Augustin 28

5. Les évêques du synode de Carthage, inquiets de ces désordres, déléguèrent deux d'entre eux, Florent et Restitut, à la cour, le 13 octobre, pour parler contre les idolâtres et les hérétiques (9). Augustin ne veut certainement point parler d'autre chose, quand il dit que le remède à tous ces maux sera indiqué par les évêques envoyés vers l'empereur, selon qu'il avait été décidé par ses collègues, après une délibération aussi approfondie que le permettait la brièveté du temps; mais que, pour lui, il n'avait pas pu s'entendre avec eux sur ce point. Par ces paroles, Augustin nous apprend qu'il n'était point à ce synode qui fut seulement provincial, selon toute apparence. Il assure, en même temps, que par suite des troubles dont nous avons parlé plus haut et de la crainte qu'ils avaient inspirée, un grand nombre d'évêques s'étaient vus forcés à se rendre à la cour presque en fugitifs, car ceux qui avaient été persécutés plus cruellement, étaient partis avec les délégués du synode qui avaient résolu de passer par Rome. Il est vrai

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n. 7. (Q~ Cod. Can, d'ale. eh. evi.

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qu'Angustin ne parle pas de tous ces maux dans sa lettre à Olympe au sujet de Boniface, mais c’est parce qu'il n'en avait point encore reçu la nouvelle. Mais plus tard, ayant reçu la lettre d’Olympe qui le priait de vouloir l’informer des choses nécessaires au bien de l’Église, afin qu'il pût y employer tous ses soins, il profita de l’occasion que lui fournit l'évêque Sévère. Un prêtre de Milève, étant forcé de se rendre, malgré l'hiver, dans cette contrée pour sauver un de ses concitoyens, il profita de ce messager pour envoyer une autre lettre à Olympe, dans laquelle il lui expose combien était nécessaire le secours spontanément offert par lui à l'Église d'Afrique. Il montre la confiance qu'il a en lui en n'hésitant pas à lui faire remettre le mémoire destiné aux évêques dans lequel il leur disait ce qu'ils devaient faire, et qu'il le prie de leur remettre quand ils seront arrivés à la cour. Il croyait, en effet, que les évêques, bien que partis les premiers, seraient devancés par ce prêtre. Toutefois, ses conseils se résument à dire qu'il laisse aux évêques le soin d'exposer les moyens les plus propres à procurer avec le plus d'avantage le bien de l'Église. Mais il lui demande, il le prie et le supplie de faire savoir le plus tôt possible, par des documents publics, que les lois portées contre les païens l'ont été par la volonté de l'Empereur qui en était informé, et qu'elles ne peuvent être abrogées par la mort de Stilicon : il est nécessaire, dit-il, que cela se fasse sans aucun retard, et sans attendre même l'arrivée des évêques à la cour. En effet, cette tempête mettait en péril le salut de plusieurs catholiques encore faibles, à qui les forces de la foi ne suffisaient point pour s'élever au-dessus des choses humaines. Lui-même explique en ces termes ses sentiments dans ces temps difficiles. « Nous n'avons qu'à nous féliciter de la foi solide et durable de beaucoup de donatistes revenus à la religion chrétienne ou à la paix catholique sous l'empire de ces lois : nous ne craignons pas de nous exposer aux périls pour leur salut éternel; voilà pourquoi nous avons à supporter tout ce que la plus sauvage hostilité peut inspirer de mal à ces hommes d'une perversité et d'une cruauté extrêmes (1). » Bien qu’Augustin nous dise que cette lettre a été écrite au milieu de l'hiver, et portée à son adresse avec toute la diligence possible, il y en a qui pensent qu'elle avait pour but de prier Olympe de faire sanctionner la loi portée le 24 novembre de cette même année et adressée à Donat, proconsul en Afrique à cette époque. Cette loi portait que si quelqu’un, et nommément les donatistes, osait attenter en quoi que ce fût à la religion, ou profaner les sacrements, on sévirait contre lui selon la rigueur des lois. Le 14 du même mois, Honorius avait déjà défendu que tout citoyen qui ne lui serait pas uni par le lien de la foi et de la religion, c'est-à-dire qui serait parmi les ennemis de la vérité catholique, remplît aucune charge à la cour impériale. De là vient que Zozime rapporte qu'à cette époque, ces sortes d'honneurs étaient interdits aux païens. De plus, Honorius adressa, le 27 de ce mois, à Théodose, préfet du prétoire, un édit portant que les avocats et les autres magistrats interdiraient à quiconque n'était pas dans la communion des évêques catholiques, le droit de se réunir soit dans la ville, soit dans la campagne, et confisqueraient, au profit du trésor publie, tous les lieux où se tiendraient ces réunions, et, de plus, proscriraient et condamneraient à travailler la terre tous ceux qui enseigneraient une doctrine condamnée par celle que nous avons reçue du Ciel. Le même jour, s'il faut en croire l'appendice de Sirmond ou le ler décembre, si on s'en tient à l'édition du code Théodose (2), Honorius adressa encore à ce même Théodose un autre décret sanctionnant et confirmant la doctrine de l'Église; il portait que tout homme exclu de la cléricature par les évêques ou y renonçant de lui-même, serait privé de ses privilèges cléricaux et soumis aux charges et redevances publiques comme les laïques, et que l'accès aux grades militaires leur serait interdit; car ceux qui manquent de

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(1) Lettre LXLVIT, 11. 4. (2) Des Evéques. loi. 39.

