Darras tome 15 p. 419
12. Cette lettre authentique d'Honorius justifie pleinement les paroles de Jonas. On y retrouve « l'esprit sagace, le jugement solide, l'insigne doctrine, la douceur et l'humilité » du pontife. La mansuétude apostolique n'excluait chez lui ni la fermeté ni la décision. Nous en avons une preuve dans l'attitude qu'il eut à prendre vis-à-vis des évêques schismatiques de l'Italie transpadane et de l'Istrie. Une révolution en Lombardie venait de réveiller les espérances des partisans obstinés des Trois-Chapitres, et leur avait fourni une nouvelle occasion d'intrigues. Le jeune roi Adaloald, fils d'Agilulfe et de Théodelinde, mécontenta ses sujets par la hauteur et la brutalité de ses manières. Paul Diacre prétend qu'il fut atteint d'aliénation mentale 3. Peut-être quelques imprudences de jeunesse, facilement exploitées par un parti de malveillants, furent-elles ses seuls torts. Quoi qu'il en soit, les évêques schismatiques de la haute Italie se rangèrent ouvertement contre lui, et entreprirent de le détrôner. Voici en quels termes Honorius écrivit à l'exarque de Ravenne, Isaac, pour flétrir leurs manœuvres : « On nous apprend que les évêques de l'Italie transpadane ont essayé de détacher le gouverneur Pierre de la fidélité qu'il a jurée au roi Adaloald, pour le gagner au parti du
------------------------------
1 Autre lacune dans le manuscrit.
2 Le texte imprimé par Ughelli porte par erreur le mois de janvier; nous le remplaçons d'après Muratori, par celui de juin. (Cf. Annal. d'Itah, ad ann. 627.)
3 Paul. Diac., De gest. Langobard., lib. IV, cap. v.
============================================
p420 pontificat d'honorius i (625-638).
tyran Ariowald. Le gouverneur a noblement refusé son concours à leurs desseins iniques. Il prétend garder inviolable le serment prêté par lui entre les mains d'Agilulfe père d'Adaloald. Autant cette détermination est louable et sainte, autant la conduite des évêques prévaricateurs est exécrable devant Dieu et devant les hommes. Comme ministres de Jésus-Christ, ils avaient le devoir de s'opposer à un attentat dont ils sont devenus les principaux fauteurs. Lors donc qu'avec la grâce de Dieu vous aurez, ainsi que nous en conservons l'espoir, rétabli Adaloald sur son trône, nous vous prions d'envoyer à Rome ces évêques indignes, afin que leur crime ne demeure pas impuni 1. » Muratori, après avoir cité cette lettre si honorable pour le caractère du souverain pontife, ajoute les réflexions suivantes : « Les paroles d'Honorius nous font conjecturer qu'Adaloald n'était nullement fou, et que cette rumeur, accueillie plus tard par Paul Diacre, pouvait avoir été mise en circulation par les ennemis de ce prince. Ariowald, que les conjurés se proposaient de mettre sur le trône, était arien. Il avait de plus à venger la mort de Gondoald, son père, tué par ordre d'Agilulfe. Ces deux circonstances expliquent d'une part son acharnement personnel contre le jeune roi, de l'autre la connivence qu'il rencontrait parmi les Lombards, où l'arianisme était encore très-répandu. » A ces judicieuses observations de Muratori, nous nous permettrons d'ajouter que les évêques schismatiques se montraient fidèles à leurs traditions, en appuyant de leur influence un prétendant arien. La haine contre les pontifes de Rome aveuglait tellement leur esprit, qu'ils préféraient obéir à un ennemi déclaré de la foi chrétienne, plutôt qu'à un souverain catholique, et comme tel dévoué au saint-siége. Le résultat parut d'abord favoriser leurs sacrilèges espérances. L'exarque de Ravenne, Isaac, ne réussit point à rétablir Adaloald sur le trône. Son rival, celui qu'Honorius appelait « le tyran, » Ariowald, se maintint au pouvoir. Mais, en devenant roi, il comprit mieux les devoirs et la responsabilité que ce titre impose. Sans abjurer l'a-
--------------------------
1 Honor., Epist. i; Pair, loi., tom. LXXX, col. 469.
==========================================
p421 CHAP. vu. — honorius et l'italie.
rianisme, il se montra plein de déférence pour l'Église catholique1. Sa réponse à saint Bertulf, que nous avons citée précédemment, en est une première preuve : sa conduite vis-à-vis d'Honorius nous en fournira une autre non moins éclatante.
