preuve. « Nous croyons devoir porter à la connaissance de votre très-chrétienne excellence, dit Adrien, que depuis son retour Léon affiche un orgueil sans bornes, une tyrannie plus insolente que jamais. Non-seulement il n'obéit point à nos mandements apostoliques, mais il a défendu sous les peines les plus sévères à tous les habitants de Ravenne et de l'Emilie de les recevoir, ou de recourir pour les actions judiciaires à notre tribunal. Les citoyens de la Pentapole, aussi attachés au gouvernement du saint-siége qu'ils l'étaient du vivant du seigneur pape notre prédécesseur Etienne, ont bravé tous les périls et continuent jusqu'ici à nous rester fidèles. Mais dans les cités de l'Emilie, Léon a violemment chassé nos fonctionnaires ; il retient en prison ceux dont il a pu se saisir. Quant aux villes d'Imola et de Bologne, il répète à tout propos que votre excellence ne les a nullement comprises dans la donation faite au bienheureux Pierre et à nous, mais que vous les avez spécialement réservées à sa juridiction archiépiscopale. Aussi ne permet-il à aucun de leurs habitants de venir à Rome; il y a nommé des gouverneurs à son choix et y
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1Cedex Ccrolin., Lin ; Pair, lat., tom. cit., col. 2SG-287.
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maintient son autorité usurpée 1. » Ces plaintes amères du pontife forment l'objet d'un embolum ajouté au corps de la lettre, et peut-être réservé à Charlemagne seul, sans que les légats eux-mêmes en eussent connaissance. La lettre elle-même articule des faits non moins graves. « C'est dans un sentiment d'affection vraiment paternelle, dit Adrien, que nous voulons d'abord adresser dans le Seigneur à votre excellence bénie de Dieu nos plus tendres baisers, plurimun oscillantes, vous suppliant de nous donner bientôt d'heureuses nouvelles de votre royale personne, de l'illustre et grande reine notre très-douce fille, et des princes vos très-excellents fils. Vos envoyés, que nous attendons de jour en jour, ne sont point encore arrivés. Nous ne voulons pas différer davantage à vous donner communication d'un fait qui nous a profondément affligé. Le 27 octobre dernier (775), on nous a remis tout ouverte une lettre à nous adressée par le patriarche Jean de Grade. Le sceau apposé sur cette missive a été, nous a dit le porteur, brisé par l'archevêque de Ravenne, lequel a eu l'audace de commettre ce sacrilège et de prendre connaissance d'un rescrit adressé au siège apostolique. Ses relations avec le duc de Bénévent, Arigise, et avec tous les autres ennemis de votre excellence sont de notoriété publique. En violant le secret de nos correspondances, il cherche des nouvelles pour les transmettre à ses complices. »
64. Nous voyons poindre ici les premiers indices de la conjuration formée entre le duc de Bénévent, gendre de Didier, et l'archevêque de Ravenne, pour seconder les projets dont Adalgise poursuivait la réalisation à Constantinople. L'intrigue se nouait donc ; elle trouvait en Italie deux centres considérables. La situation prenait chaque jour plus de gravité. Mais les communications entre Rome et les provinces saxonnes, où se trouvait alors Charlemagne, n'étaient ni faciles ni promptes. Le mois de novembre 775 s'écoula donc en entier, sans qu'Adrien vît paraître les envoyés du roi des Francs. Il fit partir pour Pavie des légats chargés de l'informer du véritable état de choses, et leur remit un duplicata
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1. Codex Carolin,, liv, Embolum de Leonearchiep, ; Pair, lat,, tom. ÏCVIH,
col. 2D0-291.
