p121 MUSIQUE ET LITURGIE
2. Saint Paul rappelle que nous ne savons pas, de nous‑mêmes, prier comme il le faudrait, mais que l'Esprit lui‑même intercède pour nous en des gémissements ineffables (Rm 8, 26). Savoir prier, et plus encore savoir chanter et jouer de la musique devant Dieu, est un don de l'Esprit. L'Esprit est amour, c'est pourquoi il éveille en nous l'amour, moteur du désir de chanter. Or, puisque l'Esprit vient du Christ « c'est de mon bien qu'il prendra, pour vous en faire part» (Jn 16, 14) ‑ le don de l'Esprit, qui dépasse toute parole, se rapporte toujours au Verbe, au Sens qui crée et porte la vie. Si les mots peuvent être surpassés par le chant, l'inspiration qui vient du Verbe, du Logos ne l'est jamais. --------
------- D'après les écrits de Platon et d'Aristote sur la musique, le monde grec se trouva confronté au choix entre deux formes de culte, --------- Il y avait d'une part la musique que Platon attribue à Apollon, dieu de la lumière et de la raison; une musique qui, sans abolir les sens, les élève, les fond avec l'esprit, dans une union qui conduit l'homme à la tota-
==================================
p122 L'ESPRIT DE LA LITURGIE
lité de son être. ---------D'autre part les Grecs connaissaient la musique que Platon attribue à Marsyas et que, ------- nous pourrions qualifier de «dionysiaque». À l'inverse de la précédente, elle entraîne l'homme tout entier dans l'ivresse des sens, annihile toute rationalité pour finalement assujettir l'esprit aux sens. ------Aujourd'hui, ------- il est intéressant de constater que l'alternative entre musique «spirituelle» et musique «sensuelle » traverse toute l'histoire de la religion et qu'elle se pose à nous, une fois encore, de façon très concrète. -------L'Esprit Saint, qui conduit au Logos, suscite une musique qui élève le coeur ‑ le « sursum corda» de la liturgie. Loin de la dissolution dans l'ivresse informe ou la pure sensualité, c'est l'intégration de l'homme tout entier dans ce qui l'élève qui forme le critère d'une musique selon le Logos, ------
3. Le Verbe incarné, le Logos------- est le Sens même de la Création, reflété dans l'ordonnance de l'univers, qui nous tire de notre solitude pour nous introduire dans la communion des saints. C'est là que le Seigneur nous met « au large », dans un espace de liberté aux dimensions de la Création tout entière. Cette dimension cosmique de la liturgie chrétienne s'exprime dans la Préface, où le chant du trisagion nous unit aux chérubins, aux séraphins et à l'ensemble des choeurs célestes. Ce chant fait référence au cri de louange des séraphins qu'Isaïe entendit retentir dans le Saint des
==================================
p123 MUSIQUE ET LITURGIE
saints du Temple de Jérusalem: Saint, saint, saint est Yahvé Sabaot. Sa gloire remplit toute la terre (Is 6, 3). C'est dans cette liturgie angélique que nous sommes inclus lors de la célébration de la sainte Messe. Par nos chants et nos prières, nous nous unissons à la grande Liturgie qui embrasse la Création tout entière.