13. Les schismatiques d'Istrie, poursuivis à la fois par la vigilance d'Honorius et par celle de l'exarque de Ravenne, n'avaient plus de ressources que dans l'appui qu'ils comptaient trouver chez les Lombards. Officiellement l'Istrie relevait encore de la juridiction impériale de Constantinople, mais l'éloignement d'une part, et de l'autre les fréquentes révoltes des exarques contre l'autorité métropolitaine, occupée exclusivement elle-même à combattre les Perses, laissaient trop souvent le champ libre aux manœuvres des schismatiques. Le patriarchat de l'île de Grade étant venu à vaquer, les sectaires réussirent à faire élire un des leurs, Fortunat. Malgré l'hypocrite dissimulation dont le nouveau titulaire usa d'abord, il ne tarda pas à laisser percer son horreur pour le Ve concile général. Quand il se fut démasqué, il rencontra la plus vive opposition de la part du clergé de Grade. Prêtres et fidèles s'unirent contre lui, et réclamèrent l'intervention de l'exarque de Ravenne pour chasser le pasteur mercenaire. Effrayé de cette levée de boucliers, le schismatique n'osa point affronter les périls qui le menaçaient. Il dépouilla la métropole de Grade, les diverses églises paroissiales, les hospices des localités soumises à sa juridiction, de leurs vases sacrés et de tous les trésors qu'elles possédaient. Avec ce butin sacrilège, il quitta précipitamment l'Istrie, et vint se réfugier sur le territoire lombard, au castrum de Gormona, dans le Frioul. L'occasion eût été belle pour Ariowald de
------------------------------
1 Pendant qu'il n'était encore que simple prétendant, un an avant la mort de saint Attale, abbé de Bobbio, Ariowald rencontra à Pavie un religieux de ce monastère, le prêtre Blidulf. Voici, dit-il, un de ces moines de Colomban qui ne daignent pas nous saluer. — Et s'avançant près de Blidulf, il lui donna le premier le salut. — Je vous aurais devancé, répondit le prêtre, si vous ne professiez une doctrine contraire à la foi. — Cette réponse irrita le prince arien, qui donna secrètement l'ordre d'arrêter Blidulf, et le fit cruellement flageller. (Jon., S. Berlulf. Vil.; Patr. lai., tom. LXXXV1I, col. 1065.)
==========================================
p422 pontificat d'honorius I (623-638).
prendre en main la cause d'un schismatique à la fois intrus et voleur. Il s'est rencontré de nos jours des hommes d'état qu'une alliance de ce genre n'eût pas trop effrayés. Malgré son arianisme, le roi lombard croyait que l'honnêteté est la première et la meilleure des politiques. Loin d'encourager par son influence l'apostasie de Fortunat, il mit tout son crédit au service du pape Honorius, pour l'aider à rétablir l'église de Grade dans ses droits indignement violés. Enfin il bannit Fortunat de son territoire.