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de sa missive précédente pour la transmettre à Charlemagne. Sur les entrefaites, le bruit de la mort soudaine de Copronyme se répandit en Italie. Dès les premiers jours de février de l'an 776, Adrien en informait Charlemagne en ces termes : « Une nouvelle fort inopinée nous fut, il y a quelques semaines, apportée par divers, messages. On disait que Dieu venait d'appeler à son tribunal l'empereur Constantin. Avant de mander cette nouvelle à votre excellence bénie de Dieu, nous avons attendu qu'elle fût confirmée d'une manière authentique. Aujourd'hui nous en recevons l'assurance par notre révérendissime frère Etienne, évêque de Naples, dans une lettre datée du 7 février, que nous nous empressons de vous expédier 1. » La mort de Copronyme était en effet, un événement de premier ordre, et devait exercer une influence considérable sur la situation de l'Italie. Toutefois elle ne suffit point à dissiper la ligue lombarde. Les conjurés avaient l'espoir que le nouvel empereur Léon IV ne serait pas moins disposé que son père à reconquérir l'exarchat. Peut-être même un prince jeune et entreprenant voudrait-il signaler le début de son règne par une expédition qui lui promettait quelque gloire. Tel était sans doute le nouveau calcul des partisans d'Adalgise, car ils ne dissimulaient plus leurs prétentions et affichaient une hostilité ouverte contre la domination franque. « Je dois informer votre précellence, très-doux et très-aimant fils, continue Adrien, de la trahison et de la perfidie de Réginald, naguère simple gastald. (gouverneur) du Castellum-Felicitatis (Tifernas), qui se proclame aujourd'hui duc de Clusium (Chiusi). Il a chassé de ces deux villes qui nous appartiennent tous les agents du saint-siége, et se crée une sorte de royauté indépendante, au mépris de votre autorité et des droits sacrés du bienheureux Pierre prince des apôtres 2. »
65. Placé entre la révolte de l'archevêque de Ravenne, la trahison de Réginald et les intrigues d'Arigise de Bénévent, Adrien attendait avec impatience l'arrivée des ambassadeurs
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1. Codex Carofln., lvi; Pair, lat., tom. XCVIII, co!. 290. — 2 laid.
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de Charlemagne. On peut remarquer ici que le pape ne songe pas une seule fois à revendiquer à main armée ses droits méconnus. En donnant au saint-siége un pouvoir temporel, Charlemagne s'était chargé d'en faire exécuter la remise et d'en garantir la tranquille propriété. Son titre de «patrice des Romains » n'était pas un vain mot : le pape n'avait d'autre épée que celle de Charlemagne. On annonça enfin l'approche des envoyés du grand roi, mais ils ne se pressèrent pas de se rendre à Rome. Adrien éprouva tout ensemble une joie et une déception dont il rend compte en ces termes : « Nous ne doutons pas un instant, très-glorieux fils, de votre inviolable fidélité à des promesses sacrées, ni de la persévérance de votre dévouement au saint-siége. L'affection que nous vous portons nous-même nous garantit la vôtre. Cependant nous ne pouvons vous dissimuler, très-excellent fils et le meilleur des rois, la tristesse qui nous accable en ce moment. En apprenant l'arrivée en Italie de vos très-fidèles envoyés notre très-saint frère l'évêque Possessor et le religieux abbé Rabigaudus, notre cœur s'était ouvert à la joie. Nous fîmes tout préparer pour une réception aussi solennelle qu'il convient de la faire aux représentants de votre royale sublimité, et nous envoyâmes au-devant d'eux jusqu'à Pérouse nos légats avec une escorte d'honneur et des chevaux pour vos représentants. Mais au lieu de se rendre immédiatement près de nous, comme vous leur en aviez donné l'ordre dans les lettres mêmes que j'ai sous les yeux, les ambassadeurs se sont détournés de leur route pour aller conférer avec Hildebrand duc de Spolète. Là, je leur adressai un message, où je disais : Au nom du Dieu tout-puissant et dans l'intérêt de notre très-excellent fils le seigneur roi Charlemagne, hâtez-vous d'exécuter la mission dont vous êtes chargés près de nous, afin de traiter ensemble les intérêts de l'église romaine et ceux du roi votre maître. — Sans tenir compte de cette invitation, les ambassadeurs en quittant Spolète se rendirent chez le duc de Bénévent, où ils sont encore. Cette conduite effraie ici tous les amis du saint-siége, elle me place moi-même dans une situation fort équivoque. J'aime cependant à me rappeler, très-doux fils, les assurances que vous me don-
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niez avec tant d'énergie lors de votre pèlerinage ad limina. «Ce n'est, disiez-vous, ni par un motif d'ambition, ni par un sentiment quelconque d'amour-propre ou de cupidité, que j'ai traversé les Alpes avec l'armée des Francs, mais uniquement pour venger les droits du bienheureux apôtre Pierre et travailler à l'exaltation de la sainte Église. » Tel fut votre langage, et joignant les actes aux paroles, vous fîtes alors pour le remède de votre âme, pro animae vestrœ mercede, donation du duché de Spolète au prince des apôtres, votre protecteur céleste, représenté par mon humble personne 1. »