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fidélité à Dieu ne peuvent en avoir pour les hommes.

 

   6. Ces décrets étaient une preuve évidente, que les volontés et les bonnes dispositions de la cour à l'égard de l'Église catholique n'étaient pas changées. Aussi, est-il permis de croire que c'est au premier bruit de ces lois qu'Augustin écrivit à Donat la lettre par laquelle il le presse de toutes ses forces de signifier par un décret, aux donatistes, que les lois qu'ils croyaient abrogées, conservaient toute leur force. Il n'ajoute rien au sujet des idolâtres, car les lois portées cette année, ne disaient rien de précis à leur sujet. Et, la loi nouvelle ne fut promulguée que l'année suivante (1). Il le prie instamment de ne condamner personne à mort pour violences exercées contre l'Église. Ce qui n'était pas nécessaire en particulier pour les crimes passés après la loi du 15 janvier 409, qui supprimait la peine capitale pour des crimes antérieurs de cette nature, tout en la maintenant contre ceux qui, dans la suite tenteraient quelque chose de semblable. Donat, comme on le voit, n'était proconsul que depuis peu de temps, quand il reçut la lettre d'Augustin. De vieilles relations d'intimité les unissaient ensemble, au point que, si Augustin n'eût point été revêtu de la dignité épiscopale et que Donat eût obtenu une charge bien supérieure au proconsulat, Augustin aurait pu néanmoins user avec lui d'une grande liberté. Augustin lui donne le titre de fils très sincère de l'Église catholique, et croyait qu'il avait été investi de l'autorité proconsulaire, dans l'intérêt de l'Église d'Afrique; car il pourrait lui procurer des consolations dans les plus grands maux et briser l'audace de ses ennemis, Augustin ne craignait qu'une chose, c'est que son zèle pour la justice ne s'inspirât que de la gravité des fautes commises contre l'Église, et que, par une sévérité bien méritée, il ne recourût à la peine de mort. Il le prie, au nom de Jésus-Christ de ne point le faire. Car, il résulterait de là que les clercs n'oseraient plus s'adresser à lui pour ces choses, et tous les autres négligeant ce devoir, les attentats des ennemis demeureraient impunis, et les adversaires de l'Église n'en seraient que plus audacieux pour les commettre. «Nous voulons dit-il les corriger non les faire périr; nous voulons les instruire, non les livrer aux supplices qu'ils ont mérités. Réprimez donc leurs fautes de manière à ce qu'ils se repentent de les avoir commises. » Il l'avertit avec non moins de zèle, de faire en sorte, par les lois impériales, que la secte des donatistes, pétrie de vanité et pleine d'un orgueil impie, ne puisse voir, dans ces répressions, des souffrances endurées par elle ou par les siens, pour la justice et la vérité. C'est pourquoi, si l'un d'eux est arrêté par son ordre, il devra permettre aux catholiques, s'ils le demandent, de recourir aux pièces et aux documents publics ou la vérité se trouve en pleine évidence, pour l'instruire et le convaincre. « Car, quoiqu'il s'agisse, dit-il, de l'éloigner d'un grand mal pour aller à un grand bien, ce serait  une entreprise plus laborieuse que profitable de forcer les hommes au lieu de les instruire (2). » Augustin, se fondant sur les qualités et les talents de ce proconsul, le croyait propre à recevoir une abondante infusion de l'esprit du Christ, et désirait vivement le voir. Cependant, il ne trouva jamais l'occasion de satisfaire ce désir tant qu'il fut en charge, bien qu'il fût venu à Tybilis, ville peu éloignée d'Hippone la Royale, selon toute apparence. Mais, quand il le vit libre et exempt de tout souci terrestre, il essaya de nouer avec lui, un commerce réciproque de lettres. Dans celle qu'il lui écrit, il enflamme son zèle pour la vertu, non par le désir de la louange ou de l'estime des hommes, mais par amour pour la vertu même et pour la justice : « Tournez-vous, lui dit-il, comme vous avez déjà commencé de le faire, vers Notre Seigneur Jésus-Christ, de tout votre coeur et en vous dépouillant de toute grandeur inutile. Élevez-vous vers celui qui réserve des biens réels aux âmes qui le cherchent. Elles marchent d'un pas certain et montent dans les chemins de la foi et Dieu les place au faîte éternel d'une

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(1) Lettre c, n. 2. (2) Lettre c, n. 2.