8. Voici la lettre écrite à ce sujet par Honorius ; elle est aussi honorable pour le roi arien que pour le pape : « Honorius évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à tous les évêques nos frères bien-aimés, constitués dans la Vénétie et l'Istrie. —Le but de cette présente lettre décrétale que nous adressons à votre fraternité est de vous notifier la promotion au siège métropolitain de Grade d'un pasteur légitime, qui prendra la place abandonnée par un nouveau Judas. Le malheureux schismatique avait l'avarice du disciple apostat; il en a renouvelé l'infamie. Le premier Judas a trahi le chef; celui-ci a trahi les membres de l'Église. Le sous-diacre et régionnaire de ce siège romain, Primigenius, a été désigné pour recevoir l'ordination épiscopale et le pallium, avec mission de gouverner désormais l'église de Grade. Votre fraternité disposera tout, selon les règles ecclésiastiques, pour le recevoir, et lui rendre les honneurs et l'obéissance qui lui sont dus, comme à votre nouveau chef. De notre côté, nous envoyons une ambassade au très-excellent roi des Lombards, le suppliant de faire restituer aux églises spoliées les objets laissés par Fortunat, depuis que cet apostat, traître à Dieu et à l'unité, s'est enfui chez les nations barbares. Nous adressons les mêmes recommandations aux patriciens de la très-chrétienne république, afin que les spoliateurs reçoivent partout le même châtiment 1. Donné le XII des calendes de mars,
---------------------------
1 Honor.. Epist. Il; Pair. lat. A propos de l'expression de « république très-chrétienne » employée ici par Honorius, une discussion s'est élevée entre les savants. Les uns, tels que Baronius et Binio, rapportent ce titre à la république de Venise. Les autres, avec Muratori, l'entendent de l'empire romain d'Orient, et nous sommes de leur avis.
===========================================
p423 CHAP. VII. — honorius et l'italie.
l'an XVIII du règne du très-pieux Héraclius I (18 février G28). » La lettre d'Honorius mit fin à ce déplorable scandale. Le roi lombard se prêta à tout ce que demandait le pontife. Primigenius fit asseoir avec lui sur le siège de Grade l'orthodoxie et le dévouement à l'église romaine. Il paraît que son influence ramena à l'unité catholique un certain nombre d'évêques dissidents, et l'on put croire que le schisme allait pour jamais disparaître d'une province où il avait si longtemps régné. L'inscription gravée sur le portique de Saint-Pierre, et dont nous avons déjà donné la traduction, célèbre ce joyeux événement :
Instria testatur possessa hostilibus armis,
Septies et decies schismute pestifero, Esset ut impletum Jeremiœ voce canenlis :
Ultio captivis tam numerosa fuit. Sed bonus autistes, dux plebis, Honorius armis
Reddidii ecclesiis mtmbra révulsa piis.
Une autre inscription, celle même qui fut placée plus tard sur le tombeau d'Honorius, et que nous aurons l'occasion de reproduire en entier, s'exprime d'une façon presque identique. « L'Istrie, dit-elle, fatiguée des horreurs d'un long schisme, revient par ta sagesse à la tradition des pères : »
Histria nam dudum sœvo sub schismate fessa Ad statuta patrum teque monente redit.
A l'époque où les contemporains d'Honorius parlaient ainsi, on put croire en effet que le schisme des Trois-Chapitres était terminé. Mais il devait se réveiller encore, pareil aux feux cachés sous la cendre, qui laissent un long intervalle entre chaque explosion. Ce ne fut qu'en 690, sous le pontificat de Sergius I,
-------------------------
1 Cette date ne se trouve pas dans le texte imprimé par Ughelli et reproduit par la Patrologie. Nous la restituons d'après Muratori (Antiq. ltal., dissert, XVIII), qui l'avait trouvée lui-même dans un manuscrit de la bibliothèque Ambrosienne.
==========================================
p424 pontificat d'onorius i (623-638).
que le
schisme, ainsi que nous le verrons, disparut définitivement de l'Istrie 1.