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joie céleste et angélique. » Il le félicite aussi d'avoir engendré son frère à l'Eglise catholique et le prie de venir le voir afin que, d'un commun accord, ils travaillent l'un et l'autre au salut de quelques hommes de Sétif et d'Hippone qui se trouvaient dans ses domaines. Il désire, lui dit-il, qu'il les exhorte avec bonté et douceur à rentrer dans la communion de l'Église catholique. » On ne sait pas à quelle époque Donat sortit de sa charge proconsulaire, mais cependant, il est évident que ce fut avant le 26 juin 410, puisque nous voyons que ce jour-là il y eut une loi adressée à Macrobe proconsul d'Afrique (1).

7. A l'époque où Augustin envoyait à Olympe sa seconde lettre, dans laquelle il lui annonçait la prochaine arrivée à Rome des envoyés du concile, il n'avait pas encore entendu parler du siège de cette ville, car il n'en fait aucune mention dans sa lettre. Mais cela arriva bientôt après. Nous voyons, en effet, que les évêques africains étaient à Rome au moment où cette ville et ses confins se trouvaient sous le coup de cruelles calamités et de funestes présages. S'il fallait en croire Zosime, nous serions certainement obligés de placer ce siège à la fin de l'année 408. Rome, une fois investie fut bientôt réduite aux abois faute de vivres et de ressource, la peste ne tarda pas non plus à se déclarer. Ses frères, les évêques, informèrent par lettre Augustin de l'état malhereux de cette ville. Il apprit ainsi, que Rome se trouvait dans une position bien dure et bien difficile, mais que la rumeur publique exagérait encore. Il reçut ensuite d'une noble dame de Rome, nommée Italica, une lettre qui ne lui apprenait absolument rien à ce sujet. Augustin, dont la charité souffrait de ne point partager les malheurs de ses frères, s'étonne du silence de cette dame. Mais, ce qui le surprend bien plus, c'est que les saints évêques (ceux d'Afrique sans doute, qui se trouvaient alors dans ces parages), ne lui avaient point répondu par les domestiques d'Italica. Il est évident qu'à cette époque les communications avec la ville n'étaient point interrompues. Ce qui place tout cela bien avant qu'Alaric eût intercepté l'entrée du Tibre, c'est-à-dire avant le commencement du siége, ou bien, quand il fut terminé. Baronius croit que cela se rapporte à la prise de Rome en 410. Mais la loi contre les hérétiques, adressée à Héraclius, qu'on croit, avec raison, accordée aux prières des délégués de l'Église d'Afrique, porte la date du 25 août, date précise de la prise de Rome. Comment peut-on dire en ce cas, que les envoyés étaient à Rome quand elle fut prise? Car, nous voyons en 409, quand Alarie investit la ville, qu'il ne se trouvait aucun évêque d'Afrique en Italie. Cette Italica, qu'Augustin honore du titre de servante de Dieu, très religieuse et très digne de louanges, est croyons-nous, la même que celle à qui Chrysostôme, persécuté par les méchants, a demandé, par lettre, de veuloir bien s'employer pour mettre un terme aux divisions de l'Église d'Orient. Il dit expressément qu'elle était alors à Rome, mais rien de plus. Elle avait des enfants, encore en bas âge que salue Augustin, dans sa réponse, sans lui parler de son mari, ce qui montre bien que ce dernier était mort et qu'elle-même n'est autre que celle qu'il console de la mort de son mari dans une autre lettre à Italica, où il la prie de saluer pour lui ses enfants (2). Cette lettre presque tout entière est consacrée à réfuter ceux qui disaient qu'on peut voir Dieu des yeux du corps. Quels étaient-ils? Il le tait à dessein; parce qu'il y avait parmi eux un évêque Africain dont il crut devoir épargner le nom. Quelques-uns d'entre eux, qui d'abord avaient seulement prétendu que le Christ n'avait donné qu'à sa propre chair, le privilége de voir Dieu des yeux du corps, ont ajouté ensuite que tous les saints, après la résurrection verront Dieu de la même manière que lui, et sont même allés jusqu'à dire que les impies même le verraient aussi (3). Il reprend ces hommes très vivement et avec beaucoup d'énergie, tant il craignait qu'ils n'en vinssent à dire après cela que Dieu est corporel, et divisible selon les lieux de l'espace. Il

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1      (11) C&de Theud. (le l'indulgence. loi. 6. (2) Lettre xcii, n. t-6. (3) Lettre xcii, n. 4.

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prie Itallica, dans le cas où elle en entendrait quelques-uns exposer leur folie en sa présence, de leur lire sa lettre, et de lui envoyer ensuite leur réponse. Dans une lettre postérieure, à la même, il montre combien il est affligé des maux de Rome. Il dit aussi (1), que les enfants d'Italica, malgré leur jeune âge peuvent déjà comprendre combien l'attachement à ce monde est périlleux et funeste. « Plaise à Dieu, dit-il, que pendant que les choses grandes et endurcies sont renversées, les petites et les flexibles se corrigent. »

 

1. Honorius confirme les lois portées contre les païens et les hérétiques. Nectaire prie de nouveau Augustin pour les habitants de Calame. - 2. Liberté accordée aux hérétiques et aux païens par Honorius. - 3. Augustin écrit aux donatistes. - 4. Il écrit aussi à Festus. - 5. Il prie instamment Macrobe de ne pas rebaptiser le sous-diacre apostat Rusticien. - 6. Il écrit à plusieurs personnes en faveur de Faventius. - 7. Il relève le courage de Victorien abattu par la vue des calamités qui désolaient l'univers.

 

   1. Le code de Théodose nous fournit une loi publiée par Honorius le 16 janvier 409 (2): nous pensons qu'elle fut accordée aux prières des évêques envoyés vers l'empereur par un décret du concile de Carthage, le 13 d'octobre de l'année précédente, pour lui demander secours et assistance contre les païens et les hérétiques qui disaient que les lois promulguées contre eux avaient cessé d'être en vigueur à la mort de Stilicon. L'empereur ne veut pas que les donatistes ou autres hérétiques, les païens et les Juifs se flattent que ces lois sont abolies, et il ordonne aux juges de s'y conformer et de veiller à leur exécution avec beaucoup de soin, il décrète que ceux qui négligeront de les accomplir seront mis à l'amende, dépouillés de leurs dignités, que leurs biens seront confisqués, et qu'ils seront eux-mêmes envoyés en exil. Comme on comprenait bien par là combien l'empereur était favorablement disposé à l'égard de l'Église, les idolâtres de Calame avaient fort à craindre de subir le châtiment qu'ils avaient mérité à cause de leurs tentatives criminelles de l'année précédente. Aussi Nectaire résolut-il de se mettre de nouveau sous la protection d'Augustin et de répondre à la lettre qu'il avait reçue de lui sept ou huit mois auparavant (3). Il s'efforce d'obtenir grâce pour tous ceux qui avaient participé en quelque manière que ce fût à ces crimes en s'appuyant sur cette fausse opinion que tous les péchés sont éganx (4). Augustin reçut sa lettre le 7 mars, dans sa réponse il le prie s'il a appris par la renommée qu'un édit trop sévère ait été obtenu par Possidius, de vouloir bien l'en informer, afin de voir ce qu'il peut y avoir à faire pour qu'on ne se montre pas trop sévère, ou ce qu'on doit répondre à ceux qui croient, en aveugles, ces fausses rumeurs. Quant aux amendes pécuniaires dont Nectaire avait exagéré singulièrement les résultats fâcheux, Augustin lui montre par des documents pris chez des philosophes combien de peine il se donne pour rien, à ce sujet, d'autant plus que ce n'était pas la pensée des chrétiens de réduire les coupables au plus complet dénuement. Car ils ne voulaient pas se venger de leurs adversaires, mais pourvoir à leur salut. Après cela, le saint docteur réfute ce que Nectaire avait dit sur l'égalité des péchés, et il l'engage très vivement à embrasser la foi chrétienne. Enfin, en lui parlant de son fils Paradoxe, il lui fait voir adroitement de nouveau combien est dangereuse la doctrine des stoïciens sur les péchés, dont il avait parlé (5).

2. En outre, Honorius décréta en faveur de l'Église, le 26 juin 409, que les juges termineraient sans délai tout ce qui aurait rapport à l'Égllise, et que si on obtenait de lui, par hasard, des édits contraires aux lois renouvelées tant de fois contre les hérétiques, ils seraient sans force et sans valeur et ne pouraient être mis à exécution (6). Il prévoyait sans doute que, dans la faiblesse si grande et l'état si mauvais de son empire, il ne manquerait pas de ministres qui, par leurs conseils dépravés, lui feraient faire quelque chose d'indigne de lui et

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(1) Ibid., 11. 3. (2) Code de Tlteo,,I. slip, les hérétiques. loi 40. ( ) Letirc crv, n. 1. (4) Lcitri c,11~ n. 3. (5) Lefire civ., (6) Code. de Théod. sue lee héî~éliqitee. loi. 17.