15. On peut rapporter à cette affaire une lettre d'Honorius aux évêques d'Épire, Jean, André, Etienne et Donatus. Les violences contre lesquelles le pape s'élève avec énergie étaient malheureusement trop fréquentes dans les provinces ravagées par le schisme. Voici l'épître pontificale : « Les envoyés, porteurs de ces présentes, ont sollicité de nous, suivant les formes ecclésiastiques, le pallium en faveur du diacre Hypatius, que vous venez de sacrer évêque de Nicopolis. Avant de rien statuer à cet égard, nous devons vous faire connaître le motif qui nous retient dans l'anxiété la plus vive. Ce motif est tel, que nous n'avons pu nous en ouvrir à vos envoyés. Le dernier titulaire de Nicopolis, Soterius, est mort assassiné. Nous voulons savoir pertinemment si l'attitude du diacre Hypatius a été irréprochable dans cette affaire. Envoyez-le donc le plus promptement possible dans cette ville de Rome, afin que, sur la confession du bienheureux apôtre Pierre, il prête le serment de n'avoir d'aucune manière, par ruse, machination
-------------
1 A ce sujet, nous indiquerons brièvement une erreur dans laquelle sont involontairement tombés jusqu'ici la plupart des écrivains qui se sont occupés d'Honorius. Trompés par les deux inscriptions relatives à son pontificat qui lui attribuent l'honneur d'avoir définitivement terminé le schisme des évêques d'Istrie, ils ont cru devoir rapporter à la même époque une troisième epitaphe, citée par Gruter [Corp. Inscript., tom. 11, p. 11G9, n» fi). En particulier, MM.Loth et Weill, dans la collection, excellente d'ailleurs, intitulée : La cause d'Honorius, documents originaux (in-4°, Paris, Palmé, 1870), n'ont pas su éviter cette méprise. Ils citent comme appartenant à Honorius l'épitaphe commençant par ces mots : Quis mihi tribuat ut fletus cessent immensi, etc. Avant eux, Mgr Gerbet, d'illustre mémoire, dans son beau livre : Esquisse de Rome chrétienne, avait adopté l'opinion générale, et considérant cette inscription comme l'épitaphe du pape Honorius, il en avait cité ces deux vers : « La virginité a vécu avec toi depuis ton berceau; la vérité est demeurée avec toi jusqu'à la fin de la vie. » Les nouveaux Bollandistes, au tom. VIII d'octobre, p. 904-907, publié eu 1853, ont restitué cette epitaphe au prêtre Thomas de Pavie, qui, sous le pontificat de Sergius I, travailla à l'extinction définitive du schisme des Trois-Chapitres. Déjà Oltrocchi, dans son Histoire de l'église de Milan, avait indiqué cette rectification, appuyée sur la découverte du manuscrit célèbre intitulé : Rhythmus synchronus in laudem Cuniberti régis Langobardorum.
==========================================
p425 CHAP. VII. — HONORIUS ET L ITALIE.
expresse ou par consentement même tacite, trempé dans ce crime. Lorsqu'il aura ainsi prouvé son innocence, et écarté de sa personne jusqu'à l'ombre du soupçon, nous pourrons lui accorder les honneurs que vous demandez pour lui. Le malheureux Soterius avait été lui-même faussement soupçonné de quelques fautes, il n'hésita point à venir ici, et à se justifier en prêtant serment sur le tombeau du prince des apôtres 1. »
16. On retrouve toute la vigilance et la fermeté du pontife dans cette autre lettre qu'il adressait au sous-diacre Sergius, defensor de l'église romaine en Afrique. « Il y a quelque temps, dit Honorius, une affaire canonique où se trouvaient impliqués l'archevêque de Cagliari et quelques-uns de ses clercs, fut déférée à notre jugement. Leur présence étant nécessaire à Rome pour l'examen et la discussion de la cause, nous les appelâmes. L'archevêque se rendit aussitôt à notre invitation, mais les clercs, se faisant justice à eux-mêmes, refusèrent de comparaître. Ils furent en conséquence privés de la communion et frappés d'anathème. Le ré-gionnaire du siège apostolique en Sardaigne reçut l'ordre de contraindre ces rebelles à venir purger ici leur contumace. Déjà ils étaient embarqués et le navire allait mettre à la voile, lorsque le gouverneur Théodore, poussé par une perversité infernale, vint les enlever, et les fit transporter violemment en Afrique. Nous écrivîmes aussitôt à notre fils Grégoire, préfet d'Afrique, pour lui dénoncer cet attentat, le priant de réprimer l'insolence du gouverneur de Sardaigne, et de renvoyer immédiatement à Rome les personnes soumises à notre juridiction. Votre expérience 2 devra donc insister sur ce point près de l'éminentissime préfet, lui représentant que l'excommunication et l'anathème qui frappent les rebelles seraient encourus ipso facto par quiconque se ferait leur auxiliaire ou leur complice. Nous adressons à votre expérience un exemplaire des édits de Théodose et de Valentinien, confirmant et renouvelant les privilèges du siège apostolique. Vous les commu-