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de sa religion. Il ne se trompait pas; on voit en effet, par le concile de Carthage, du 14 juin 410, qu'il avait ordonné par une loi, que personne ne pourrait embrasser le culte de la religion chrétienne si ce n'est de sa libre volonté (1). C'était laisser à chacun le choix de suivre la religion qu'il voudrait, et, par là, condamner tout ce qui avait été dit jusqu'à ce jour contre les hérétiques et les païens. Dans un édit du 25 août 410, Honorius reconnaît que les hérétiques lui ontt extorqué, par ruse, un rescrit par lequel il leur était permis de se réunir (2). Dans un autre décret du 14 octobre, l'empereur déclare que s'il a décidé quelque chose que les partisans de Donat regardent comme leur étant favorable, ce n'a été que dans le but de les ramener par la douceur, à renoncer à leurs erreurs. Cette loi de liberté avait été publiée, selon Baronius, par le conseil d'Héraclius comte africain et de Macrobe alors proconsul dans ce pays, en 410, sans doute dans la crainte d'aliéner à Héraclius, les donatistes et les Gentils, par la trop grande sévérité des lois précédentes et de les faire passer dans le parti d'Attila. Héraclius, d'après la peinture qu'en fait Jérôme (à), était homme à donner facilement ce conseil : quant à Macrobe, si comme quelques-uns le pensent, il est l'auteur des livres des Saturnales, il se montre clairement adonné au culte des idoles. Zozime parait avoir fait allusion à cette loi, quand il a dit que les emplois civils et militaires avaient été rendus accessibles à tous, en laissant à chacun sa religion ; et que c'est pour cela qu'on avait aboli la loi du 14 novembre 408 (4). Il dit que cette loi fut supprimée à l'occasion d'un païen nommé Généride que l'empereur voulait mettre à la tête des légions de Dalmatie en le dispensant de la loi qui l'excluait de cet honneur ; ce païen refusa cette dignité, tant que cette loi ne serait point abrogée. Cela serait arrivé un peu avant qu'Atalle fût nommé empereur par Marie, vraisemblablement vers le milieu de l'an 409. On pense que l'indulgence d'Honorius envers les hérétiques dura les derniers mois de 409 et les premiers de 410. À cette époque Olympe avait perdu la faveur de l'empereur, et, privé de sa dignité, il avait été forcé de se retirer en Dalmatie, il ne pouvait donc pas détourner Honorius des mauvais desseins qu'on lui suggérait (5). L'empereur n'y demeura pas longtemps soumis, et l'année suivante, nous verrons comment il supprima au milieu des troubles de l'empire, la loi qu'il s'était laissé arracher par des suggestions coupables.

3. Nous croyons ta lettre d'Augustin aux donatistes, en général, du commencement de cette même année (6). Dans cette lettre, il parle de la fausse indulgence d'Honorius ou de l'abrogation des lois portées contre eux dont ils avaient fait courir le bruit, vers la fin de 408 et promet, pourvu qu'ils ne refusent pas de se rendre à une conférence avec lui, de leur démontrer plusieurs questions qui ont rapport à la cause de Cécilien, et qui ont fait l'objet principal de la conférence de Carthage, au sujet de laquelle il ne dit pas qu'il y ait encore rien de décidé. À la fin de sa lettre, il cite plusieurs passages de l'Écriture Sainte pour montrer que la religion catholique s'est répandue parmi toutes les nations: cependant, il en consacre la majeure partie à disculper de sévérité les lois d'Honorius et à faire tomber les accusations des donatistes, par où l'on voit que cette lettre fut écrite avant qu'Honorius accordât la liberté religieuse, vers la fin de l’année 409. L'occasion d'écrire cette lettre lui fut fournie par quelques prêtres du parti de Donat, qui lui avaient fait dire : " Retirez-vous du milieu de nos populations, si vous ne voulez pas que nous vous tuions (7).

4. Ces sottes menaces des donatistes (8) rapportées au commencement de la lettre à Feste, sont peut-être les mêmes que celles que nous venons d'extraire de cette lettre d'Augustin aux donatistes. Mais les épreuves qui ont accueilli, d'après Augustin (9), ceux qui étaient rentrés dans le sein de l'Eglise, peuvent également se confondre, avec les troubles qui suivirent la mort de Stilicon, ou avec les ordres d'Hono-

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(1) Code des canons (í'Afrique- can. mi. (2) Code de Theo(1. sw- les héí«étiquey. ~ loi. 51. (3) Jt~roilìe, 1et1ì~e VIIT, (4) Zozinle. H1~8t(,jre~ liv. v. (5) Le 1nén-1e~ (6) Lelli,e cv. (7) Mili, n. 1. (8) LettIT LXXXIX, 11. 1. (9) La méme, a. 7.

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rius contre les donatistes depuis 405. À l’époque où cette lettre parut, il est, certain qu'on les traitait fort durement, d'après les édits impériaux (1). Il n'est point parlé de la conférence dans cette lettre ; mais, Feste était laïque et investi de charges publiques dans la contrée d'Hippone, où il avait des administrés de la secte de Donat (2), qu'il avait exhortés par lettre à se réconcilier avec l'Église. Mais bien des choses s'étaient opposées à ce que son voeu fût accompli. Augustin désirait leur salut non seulement pour eux, mais encore pour ceux qui, après être revenus à la foi catholique avaient à souffrir de leur voisinage. Voilà pourquoi il écrivit à Feste pour le prier de lui envoyer un des siens ou de ses amis qui, sans venir là directement, se rendrait chez lui à l'insu des autres, pour s'entendre avec lui et voir le meilleur moyen de les attirer vers l'Église. De peur qu'on détourne Feste du zèle avec lequel il avait commencé à rappeler ses administrés à la foi, il lui montre la cause du schisme et lui dit comment l'Église reçoit ceux qui reviennent à elle. Possidius parle d'un mémoire du saint prélat à Feste, contre les donatistes (3).

5. De même qu'Augustin travaillait de toutes les forces de son esprit et avec tout son zèle à étouffer entièrement l'hérésie des donatistes dans son diocèse d'Hippone, de même les donatistes s'efforçaient à leur tour, tant qu'ils pouvaient, de l'affermir et même de l'augmenter. Le soin et la peine que prenait ce pasteur vigilant, ne purent empêcher que dans son troupeau, il ne se soit trouvé un infâme, un homme perdu de crime, et de misère, qui se réfugiât parmi eux. En effet, à l'époque où nous sommes arrivés, un sous-diacre catholique nommé Rusticien, du diocèse d'Hippone, qui avait été excommunié par son curé, pour ses moeurs dépravées avait des dettes envers un grand nombre de personnes : voulant s'assurer quelque secours contre ses créanciers et contre l'Église, il jugea que le mieux était d'aller trouver Macrobe, évêque des schismatiques à Hippone et de se faire rebaptiser par lui ce qui devait le faire aimer des circoncellions comme très-pur et protéger par eux (4). Aussitôt qu'Augustin connut le dessein de Rusticien, il écrivit à Macrobe une lettre courte, il est vrai, mais pleine de force pour le conjurer, par le salut de son âme, de ne pas conférer de nouveau le baptême à ce sous-diacre ou du moins de répondre à la question qu'il lui adressait sur le baptême que Félicien avait conféré dans le schisme de Maximien. S'il le fait, le saint docteur lui dit qu'il est prêt à recevoir lui-même de nouveau le baptême : mais s'il ne peut répondre sur le fait de Félicien, il s'engage à lui prouver, que s'il ne le fait pas, il doit renoncer à son titre d'évêque (5). Il fit porter cette lettre à Macrobe par Maximien et Théodose. Il ne voulut pas d'abord les admettre en sa présence, de peur qu'ils ne lui lussent la lettre d'Augustin : mais enfin, cédant à leurs instances, il en souffrit la lecture. Voici quelle fut sa réponse: « Je ne puis pas ne point recevoir ceux qui viennent à moi, ni ne point leur donner la foi qu'ils me demandent, c'est-à-dire leur réitérer le baptême.» Quant à Primien qui avait admis Félicien et les fidèles  baptisés par lui, Macrobe interrogé par Maximien et par Théodose sur la réponse qu'il faisait à cela, dit: « Que ordonné depuis peu de temps il ne pouvait juger son père, mais qu'il persévérait dans la foi qu'il avait reçue de ses ancêtres (6). » Lorsqu'ils eurent rapporté cette réponse de Macrobe à Augustin, celui-ci ému tout à la fois par la crainte et par la douleur, jugea qu'il devait lui écrire une longue lettre où il le presse par un argument tiré du même fait de Félicien et de la cause même de Primien et de Maximien, et lui fait voir avec soin que tout ce qu'il pourrait alléguer ou même imaginer contre l'Église est détruit par cette seule histoire qu'il appelle un miroir de correction placé devant leurs yeux par la clémence divine; en sorte que toute difficulté disparaît. Aussi l'exhorte-t-il à prendre connaissance de cette objection et à la détruire s'il le peut, et s'il ne le peut pas à ne point préférer le parti de Donat

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(1) La même. n. 1, 2, 3, 6. (2) La même, n. 8. (3) Dans i'index, chapitre III. (4) Lettre CVII, n. 19. (5) Lettrecvi. (6) Lettre

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à la crainte de Dieu et à son propre salut. C'est pourquoi il lui expose les maux du schisme et les bienfaits de l'unité (1). Son style tempéré par une grande douceur, ne convient pas mal à l'époque où Honorius avait accordé la liberté de religion à laquelle nous ne voyons pas ce qui empêche de rapporter ces paroles : « Avant cette loi par laquelle vous vous réjouissez que la liberté vous ait été rendue; » car Augustin ne menace pas Macrobe de la sévérité des lois pour le détourner de renouveler le baptême comme il en menaça Crispin lui-même, avant la promulgation des lois qui vinrent plus tard. Après tout il se peut qu'il se soit conduit ainsi envers lui pour ne pas l'aigrir, et dans l'espérance qu'il le gagnerait plus facilement par la douceur. De plus, il considérait Macrobe comme un jeune homme d'un bon naturel, en qui il reconnaît de l'esprit et de l'éloquence. Quand Augustin lui écrivit, il n'y avait pas encore longtemps qu'il était ordonné. Il fut conduit en grande pompe à Hippone pour y remplir la charge épiscopale (2), c'est dans cette ville qu'était son peuple (3). À son entrée dans la cité, les chefs des circoncellions l'entourèrent de leurs cohortes et le conduisirent, en louant Dieu, avec des cantiques (4) par lesquels ils avaient coutume de s'exciter mutuellement au massacre comme par la trompette guerrière. Macrobe plus choqué de leur pétulance que flatté de leur déférence leur parla sévèrement le lendemain, par un interprète qui rendait ses paroles en langue punique, et leur fit connaître son indignation avec la liberté qui convient aux hommes bien nés et honorables. Ils le supportèrent avec tant d'impatience qu'ils se retirèrent avant la fin de son discours, en donnant des signes de mécontentement, de fureur même. Quelques catholiques avaient assisté à cette assemblée: quand ils furent partis, les clercs de Macrobe lavèrent avec de l'eau salée les dalles où ils s'étaient tenus, conduite qui, d'après Optat lui-même, leur était ordinaire (5). Mais ils ne purifièrent pas de même l'endroit qu'avaient occupé les hérétiques.