---------------
21. Honor., Epist. VIII ; Patr, lati., tom. LXXX, col. 478.
2. C'était le titre officiel donné aux défenseurs, dans le style de la chancellerie romaine.
==========================================
p426 PONTIFICAT D’HONORIUS I (625-638).
niquerez non-seulement à l'éminentissime préfet, mais à tous ceux qui seraient tentés d'empiéter sur les prérogatives du saint-siége. Quant à nous, nous avons la confiance que, par la miséricorde du Seigneur notre Dieu, nous ne manquerons jamais à revendiquer les droits et les privilèges du siège apostolique et à les défendre contre toutes les agressions : » Nam de Domini Dei nostri misericordia confidimus, quod jura vel privilégia beati Pétri curabimus expetere, atque immutilata intentions queesita atque impertita defendere 1.
17. Ce langage authentique d'Honorius contraste singulièrement avec les accusations posthumes dont sa mémoire fut l'objet. Mais nous sommes encore loin d'avoir épuisé tout ce que les lettres de ce pontife offrent de remarquable. Saint Yves de Chartres nous a conservé le fragment d'une de ses épîtres à un évêque de Syracuse, nommé Pierre, n'ayant malheureusement d'apostolique que le nom. «Nous sommes informé, dit le pape, que votre fraternité intervient dans des causes criminelles, ce qui est interdit formellement par les saints canons, et ce que les convenances seules suffiraient à vous défendre. On nous apprend aussi une imprudence scandaleuse que vous auriez commise. On prétend qu'à la tête de plus de trois cents femmes, qui vociféraient en pleine rue, vous êtes allé trouver l'éminentissime préfet, lequel était alors au bain, pour réclamer la destitution d'un fonctionnaire. Notre fils, le diacre Cyriaque, est chargé par nous d'une enquête à ce sujet. Nous lui avons remis tout pouvoir, si les faits sont constatés, pour sévir avec toute la rigueur des lois canoniques2. » Une autre lettre du pape au maître des milices, Anatolius, n'est ni moins sévère, ni moins énergique. « Le porteur des présentes, dit Honorius, s'est adressé à nous en pleurant. Il affirme que son frère a été as-
------------------
1 Honorius., Epist. IX ; Patr. lat., tom. LXXX, col. 479. C'est probablement cette affaire qui fournit à Honorius l'occasion de formuler le décret suivant, cité sous son nom dans le Corpus juris canonici : Curœ sil omnibus episcopis excommu-nicatorum omnino nomina iam vicinis episcopis quant suis parochianis pariter in-dicare, eaque in celebri loco posita prœ foribus ecclesiœ cunctis venientibus in-culcare, guatenus in ulraque diligentia excommunicatis ubique ecclesiasticus aditus excludatur, excommunicationis causa omnibus aufera*ur (Grat. XI, Cf. 3).
2. Honor., Epist. S1V; Patr. lat., tom. cit., col. 481.
===========================================
p427 CHAP. VII — honorius et l'italie.
sassiné par un soldat du camp de Salerno, et que le meurtrier s'est emparé de toutes les dépouilles de sa victime. Je n'ai pas besoin de vous rappeler ici le devoir que toutes les lois divines et humaines vous imposent en cette circonstance. De la part de ceux qui ont le pouvoir, la négligence à punir de pareils forfaits serait de la connivence ; ils auraient à en rendre un compte terrible au tribunal du juge suprême. Votre gloire 1 s'empressera donc de livrer le coupable au juge de la province, afin que le procès suive son cours. Il ne faut pas que l'honneur militaire soit compromis par le fait d'un vil meurtrier 2. » En dehors de l'intérêt qu'offrent pour le tableau des mœurs sociales au VIIe siècle les lettres d'Honorius, elles nous montrent l'action déjà souveraine de la papauté à cette époque. En parlant au maître des milices, Honorius ne prie pas, il ordonne : gloria vestra judici provinciœ tradendum ac puniendum justitiae impulsu festinet.