6. Le 21 janvier de cette même année, Honorius fit une loi par laquelle, entre autres choses, il ordonnait que tous ceux qui étaient détenus ou devaient subir un jugement ultérieur, seraient interrogés en présence des magistrats, pour savoir s'ils voulaient passer trente jours, sous une garde peu sévère, dans la ville où ils avaient été arrêtés, soit pour mettre ordre à leurs affaires, soit pour se procurer ce qui leur serait nécessaire. S'ils déclarent vouloir jouir de cette latitude, elle leur sera accordée en vertu de la loi d'Honorius, du 30 décembre 380 (6). S'ils ne veulent point user de cette latitude, ils devront être conduits au lieu désigné pour le jugement (7). Augustin parle de cette loi dans plusieurs lettres écrites pour ce seul et même sujet (8). Un certain Faventins, après avoir loué un bois, redoutant quelque chose de la part du propriétaire, se réfugia dans l'église d'Hippone et y resta quelque temps, en attendant que le saint prélat arrangeât son affaire. Comme les choses traînaient en longueur, Faventius se rassura peu à peu et cessa de prendre garde à lui et de rester dans l'enceinte de l'église. Il arriva qu'un jour qu'il revenait de chez un ami, avec qui il avait dîné, il fut arrêté par Florentin, officier du comte d'Afrique, assisté d'hommes d'armes, et emmené on ne sait où. Augustin dit qu'en cela, on n'observa pas les lois (9). À la première nouvelle de cet enlèvement, Augustin l'annonça par un billet au tribun Cresconius, chargé de protéger la contrée maritime (10). Il envoya quelques-uns de ses hommes qui ne découvrirent rien (11). Le lendemain, au point du jour, Augustin apprit que Faventius avait passé la nuit dans une maison, et que, de bon matin, Florentin l'avait emmené dans un certain lieu. Aussitôt, il y envoya un de ses prêtres, nommé Célestin, avec la loi de l'empereur, afin de presser Florentin de s'y conformer. Célestin lui lut la loi, mais il ne put même obtenir la permission de voir le prisonnier (12). Le lendemain de ce jour, Au-

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(1) Lettre cviii. (2) Concile de Carthage. ch. cxxxviii-cci (3) Lettre CvIii-ce      * 86 . (4) La même, cccxiv. (5) Optatus. liv. vi(. (6) Code de The(A.sur l'extradition ou la transmission des coupables. loi 6. (7)La môme. loi 3. (8) Lettre cxiii-cxv. 9) Lettre cxv. (10) Lettre cxiii. (11) Lettre cxv. (I.) Lettre OXIV.cxvil n. 26, pag 3

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gustin lui adressa une lettre avec la loi, en lui demandant, au nom de sa renommée et de l'obéissance due au prince dont il était le ministre, et par égard pour l'intervention bienveillante et les prières d'un évêque, de ne point refuser au prisonnier, ce que la loi lui accordait. En même temps, si ce n'est la veille, il fit porter une seconde lettre à Cresconius, tribun auquel avait été confiée la garde du rivage. Augustin lui avait déjà écrit auparavant sur le même sujet. Il lui déclare que Faventius ayant eu recours au droit d'asile de son église, il n'était pas libre de l'abondonner et de ne plus le défendre de toutes ses forces, s'il ne voulait point mériter les reproches de Dieu, et de lui-même qui tourmentait Faventius, puisqu'il pourrait craindre lui-même, et avec raison, d'être aussi un jour abandonné par l'Église, si, dans un semblable malheur, il venait y chercher un refuge. Il le prie de se joindre à lui auprès de l'appariteur qui garde Faventius, pour qu'il se conforme à son égard au privilège de la loi impériale ; car il espère qu'en trente jours l'affaire pourra s'arranger à l'amiable (1). Mais toutes ses peines furent inutiles; car, sans aucun respect de la loi, Florentin emmena Faventius dans un lieu plus éloigné pour le faire comparaître, croyait-on, au tribunal du consulaire de Numidie, nommé Généreux. On le disait juge d'une équité et d'une intégrité très grandes. Mais, comme Faventius avait affaire avec un homme très riche, notre saint craignit que celui-là n'eût à souffrir quelque injustice de la part des officiers de Généreux (2). Aussi écrivit-il à ce sujet à Généreux, sans lui dire toute l'affaire, le priant de s'en faire instruire par Fortunat, évêque de Cirta, qui devait lui remettre sa lettre, et qui en avait reçu une autre pour la lire à Généreux, de peur qu'il ne fût blessé qu'on l'instruisit de toute l'affaire (3), que la lettre à Fortunat expose tout entière. Augustin y exprime le désir que le magistrat accorde quelque délai et quelque remise à Faventius, arrêté en violation des lois et privé du bénéfice d'un délai.