18. On retrouve ce ton d'autorité décisive, avec un accent d'indignation plus marqué encore, dans un autre fragment conservé par Yves de Chartres. Il s'agissait d'un misérable qui avait attenté à l'honneur d'une vierge consacrée à Dieu. « Cet infâme, dit Honorius, continue à braver l'opinion publique dans le pays même où il a commis son crime. Il paraît que de puissantes influences ont empêché jusqu'ici de le poursuivre. Votre dilection s'inspirera en cette circonstance du zèle pour la maison de Dieu. Ne cessez d'insister près de la juridiction compétente, jusqu'à ce que le coupable soit
----------------------------
1 Encore un titre officiel d'honneur. Pour mieux faire comprendre au lecteur la valeur relative de ces expressions cancellaresques, nous croyons devoir en reproduire la liste exacte, dressée d'après les lettres de saint Grégoire le Grand : aux simples abbés, Dilectio; aux abbés prêtres, Sanctitas; aux avocats, Gloria; aux défenseurs, Experientia;aux diacres, Sanctitas etDilectio;aux ducs, Gloria, Magnitudo; aux évêques, Beatitudo, Corona, Dilectio, Fraternitas, Reverendissimus, Sanctitas ; aux exarques, Excellentia; aux empereurs, Clementia, Pietas, Serenitas; aux juges, Eminentia; aux magistrats, Excellentia, Illustris, Magnitudo; aux maîtres de la milice, Gloria; aux notarii, Experientia; au pape, Celsitudo, Corona, Sanctitas; aux préfets, Gloria; aux rois et reines, Excellentia, Gloria, Illustris; aux sous-diacres administrateurs d'un patrimoine ecclésiastique, Experientia; en général, à toute personne constituée en dignité ou d'un rang éminent, Gloria. (Patr.lat., tom. LXXV1I, col. 1586.)
2. Honor., Epist. xv; Pair, lat., tom. LXXX, col. 482.
===========================================
p428 pontificat d'honorius i (625-638).
déféré aux tribunaux dont il relève. Que le procès se poursuive, et s'il intervient une condamnation, qu'elle soit exécutée. Hésiter à punir de tels forfaits, serait attirer sur les peuples la vengeance divine 1. » La suscription de cette lettre n'a point été conservée ; nous ne connaissons donc pas le personnage à qui elle s'adressait. Le titre de dilectio, employé par Honorius, pourrait convenir à l'un des défenseurs de l'église romaine. En faisant appel à leur zèle, le pape savait aussi récompenser leurs services. Nous avons encore deux titres de pensions ecclésiastiques accordées par lui, l'une au sous-diacre Gratiosus, l'autre au notaire Servus-Dei. Voici la formule employée pour Gratiosus : « Les services rendus à l'Église doivent être récompensés en telle sorte que le mérite de chacun trouve sa légitime rémunération, sans que les intérêts ecclésiastiques soient lésés. Nous vous concédons à titre de pension la jouissance, durant vingt-neuf ans, d'une maison, avec jardin et dépendances, située dans cette ville de Rome près des thermes de Dioclétien, à la charge de payer chaque année à la caisse ecclésiastique un solidus d'or seulement, sans qu'on puisse ni vous troubler dans votre possession, ni augmenter la taxe. Les réparations et améliorations seront à vos frais, vous devrez les exécuter comme un bon père de famille le ferait pour un bien patrimonial. A l'expiration des vingt-neuf ans, la maison avec toutes ses dépendances fera de plein droit retour à la sainte église romaine, dont elle est la propriété, sans que ni vous ni vos héritiers puissiez rien réclamer pour les dépenses et améliorations faites dans l'intervalle. Donné le jour des ides de décembre, indiction XIVe (13 décembre 626) 2. »