7. Cette même année, l'empire d'Occident fut accablé d'une foule de calamités. Alaric, à qui Rome avait payé, l'année précédente, une grande somme pour échapper au pillage, occupait toujours avec ses troupes le centre de l'Ialie et comme il ne trouvait point les conditions de paix que lui offrait Honorius acceptables, il vint de nouveau mettre le siège devant Rome, et la poussa à prendre Attale pour empereur. Le nouveau César envoya quelques troupes pour occuper l'Afrique, mais elles périrent par l'habileté et la prudence du comte Heraclien qui, ayant placé des garnisons dans les ports de mer de chaque province, réduisit en peu de temps Rome à une extrême disette et affranchit Honorius de la nécessité de déposer les insignes de sa dignité et de fuir en Orient. Depuis plus de deux ans, une nuée de barbares avaient envahi la Gaule, qui, de plus, était déchirée par la guerre civile allumée par Constantin. À la fin de septembre, ou un peu plus tard, les barbares, ayant trouvé les défilés des Pyrénées sans défense, envahirent l'Espagne, dont les Romains ne purent jamais les chasser depuis. On ne pourrait dire ce que cette province eut à souffrir d'eux. L'Afrique ne fut pas exempte de maux pendant ces temps de deuil; car il n'est pas douteux que c'est au sujet de tels malheurs que le prêtre Victorien avait écrit une lettre à laquelle Augustin répondit peu après. Les donatistes et les circoncellions exercèrent leur fureur sur la contrée d'Hippone, que les barbares avaient épargnée : elle ne fut pas plus heureuse que les autres régions ; mais nous en avons déjà parlé plus haut. Au moment où l'on reçut les premières nouvelles de l'irruption des barbares en Espagne, vers la fin d'octobre, les donatistes contraignirent quarante-huit hommes à recevoir de nouveau le baptême. Le saint prélat fut informé de ce déplorable malheur, la veille du jour où il répondit au prêtre Victorien, au sujet des excès commis par les barbares, qui avaient, disait-il, massacré des serviteurs de Dieu, c'est-à-dire des moines, emmené des vierges chrétiennes en captivité, après avoir

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(1) Lettre CXIII. (2) Lettre CXVI. (3) Lettre CXV.

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assouvi leur passion sur elles, sans respect pour la religion et la pudeur. Victorien, priait Augustin de lui écrire sur ce sujet une longue lettre, surtout parce que les païens prenaient occasion de ces malheurs pour blasphémer contre Dieu et contre la religion chrétienne, à laquelle ils imputaient toutes ces calamités. Le saint homme, eu égard à ses occupations, lui répondit une lettre suffisamment longue. Il fait voir qu'il n'est rien de plus juste et de plus à propos à répondre aux païens et aux chrétiens que de leur dire que ceux qui connaissent la volonté de Dieu méritent d'être punis plus sévèrement que ceux qui ne l'ont jamais connue. Quant aux hommes pieux, ils ne peuvent, quelle que soit leur sainteté, se croire supérieurs à Daniel et aux saints jeunes gens, ses compagnons, ni aux Machabées, qui, au milieu des plus cruels supplices, disaient avec raison qu'ils étaient justement punis à cause de leurs péchée. C'est pourquoi il exhorte Victorien à faire tout son possible pour empêcher que ces malheurs et ces calamités ne soient une occasion de plaintes indignes contre Dieu : à ne point cesser de gémir devant Dieu pour ces vierges captives, et à s'informer avec tous les soins possibles de ce qu'elles sont devenues, et comment on peut les secourir. Enfin, il doit espérer que Dieu les secourra, soit en conservant la pureté à leurs corps, soit en leur donnant, par sa grâce, la force de conserver la chastété de l'âme et d'observer leur vœu. Il ajoute enfin que Dieu fera peut-être tourner à sa gloire la captivité de ses servantes en même temps qu'à leur propre avantage. Il lui en cite un exemple dans ce qui était arrivé, quelques années auparavant, à une religieuse du pays de Sétif, nièce de l'évêque Sévère. « La maison où elle fut emmenée captive fut tout à coup visitée par la maladie, et tous ces barbares, trois frères, si je ne me trompe, se trouvèrent subitement dans le plus grand danger. Leur mère, qui avait remarqué la piété de la jeune fille, crut qu'elle pouvait les arracher à la mort qui les menaçait, et lui demanda de prier pour ses fils, en lui promettant qu'elle serait rendue à ses parents, si elle obtenait leur guérison. Elle se mit à prier et à jeûner, et elle fut aussitôt exaucée. Les barbares, ayant recouvré la santé par une faveur soudaine de Dieu, furent saisis d'admiration et de respect pour elle et accomplirent la promesse de leur mère. Elle fut donc, par suite de l'admirable miséricorde de Dieu, rendue à ses parents avec honneur. Il ajoute enfin que la chasteté réside dans le cœur, tant qu'elle y demeure entière, elle ne saurait être violée dans le corps.

 

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